L’essor rapide des mégafermes en Amérique latine est à l’origine d’un profond conflit socio-environnemental. Ce modèle industriel de production de viande déplace les systèmes alimentaires traditionnels, investit des territoires autochtones et paysans et provoque la perte de biodiversité, la pollution des écosystèmes et la dégradation des sols. En outre, il aggrave les problèmes de santé publique et exacerbe les conflits fonciers, alimentant un cercle vicieux fait d’inégalités et de violence. Depuis 2017, la communauté autochtone maya d’Homún, village mexicain du Yucatán, résiste à l’installation sur son territoire d’une mégaferme porcine établie sans la consultation libre, préalable et éclairée de ses membres, un droit garanti par la convention no 169 de l’OIT, ratifiée par le Mexique en 1990. La ferme, qui appartient à la société Producción Alimentaria Porcícola (PAPO), une filiale de Kekén, leader de la production porcine au Yucatán[1], a suscité des craintes quant à son impact sur l’environnement, la biodiversité et le mode de vie local. Les déchets porcins et d’autres polluants s’infiltrent dans le sous-sol poreux, ce qui met en danger les cénotes, des puits sacrés pour les Mayas et des sources d’eau vitales pour la communauté[2].Des menaces ont été proférées à l’encontre des personnes qui, pour protéger les cénotes d’Homún, exigeaient la fermeture de l’exploitation[3]. Toutefois, en février 2024, sur la base d’expertises démontrant l’existence d’atteintes à l’environnement et aux droits humains, un tribunal fédéral a rendu un jugement sans précédent révoquant le permis environnemental et ordonnant la fermeture de l’installation[4].Cette affaire illustre la résistance des peuples mayas dans la défense de leurs territoires et de leurs droits face à l’agro-industrie de la viande et à son expansion polluante, une lutte à laquelle se sont greffées des communautés comme celles de Sitilpech, Chapab, Kinchil, San Fernando et Celestún, qui s’opposent également à ces mégafermes[5].Les entreprises de viande en Amérique latineLes entreprises de viande latino-américaines se sont concentrées sur la production industrielle de porc, de poulet, de bœuf, de crevettes et de saumon, encourageant l’essor de mégafermes gérées par de grands groupes agroalimentaires. Cette croissance a engendré de graves conflits et une pollution sur les territoires paysans et autochtones, avec de lourdes conséquences environnementales et sociales dans les communautés locales[6].Les gouvernements de la région soutiennent souvent cet essor en mettant en place des politiques et réglementations qui favorisent l’élevage industriel, au détriment de la survie des systèmes paysans traditionnels. Les réglementations de santé et de sécurité sanitaire, auxquelles seules les grandes entreprises sont à même de pouvoir se conformer, excluent les petites productrices et petits producteurs et limitent leur accès au marché[7].Dans ce contexte, les communautés paysannes et autochtones qui dénoncent l’impact négatif de ces opérations subissent menaces, déplacements, criminalisation et violences de la part des entreprises[8]. L’élevage industriel cherche à maximiser la production, sans tenir compte des coûts sociaux, environnementaux ou de bien-être animal, n’ayant d’autre objectif que les profits économiques.Les animaux vivent dans des conditions de surdensité extrême, ce qui constitue un traitement cruel et engendre une énorme quantité de déchets et de pollution. En plus de nuire considérablement à la santé et à la souveraineté alimentaire des communautés riveraines, cette situation met en péril des écosystèmes fragiles. Néanmoins, de nombreuses communautés d’Amérique latine résistent activement, luttant pour mettre fin à ces activités préjudiciables sur leurs territoires et défendre leur droit à un environnement sain et à une vie digne.Tableau 1 : Principales entreprises de viande présentes en Amérique latineEntreprisePaysPrincipaux investisseursJBSBrésilBNDES Participações S.A.REAG Gestora de Recursos Ltda.Capital Research & Management Co.BB Gestão de Recursos DTVM S.A.BRFBrésilPolunin Capital Partners Ltd.Macquarie Group LimitedThe Goldman Sachs Group, Inc.Renaissance Technologies LLCBlackRock, Inc.Tyson FoodsÉtats-UnisThe Vanguard Group, Inc.BlackRock, Inc.T. Rowe Price Associates, Inc.State Street CorporationWellington Management Group LLPSmithfield FoodsChineWH GroupMinerva SABrésilSaudi Agricultural & Livestock Investment Company (SALIC)Vilela de Queiroz FamilyT. Rowe Price Associates, Inc.Compass Group LLC ou PLCHormel Foods CorporationÉtats-UnisThe Vanguard Group, Inc.BlackRock, Inc.State Street CorporationGeode Capital Management, LLCCONAGRAÉtats-UnisThe Vanguard Group, Inc.BlackRock, Inc.T. Rowe Price Associates, Inc. State Street CorporationAmerican Century Companies, Inc.Source : sites web des entreprises, investisseurs et marchés financiers.Créé par GRAIN.La production mondiale de viandeCes 20 dernières années, la production et la consommation mondiales de viande ont augmenté de 53 %, le poulet, le porc et le bœuf représentant près de 90 % du total[9]. Généralement, ces animaux sont élevés suivant des méthodes industrielles gérées par de grandes entreprises. Il en résulte une forte concentration de la production, de la transformation et de la commercialisation de la viande. Un petit groupe d’entreprises contrôle l’essentiel du marché, ce qui soulève la question de la durabilité, du bien-être animal, et de l’impact environnemental et social de ces méthodes, en particulier dans les régions riches en biodiversité, où l’expansion de l’industrie de la viande menace les écosystèmes locaux. La production industrielle de viande se concentre dans une poignée de pays. La Chine, le Brésil et les États-Unis produisent près de 42 % de la viande de poulet consommée dans le monde. Concernant la viande porcine, la Chine, les États-Unis et l’Espagne contrôlent environ 60 % de la production. Pour le bœuf, la situation est similaire, avec environ 40 % de la production totale mondiale de viande fournis par la Chine, les États-Unis et le Brésil[10].Les transnationales de la viande ont profité de la mondialisation néolibérale pour transférer leurs activités vers des pays plus pauvres, où les coûts de production sont bien moindres, maximisant ainsi leurs marges bénéficiaires. C’est notamment le cas de Smithfield Foods, le premier producteur mondial de porc, propriété du conglomérat chinois WH Group, qui a installé des fermes au Mexique et en Europe de l’Est afin de réduire ses coûts. De même, Tyson Foods, leader de l’industrie avicole, a augmenté sa production de poulet en Chine et renforcé sa présence en Inde, en Argentine et au Brésil, profitant de conditions de travail plus flexibles et de coûts inférieurs[11].Si ces entreprises sont rentables, c’est également grâce aux subventions et aux mesures protectionnistes accordées par les gouvernements des pays du Nord. Par exemple, les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Espagne et le Danemark peuvent, à travers des subventions de plusieurs millions, maintenir les prix artificiellement bas sur le marché mondial, ce qui fausse la concurrence et avantage les grandes entreprises. Ces subventions non seulement encouragent la surproduction de viande, mais déplacent également des petites productrices et petits producteurs locaux dans de nombreuses régions des pays du Sud[12].De même, une grande partie de cette industrie repose sur l’exploitation d’une main-d’œuvre migrante, issue principalement des pays du Sud, qui est soumise à des conditions de travail précaires dans les usines de transformation des États-Unis et d’Europe. Ce modèle de production engendre un cercle vicieux d’exploitation dans lequel les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables supportent les conditions les plus difficiles alors que les entreprises réalisent d’énormes profits. Par ailleurs, l’élevage industriel a connu une progression importante en Amérique latine, principalement en raison de l’augmentation de la demande mondiale, notamment dans des pays comme la Chine. De nouvelles entreprises des pays du Sud sont ainsi devenues des acteurs clés de l’industrie de la viande. L’entreprise brésilienne JBS, qui a atteint le statut de premier producteur mondial de viande, en est un excellent exemple[13].Poussées par cette croissance, les multinationales ont étendu leurs activités dans la région, en exploitant ses abondantes ressources naturelles et de ses faibles coûts de production. L’élevage industriel en Amérique latine répond non seulement à la demande asiatique, mais également à la hausse de la consommation mondiale. Preuve en est de l’intégration croissante de la région dans les chaînes mondiales de production alimentaire, un phénomène qui a des conséquences socio-économiques et écologiques importantes.Une autre entreprise brésilienne peut être citée en exemple : la transnationale BRF, qui est aujourd’hui l’une des plus grandes entreprises mondiales d’élevage intensif de porcs et de volailles. En adoptant des stratégies d’expansion à l’international, ces entreprises veulent rivaliser avec leurs homologues du Nord, grâce à des subventions publiques, à des fonds d’investissement et à des prêts contractés auprès de banques publiques de développement. Parallèlement, sous l’effet de l’intensification des systèmes d’élevage, l’aquaculture a triplé sa production mondiale au cours des 20 dernières années, en particulier celle du saumon, de la crevette et du tilapia. Cette performance a été obtenue grâce à l’utilisation d’aliments spécifiques pour accélérer la croissance des animaux, ainsi que d’antibiotiques et de produits chimiques pour lutter contre les maladies. Néanmoins, ces méthodes ont suscité de graves préoccupations environnementales et de santé publique, notamment du point de vue de la résistance bactérienne, de la pollution des écosystèmes aquatiques, et de l’eutrophisation due aux déchets organiques et aux aliments non consommés[14]. En Amérique latine, la production industrielle d’espèces aquatiques est concentrée au Chili, en Équateur et au Brésil, hissant la région au deuxième rang de la production mondiale, après l’Asie. Cette expansion a aussi été décriée pour ses conséquences sociales et environnementales, particulièrement dans les communautés locales qui assistent à la perturbation de leurs moyens de subsistance traditionnels.Au Chili par exemple, l’industrie du saumon a été montrée du doigt pour ses graves impacts environnementaux, dus avant tout à la pollution de l’eau découlant de l’usage excessif de produits chimiques et d’antibiotiques, mais aussi au déversement de millions de saumons morts dans la mer[15]. Ces pratiques ont affecté directement des milliers de personnes pratiquant la pêche artisanale, dont les possibilités de pêche ont été réduites à proximité des élevages piscicoles. Outre ces problèmes écologiques, l’industrie a été accusée de désinformation ainsi que d’acquisition illégale de territoires maritimes appartenant aux communautés autochtones, ce qui a engendré de graves conflits avec les personnes qui dépendent de la pêche et de l’agriculture pour vivre[16]. En Équateur, l’industrie de la crevette a détruit environ 70 % des mangroves[17], des écosystèmes essentiels à la biodiversité et à l’élevage des espèces aquatiques, qui en outre agissent comme des barrières naturelles contre les tempêtes et réduisent l’érosion côtière. Leur conversion en élevages de crevettes a fait disparaître ces habitats, en modifiant les schémas de sédimentation et d’écoulement de l’eau nécessaires à leur régénération, ce qui a de graves répercussions sur la disponibilité des aliments pour les quelque 100 000 familles qui dépendent de la pêche artisanale et de la récolte de coques et de crabes. Par ailleurs, fait aggravant, la pollution de l’eau engendrée par les déchets chimiques et organiques de ces élevages porte atteinte aux écosystèmes aquatiques et compromet la capacité de la mangrove à maintenir la biodiversité, ce qui a un impact sur les services écosystémiques essentiels comme le captage du carbone et aggrave les effets du changement climatique dans la région.Récemment, l’expansion de l’aquaculture sur les « hautes terres » a détérioré la capacité agricole de la côte équatorienne, en provoquant une salinisation des sols et des aquifères[18]. Des milliers de familles paysannes sont confrontées à la perte de leurs terres et de leur accès illimité à l’eau douce, ce qui aggrave l’insécurité alimentaire et attise les tensions autour des ressources en eau dans les zones rurales.Impact de l’élevage industriel sur la santé et l’environnement des populations paysannes et autochtonesL’élevage industriel a de fortes répercussions sur la santé humaine, principalement en raison de la haute densité d’animaux dans des espaces restreints, ce qui facilite la propagation des maladies entre animaux mais aussi aux humains, dans les cas de zoonose. Cette pratique augmente le risque d’épidémies, car les virus peuvent muter et se transmettre aux humains.L’émergence de virus apparus en premier lieu chez les animaux d’élevage industriel avant d’être transmis à des personnes en est un exemple patent. Des maladies telles que la grippe aviaire (H5N1) et la grippe porcine (H1N1), qui trouvent vraisemblablement leur origine dans les mégafermes, ont tué des millions de volailles et de porcs ainsi que des milliers de personnes. Lors de l’épidémie de grippe porcine de 2009 à La Gloria, au Mexique, Granjas Carroll, une exploitation d’élevage intensif de porcs, a été identifiée comme le foyer probable de l’infection[19].De même, lors de la dernière grande épidémie de grippe aviaire en Amérique latine, plus de la moitié des infections ont été détectées dans des élevages industriels[20], où le risque de transmission à l’homme est plus important. Les personnes travaillant dans ces élevages sont les premières concernées : en contact permanent avec les animaux et leurs déjections, elles sont les plus exposées au risque d’infection.Au Brésil, la transnationale BRF, l’une des plus grandes entreprises agroalimentaires au monde spécialisée dans l’élevage industriel de porcs et de volailles, a récemment été impliquée dans plusieurs scandales de corruption et de falsification d’analyses de laboratoire afin de dissimuler la contamination de lots de viande par des salmonelles[21]. Cet exemple illustre comment ces entreprises peuvent faire passer leurs propres intérêts avant les risques qu’elles font peser sur la santé publique.Un autre facteur de risque pour la santé est lié à l’usage massif d’antibiotiques dans l’élevage industriel, comme nous l’avons vu précédemment. Au Chili, l’industrie du saumon a recours à 3 600 fois plus d’antibiotiques que ceux utilisés en santé humaine[22], ce qui peut contribuer au développement d’une résistance à ces médicaments chez les communautés locales et les personnes consommant ces produits.La pollution générée par ces fermes affecte négativement les bassins versants, les sols et l’air, ce qui a été dénoncé par les populations locales dans plusieurs pays, notamment en Équateur, au Mexique, au Brésil et en Argentine. Les communautés paysannes et autochtones, comme les Tsáchilas en Équateur et les Mayas au Mexique, sont déplacées de leurs territoires en raison des pratiques des producteurs industriels de viande.La concentration du marché de la viande entre les mains de quelques entreprises en Amérique latine limite la concurrence pour les petites productrices et petits producteurs, qui doivent faire face aux prix artificiellement bas imposés par ces entreprises. En parallèle, les coûts pour la population paysanne ne cessent d’augmenter, avec peu d’aide gouvernementale.En outre, avec une hausse prévue de 76 % d’ici à 2050[23], la consommation mondiale de viande est en plein essor. Cette tendance a de lourdes conséquences sur l’environnement, puisque l’élevage est responsable d’une grande partie de la déforestation mondiale et qu’il est responsable de près de 12 % des émissions de gaz à effet de serre[24].Même si c’est dans les pays du Nord que la consommation de viande est la plus élevée, elle est en forte progression en Chine, au Brésil et en Inde. Ce phénomène est lié à l’accroissement de la population urbaine et à l’industrialisation grandissante de ces pays, ce qui incite les classes moyennes émergentes à consommer davantage de viande. En conséquence, les États ont tendance à être plus laxistes en ce qui concerne les réglementations et à soutenir davantage la production de viande industrielle[25].Dans les pays du Sud, la hausse de la consommation de viande, notamment de bœuf, est perçue comme un accès à des « produits de luxe », s’inscrivant dans un mode de vie associé aux pays du Nord. Il en résulte un produit destiné à un nombre limité de classes sociales, qui consomment ces viandes sans connaître leur mode de production ni les effets que cela implique sur les communautés paysannes et autochtones. Conflits, violences et pressions générés par l’élevage industriel en Amérique latineEn Amérique latine, l’élevage industriel suit un schéma global caractérisé par la concentration du pouvoir entre les mains de quelques entreprises multinationales. Poussées par la demande croissante de produits carnés et par la recherche du profit, ces multinationales étendent leurs activités dans la région, en profitant de la faiblesse des réglementations et de la vulnérabilité des communautés locales. Les répercussions environnementales, sociales et économiques de ce modèle affectent tout particulièrement les populations paysannes.L’élevage industriel de porcs et de volailles est à l’origine de nombreux conflits dans les territoires paysans et autochtones. Au Mexique, de grandes entreprises comme Kuo et Granjas Carroll (Smithfield Foods)[26] ont été accusées de se livrer à des pratiques ayant de graves répercussions sociales et environnementales. Ces entreprises, avec la complicité de l’État, font pression sur les communautés locales. Ainsi, à Homún, au Yucatán, les autorités ont tenté de fermer les cénotes écotouristiques de familles mayas qui s’opposaient à leurs activités, ce qui a entraîné la criminalisation de certains dirigeant·es communautaires[27], comme nous l’avons mentionné en début de document.En Équateur, les communautés autochtones tsáchilas de Santo Domingo dénoncent depuis plus de 20 ans la contamination de leurs rivières par Pronaca[28], l’un des principaux producteurs de viande de porc et de poulet du pays. L’entreprise, d’origine équatorienne et guatémaltèque, s’est établie sur le territoire des Tsáchilas sans consultation préalable[29], enfreignant ainsi les droits collectifs. Son installation a entraîné la pollution de l’eau et du sol, nuisant lourdement à l’agriculture locale et à la santé des familles et communautés tsáchilas.En Bolivie, les communautés paysannes et autochtones de Toco exigent la fermeture d’une ferme porcine qui pollue les eaux et nuit à l’agriculture, base de l’économie régionale[30]. Malgré les plaintes, les autorités n’ont imposé aucune sanction à l’entreprise, ce qui démontre l’influence que cette dernière exerce sur les différents niveaux de gouvernement.Au Salvador, en juillet 2024, les communautés paysannes de Suchitoto ont demandé l’interdiction des fermes industrielles avicoles en invoquant la pollution et la concurrence déloyale qu’elles représentent pour les petites éleveuses et petits éleveurs locaux, qui ne peuvent s’aligner sur les prix des producteurs industriels de viande[31].Au Chili, la population de Freirina, dans la région d’Atacama, s’est opposée à Agrosuper, l’une des plus grandes entreprises agroalimentaires du pays. En 2012, cette dernière avait implanté à Freirina l’une des plus grosses fermes industrielles porcines[32] d’Amérique du Sud[33]. Les odeurs nauséabondes et la pollution émanant de l’usine ont vite posé problème, en affectant la vie quotidienne des habitant·es qui ont commencé à souffrir de problèmes de santé et ont dû maintenir leurs habitations fermées pour éviter l’invasion des mouches. La mobilisation de la communauté a permis d’obtenir la fermeture du site, suite à laquelle les autorités environnementales chiliennes ont instauré la première norme nationale sur les nuisances olfactives afin de réglementer la pollution des installations porcines[34].En Argentine, les épidémies de grippe aviaire ont contraint l’industrie avicole à abattre des centaines de milliers de poulets[35]. Ces épidémies sont liées aux conditions de surdensité au sein des fermes industrielles, et elles ont également affecté les petites éleveuses et petits éleveurs locaux en raison de la proximité entre ces fermes et leurs exploitations.Par ailleurs, le plus gros producteur de viande bovine au monde, le brésilien JBS, a été accusé de contribuer à l’expulsion de milliers de paysannes et paysans et d’autochtones, qui ont abandonné leurs territoires en raison de la crainte et des menaces imposées par des usurpateurs et des éleveurs de bétail[36] qui s’emparent illégalement des terres communales et des zones de conservation dans l’État du Rondônia. L’entreprise a en outre été accusée d’acheter de la viande à des producteurs ayant recours au travail forcé[37].Observations finalesL’essor de la production industrielle de viande en Amérique latine a déclenché une grave crise socio-environnementale. Ce modèle, en remplaçant les systèmes alimentaires traditionnels et en déplaçant les communautés autochtones et paysannes, a conduit à la perte de biodiversité, à la pollution des écosystèmes et à la dégradation des sols. Les mégafermes, qui se caractérisent par l’usage intensif de produits agrochimiques et d’antibiotiques, polluent les sources d’eau et nuisent à la santé des populations locales. Les conflits fonciers, de plus en plus violents, se multiplient, criminalisant celles et ceux qui défendent leurs territoires. Cette crise a aggravé les inégalités sociales et engendré une urgence sanitaire et environnementale, particulièrement dans les pays du Sud, où les communautés les plus vulnérables sont les plus touchées, en perdant leurs moyens de subsistance et leur identité culturelle.Le soutien des pouvoirs publics à ces industries perpétue un modèle de production non durable et injuste. Les politiques publiques favorisent les grandes entreprises, tandis que les réglementations environnementales sont insuffisantes ou mal appliquées. Malgré les menaces et la violence qu’elles subissent, les communautés concernées résistent avec force. Ainsi, la communauté maya d’Homún, au Mexique, est parvenue à stopper l’agrandissement d’une mégaferme sur son territoire, ce qui démontre l’importance de consolider les droits en lien avec la consultation préalable et de promouvoir une agriculture locale durable.La demande croissante de viande au niveau mondial, majoritairement dans les pays de l’hémisphère nord, a intensifié l’élevage industriel en Amérique latine, contribuant à la déforestation et au changement climatique. Les petites productrices et petits producteurs locaux sont les premières victimes de cette situation, qui aggrave la crise environnementale à l’échelle planétaire. Pour y faire face, les communautés paysannes et autochtones exigent la fin de l’expansion des fermes industrielles et des subventions accordées à l’industrie de la viande, en réclamant le respect de leurs droits collectifs et la mise en place de politiques renforçant la souveraineté alimentaire.L’alternative proposée par ces communautés est un élevage paysan à petite échelle. Ce modèle, plus sain et plus durable, ne pourra perdurer que si les petites productrices et petits producteurs sont soutenus par des politiques publiques qui garantissent l’accès à la terre, à l’eau potable, au crédit et aux marchés locaux. Cela suppose en outre une réforme de la loi afin de protéger ces productrices et producteurs, éviter leur criminalisation et promouvoir un environnement réglementaire favorable. Grâce à des incitations gouvernementales, à la technologie et à la reconnaissance de leurs droits, il est possible de consolider cette alternative en tant que modèle durable qui renforce la sécurité alimentaire et le développement rural.Autres ressources sur le même thème : Declaración de Quito frente al extractivismo de la producción industrial de animales¡Ni una fábrica de cerdos más! Defendamos el agua y el territorio ante la expansión de las mega fábricas de cerdos en AméricaLos bancos públicos de desarrollo reunidos en Cartagena no pueden maquillar de verde su apoyo a la agricultura destructivaPhoto: Farm Watch - Flickr [1] El Economista, « Anulan autorización ambiental de megagranja porcícola en Yucatán », 2024. https://www.eleconomista.com.mx/estados/Anulan-autorizacion-ambiental-de-megagranja-porcicola-en-Yucatan-20240215-0096.html[2] Fanny Miranda, « Juez determina mantener cerrada mega granja de cerdos en Homún, Yucatán », 2022. https://www.milenio.com/politica/yucatan-determinan-mantener-cerrada-mega-granja-cerdos-homun[3] Arturo Contreras, « Las amenazas no detendrán la defensa de los cenotes en Homún, advierte comunidad », 2022. https://piedepagina.mx/las-amenazas-no-detendran-la-defensa-de-los-cenotes-en-homun-advierte-comunidad/[4] Op. cit., note 2.[5] Karen Hudlet, « Agroextractivismo, cambio climático y resistencia del pueblo maya en la Península de Yucatán », 2022. https://revistacomun.com/blog/agroextractivismo-cambio-climatico-y-resistencia-del-pueblo-maya-en-la-peninsula-de-yucatan/[6] Acción Ecológica, « El monopolio de la industria de la carne y la crianza intensiva en el Ecuador y en la región latinoamericana », 2022. https://www.biodiversidadla.org/Documentos/El-monopolio-de-la-industria-de-la-carne-y-la-crianza-intensiva-en-el-Ecuador-y-en-la-region-latinoamericana[7] Elizabeth Bravo, « Normas sanitarias, inocuidad alimentaria y producción campesina », 2018. https://grain.org/e/5890 [8] Karen Hudlet, « ¡Ni una fábrica de cerdos más! Defendamos el agua y el territorio ante la expansión de las mega fábricas de cerdos en América », 2023. https://www.biodiversidadla.org/Documentos/!Ni-una-fabrica-de-cerdos-mas!-Defendamos-el-agua-y-el-territorio-ante-la-expansion-de-las-mega-fabricas-de-cerdos-en-America[9] FAO, « World Food and Agriculture – Statistical Yearbook », 2023. https://openknowledge.fao.org/handle/20.500.14283/cc8166en (en anglais)[10] Ibid.[11] GRAIN, « La enorme industria de la carne crece por el Sur », 2011. https://grain.org/e/4092[12] Björn Ólafsson, « Qué son los subsidios agrícolas y por qué son importantes », 2023. https://sentientmedia.org/es/que-son-los-subsidios-agricolas-y-por-que-son-importantes-explicado/[13] OCDE-FAO, « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2021–2030 ». https://www.oecd.org/fr/publications/perspectives-agricoles-de-l-ocde-et-de-la-fao-2021-2030_e32fb104-fr.html[14] Carballeira Braña, C. B., Cerbule, K., Senff, P., et Stolz, I. K. (2021). 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