Techno-féodalisme : terme popularisé par Cédric Durand dans le monde francophone avec son ouvrage Techno-féodalisme, et par Yanis Varoufakis dans le monde anglophone. Son livre Techno Feudalism : What Killed Capitalism fait état d’une société dominée par la technologie et l'économie de rente, une situation qui n’est pas sans rappeler le féodalisme préexistant au capitalisme.Toutes les plus grandes entreprises technologiques ont engagé des initiatives dans le domaine de l'agriculture au cours des dernières années. Mais, parmi ces « géants de la tech », Microsoft est sans doute celui qui s'est le plus investi dans ce secteur. L'entreprise affirme que son ambition est de cartographier et de recueillir des données sur toutes les exploitations agricoles du monde et de les intégrer à ses plateformes numériques. Et par « toutes », Microsoft entend non seulement les grandes exploitations industrielles, mais aussi la totalité des 500 millions de petites exploitations de la planète.« Nous voulons que les technologies que nous développons soient mises à la disposition des petit·es exploitant·es agricoles partout dans le monde », explique Ranveer Chandra, directeur technologique de la division agroalimentaire de Microsoft[1].Si Microsoft dit vrai, il lui faudra sans aucun doute se focaliser sur l'Inde et la Chine, qui concentrent près des deux tiers des petites exploitations agricoles du monde.C'est déjà le cas, du moins en ce qui concerne l'Inde, et Microsoft n'est pas la seule entreprise technologique à s'intéresser aux petites exploitations agricoles du pays. En Chine, les tensions géopolitiques avec les États-Unis concernant les nouvelles technologies empêchent Microsoft et d'autres entreprises étasuniennes de s'implanter. Mais certaines entreprises technologiques chinoises y poursuivent des objectifs similaires.L'expansion rapide de la présence de ces géants de la tech dans l'agriculture suscite de nombreuses inquiétudes chez les petits agriculteurs et agricultrices, non seulement en Inde et en Chine, mais dans le monde entier.Des micro-serfs en IndeLe secteur indien de l'agritech est en plein essor. Dans le pays, le nombre de start-ups de l'agritech a connu une croissance exponentielle, passant de 450 en 2019 à 6 224 en 2023, et la création de nouvelles apps destinées à fournir aux exploitant·es des conseils sur la gestion des cultures ou des outils de marketing en ligne fait l’objet d’une concurrence acharnée[2]. Mais ces startups ne sont pas des concurrents pour Microsoft. Ce sont les composantes de base de son « cloud », dans lequel l’entreprise rassemble et stocke toutes les données collectées, puis les convertit, grâce à l'intelligence artificielle, en produits numériques qu'elle peut vendre.En Inde, Microsoft offre aux start-ups de l'agritech une assistance et un accès gratuits à son cloud de données agricoles, « Azure Data Manager for Agriculture » (ADMA)[3]. Les start-ups peuvent utiliser la plateforme et sa vaste quantité de données pour élaborer leurs modèles et, en échange, elles génèrent des données plus approfondies et plus sophistiquées destinées au cloud de Microsoft.Prenons l'exemple du partenariat conclu en 2016 entre Microsoft et l'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) dans l'État de l'Andhra Pradesh[4]. Ils ont créé conjointement une application qui conseille les agriculteurs et agricultrices sur tous les sujets : quand et quoi planter et récolter, quels engrais appliquer et comment réaliser leurs récoltes. L'application est hébergée sur le cloud de Microsoft et alimentée par ses outils d'IA, tandis que les données qu'elle utilise sont recueillies par des capteurs installés par des « conseils consultatifs villageois » mis en place par l'ICRISAT pour fournir un flux constant d'informations sur la santé des sols des exploitations, la probabilité d'attaques de ravageurs et les prévisions météorologiques pour la semaine. Toutes ces données sont aspirées dans le cloud de Microsoft et regroupées avec d'autres sources de données.En avril 2021, Microsoft s'est lancée dans un exercice de collecte de données encore plus approfondi, cette fois avec le gouvernement central indien[5]. Les deux parties ont convenu d'utiliser les services cloud de Microsoft pour la construction d'une base de données numérique gigantesque, connue sous le nom d'Agri Stack, qui contient des informations détaillées sur chaque agriculteur ou agricultrice recevant des prestations du gouvernement, allant de ses titres fonciers à ses antécédents médicaux. Elles ont également accepté, avec le partenaire local de Microsoft, CropData, de mener un projet pilote dans 100 villages, dans le cadre duquel les entreprises vont regrouper ces informations personnelles sur les exploitant·es avec des données agricoles afin d’offrir des produits et des services personnalisés. Les opposants affirment que Microsoft aura accès aux registres fonciers et à d'autres informations détaillées d'au moins 50 millions d'agriculteurs et agricultrices dans le cadre de ce projet !Mais Microsoft ne créera pas de produits à partir de ces données pour les vendre directement aux exploitant·es indien·nes.« Microsoft n'est pas une entreprise agricole, nous ne vendons donc rien aux exploitant·es », explique Ranveer Chandra. « Nous fournissons les outils qui peuvent servir de base à l'élaboration de solutions pour les agriculteurs et agricultrices. Nos partenaires sont nos client·es. »En d'autres termes, Microsoft utilisera son vaste accès aux données et ses puissants outils d'IA pour créer des produits et services paysans destinés aux entreprises qui, elles, s’enrichissent directement sur le dos des agriculteurs et agricultrices.« Certaines entreprises fournissent des équipements et des moyens aux agriculteurs et agricultrices. Nous travaillons avec la plupart des parties prenantes, notamment la société de produits phytosanitaires génériques et de semences United Phosphorus Ltd et le conglomérat d'ingénierie Escorts, pour créer de meilleurs modèles basés sur l'IA pour l'agriculture », explique Anant Maheshwari, président de Microsoft Inde[6].Actuellement, le partenaire/client le plus important de Microsoft est Bayer, la plus grande entreprise de semences et de pesticides au monde, qui s'est fixé pour objectif que 100 % de ses ventes soient réalisées en ligne d'ici 2030. Les deux entreprises travaillent ensemble depuis 2021 et ont intensifié leur collaboration en 2023 avec un partenariat officiel intégrant plus étroitement la plateforme numérique de Bayer (AgPowered Services) avec Azure Data Manager for Agriculture de Microsoft. Les deux entreprises indiquent qu'elles cibleront les entreprises agroalimentaires et les distributeurs qui peuvent utiliser l'analyse des données agricoles pour obtenir plus d'informations sur les exploitations agricoles auprès desquelles ils s'approvisionnent[7].Peu après l'annonce de son partenariat avec Microsoft, Bayer a signé un accord avec le géant étasunien du négoce de matières premières Cargill pour réunir leurs plateformes numériques en Inde dans une nouvelle application appelée Digital Saathi. Les deux entreprises peuvent désormais travailler ensemble, via les services cloud de Microsoft, afin d'influencer les décisions des exploitant·es en ce qui concerne les semences, les intrants à utiliser ou la manière de vendre leurs récoltes[8].Parmi les partenaires/clients en aval intéressés par les données agricoles indiennes de Microsoft figure la plus grande zone franche des Émirats arabes unis, le Dubai Multi Commodities Centre (DMCC)[9]. Dans le cadre du vaste corridor de sécurité alimentaire de 7 milliards de dollars, conclu en février 2022 par l'Inde et les Émirats arabes unis, le DMCC et le partenaire local de Microsoft, CropData, ont mis en place Agriota, une plateforme numérique hébergée sur le cloud de Microsoft. Cette plateforme permet aux entreprises agroalimentaires des Émirats arabes unis de s'approvisionner directement auprès des exploitant·es indien·nes, sans passer par les acheteurs et les marchés indiens. Elle regroupe également les agriculteurs et agricultrices indien·nes pour leur faciliter l'accès au crédit et aux intrants, et ainsi faciliter l'approvisionnement des entreprises émiraties.Dans ces deux cas, il est évident que le monopole que Microsoft est en train d'acquérir rapidement en Inde sur les données agricoles lui permettra, ainsi qu'à ses entreprises clientes, d'exercer un contrôle croissant sur les petits exploitant·es du pays : il déterminera leur accès au crédit et aux prestations gouvernementales, leurs choix en matière de production agricole et ce qu'il adviendra de leurs récoltes. Le seul semblant de concurrence pour Microsoft dans ce secteur émane d'autres grands fournisseurs de services cloud, comme Amazon, qui poursuit sa propre stratégie en Inde. (Voir encadré : Supermarchés, super monopoles)Tableau 1. Quelques-uns des principaux partenaires de Microsoft dans le secteur agricole indienPartenaires (début du partenariat)Activité avec MicrosoftInstitut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (2016)L'application envoie des conseils aux exploitant·es en langue locale par SMS sur le moment idéal pour semer leurs cultures[10].United Phosphorous Ltd (2017)L'application « Pest Risk Prediction » utilise l'IA et l'apprentissage automatique pour avertir les exploitant·es des risques d'attaques de ravageurs[11].Gouvernement du Karnataka (2017)Modèle de prévision des prix des produits agricoles pour la Commission des prix agricoles du Karnataka (KAPC) visant à améliorer les prévisions de prix pour les exploitant·es[12].Escorts Kubota Limited (2018)Tracteur autonome permettant de semer, de labourer et d'appliquer des pesticides et des engrais[13].Ministère indien de l'agriculture et du bien-être des agriculteurs (2021)Agri Stack, un service unifié du gouvernement central, destiné aux agriculteurs et agricultrices, rassemblera les données personnelles de 50 millions d'exploitant·es et leur fournira une interface numérique pour accéder aux services de vulgarisation, au crédit, aux intrants agricoles et aux marchés[14].CropData et DMCC des EAU (2020)Application « Agriota » de mise en relation des exploitant·es et des grossistes émiratis via une plateforme de marché en ligne[15].Gouvernement de l'Inde, AI4Bharat et OpenNyAI (2023)Jugalbandi, un chatbot basé sur l'IA, , destiné à aider les exploitant·es à accéder à l'aide gouvernementale sur leurs appareils mobiles[16].Les macro-fermes de Syngenta en ChineIl est intéressant de remarquer que Microsoft ne poursuit pas la même stratégie en Chine, où les tensions avec les États-Unis sur les données et la technologie sont vives. Il en va de même pour les géants chinois de la technologie en Inde. Les entreprises chinoises se focalisent donc sur les exploitations agricoles dans leur pays d'origine, qui se comptent en centaines de millions.Comme en Inde, le nombre de start-ups d'agritech en Chine a considérablement augmenté au fil des ans, passant de 1 208 en 2017 à plus de 5 000 en 2023[17]. Ces entreprises sont soutenues par des sociétés nationales de capital-risque et par l'État, qui a non seulement investi massivement dans la 5G et d'autres infrastructures, mais qui fournit également d'importantes subventions pour les investissements dans l'agri-tech. Mais là encore, comme en Inde, certains acteurs plus importants se sont déjà taillé une position dominante. C’est notamment le cas de l'entreprise chinoise de pesticides et de semences Syngenta, qui est désormais une filiale à 100 % de l'entreprise publique Sinochem.Syngenta a lancé sa plateforme numérique, la Modern Agriculture Platform (MAP), en 2017. Bien que le paysage agricole chinois soit dominé par de petites exploitations de moins d'un hectare, la MAP est axée sur les exploitations céréalières d'une taille moyenne de 40 hectares et les vergers d'environ quatre à cinq hectares[18].Les exploitant·es qui adhèrent à la plateforme MAP téléchargent d'abord une application (Smart AGR) puis, une fois que l'entreprise a collecté des échantillons de sol, installent des capteurs numériques sur leurs exploitations, qui, via la télédétection par satellite, fournissent un flux continu d'informations sur l'exploitation à Syngenta. Grâce à l’application de messagerie instantanée WeChat, les exploitant·es peuvent échanger avec les 3 000 agronomes travaillant pour l'entreprise dans tout le pays, qui les conseillent sur ce qu'il faut planter et sur la manière de le faire. Ces conseils sont gratuits, mais en adhérant à la plateforme MAP, les exploitant·es s’engagent formellement à acheter leurs semences, engrais et pesticides auprès de Syngenta et Sinochem.MAP conseille également les exploitant·es en matière d’assurance et d’accès au crédit, et les met directement en contact, par l'intermédiaire de son application, avec des sociétés financières partenaires de Syngenta, telles que la People's Insurance Company of China et l'Agricultural Bank of China[19]. Une fois les récoltes réalisées, l'application dirige les exploitant·es vers les entreprises partenaires de MAP en aval pour l’achat des céréales et des fruits, comme les grandes entreprises céréalières d'État telles que COFCO et Sinograin ou les géants du commerce électronique tels qu'Alibaba et JD.com. Elle offre également à ces entreprises des données sur les exploitant·es participants grâce à son système de traçabilité MAP beSide et à l'application Panda Guide, qui présente des denrées agricoles haut de gamme produites dans des exploitations membres de MAP[20].Grâce à la plateforme MAP, Syngenta et son propriétaire, Sinochem, poursuivent effectivement la même stratégie que Bayer. Elles ne se contentent plus de produire des intrants agricoles (semences, pesticides et engrais) mais proposent désormais des services couvrant l’ensemble de la chaîne alimentaire, de l'exploitation agricole jusqu'au rayon du supermarché.Fin 2022, Syngenta avait déjà établi 628 centres de services techniques MAP dans tout le pays, et affirme couvrir plus d'un million d'exploitations agricoles sur 13 millions d'hectares de terres. Selon elle, plus de 2,3 millions d'exploitant·es se sont enregistré·es sur son application Smart AGR[21].La plateforme MAP de Syngenta fonctionne avec des services cloud fournis par des entreprises technologiques chinoises de premier plan, telles que Baidu, Alibaba et Huawei, qui développent rapidement des outils d'IA et renforcent leur présence dans le secteur agricole (voir l'encadré : Supermarchés, super-monopoles). Si le degré de coopération entre Syngenta et ces entreprises technologiques n'est pas clair, Syngenta elle-même mène une stratégie de collecte de données similaire à celle de Microsoft en Inde. Elle travaille avec des organismes publics pour collecter de grandes quantités de données sur les exploitations et exploitant·es, puis elle propose ces données à d'autres entreprises. Dans le district de Huantai, province de Shandong, par exemple, MAP a développé avec le gouvernement local l’application « Huannongbao » qui partage les données des exploitant·es avec 30 « prestataires de services agricoles[22] ».Si la plateforme numérique de Syngenta est conçue pour les grandes exploitations, cela ne signifie pas qu'elle ne vise pas les plus petites. En fait, l'un des principaux objectifs de la plateforme est de faciliter le regroupement des petites exploitations en exploitations plus grandes, en phase avec la politique actuelle du gouvernement chinois qui vise à accroître la production alimentaire nationale et la sécurité alimentaire, et avec un instrument politique créé récemment, les « fiducies foncières ».En Chine, les terres agricoles sont gérées par des collectivités rurales qui accordent un « droit d'usage » aux différents ménages au sein de la communauté. Les villageois qui migrent à la ville ou qui ne veulent plus cultiver pour d'autres raisons peuvent céder leur « droit d'usage » à un voisin ou à une coopérative agricole locale. Les droits peuvent également être loués à une entreprise extérieure par le biais d'un accord avec la collectivité rurale, le comité des villageois et le gouvernement local. Un « droit d'usage » ne peut cependant pas être utilisé comme garantie pour un prêt. Par conséquent, si une entreprise a besoin d'un prêt pour une exploitation agricole à grande échelle, elle doit obtenir un accord plus formel, et c'est là que les fiducies foncières entrent en jeu.Dans le cadre d'un accord de fiducie foncière, une « société de fiducie foncière », généralement une grande entreprise publique comme CITIC Trust ou Syngenta, fait office de courtier : elle obtient un « droit d'usage » sur une grande superficie de terres auprès des collectivités rurales, puis loue ce droit à une autre entreprise ou à une coopérative, à qui elle donne ensuite accès à des prêts. Souvent, en particulier dans les cas impliquant des plateformes numériques, l'accord de fiducie foncière bénéficie d'importantes subventions publiques[23].Syngenta fournit des services de fiducie foncière par l'intermédiaire de sa division MAP. Ainsi, dans la province d'Anhui, sa division MAP a acquis un « droit d'usage » sur plus de 660 hectares de terres agricoles communautaires et a mis en place des accords avec 10 « agriculteurs et agricultrices professionnel·les » qui utilisent ses intrants et sa technologie[24]. Elle a également conclu un accord de coopération avec le distributeur en ligne Alibaba (Ali Digital Agro) pour mettre en place 10 à 15 sites d'agriculture contractuelle similaires à travers le pays pour la production de riz et de fruits[25].Supermarchés, super-monopolesCe n'est pas un hasard si la plupart des autres grandes entreprises de services cloud qui développent leur présence dans l'agriculture en Chine et en Inde sont des distributeurs en ligne qui cherchent également à renforcer leur part de marché dans la vente de denrées alimentaires. Grâce aux plateformes d'agriculture numérique, ces entreprises ont directement accès aux exploitant·es, à la production alimentaire et à d’importantes données agricoles susceptibles de renforcer leur contrôle sur les chaînes d'approvisionnement.Amazon, par exemple, a lancé en 2019 l’application mobile Amazon Kisan destinée aux agriculteurs et agricultrices indien·nes, qui leur fournit des conseils sur la production agricole et sur la manière de trier, classer et conditionner les denrées en vue de leur acheminement vers les centres de collecte d'Amazon et ses Amazon Fresh Stores[26]. L'entreprise utilise également sa plateforme numérique pour inciter les exploitant·es à acheter leurs intrants et leurs outils sur Amazon Kisan Store ou dans ses autres points de vente au détail à travers le pays[27].En 2021, Amazon a signé un accord avec le Conseil indien de la recherche agricole (ICAR) pour construire une plateforme numérique appelée « Agri Solution Stack ». Cette dernière utilisera les services cloud d'Amazon et sera basée sur l'accès de l'ICAR à de grands volumes de données sur les exploitations agricoles et les exploitant·es[28]. Les deux parties ont signé un autre accord en 2023 qui a pour l'essentiel consisté à intégrer le vaste réseau de services de vulgarisation de l'ICAR à la plateforme numérique et aux opérations de vente au détail d'Amazon. Dans le cadre de cet accord, l'ICAR et Amazon collaboreront à la conception et à la mise en œuvre des programmes de mobilisation des agriculteurs et agricultrices de l'ICAR, en formant ces derniers aux pratiques de production agricole et à la commercialisation de leurs produits via la plateforme en ligne d'Amazon.En Chine, tous les grands distributeurs en ligne s'intéressent à l'agriculture et développent des plateformes numériques. L'un des acteurs les plus agressifs du marché est JD.com. Au cours des dernières années, il a réalisé de nombreux investissements dans l'agriculture et signé plusieurs partenariats (voir Tableau 2). En avril 2024, il a annoncé un plan d'investissement triennal de 1,3 milliard de dollars (10 milliards de yuans) dans l'agriculture[29].Tableau 2 Investissements de JD.com dans l'agriculture Partenaires (année)ActivitéMitsubishi (2019)Inauguration par JD.com et Mitsubishi Chemical d’une grande ferme hydroponique à Tongzhou, en Chine, pour approvisionner les sites de vente au détail en ligne et hors ligne de JD.com[30].Sichuan Huisen Agricultural Science Group Co., Ltd. (2020)Lancement de l'institut de recherche en agriculture numérique de JD.com à Chengdu dans la province du Sichuan, pour promouvoir l'agriculture numérique et établir un centre de mégadonnées agricoles[31].Forbon (2020)Beijing Jingdong Qianshi Technology, une filiale de JD.com, crée le centre de recherche Jingdong Farm Digital Agriculture de Wuhan avec la société chinoise d'engrais Forbon.Gouvernement local et négociants de viande ovine (2023)JD.com établit des relations commerciales avec des négociants de viande ovine de la province de Ningxia qui investiront dans l'élevage de moutons, la transformation de la viande, la logistique et l’approvisionnement de son marché en ligne[32].Jilin Jingqishen Organic Agriculture Co., Ltd. (2023)JD.com et Jilin Jingqishen créent le premier élevage porcin basé sur l’intelligence artificielle dans le comté de Fusong, dans la province de Jilin[33].Meicun Technology (2020)JD.com est l'un des principaux actionnaires de Meicun, une plateforme de services numériques également détenue en partie par Temasek Holdings (Singapour) et le Chongqing China-Israel Agricultural Equity Investment Fund. La plateforme numérique de l'entreprise fournit des services de transfert de terres basés sur des relevés par drone, des applications et des cartes numériques. Elle a participé à plus de 200 projets de compensation carbone dans le cadre du programme chinois de réduction certifiée des émissions (CCER[34]).Une menace réelle pour les agriculteurs et agricultricesOn assiste à une expansion accélérée de la big tech dans le secteur agricole en Inde et en Chine, avec la bénédiction et le soutien des deux gouvernements. Et elle se poursuit sans aucune restriction ou transparence sérieuse sur les données collectées par ces entreprises, ni aucune réglementation sur les produits qu'elles et leurs partenaires élaborent à partir de ces données. Le pouvoir exercé par les entreprises dans ce secteur est également dissimulé par la myriade de petites start-ups technologiques, apparemment indépendantes, œuvrant au sein d'un réseau contrôlé, in fine, par une poignée de géants de la tech. Cette situation place les petit·es exploitant·es agricoles dans une position très précaire.D'une part, on incite les exploitant·es à adhérer à des plateformes numériques contrôlées par des entreprises, via des programmes subventionnés par les gouvernements ou même mis en œuvre par les gouvernements et les agences publiques, trop contents de faire des économies sur leurs services de vulgarisation et de les remplacer par des applications développées en partenariat avec des sociétés de la Big Tech. Ces applications, comme nous le voyons avec Syngenta et Bayer, sont conçues pour que les exploitant·es s'en remettent aux conseils reçus et pour les encourager à utiliser les produits de l'entreprise. Ces services sont présentés comme un moyen d'offrir plus d'informations aux exploitant·es mais contribuent en fait à les déqualifier, en les encourageant à miser sur les conseils générés par l'IA et sur les intrants de l'entreprise plutôt que sur leurs propres connaissances locales et leurs semences. À l'instar de la Révolution verte des années 1970, qui a entraîné les agriculteurs et agricultrices indien·nes dans un engrenage fondé sur l'utilisation permanente de produits chimiques et dans le piège de l'endettement, cette dépendance à l'égard des connaissances extérieures et des produits agricoles des entreprises est vouée au désastre.D'autre part, les données collectées auprès des exploitant·es par les grandes entreprises technologiques peuvent être utilisées à leur détriment. Le cas de la plateforme MAP de Syngenta en Chine montre comment les plateformes numériques peuvent être utilisées pour regrouper les petites exploitations et transférer les terres à de plus grandes entreprises agricoles. Il est par ailleurs tout à fait concevable que des sociétés de services cloud telles que Microsoft et leurs entreprises clientes puissent utiliser leur accès aux données foncières et financières des exploitant·es pour s'emparer de leurs terres, en particulier celles des exploitant·es confronté·es à des problèmes d'endettement. Et, comme nous le voyons avec le partenariat entre Bayer et Microsoft, les entreprises vendent déjà les données récoltées auprès des exploitant·es aux sociétés alimentaires en aval, qui peuvent les utiliser pour exercer une plus forte pression sur les agriculteurs et agricultrices et les amener à baisser les prix et à conclure des accords de production sous contrat.Pour Jayachandra Sharma, leader paysan du syndicat agricole indien Karnataka Rajya Ryot Sangha, ces tendances et la numérisation de l'agriculture s'inscrivent dans une stratégie plus large visant à évincer des millions d'agriculteurs et agricultrices et à rendre l'approvisionnement alimentaire de l'Inde dépendant de la finance mondiale et des entreprises étrangères[35]. Au vu de l'expansion d'entreprises telles que Microsoft, Syngenta, Amazon et JD.com, il pourrait bien avoir raison.En Inde, des groupements agricoles et des réseaux de la société civile ont commencé à s'opposer à ces manœuvres. Ils dénoncent le fait que le gouvernement indien et ses institutions publiques, notamment le ministère de l’agriculture et le Conseil indien de la recherche agricole (ICAR), signent des accords sur l'agriculture numérique avec des entreprises comme Microsoft, Amazon et Bayer, qui ont clairement intérêt à promouvoir la vente de produits agrochimiques et de semences hybrides. Ils affirment également que ces collaborations sont synonymes d'échec des services publics de vulgarisation agricole. Le protocole d'accord conclu entre l'ICAR et Amazon Kisan, qui vise à fournir une assistance technique aux exploitant·es par l'intermédiaire du réseau d'Amazon, en est un bon exemple.Selon Kavitha Kuruganthi, de l'Alliance for Sustainable and Holistic Agriculture (ASHA), de tels accords peuvent être considérés comme une violation des obligations constitutionnelles de l'État en matière d'agriculture. « Les services de vulgarisation des gouvernements des États ont-ils été consultés au sujet de ces protocoles d'accord ? Selon la Constitution indienne, l’agriculture est un domaine qui relève de la compétence des États[36]. »Malgré tous les discours sur l'autonomisation des agriculteurs et agricultrices, le développement de l'agriculture numérique est en train de se faire sans eux[37].Sans compter l'impact de tout cela sur le climat. Le traitement et le stockage d'une telle quantité de données exigent une énorme quantité d'énergie et génèrent donc une quantité considérable d'émissions de gaz à effet de serre (tout en exigeant une énorme quantité d'eau pour refroidir les machines[38] !) Avant même le boom de l’IA lié à ChatGPT l’année dernière, les centres de données des grandes entreprises technologiques émettaient autant, voire plus, que les compagnies aériennes. Et avec l’intensification de la construction de centres de données pour faire face à l'essor de l'IA dans l'agriculture et d'autres secteurs, les émissions issues de ces centres devraient plus que doubler au cours des cinq prochaines années[39]. Cette contribution au changement climatique entraînera également des répercussions majeures sur les petit·es exploitant·es agricoles.Alors que les géants de la tech et leurs alliés de l'agrobusiness accélèrent leur mainmise sur l'agriculture numérique, absorbant des données dans le monde entier et générant des quantités massives d'émissions de GES, il est urgent de freiner leurs ambitions et de commencer à construire des systèmes ouverts, transparents et durables, où les personnes chargées de la production agricole et de la chaîne alimentaire décident de l'évolution de l'agriculture numérique et de la manière dont leurs données sont ou ne sont pas utilisées.Image du bandeau : District Katni, Madhya Pradesh, Inde - 20 août 2019 : Un vieil homme indien cherche le portail de connexion SBI State Bank of India sur son smartphone à proximité d'un champ en herbe naturel. - Neeraj Chaturvedi / Alamy Stock[1] « Democratizing Data-Driven Agriculture with Ranveer Chandra from Microsoft Research 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signing spree’ with MNCs spurs concerns over corporatisation of Indian agriculture », Down to Earth, 19 juillet 2024, https://www.downtoearth.org.in/agriculture/icars-mou-signing-spree-with-mncs-spurs-concerns-over-corporatisation-of-indian-agriculture#:~:text=The%20ICAR%20has%20been%20on,can%20be%20provided%20to%20farmers.[37] Sashwata Saha, « Agri Ministry’s New App Gives Microsoft Access to Millions of Farmers’ Personal Data: The whole process is faceless », The Citizen, 19 mai 2021 : https://www.thecitizen.in/index.php/en/NewsDetail/index/9/20367/Agri-Ministrys-New-App-Gives-Microsoft-Access-to-Millions-of-Farmers-Personal-Data-[38] Par exemple, ChatGPT consomme jusqu'à 500 millilitres d'eau pour chaque conversation de 5 à 50 messages ou questions. Voir Urvashi Aneja et Dona Mathew, « A dash of optimism and a dollop of caution: Building AI for climate action », Digital Futures Lab, décembre 2023 : https://digitalfutureslab.notion.site/A-dash-of-optimism-and-a-dollop-of-caution-Building-AI-for-climate-action-560358e374f548888881c5d5b21e79ff ; Shannon Osaka, « A new front in the water wars: Your internet use », Washington Post, avril 2023 : https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2023/04/25/data-centers-drought-water-use/[39] Isabel O'Brien, « Data center emissions probably 662% higher than big tech claims. Can it keep up the ruse? », Guardian, septembre 2024 : https://www.theguardian.com/technology/2024/sep/15/data-center-gas-emissions-tech