La Tanzanie a été l’un des pays les plus fortement ciblés par l’énorme ruée sur les terres agricoles qui a suivi les crises alimentaire et financière de 2008 et qui était censée aider à résoudre l’insécurité alimentaire mondiale. Les grands projets agricoles, qui sont devenus une stratégie de choix pour les donateurs, les multinationales et certains gouvernements, ont finalement fait plus de mal que de bien en exacerbant les conflits fonciers et en détruisant les moyens de subsistance des populations. En Tanzanie, la plupart de ces projets se sont rapidement effondrés et ont plongé dans la misère la paysannerie. Malgré ce bilan tragique, le gouvernement tanzanien lance une nouvelle vague d’investissements agro-industriels étrangers en transformant des centaines de milliers d’hectares de terres en « blocs agricoles » dans lesquels les entreprises produiront des cultures destinées à l’exportation et non des aliments locaux pour la population. Dans la mesure où la Chine considère la Tanzanie comme une nouvelle source d’approvisionnement en soja, les conditions pourraient être réunies pour une nouvelle vague d’accaparement des terres, avec des conséquences désastreuses pour les petites exploitations tanzaniennes. Cela aurait dû sonner le glas de l’agro-industrie à grande échelle en Tanzanie. Au début de l’année 2019, Kilombero Plantation Limited (KPL), le modèle tant vanté du Corridor de croissance agricole du sud de la Tanzanie (SAGCOT), a fait faillite[1]. Bien qu’il ait reçu des dizaines de millions de dollars de la part de banques de développement et d’investisseurs étrangers, le propriétaire de cette grande rizière, un fonds d’investissement privé basé au Royaume-Uni, n’a pas été en mesure de rembourser ses dettes et l’exploitation a été saisie par ses créanciers. La banque tanzanienne NMB a passé les deux années suivantes à essayer de trouver un acheteur, avant que le gouvernement n’intervienne pour l’acquérir et en confier la gestion à l’armée[2].Cette ferme rizicole de 5 818 hectares avait initialement été présentée par le G7 et le Forum économique mondial comme la preuve que l’agro-industrie à grande échelle était capable de dynamiser la croissance agricole de l’Afrique. Mais, avec la faillite financière de l’entreprise, Kilombero Plantations Limited est devenue un exemple flagrant de l’échec de dix ans d’une politique tanzanienne malavisée axée sur le renforcement des investissements étrangers dans l’agriculture.La débâcle de Kilombero Plantations était la toute dernière d’une longue liste de projets agro-industriels ratés en Tanzanie, lancés par une série de programmes financés par des donateurs sous la présidence de Jakaya Kikwete (2005-2015)[3]. Ces programmes – à commencer par Kilimo Kwanza en 2006, puis SAGCOT en 2010, et enfin Big Results Now en 2013 – visaient à mettre de vastes étendues de terres à la disposition des entreprises, en partant du principe qu’elles feraient de la Tanzanie une puissance exportatrice, assureraient la sécurité alimentaire et, surtout, apporteraient des emplois, des technologies, des services (formation, intrants, machines, etc.) et de nouveaux marchés pour les paysan·nes vivant à proximité des exploitations. À lui seul, le programme SAGCOT prétendait apporter 2,1 milliards de dollars É-U d’investissements du secteur privé[4]. Mais dix ans plus tard, très peu des investissements promis s’étaient concrétisés et, sur les quelques projets qui avaient vu le jour, la plupart avaient échoué, léguant aux communautés concernées un lourd héritage de problèmes à gérer[5].Au moment de la faillite de Kilombero Plantations, le président tanzanien de l’époque, le Dr John Pombe Magufuli, exaspéré par l’échec de l’approche de son prédécesseur, avait commencé à fixer un nouveau cap. Il a supprimé le programme « Big Results Now » et a commencé à réduire les activités de SAGCOT. Son gouvernement a annulé le financement d’un « fonds catalytique » de SAGCOT qui avait été créé grâce à un prêt de la Banque mondiale, une indication claire de son changement d’approche[6]. Il a également lancé un processus visant à annuler des dizaines de titres fonciers d’entreprises qui s’étaient montrées incapables de mettre des terres en exploitation[7].Mais en 2021, le président Magufuli est décédé et sa successeure, sa vice-présidente, Samia Suluhu Hassan, a rapidement inversé la tendance. Sous la direction de son ministre de l’Agriculture, Hussein Bashe, la grande agro-industrie est redevenue la priorité du gouvernement et les portes ont été grandes ouvertes aux entreprises nationales ou étrangères désireuses d’acquérir de vastes superficies de terres agricoles. SAGCOT a repris son rôle central, avec un mandat élargi pour établir des corridors à travers tout le pays[8]. Des centaines de millions de dollars de fonds publics ont été budgétisés pour l’irrigation à grande échelle et, par le biais d’un programme prétendant soutenir l’implication des jeunes dans l’agriculture, des centaines de milliers d’hectares de terres à travers le pays sont actuellement défrichés et regroupés en « blocs agricoles » et offerts à des entreprises pour la production de cultures d’exportation spécifiques[9].Miser sur demainLa pièce maîtresse de la nouvelle tentative de la présidente Samia Suluhu Hassan pour allouer des terres aux entreprises agroalimentaires est un programme appelé Building a Better Tomorrow (BBT) (Construire un avenir meilleur[10]). Dans le cadre de ce programme, le gouvernement classe et défriche de vastes étendues de terres pour les convertir à l’agriculture irriguée à grande échelle, appelées « blocs agricoles », dans lesquels une sélection de jeunes et de femmes, principalement originaires des villes et diplômé·es des universités, se voient attribuer de petites parcelles de 0,4 à 4 hectares, tandis que les communautés locales sont mises à l’écart. En juillet 2023, la présidente Hassan a annoncé que les 52 000 jeunes qui avaient demandé à rejoindre l’armée cette année-là seraient enrôlé·es dans le programme BBT[11].Chaque « bloc agricole » BBT doit produire un type de culture spécifique pour une entreprise qui co-investit dans l’opération. Dans ce modèle, l’entreprise fournit les intrants et les machines et achète la totalité de la production. Elle peut également obtenir un bail de 99 ans sur une partie de la superficie du bloc agricole pour exploiter elle-même les terres. Les « agriculteurs et agricultrices BBT » obtiennent de leur côté des titres fonciers pour une durée de 33 à 66 ans, avec la possibilité de transférer les titres à un tiers, sans toutefois pouvoir modifier les conditions du contrat. Ces personnes seront donc à la merci de l’entreprise qui contrôle l’exploitation, à laquelle elles doivent acheter tous leurs intrants et vendre toutes leurs récoltes[12].La présidente Hassan a déclaré que 690 000 hectares à travers le pays ont déjà été identifiés pour la mise en place des blocs agricoles, mais il n’y a pas d’information publique sur les emplacements exacts. En janvier 2023, le gouvernement a publié un premier appel à propositions d’investissement pour divers blocs agricoles BBT sur 65 000 hectares dans les régions de Dodoma, Mbeya, Kagera et Kigoma. Les entreprises intéressées pouvaient se porter candidates pour des superficies allant de 400 à 8 000 hectares sur chaque bloc agricole.En mars 2023, la première exploitation BBT a été officiellement ouverte dans le district de Chamwino, dans la région de Dodoma. Le ministre de l’Agriculture, Hussein Bashe, a expliqué qu’une superficie initiale de 162 hectares avait été allouée à la formation de 812 jeunes sélectionné·es pour participer au projet[13]. Bien que l’accès à la terre soit un problème pour les communautés locales, la plupart des jeunes sélectionnés pour le projet ne sont pas de la région et n’ont que peu ou pas d’expérience en matière d’agriculture. Ils sont logés temporairement dans des dortoirs construits par le gouvernement dans l’exploitation. L’exploitation de Dodoma est censée s’étendre à terme sur 11 453 hectares et produire du raisin pour une usine de transformation vinicole. Mais aucun investisseur privé n’a encore été mentionné publiquement.Séance photo promotionnelle avec les jeunes agriculteurs et agricultrices du bloc agricole BBT à Dodoma, Tanzanie, 25 mars 2023. Source : Twitter (X) Prudence Lugengo, spécialiste Politiques à SAGCOT, indique que des terres ont également été attribuées à une autre exploitation BBT dans les régions de Katavi et de Tabora. Dans ce cas précis, l’exploitation BBT serait une énorme ferme de 120 000 hectares qui produirait du blé pour la société agroalimentaire tanzanienne MeTL, détenue par le milliardaire et ancien politicien tanzanien Mohammed Dewji. Selon Mme Lugengo, MeTL achètera 50 000 hectares pour elle-même et les 70 000 hectares restants seront attribués dans le cadre du programme BBT pour les jeunes. MeTL n’a pas répondu à nos demandes de confirmation de cet accord, et on ne sait pas comment Dewji financera ce projet[14]. Il convient de noter qu’il y a quelques années à peine, le gouvernement de M. Magufuli a annulé plusieurs titres fonciers portant sur de vastes superficies de terres agricoles appartenant à M. Dewji parce qu’il n’avait pas réussi à les mettre en exploitation[15].Outre les problématiques susmentionnées, les débouchés et perspectives de ce programme BBT tant vanté sont d’ores et déjà discutables, avec des accusations se faisant jour sur les réseaux sociaux, reprochant au gouvernement de ne pas tenir ses promesses. Fin janvier 2024, un courrier qui aurait été rédigé par un jeune participant au programme BBT a été largement relayé sur les réseaux sociaux. Ce courrier accuse le gouvernement de ne pas avoir alloué à chaque jeune les 5 hectares de terres convenus (la promesse initiale étant même de 10 hectares chacun) et de ne pas avoir mis en place les infrastructures d’irrigation promises. Au lieu de cela, 260 des jeunes qui ont suivi le programme de formation doivent se contenter d’exploiter une zone agricole de 240 hectares à Chinangali, sans irrigation ni logement digne de ce nom. Ces jeunes y cultivent du tournesol dans le cadre d’un accord d’écoulement avec une entreprise, sans aucune garantie que des terres leur soient un jour allouées[16].Qu’est-ce qu’un « bloc agricole » ?Un « bloc agricole » est une vaste zone de terre contiguë consacrée à la production d’un petit nombre de cultures, voire d’une seule. En Afrique, un programme de « blocs agricoles » peut prendre de nombreuses formes, mais en général, le gouvernement s’assure que les terres sont prêtes et disponibles pour l’agriculture à grande échelle, fournit les infrastructures (comme les routes ou l’irrigation) et identifie une ou deux entreprises qui seront les principaux investisseurs ou les investisseurs « de référence ». Normalement, une partie des terres sera cultivée et acquise par l’entreprise sur la base d’un bail de 99 ans et une autre partie sera cultivée par des petit·es et moyen·nes exploitant·es qui doivent produire pour l’entreprise dans le cadre d’un contrat.Depuis 2006, la Zambie a mis en place un programme visant à créer des blocs agricoles de 100 000 hectares dans chacune de ses dix provinces. Bien que le gouvernement n’ait pas réussi à attirer des « investisseurs crédibles », il espère relancer le programme en 2023 grâce à un prêt de 300 millions de dollars de la Banque mondiale pour la construction d’infrastructures sur les sites des exploitations[17]. Le gouvernement du Malawi a également lancé un programme de blocs agricoles en 2020, constitué d’un certain nombre de ce qu’il appelle des « méga-fermes » d’environ 5 000 hectares chacune. Ce programme a lui aussi eu du mal à attirer des investissements significatifs du secteur privé[18].Une nouvelle frontière pour le soja en Chine ?Malgré les annonces en grande pompe faites à l’occasion du lancement du programme BBT, le secteur privé ne semble guère s’y intéresser. Les seuls fonds importants qui ont été engagés jusqu’à présent proviennent du gouvernement, qui s’est engagé à verser 1,4 milliard de dollars au cours des dix prochaines années, et d’un groupe de donateurs similaire à ceux qui ont soutenu la campagne d’investissement de l’ère SAGCOT. Il s’agit notamment de la Banque mondiale (300 millions de dollars), de la Banque africaine de développement (100 millions de dollars), de l’AGRA (40 millions de dollars), du Fonds international de développement agricole (60 millions de dollars) et de l’USAID (100 millions de dollars)[19].Le soja pourrait constituer une exception, et en particulier le soja destiné à la Chine. En raison des tensions croissantes avec les États-Unis et de la guerre en Ukraine, la Chine s’inquiète de plus en plus de sa dépendance à l’égard de ces deux pays pour le soja (ainsi que pour le maïs), et elle se tourne désormais vers l’Afrique comme source d’approvisionnement alternative. La Tanzanie est l’un des trois pays africains que la Chine a identifiés pour le développement des exportations de soja. En 2020, elle a adopté une mesure phytosanitaire autorisant l’importation de soja en provenance de Tanzanie et la première cargaison a été expédiée l’année suivante par le plus grand négociant en céréales de Chine, COFCO[20]. En novembre 2022, la présidente Hassan a signé un partenariat stratégique global de coopération avec la Chine lors de sa visite à Pékin. Dans cet accord, les exportations de soja ont été qualifiées de priorité initiale et un groupe de travail a été créé pour la mise en œuvre.Pour l’instant, la Tanzanie ne produit que 200 000 tonnes de soja par an, soit une goutte d’eau par rapport aux 100 millions de tonnes importées chaque année par la Chine, dont la majeure partie est destinée à la production d’aliments pour animaux et d’huiles végétales. Il faudrait que la production augmente considérablement pour que la Tanzanie devienne un fournisseur important.La plus grande entreprise semencière de Chine, Yuan Longping High-tech Agriculture, a été chargée de viser ce potentiel. L’entreprise fait partie du groupe CITIC, le plus grand conglomérat public chinois, et elle joue déjà un rôle clé dans la progression du contrôle par la Chine de la production de soja et de maïs au Brésil, le plus important fournisseur du marché chinois. Après son arrivée sur le marché brésilien en 2017, Longping est rapidement devenu l’un des plus grands semenciers du pays. Aujourd’hui, Longping cherche à faire de même en Tanzanie, la Chine cherchant à exporter le modèle brésilien en Afrique.« Nous voulons apporter l’expertise de Longping en matière de semences de maïs et de soja [en Tanzanie et au Ghana]. Là-bas, les conditions climatiques, la température et l’altitude sont similaires à celles du Brésil et très favorables au développement de l’agriculture. Nous voulons faciliter ce processus, leur apprendre à semer et à produire des céréales pour qu’à l’avenir ces pays soient aussi des fournisseurs de la Chine », déclare Aldenir Sgarbossa, président des opérations brésiliennes de Longping[21].En 2022 et début 2023, Longping a envoyé des délégations en Tanzanie pour obtenir un soutien politique et identifier les zones de production de soja. Les essais de ses variétés de soja provenant du Brésil sont en cours, ainsi que ceux de ses semences hybrides de maïs et de sorgho, qui seront cultivées en rotation avec le soja, comme c’est le cas au Brésil. Bien que ces variétés initiales ne soient pas des OGM, Longping a plusieurs variétés d’OGM en cours d’essais et en attente d’approbation pour la vente commerciale en Chine, et la consommation humaine de certaines de ses variétés de maïs OGM a déjà été approuvée.Longping déclare qu’elle investira plus de 213 millions de dollars (500 milliards de shillings) dans une première phase de développement de la production de soja dans le sud de la Tanzanie et qu’elle investira également dans l’amélioration des installations d’exportation de céréales dans le port de Dar es Salam.Les activités de l’entreprise en Tanzanie sont menées dans le cadre d’une coentreprise avec un homme d’affaires tanzanien, le magnat des médias Joseph Kusaga, propriétaire du Clouds Entertainment Group, et son épouse, Juhayna Kusaga. Longping bénéficie également d’un soutien de haut niveau au sein du ministère de l’Agriculture, de SAGCOT et même de l’ancien président Kikwete, qui a utilisé sa position de directeur de l’AGRA pour encourager les communautés agricoles tanzaniennes à semer du soja destiné à l’exportation vers la Chine[22]. Preuve des relations politiques de Longping, le gouvernement lui a donné une autorisation spéciale pour réduire de cinq ans à seulement cinq saisons le délai requis pour faire les essais de ses semences, ce qui permettra à Longping de commencer la production à grande échelle en 2024[23].Le gouvernement tanzanien met également des terres à la disposition de l’entreprise. Une superficie initiale de 53 000 ha aurait été attribuée pour une exploitation BBT dans le district de Chunya, dans la région de Mbeya. Longping Tanzania déclare avoir « acquis » 10 000 ha de ces terres pour sa propre exploitation et avoir déjà commencé à cultiver. Les 43 000 ha restants seront quant à eux attribués à des agricultrices et agriculteurs participants auxquels la société fournira des semences, des engrais et des machines[24]. Ces personnes doivent vendre leurs récoltes exclusivement à Longping Tanzanie, qui en fera ensuite l’exportation vers la Chine, le gouvernement chinois ayant offert une garantie d’achat de la totalité du soja produit[25].Le vice-Président de Tanzanie, Dr. Philip Mpango, serre la main de Liang Shi, PDG de Yuan Longping High-tech Agriculture, devant le palais présidentiel. A droite : le vice-Ministre de l'agriculture, Anthony Mavunde. 17 février 2023 . Source : Twitter (X) Les ambitions de Longping vont bien au-delà de cette exploitation BBT. L’entreprise est également en train de mettre en place des blocs agricoles avec l’Association tanzanienne du soja, qui vient d’être créée[26]. Selon le président de l’association, Marcus Albany, ces blocs agricoles réuniront un groupe d’agriculteurs et agricultrices, chacune de ces personnes mettant à disposition une surface de terrain (au minimum 2 hectares et au maximum 10 % de l’ensemble du bloc agricole) pour créer une grande exploitation qui sera gérée collectivement. L’exploitation fonctionnera dans le cadre d’un contrat avec Longping, qui stipule le montant que les agriculteurs et agricultrices doivent payer à Longping pour la fourniture d’intrants et de machines et le prix perçu pour la vente de leurs récoltes, les montants étant renégociés à chaque saison. Comme pour les exploitations BBT, un agriculteur ou une agricultrice peut transférer sa part des terres à un autre, mais ce dernier doit alors accepter les mêmes conditions que celles convenues avec Longping.L’Association tanzanienne du soja et Longping ont déjà constitué un bloc agricole dans la région de Morogoro, qui s’étend actuellement sur 5 700 hectares et devrait atteindre 10 500 hectares à terme. Ils sont en train d’en créer un autre dans la région de Lindi sur une surface de 10 500 hectares, un à Katavi sur 202 hectares et un à Sumbawanga qui est encore en cours de négociation avec un propriétaire privé. M. Albany précise que, bien que son association ne soit pas composée de jeunes, le gouvernement essaie également de les faire participer à l’exploitation BBT à Mbeya.D’autres hommes d’affaires tanzaniens s’empressent également d’acquérir des terres pour la production de soja. La nouvelle société Jadeja Farming développe actuellement une exploitation de 2 800 hectares de soja sur des terres contestées dans le district de Sumbawanga[27]. Cette société a des liens avec Jatu PLC, une société cotée à la bourse nationale qui prétendait acquérir des blocs agricoles, mais qui a fini par escroquer ses actionnaires de plus de 2 millions de dollars[28]. Dans la région septentrionale de Kagera, une société tanzanienne appelée Global Agency met en place une vaste exploitation de 21 000 hectares de maïs et de soja. Malgré ses problèmes juridiques et financiers passés, Global Agency a reçu un financement substantiel de la Banque tanzanienne de développement agricole (TADB) (via un prêt de la Banque africaine de développement), ainsi qu’un soutien politique de la part de membres haut placés du parti de la présidente Hassan[29].En outre, Longping n’est pas la seule entreprise chinoise à investir dans la production de soja en Tanzanie. Dans la région côtière de Kilwa, une société appelée Pan Tanzania Agriculture Developments mène un projet de culture de manioc et de soja à grande échelle sur 25 000 hectares, sur des terres qui faisaient auparavant partie d’un projet de biocarburants très contesté et qui a fait faillite. Pan Tanzania Agriculture Developments est liée à la société chinoise Beijing Chaoliang (traduite par « Best Agro » ou « Super Grain »), ainsi qu’à Hunan Construction Engineering Group et à la Banque internationale de la route de la soie de Djibouti[30]. En juillet 2022, près de 25 000 hectares sont passés du statut de terres villageoises à celui de « zones franches d’exportation », donnant la possibilité à Pan Tanzania Agriculture Developments de les acquérir dans le cadre d’un bail à long terme[31].Les conflits fonciers vont encore s’aggraverL’intérêt nouveau de la Chine pour les exportations de soja en provenance de Tanzanie et la résurgence de l’intérêt du gouvernement tanzanien pour les investissements étrangers dans l’agro-industrie créent les conditions d’une recrudescence de l’accaparement des terres. Des conflits fonciers existent déjà dans tout le pays, non seulement à cause de projets agro-industriels, mais aussi à cause d’accords relatifs à l’exploitation minière, aux réserves forestières et fauniques, aux parcs et aux projets de crédit carbone également conclus par le gouvernement. L’un d’entre eux, un projet de « foresterie durable » mené avec une entreprise appartenant à un membre de la famille royale de Dubaï, prévoit la mise en réserve de huit millions d’hectares de terres pour la génération de crédits carbone[32].La nouvelle ruée vers les blocs agricoles et la production de soja ne fait que jeter de l’huile sur un feu déjà très vif. Par exemple, dans le district de Kilosa, dans la région de Morogoro, les tensions foncières couvaient depuis des décennies entre la population locale qui voulait conserver l’accès aux terres pour la production alimentaire et des hommes d’affaires qui utilisaient les terres pour des plantations de sisal, les louaient pour dégager des revenus ou les accumulaient pour spéculer et les rendaient improductives. Les communautés locales ont finalement réussi à faire intervenir le gouvernement sous la présidence du Dr Magufuli et de nombreux titres fonciers détenus par ces hommes d’affaires ont été annulés. Mais les terres n’ont pas été redistribuées aux villageois et villageoises. Au lieu de cela, elles ont été remises aux conseils de district, qui regroupent maintenant les terres et les louent en bloc à de prétendus « groupes d’agriculteurs et d’agricultrices » pour produire des cultures commerciales comme le sisal sur les instructions de l’État, ou les remettent à des hommes d’affaires et à des agences publiques, telles que l’Agence tanzanienne des semences agricoles.Abdul Tumbo, un petit producteur du village de Mvumi dans le district de Kilosa, lutte pour que ses terres ne soient pas accaparées par les hommes d'affaires et les programmes de blocs agricoles. (Photo : GRAIN) Abdul Tumbo est un agriculteur du village de Mvumi, dans le district de Kilosa. Il a été arrêté et emprisonné à plusieurs reprises pour avoir cultivé des terres que ses grands-parents exploitaient, mais qui sont également revendiquées par un puissant homme d’affaires. Le gouvernement Magufuli a révoqué les titres fonciers de l’homme d’affaires il y a quelques années, mais le conseil de district essaie maintenant d’organiser ces terres en un bloc agricole au lieu de laisser A. Tumbo et les autres villageois·es continuer à cultiver leurs terres. La population locale ne veut rien savoir de ce bloc agricole. Les membres affirment que la terre leur appartient et qu’il n’y a pas de raison qu’ils paient un loyer. En outre, ils veulent produire de la nourriture pour leurs familles et leurs communautés, et non des produits de base pour les entreprises[33].M. Tumbo cite le cas d’une communauté voisine où le conseil de district a poussé à la mise en place d’une exploitation de 325 hectares sur des terres que la population locale cultive depuis 1984, date à laquelle un site de production de sisal a été fermé. En décembre 2022, les membres de la communauté ont planté du maïs local pour se nourrir et, peu de temps après, sur ces mêmes terres, le « groupe d’agriculteurs » a planté des tournesols. Aujourd’hui, le conseil de district a saisi la récolte de maïs et les tensions s’enveniment.Dans toute la Tanzanie, des conflits similaires sont en train d’éclater, à mesure que le gouvernement et les hommes d’affaires utilisent illégalement des voies détournées pour transférer de vastes zones de terres villageoises et les transformer en blocs agricoles pour produire du soja et d’autres cultures destinées à l’exportation. Des milliers de petites exploitations et d’élevages pourraient être évincés de leurs terres dans le cadre de ce processus, et beaucoup d’autres pourraient perdre leur accès à l’eau, car ces projets impliquent généralement l’utilisation de grandes quantités d’eau pour l’irrigation. Les effets seront ressentis non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les centres urbains, car les terres utilisées aujourd’hui par les petites exploitations pour produire de l’alimentation pour le pays seront converties en grandes exploitations agricoles produisant des denrées agricoles destinées à l’exportation.Autre exemple, en 2023, le gouvernement a donné, de manière controversée, un ordre d’expulsion aux populations d’au moins 23 villages du district de Mbarali par le biais d’un avis gouvernemental (n° 28 de 2008), dont la mise en œuvre a été retardée en raison de la controverse et de l’incertitude sur la légalité et la moralité de l’avis lui-même. Cet ordre d’expulsion concerne l’un des districts les plus productifs du pays, notamment l’un des greniers à riz du pays, et affectera plus de 25 000 petit·es exploitant·es dans la région. L’ordre vise à étendre le parc national de Ruaha dans le cadre d’un projet financé par la Banque mondiale[34]. À l’heure actuelle, 852 membres de la communauté locale ont saisi la Haute Cour de Tanzanie pour contester l’ordre d’expulsion[35].La situation actuelle en Tanzanie rappelle le projet ProSavana que le Japon a cherché à financer dans le nord du Mozambique il y a dix ans. Ce projet prévoyait la prise de contrôle de 14 millions d’hectares de terres dans l’une des régions les plus fertiles et les plus densément peuplées du pays afin d’y installer de grandes exploitations agricoles et d’enrôler les paysan·nes dans des programmes d’agriculture contractuelle pour produire du soja et d’autres cultures commerciales destinées à l’exportation vers le Japon. Le projet ProSavana a été élaboré par les gouvernements japonais, brésilien et mozambicain en catimini, à l’insu des communautés concernées. Lorsque ces communautés ont pris conscience de ce qui se passait, elles ont immédiatement commencé à organiser la résistance, avec le soutien d’organisations de la société civile au Mozambique, au Brésil et au Japon. Malgré les forces puissantes qui se sont liguées contre elles, les paysan·nes mozambicain·es et leurs alliés sont parvenus à stopper le projet, qui a été officiellement supprimé en 2020[36].Pour les communautés dépendant de l’agriculture et de l’élevage à petite échelle en Tanzanie, le moment est venu de défendre leurs terres. Ces producteurs et productrices de denrées alimentaires subissent déjà un manque d’accès à des terres et à de l’eau en quantité suffisante, exacerbé par la crise climatique et la croissance rapide de la population du pays. Ces personnes sont capables de produire en abondance des aliments nutritifs et exempts de produits chimiques pour nourrir le pays, et même de produire un surplus pour l’exportation, si des politiques appropriées sont mises en place pour soutenir leurs systèmes semenciers, assurer la protection de leurs terres et de l’eau et garantir un accès adéquat aux marchés. Les maigres ressources publiques ne devraient pas être gaspillées dans un modèle d’agriculture industrielle défaillant.Bandeau: Ministre tanzanien de l'agriculture, Hussein Bashe, lors d'une visite de bloc agricole dans la région de Chinangali, Chamwino, district de Dodoma. Source : Twitter (X)____________________________________[1] Oakland Institute, « After Defaulting on Loans, Kilombero Plantation Ltd (KPL) Goes up for Sale », mars 2019 : https://www.oaklandinstitute.org/after-defaulting-loans-kilombero-plantation-sale[2] « State tells off Kilombero plantation lobbyists », Daily News, mars 2023 : https://dailynews.co.tz/state-tells-off-kilombero-plantation-lobbyists/[3] Pour une sélection d’exemples, voir : « Annexe 2. Transactions foncières supprimées de la base de données 2016 » dans GRAIN, « Accaparement mondial des terres agricoles en 2016 : ampleur et impact », juin 2016 : https://grain.org/e/5508[4] SAGCOT avait également promis de mettre en place de grandes exploitations agricoles sur 350 000 ha, de faire passer 100 000 paysan·nes à l’agriculture commerciale, de créer 420 000 nouvelles opportunités d’emploi, de sortir deux millions de personnes de la pauvreté et de générer 1,2 milliard de dollars de revenus agricoles annuels d’ici 2030. Voir : Emmanuel Sulle, « Bureaucrats, investors and smallholders: contesting land rights and agro-commercialisation in the Southern agricultural growth corridor of Tanzania », Journal of Eastern African Studies, 2020, DOI: 10.1080/17531055.2020.1743093[5] Gideon Tups et Peter Dannenberg, « Emptying the Future, Claiming Space: The Southern Agricultural Growth Corridor of Tanzania as a Spatial Imaginary for Strategic Coupling Processes », Geoforum 123, 2021 : https://doi.org/10.1016/j.geoforum.2021.04.015[6] « Tanzania government cancels Sh100bn Sagcot scheme », The Citizen, mai 2023 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/national/tanzania-government-cancels-sh100bn-sagcot-scheme-2681476[7] « Magufuli Revokes Title Deeds for 14 Undeveloped Farms », Tanzania Daily News, août 2017 : https://allafrica.com/stories/201708150094.html[8] Communication personnelle avec Prudence Lugengo, spécialiste Politiques à SAGCOT, 24 mars 2023.[9] Le gouvernement a augmenté les crédits budgétaires alloués à l’irrigation, les faisant passer de 57 milliards de shillings tanzaniens (environ 21 millions d’euros) en 2021-22 à 416 milliards en 2022-23 (154 millions d’euros) et a pour objectif déclaré d’étendre la zone d’irrigation de 727 280 hectares à 822 285 hectares en 2022/2023, avec un objectif national d’irrigation de 1,2 million d’hectares pour 2025 et de 8,5 millions d’hectares d’ici à 2030.[10] L’idée du projet serait venue de Geoffrey Kirenga, le PDG de SAGCOT.[11] « Tanzanian government to draft 52,000 JKT members into BBT scheme, » The Citizen, juillet 2023 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/national/tanzanian-government-to-draft-52-000-jkt-members-into-bbt-scheme-4299870[12] Les informations détaillées concernant les blocs agricoles ont été recueillies à partir de divers articles de presse, de documents gouvernementaux et d’entretiens avec diverses personnes impliquées dans le programme en mars et avril 2023.[13] « BBT bring hope for youth employability », The Guardian, mars 2023 : https://www.ippmedia.com/en/features/bbt-brings-hope-youth-employability[14] En juillet 2022, Dewji a déclaré à Reuters qu’il prévoyait l’introduction sur les bourses de New York ou de Londres en 2023 d’une société agricole d’une valeur maximale de 4 milliards de dollars, avec des fonds levés principalement auprès des banques de développement. Rachel Savage, « Tanzanian entrepreneur Dewji plans $2-4 billion grains production investment via SPAC », Reuters, juillet 2022 : https://www.reuters.com/markets/deals/tanzanian-entrepreneur-dewji-plans-2-4-bln-grains-production-investment-via-spac-2022-07-08/[15] « Tanzania revokes titles to six farms owned by Dewji », East African, janvier 2019 : https://www.theeastafrican.co.ke/tea/news/east-africa/tanzania-revokes-titles-to-six-farms-owned-by-dewji--1410744[16] Voir la publication de Maria Sarungi Tsehai (@MariaSTsehai), le 27 janvier 2024 sur Twitter (X) : https://twitter.com/MariaSTsehai/status/1751133786195087548?t=Rbeb-qm73R83MVzH6UFt-g&s=19[17] Voir la présentation du budget 2023 de l’honorable Dr Situmbeko Musokotwane, ministre des Finances : https://www.parliament.gov.zm/sites/default/files/documents/articles/2023%20Budget%20Speech.pdf ; et la déclaration ministérielle de l’honorable Mtolo Phiri, ministre de l’Agriculture et député, sur le programme de développement des blocs agricoles présenté à la Chambre, le 16 mars 2023 : https://www.parliament.gov.zm/sites/default/files/images/publication_docs/Ministerial%20Statement%20-%20On%20the%20Farm%20Block%20Development%20Programme.pdf[18] Owen Khamula, « Agriculture ministry moves in to establish mega farms », Nyasa Times, 30 juin 2022 : https://www.farmlandgrab.org/31400[19] « Tanzania Country Presentation for HIH Investment Forum, » octobre 2023 : https://www.fao.org/docs/handinhandlibraries/countries/tanzania/bbt_ps_m-m_presentation-raf-slide-wg-25-sept.pdf?sfvrsn=1dad93cf_1 et « USAID to invest $100M in supporting agribusiness youth in Tanzania, » Further Africa, novembre 2023 : https://furtherafrica.com/2023/11/17/usaid-to-invest-100m-in-supporting-agribusiness-youth-in-tanzania/[20] « First Shipment of Tanzanian Soybeans Enter China », juin 2021 : http://en.sasac.gov.cn/2021/06/25/c_7280.htm[21] « LongPing High-Tech to quintuple seed production capacity in Brazil », CL Brief, juin 2022 : https://www.clbrief.com/longping-high-tech-to-quintuple-seed-production-capacity-in-brazil/#:~:text=LongPing%20is%20developing%20these%20soybean,considered%20small%20by%20the%20Chinese[22] « Good news for soybeans farmers to effectively utilise Chinese market », The Citizen, février 2022 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/business/good-news-for-soybeans-farmers-to-effectively-utilise-chinese-market-3721346[23] Communication personnelle avec Juhayna Kasuga, directrice de Longping Tanzanie, 21 mars 2023.[24] Communication personnelle avec Juhayna Kasuga, directrice de Longping Tanzanie, 21 mars 2023 et 27 novembre 2023.[25] « Wakulima wa kusini wavutiwa na uwekezaji wa kampuni ya Longping High Tech », ministère des Affaires étrangères et de la coopération est-africaine (Tanzanie), mai 2022: https://www.foreign.go.tz/resources/view/wakulima-wa-kusini-wavutiwa-na-uwekezaji-wa-kampuni-ya-longping-high-tech[26] Communication personnelle avec Marcus Albany, 24 mars 2023.[27] Voir le site web de la société : http://jadeja.co.tz/about/. Et la vidéo à propos de l’exploitation : https://www.youtube.com/watch?v=oZJf5eA0X64&ab_channel=JadejaFarming. L’exploitation est connue sous le nom de ferme Efatha et a été mêlée à un conflit foncier. Voir : « We were wrong on farm dispute », The Citizen, octobre 2017 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/national/-we-were-wrong-on-farm-dispute--2609534[28] Un directeur de Jadeja, Hussein Msemwa, était le directeur adjoint de Jatu PLC (https://www.linkedin.com/in/hussein-msemwa-07246211b/?originalSubdomain=tz). Pour plus d’informations sur Jatu PLC, voir : « Struggling Jatu Plc turns to Dutch consultant », The Citizen, janvier 2023 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/business/struggling-jatu-plc-turns-to-dutch-consultant--4075174[29] En ce qui concerne les problèmes juridiques et financiers, voir les procédures judiciaires engagées contre Global Agency pour défaut de paiement à Rabobank Rabobank (https://tanzlii.org/akn/tz/judgment/tzhccomd/2021/3517/eng@2021-12-13) et Balton Tanzanie (https://tanzlii.org/akn/tz/judgment/tzhccomd/2022/378/eng@2022-11-11). Sur le soutien politique du vice-président du Chama Cha Mapinduzi (CCM), le colonel Abdulrahman Kinana, voir : https://panafricanvisions.com/2022/09/tanzania-ruling-party-vice-chairperson-welcomes-investors-in-kagera-region-which-is-suitable-for-opportunities/ ; et de l’actuel ministre de l’Agriculture Hussein Bashe, voir : https://www.ippmedia.com/en/news/bashe-orders-misenyi-dc-support-investors-promote-agro-investments. La TADB ne dévoile pas au public le financement qu’elle fournit aux entreprises, mais le rapport de la BAD sur son prêt à la TADB indique que Global Agency a reçu des fonds de la TADB pour une exploitation de Kagera et que 45 % de l’ensemble du prêt de 67 millions de dollars de la BAD sont allés à des entreprises de Kagera (dont la seule autre entreprise mentionnée est la Kagera Cooperative Union). Voir : https://www.afdb.org/fr/documents/tanzanie-tanzania-agricultural-development-bank-rapport-dachevement-de-projet[30] « Chaoliang Group’s Tanzania PTA construction project signed with Hunan Construction Engineering Group for USD 300 million », China Agricultural Outlook News, octobre 2021 : https://www.farmlandgrab.org//31442. Le Hunan Construction Engineering Group a été sanctionné en 2013 par la Banque mondiale pour des pratiques frauduleuses dans le cadre d’un projet de construction routière en Tanzanie :https://www.worldbank.org/content/dam/documents/sanctions/office-of-suspension-and-debarment/2018/nov-1/Notice-of-Uncontested-Sanctions-Proceedings-Case-268.pdf[31] Voir Official Gazette, septembre 2022 : https://www.utumishi.go.tz/uploads/documents/sw-1665955257-23%20SEPTEMBA,%20%202022.pdf[32] « Blue Carbon and the Government of Tanzania join forces to accelerate transition to low-carbon economy », Gulf news, février 2023 : https://gulfnews.com/business/corporate-news/blue-carbon-and-the-government-of-tanzania-join-forces-to-accelerate-transition-to-low-carbon-economy-1.1675752836855[33] Entretien avec Abdul Tumbo, 29 mars 2023.[34] « World Bank investigating alleged crimes at $150 million Ruaha tourism project », The Citizen, septembre 2023 : https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/national/world-bank-investigating-alleged-crimes-at-150-million-ruaha-tourism-project-4384506[35] « Smallholders In Mbarali Protest Govt Plans To Evict Them From Their Land, » The Chanzo, février 2023 : https://thechanzo.com/2023/02/09/smallholders-in-mbarali-protest-govt-plans-to-evict-them-from-their-land/[36] Pour plus d’informations sur ProSavana, voir : https://www.farmlandgrab.org/cat/show/827