GRAIN avec la contribution du Devinder Sharma [1] Un nouveau projet de loi sur les semences a été mis en circulation en 2004 par le gouvernement indien pour remanier le système de réglementation des semences. L’objectif fixé par la proposition de loi est de réglementer le marché des semences et de garantir des semences de « qualité ». Avec les changements proposés, la loi sur les semences devrait s’harmoniser avec les autres lois sur les semences existant dans le monde et faire en sorte que le marché indien des semences soit ouvert aux grandes entreprises. Cet article démontre clairement que les perdants sont les millions de petits agriculteurs indiens, alors que les gagnants sont une fois de plus les multinationales. Alors qu’il y a une pression énorme pour que le gouvernement indien adopte cette nouvelle loi, il est désormais temps de faire en sorte que les voix qui protestent soient entendues. Cliquez ici pour voir les lois de semences en Asie Cliquez ici pour voir le 1966 Seed Act et le 2004 Seed Bill en Inde (texte en anglais) Le nouveau projet de loi sur les semences de l’Inde Créé en 1998 en Inde, un Groupe de révision des politiques sur les semences [2] a recommandé un remaniement en profondeur et une réforme des lois indiennes sur les semences qui se faisaient attendre depuis longtemps; une nouvelle loi sur les semences devrait être votée et remplacer l’actuelle loi sur les semences de 1966 (voir encadré : Histoire des lois sur les semences en Inde ). En 2004, un nouveau projet de loi sur les semences [3] fut annoncé. Pourquoi ce besoin d’en changer ? Les partisans du nouveau projet de loi sur les semences dressent une liste de prétendues faiblesses de la loi de 1966 , à palier en : rendant l’inscription des variétés obligatoire (auparavant facultatif) créant un Registre national des semences détaillé réglementant (faciliter) les importations et les exportations de semences adoptant de nouvelles réglementations sur les cultures génétiquement modifiées améliorant les conditions du marché pour les compagnies de semences privées. L’inscription obligatoire et le Registre national des semences La nouvelle loi sur les semences qui est proposée introduit le concept d’inscription obligatoire pour toutes les semences destinées à la vente [4]. En d’autres termes, tous les plants et semences commercialisés, qu’ils soient locaux ou étrangers, devront être inscrits. C’est un changement significatif par rapport à la loi existante, qui cherchait à ne réglementer la qualité que d’un nombre limité de variétés notifiées par la loi. Par contre, désormais, toute semence destinée à être semée ou plantée ne pourra pas être vendue sans avoir été inscrite. Toutes les variétés inscrites seront enregistrées dans la base de données du Registre national des semences. L’inscription sera accordée aux nouvelles variétés pour une période de 15 ans dans le cas des cultures annuelles et bisannuelles et pour 18 ans pour les plantes pérennes de longue durée. Comme pour les variétés inscrites dans d’autres parties du monde, les variétés devront être testées en champs afin de déterminer leur VAT (valeur agronomique et technologique). De plus, les semences devront être correctement étiquetées dans leurs emballages, y compris les semences génétiquement modifiées. En outre, les producteurs de semences, les unités de traitement de semences, les marchands de semences et les pépinières devront tous être enregistrés auprès des autorités de l’état dans lequel ils opèreront. Les semences génétiquement modifiées Le système de réglementations régissant les cultures GM est en train d’être réorganisé par le Bureau national des stratégies de développement des biotechnologies [5]. Il apparaît clairement dans la stratégie du projet que le gouvernement soutiendra les prochaines introductions des cultures GM. Le nouveau projet de loi sur les semences suit la même ligne et n’interdit pas l’inscription des semences GM. L’inscription des semences transgéniques est cependant soumise à autorisation environnementale par la Loi de protection de l’environnement. Cependant, pour faire un geste et se garder des critiques, le projet de loi sur les semences interdit l’utilisation des semences Terminator [6]. Exportation et importation des semences Sous le nouveau projet de loi sur les semences, toutes les semences importées devront aussi être inscrites [7], bien que le gouvernement puisse autoriser l’importation d’une semence non inscrite pour des motifs de recherche [8]. En dehors de l’inscription des semences importées, le nouveau projet de loi ne prend aucune autre disposition, comme des mesures phytosanitaires, qui dépendront toujours d’une autre législation existante (voir encadré : La pression pour les importations de semences de pomme de terre ). Cependant, la motivation fondamentale de l’inscription des semences importées est le soutien aux grosses entreprises important des semences [9], dont la quantité a récemment considérablement augmenté. Par exemple, en 2001 et 2002, les importations se montaient environ à 860 tonnes, mais en un an, elles sont passées à 1,766 tonnes (dont 20% viennent des Etats-Unis), ce qui représente une valeur de 18 millions $. Les exportations de semences représentent une valeur encore plus importante, se montant à 21 millions $ pour la même année (2002-2003) [10] . La pression pour les importations de semences de pomme de terre Depuis maintenant plusieurs années, l’industrie privée des semences aidée par la Banque mondiale, exerce une pression considérable sur le gouvernement indien pour qu’il autorise l’importation en masse de variétés de pomme de terre de l’Union européenne et des Etats-Unis, pour la production de semences. Jusqu’à aujourd’hui, de telles importations ont été interdites afin de protéger le marché de la pomme de terre de l’Inde des ravageurs et des maladies. Bien que le gouvernement ait été à deux doigts de céder aux demandes de l’industrie des semences pour autoriser les importations de semences de pomme de terre, l’intervention opportune du Directeur général du Conseil indien pour la recherche agricole (ICAR) a jusqu’à présent empêché de telles importations. Le directeur général s’est opposé à ces importations en se basant sur un rapport de commission qui concluait que les importations de pomme de terre augmenteraient considérablement les ravageurs et les maladies chez les variétés locales de pomme de terre et ne devaient pas être autorisées. Source: Sharma D. 2000: Diversity, No: 3 Le projet de loi sur les semences bénéficiera-t-il à l’agriculteur ? La position officielle du gouvernement, défendant ce projet de loi, est que « si nous ne savons pas qui vend les semences, nous ne pouvons pas contrôler leur qualité » . C’est bien sûr le même argument que celui utilisé par l’industrie des semences partout dans le monde. C’est ainsi que cette nouvelle loi est présentée comme une loi de « protection du consommateur » pour les agriculteurs. Suite à plusieurs signalements de suicides d’agriculteurs et de cultures en faillite, cet argument rencontre l’approbation de beaucoup de groupes de la société civile qui ne se méfient pas. Cette loi sera-t-elle donc une bonne nouvelle pour les agriculteurs ? Quelle protection pourront-ils avoir si leurs variétés légalement achetées et inscrites échouent ? Il est intéressant de noter que, dans ce cas, les agriculteurs peuvent seulement se tourner vers la Loi de protection du consommateur de 1986, une option qui est possible aujourd’hui sans aucune nouvelle législation. En attendant, l’industrie indienne des semences fait du lobbying pour retirer les semences de la Loi de protection du consommateur [11]. Citation : « Jusqu’à présent, le climat a été considéré comme la variable la plus imprévisible pouvant affecter le secteur agricole. Mais, l’influence des forces du marché mondial, dont le comportement n’est jamais prévisible ni contrôlable, est devenu un autre facteur affectant le progrès et le bien-être des agriculteurs » , déclare le juge P.A. Chowdary [12]. T. Ramanaiah, un cultivateur de coton de l’Andhra Pradesh, mène actuellement une action en justice à la Cour des consommateurs du district pour obtenir des dédommagements pour des rendements très faibles, une option qui est par nature longue et difficile et sans aucune garantie de succès. Son combat a donné l’idée à des militants de mettre au point un manuel de conseils juridiques pour les agriculteurs demandant des dédommagements pour leurs rendements défaillants [13]. Souvent, même si un gouvernement reconnaît que les agriculteurs ont besoin d’être dédommagés, la compagnie peut ne pas être disposée à payer. Dans l’état d’Andhra Pradesh, quand les agriculteurs ont subi des pertes suite à la culture du coton Bt de Monsanto, cette firme n’a accepté de payer que pour l’échec de la germination ou l’absence de pureté génétique promise par la compagnie, et non pour les pertes de production [14]. La Loi de Protection des variétés végétales (PVV) de l’Inde prévoit que les agriculteurs peuvent réclamer des dédommagements auprès du sélectionneur d’une variété si celle-ci ne donne pas ce qui en est attendu, via les autorités compétentes de la PVV [15], bien qu’un tel organisme n’ait toujours pas été mis en place. Un tel organisme, une fois établi, ne statuera que pour les variétés inscrites par la PVV et ces décisions se feront sur une base discrétionnaire. Le projet de loi porte essentiellement sur l’inscription et la certification des semences, mais en imposant que seules les semences inscrites seront vendues ; il ne traite pas seulement de ce qu’il réglemente mais aussi de ce qu’il ne réglemente pas. En imposant ce que le marché offrira, il détermine ce qu’il exclut. Que propose alors le projet de loi pour les petits agriculteurs ? Une fois de plus, les partisans du projet de loi sur les semences s’empressent de fournir leur réponse : « Une dérogation pour les agriculteurs pour conserver, utiliser, échanger ou vendre leurs semences sans inscription » . En effet, la loi stipule que : « [rien] ne limitera le droit de l’agriculteur à conserver, utiliser, échanger ou vendre les semences et les plants de sa ferme »[16] Cependant, elle continue ainsi : « sauf qu’il ne vendra pas ces semences ou ces plants sous un nom de marque ou si ce matériel n’est pas conforme à la limite minimum de germination, à la pureté physique, ou à la pureté génétique prescrite… » Là est le piège : les agriculteurs ne peuvent pas vendre leurs semences si ils ne répondent pas aux critères requis par l’inscription. Ils ne peuvent pas non plus employer un nom de marque [17] ni entrer dans le commerce des semences [18]. L’industrie des semences voit cela d’un très bon œil ; avec ce petit passage de la législation, c’est toute la compétition représentée par les semences non inscrites qui disparaît. Bien que l’échange de semences entre agriculteurs puisse continuer malgré la loi qui est proposée, l’ambiguïté existant dans la clause d’exception, couplée avec le pouvoir énorme donné aux inspecteurs des semences, inquiète les agriculteurs concernant la manière dont leurs petites ventes locales, par exemple dans les foires de villages, seront réglementées. Même si aujourd’hui, les agriculteurs produisent à peu près 80% des semences en Inde, la vente de leurs propres semences est désormais restreinte. En réalité, seuls les sélectionneurs conventionnels et les grosses entreprises peuvent faire inscrire leurs semences. Alors pourquoi les agriculteurs ne font pas tout simplement inscrire leurs semences ? De cette façon, ils pourraient légalement vendre les variétés de semences qu’ils ont produites eux-mêmes. Le système proposé rend cependant impossible aux agriculteurs d’inscrire des variétés. Le processus prend beaucoup de temps, est très cher pour un agriculteur et de toutes les manières, les semences produites par les agriculteurs échoueront probablement à remplir les standards requis. Les critères de sélection des agriculteurs sont très larges, intégrant des facteurs écologiques et sociaux, plutôt que le seul critère de production ; ce qui est échangé entre les agriculteurs est déterminé par des besoins locaux et c’est pourquoi les variétés des agriculteurs sont mieux gérées par les agriculteurs eux-mêmes. C’est pour cette raison que certains en Inde font campagne pour un processus de certification communautaire par et pour les petits agriculteurs.[19] Les agriculteurs peuvent toutefois vendre des semences récoltées d’une variété inscrite. Mais ici le problème est que si la semence inscrite est aussi protégée par la PVV, l’agriculteur se trouve de nouveau empêché par la législation de PVV de vendre la semence labellisée sur le marché. [20] Quant aux variétés de plantes cultivées développées par les agriculteurs, celles-là mêmes qu’ils ont fait pousser, échangées et vendues depuis des générations, de nombreux signes partout dans le monde montrent qu’elles vont disparaître. Si la loi est suivie à la lettre, on trouvera peu d’incitations à cultiver et à utiliser des variétés développées à la ferme et les agriculteurs n’auront d’autre choix que d’acheter et d’utiliser les variétés inscrites d’une firme privée. D’un autre côté, de nombreux agriculteurs ignorent probablement la loi sur le commerce des semences et il sera en fait très difficile d’arrêter la vente des semences qu’ils ont produites. En effet, la véritable survivance des variétés paysannes pourrait dépendre du fait que les agriculteurs ignorent tout simplement cet aspect de la loi et continuent de vendre et d’acheter leurs propres variétés paysannes. Inscrire et certifier une semence Il faut faire la distinction entre ‘inscrire une semence’ et ‘certifier une semence’ dans le Projet de loi sur les semences en Inde : Inscrire une semence : C’est obligatoire pour toutes les semences vendues. Le critère à remplir pour inscrire une semence est celui de la valeur agronomique et technologique (VAT). Cela implique de cultiver la variété pendant plusieurs saisons (trois saisons dans le projet de loi sur les semences) et de vérifier son aptitude à être utilisée pour le commerce. Certifier une semence : C’est un supplément facultatif à l’inscription d’une semence et les critères sont établis dans les « Normes indiennes minima de certification des semences » de 1988. La certification d’une semence comprend 6 étapes : - réception et examen de la demande ; - vérification de la provenance de la semence, de sa catégorie et de ce qui est nécessaire à la semence pour sa mise en culture ; - inspections des champs pour vérifier la conformité des normes prescrites pour les champs ; - supervision des étapes suivant la récolte comprenant la transformation et l’emballage ; - échantillonnage et analyse des semences, comprenant un test de pureté génétique et/ou un test sanitaire, s’il en existe, afin de vérifier la conformité aux normes prescrites. - délivrance du certificat et des étiquettes de certification, étiquetage et cachetage. Partout dans le pays, le projet de loi a rencontré de sévères critiques de la part de tous les secteurs de la société, y compris des groupes d’agriculteurs et de nombreuses organisations non gouvernementales. Les revendications vont de la demande de révision complète du projet de loi 2004 sur les semences [21] qui est proposé à la reconnaissance du droit absolu des agriculteurs à utiliser les semences autochtones [22]. Des campagnes importantes et des actions de masse continuent d’être programmées au niveau du village et du district.[23] Les agriculteurs s’indignent de ce qu’ils considèrent comme une limitation de leur liberté ancestrale de cultiver et de semer comme ils l’entendent. Ils voient aussi le projet de loi comme une détérioration de leur droit de vendre des semences et sont mécontents de l’absence de disposition concernant la responsabilité des entreprises, que ce soient des compagnies de semences indiennes ou étrangères. Autres problèmes posés par le projet de loi : Consolidation du secteur privé : il est fort à craindre que le projet de loi laissera la gestion des semences aux multinationales. [24] Introduction des OGM : Il est de plus en plus à craindre que le projet de loi facilite l’entrée des cultures GM et que les variétés traditionnelles soient contaminées par l’agriculture GM. Prix : Beaucoup pensent que les prix des semences vont grimper. Les compagnies privées auront besoin de récupérer leurs frais d’inscription sur le dos des agriculteurs Centralisation du pouvoir : Beaucoup s’inquiètent que le projet de loi sur les semences enlève le pouvoir de décision à l’état. Dans la constitution indienne, l’agriculture est placée sous la juridiction de l’état, sauf pour le coton et les oléagineux [25], et pour les denrées commercialisables [26]. Le gouvernement central traite les semences comme « denrées commercialisables » afin de justifier constitutionnellement qu’il légifère sur ce sujet. Un projet de loi sur les semences pour le secteur privé Le principal bénéficiaire de cette nouvelle loi est clairement le secteur privé des semences. Les multinationales bénéficieront en particulier d’une ouverture du marché des semences réservé à ceux qui sont en mesure de faire certifier et inscrire leurs semences, associée à la suppression de la vente des variétés paysannes. Ces multinationales représentent une part estimée à 30% du marché (voir encadré : Les multinationales en Inde). Les multinationales en Inde Monsanto, Bayer Crop Science, Syngenta, Advanta India Limited (anciennement ITC Zeneca Ltd.), Hicks-Muse-Tate Inc., Emergent Genetics, Dow Agro, Novartis, Bioseed Genetics Interntional Inc., Tokita Seed Co. Cependant, les grosses entreprises indiennes en bénéficieront aussi par la vente des semences exportées. Une base agricole extensive et riche en ressources génétiques, associée aux savoirs qui y sont liés et au faible coût du travail, fournit un terrain fertile pour la production de semences. L’Asie est en train de devenir le plus gros marché de semences du monde et c’est le partenaire commercial le plus important des Etats-Unis pour l’agriculture [27]. Le ministère du commerce des Etats-Unis a identifié l’Inde comme faisant partie des dix meilleurs « gros marchés émergeants » du monde. La Chine est le plus gros producteur de semences et l’Inde vient en seconde place. Le gouvernement des Etats-Unis accorde un intérêt particulier aux réformes économiques et législatives dans cette partie du monde [28], comme en Inde ils tiennent beaucoup à favoriser la conformité avec les normes des Etats-Unis [29], et à simplifier le commerce des semences [30]. Les législations sur les semences avaient au départ comme objectif de faire en sorte que le gouvernement puisse garantir des semences de bonne qualité et de protéger les agriculteurs contre les mauvaises semences distribuées par l’industrie. On voit plutôt, entre autres, comment les normes de l’industrie sont en train d’être adoptées par les lois sur les semences, qui elles-mêmes deviennent un moyen de faciliter l’entrée des multinationales dans le secteur des semences plutôt que de « protéger » le système informel d’approvisionnement en semences. Alors que le secteur privé ne tolère qu’une intervention minimale du gouvernement dans ses affaires, il fait pression activement pour recevoir la protection nécessaire du gouvernement afin de maximiser et de protéger ses profits : protection de ses droits de propriété intellectuelle sur une variété ou un gène (par PVV ou brevets) et, maintenant, avec le projet de loi sur les semences, la protection de leur marché pour commercialiser les semences selon leurs propres critères. Comme les compagnies font du commerce dans le monde entier, elles recherchent une harmonisation des lois sur les semences au niveau international. Et c’est ce que fait ce projet de loi sur les semences : c’est désormais un pays de plus qui harmonise sa loi avec celles de l’Union européenne et des Etats-Unis. Du projet de loi à la loi : L’Inde est vue comme l’un des plus gros marchés du monde et il y a par conséquent une pression énorme sur le gouvernement pour qu’il adopte le projet de loi sur les semences et en fasse une loi. Ce projet de loi est seulement l’un des changements législatifs en Inde pour que ce pays ouvre ses marchés et harmonise ses lois avec celles des pays riches. Cela comprend des amendements à la loi sur les brevets du pays et à la Loi modèle sur la commercialisation des produits agricoles. Avec l’actuelle session du parlement qui s’achève, l’adoption du projet de loi a été reportée à la prochaine session (en juillet 2005). Dans l’intervalle, on attend le rapport du comité parlementaire examinant le projet de loi. Quand le projet de loi sera représenté, il est peu probable qu’il soit rejeté si les protestations ne se font pas entendre ; la question est de savoir si suffisamment de bruit peut être fait sur ce projet et si ces protestations seront entendues. Histoire des réglementations indiennes sur les semences Dans les années soixante, le secteur officiel des semences en Inde était dominé par le secteur public. En 1961, la Corporation nationale des semences (NSC) [31] a été mise en place au sein du Ministère de l’Agriculture. La NSC était au centre de la production des semences des sélectionneurs, du système de certification des semences et du contrôle de la qualité. En 1967, le gouvernement indien a mis au point un Projet national des semences (NSP) avec l’aide de la Banque mondiale. Le Projet national des semences a établi des unités de traitement de semences dans 17 états [32]. Ces importantes unités de traitement étaient censées fournir aux agriculteurs des semences de cultures alimentaires « certifiées », principalement de plantes autogames. Elles ont la plupart du temps fonctionné en sous-capacité, et en pratique, se sont transformés en éléphants blancs. Ce fut surtout à cause de l’absence de demandes pour des semences certifiées que la majorité d’entre elles se retrouvèrent en faillite et souvent encombrées par des stocks de marchandises. En fait, si nous devons analyser les causes qui ont mené à ce fiasco des semences certifiées, il apparaît évident que ces unités de semences ne représentaient pas une priorité. C’est un exemple classique de l’introduction en force d’une technologie inappropriée en Inde. Au lieu de démanteler le projet national des semences, le gouvernement a continué a essayer d’imposer les semences certifiées sur le marché. Et comme il y avait quelques preneurs, la faute fut rejetée sur l’inefficacité du secteur public. Cela servit aussi à justifier la nécessité d’introduire l’industrie privée des semences. Il y a cependant une autre raison à la présence de cette industrie privée des semences soit-disant « efficace » dans les affaires, ce sont essentiellement les semences hybrides qui doivent évidemment être rachetées chaque année. Pendant ce temps, la Banque mondiale a continué à financer d’autres projets de semences pour augmenter la production des variétés de la révolution verte [34], pour coordonner le travail de la Corporation des fermes d’état de l’Inde (SFCI), faire émerger les entreprises privées, et en plus, créer et modifier l’infrastructure pour les essais et la recherche sur les semences, et leur certification. A ce moment-là, il y avait relativement peu de compagnies privées impliquées dans les semences (principalement des petites entreprises dont l’activité se réduisait à la production de quelques semences de légumes et de fleurs ornementales), les autorités gouvernementales se concentraient sur le secteur public et la participation du secteur privé était limitée. La Nouvelle politique de développement des semences de 1988 annonça l’arrivée d’une nouvelle ère pour l’entreprise privée dans le secteur des semences en Inde et encouragea l’augmentation du nombre des entreprises privées de semences. Cela coïncida avec le quatrième prêt que la Banque mondiale accorda au secteur des semences en Inde afin de le rendre plus « compétitif sur le marché ». Le prêt de 150 millions US$ des Etats-Unis avait pour objectif de privatiser l’industrie des semences et d’ouvrir l’Inde aux multinationales privées des semences [35]. L’impact le plus significatif de la nouvelle politique sur les semences a été l’accroissement des accords de coopération entre les compagnies nationales et les compagnies privées, dans le but d’importer de la technologie et du matériel parental. Avec la politique de 1988, les semences de légumes pouvaient être importées librement alors que les semences d’oléagineux, de légumes secs et de céréales comme le maïs, le sorgho et le mil pouvaient être importées pendant deux ans par des compagnies qui avaient des accords de collaboration technique et financière pour la production de semences avec des compagnies à l’étranger. L’importation était autorisée sous réserve que le fournisseur étranger accepte de fournir les semences de la lignée parente ou les semences des obtenteurs à la compagnie indienne pendant deux ans à partir de la date du premier arrivage commercial. Des scientifiques se sont opposés à cette politique sur le motif que l’infrastructure disponible était insuffisante pour tester les semences importées. Ils soutenaient que le pays devait arrêter d’importer des phytopathologies en même temps que les semences. Encore pire était la crainte que l’énorme quantité de semences utilisées en Inde soit un jour importée, comme ça a été le cas pour le Mexique . Cet argument fut rejeté par le gouvernement, qui affirma que les semences ne pourraient être importées que pendant deux ans (à l’exception des légumes et des fruits). Bien que l’industrie ait tout d’abord accueilli favorablement la politique sur les semences, elle commença plus tard à contester la limitation à deux ans, disant que cette période était trop courte pour une production efficace. Mais ce que les concepteurs de la politique sur les semences négligèrent à ce stade de son élaboration était que cette politique, après quelques temps, entraînerait une demande pour davantage de protection sur les semences importées. Et c’est exactement ce qui s’est produit. Après quelques temps, l’industrie des semences a commencé à faire pression sur le gouvernement pour qu’il fournisse une protection adéquate des droits de propriété intellectuelle, soit sous forme de PVV soit sous forme de brevets. Le gouvernement commença ainsi à ré-examiner sa politique sur la protection des variétés végétales. A la fin des années 80, le contrôle du gouvernement sur la production des hybrides par les licences commença à se relâcher. A la fin des années 90, l’ensemble du marché des semences était estimé à 500 millions $ (le secteur était encore très modeste technologiquement, avec 70% des ventes venant des semences sélectionnées par les agriculteurs, 26% de la sélection publique, et seulement 4% des hybrides) et les ventes prévues étaient estimées à 1,5 milliards $ pour 2001. A cette époque, sur les 400 et quelques compagnies de semences estimées dans le pays, seules18 appartenaient au secteur public et 10 au secteur coopératif. Les unités restantes faisaient partie du secteur privé, parmi lesquelles 25 à 30 grosses entreprises privées, et plus de 300 petites et moyennes unités[37]. La Commission de planification de l’Inde pour le plan actuel [38] prévoit une augmentation du taux de remplacement des semences pour les plantes cultivées avec un rôle croissant du secteur privé dans la production de semences certifiées. La stratégie de l’administration actuelle est… d’accentuer les difficultés des agriculteurs « malgré les réformes et non à cause d’elles . » L’état ne peut cependant pas compter sur le marché pour arranger la situation [39] . Les lois sur les semences dans quelques pays asiatiques Pays Loi Afghanistan La Loi nationale sur la « Qualité des semences et des plantes » est en voie d’être finalisée par le Ministère afghan de l’agriculture, de l’élevage et de l’alimentation. La FAO et l’ICARDA ont demandé au gouvernement de mettre en place un système de certification et de vérification des semences, et de mise en quarantaine des plantes en plus de la mise en place des normes de qualité des semences. Selon le projet de loi de l’ICARDA, l’inscription et la certification sont obligatoires pour toutes les plantes cultivées dans le secteur conventionnel. Cependant, les semences issues du secteur informel en sont dispensées, tant qu’elles ne sont pas vendues. Bangladesh La première loi sur les semences a été adoptée au Bangladesh en 1977. Comme dans la loi en vigueur en Inde, au Népal, au Pakistan, au Sri Lanka et en Thaïlande, seules les variétés notifiées par le gouvernement sont soumises à la réglementation. Cinq espèces cultivées notifiées (le riz, le blé, la canne à sucre, la pomme de terre et le jute) étaient principalement gérées par les institutions publiques. Depuis une « Révision du secteur agricole » décidée par la FAO, le PNUD, DANIDA et la Banque mondiale , une plus grande participation du secteur privé est prévue. Avec les programmes d’ajustement structurel, les marchés des intrants agricoles ont été considérablement libéralisés. Par la loi d’amendement de 1997 et les réglementations sur les semences de 1998, le secteur privé peut importer et commercialiser toutes semences non notifiées, alors que les semences des plantes cultivées notifiées peuvent être introduites pour des essais, subir des tests de conformité et ensuite être multipliées et vendues. D’autres amendements à la loi sur les semences sont en cours de discussion au Ministère de l’Agriculture. Bhoutan Par la loi sur les semences décidée en 2000 au Bhoutan, la gouvernement royal du Bhoutan réglemente les semences d’espèces et de variétés notifiées et la certification est optionnelle. Ce système est facultatif et il n’y a pas de critères DHS. Chine La Loi sur les semences date de 2000 : toute production commerciale de semence doit être inscrite et certifiée pour la vente. Il existe cependant une dispense totale pour les paysans qui peuvent échanger et vendre leurs semences sans avoir besoin d’une autorisation. Cette loi affirme aussi la souveraineté de l’Etat sur les ressources en semences. La loi sur les semences a été modifiée le 28 août 2004 et fournit un meilleur accès au marché aux compagnies de semences étrangères en Chine. Inde Il est proposé que la Loi sur les semences de 1966, qui réglemente seulement quelques variétés notifiées, soit remplacée par un projet de loi en 2004 ; selon ce projet de loi, toute semence destinée à la vente doit être inscrite selon les critères de valeur agronomique et technologique. La certification est optionnelle. Les variétés GM peuvent être inscrites sous réserve d’autorisation environnementale mais les OGM Terminator sont interdits. Une mention expresse est faite sur la possibilité des agriculteurs d’invoquer les lois de protection des consommateurs pour la responsabilité en cas de non-performance des semences. Indonésie Il existe une Loi sur les systèmes de culture des plantes datant de 1992 sous laquelle un Arrêté du gouvernement sur la gestion des semences des plantes est passé en 1995. Elle déclare notamment que les variétés paysannes ne sont pas soumises à cette réglementation (étant considérées comme des « variétés naturelles » et donc, non contrôlées par le gouvernement). Kirghizstan Comme dans les autres états indépendants du Commonwealth, de nouvelles lois sur les semences sont en cour d’élaboration, souvent avec une aide et une contribution de l’étranger. Par exemple, la Réglementation sur la certification des semences de céréales dans la République Kirghize en 2002, a été élaborée avec l’aide du ministère de l’agriculture des Etats-Unis (avec des financements de l’USAID) et de la FAO qui ont mis en oeuvre un projet de Programme de coopération technique sur la Législation des semences et la protection des variétés végétales. Népal La Loi sur les semences de 1988 et les réglementations sur les semences de 1996, traitent de l’inscription et de l’autorisation de 153 variétés de plantes. Le gouvernement peut requérir des procédures minimum pour le troc, la vente et l’échange de semences de variétés et d’espèces spécifiques, comme au Pakistan. Par ailleurs, les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent. Des amendements à la loi sur les semences sont en cours de discussion. Pakistan Dans la Loi sur les semences de 1976, les variétés notifiées de plantes cultivées doivent être inscrites et leur vente, échange et troc sont soumis à réglementation. Pour toutes les autres variétés, la certification est optionnelle. Plus de 350 variétés de plantes cultivées ont été inscrites. La loi sur les semences est actuellement en cours de révision. Philippines La Loi de la République n° 7308, Loi de développement de l’industrie des semences, a été promulguée en 1992 pour développer l’industrie nationale des semences. Les agriculteurs peuvent échanger et vendre leurs variétés sans certification. La Loi de la République n° 7607, [dite] Grande Charte des petits agriculteurs , définit les « bonnes semences » comme « des semences qui sont la descendance de semences certifiées ainsi contrôlées pour maintenir un niveau minimum acceptable de pureté et d’identité génétique et qui sont sélectionnées à la ferme ». La Loi pour le développement des plantes cultivées de qualité de 1995 encourage les agriculteurs à utiliser des plantes cultivées non-traditionnelles pour lesquelles il fournit plusieurs mesures d’encouragement comprenant des crédits à taux bas, des exemptions de taxes et des débouchés commerciaux. Les variétés recommandées (similaires aux variétés « notifiées » dans les pays d’Asie du Sud) doivent être inscrites et certifiées. Sri Lanka La Loi sur les semences de 2003 exige de quiconque « mettant une semence sur le marché au Sri Lanka » qu’il l’inscrive auprès du Directeur de la certification des semences au département de l’Agriculture. Chaque semence produite localement doit se conformer aux réglementations de production des semences certifiées avant sa description et sa vente comme « semence certifiée ». Même s’il y a une dispense totale pour l’échange et la vente de semences entre agriculteurs, si les agriculteurs désirent vendre des semences sur le marché, ils doivent produire et vendre des semences certifiées. Le projet de reconstruction post-tsunami de la FAO insiste sur la production de semences certifiées et met en avant les procédures de vérification et de certification des semences. Thaïlande La Loi sur les plantes de 1992 réglemente les variétés notifiées par un système d’autorisations pour les « semences contrôlées ». Toutes les autres variétés échappent au contrôle du gouvernement. [1] Devinder Sharma est un analyste des politiques alimentaires et commerciales installé en Inde. [2] Le Groupe d’examen des politiques sur les semences a été créé à l’initiative du Ministère de l’Agriculture. L’Association des semences de l’Inde (SAI) est l’une des principales associations de l’industrie des semences, et représente les moyennes et grosses entreprises étrangères et nationales. La SAI s’est activement impliquée dans les discussions avec le Ministère sur la nouvelle loi sur les semences. [3] La version en anglais du projet de loi peut être téléchargée à partir du site de ministère de l’Agriculture de l’Inde : http://www.agricoop.nic.in/seeds/seeds_bill.htm [4] Chapitre 13(1) du Projet de loi sur les semences, 2004 [5] National Biotechnology Development Strategy http://dbtindia.nic.in/biotechstrategy.htm [6] Semences “Terminator”: plantes génétiquement modifiées pour produire des semences stériles, ce qui oblige les agriculteurs à acheter de nouvelles semences chaque année à une firme. [7] Chapitre 36(1)(c) du Projet de loi sur les semences, 2004 [8] Chapitre 36(2) du Projet de loi sur les semences, 2004 [9] L’avis public délivré par le Comité parlementaire pour solliciter des suggestions sur le projet de loi sur les semences déclare que : « la législation qui est proposée vise à libéraliser les importations de semences et de plants en conformité avec les engagements de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». http://pib.nic.in/release/release.asp?relid=8963 [10] http://www.statpub.com/open/65830.html, http://www.fas.usda.gov/gainfiles/200410/146117690.pdf ; voir aussi " India seed industry in transition" http://www.fas.usda.gov/gainfiles/200312/146085513.pdf [11] Seed industry seeks infrastructure status http://www.thehindubusinessline.com/2005/03/16/stories/2005031600941000.htm [12] De la Commission d’experts en agriculture des agriculteurs de l’Andhra Pradesh, voir Done in by cash crops http://www.frontlineonnet.com/fl1926/stories/20030103004611200.htm [13] How to sue a corporation, Greenpeace India 's legal manual for farmers http://www.greenpeace.org/india/press/reports/how-to-sue-a-corporation [14] A lesson from the field http://flonnet.com/fl2011/stories/20030606005912300.htm [15] Chapitre 39(2) de la Loi de protection des variétés végétales, 2001 [16] Chapitre 43(1) du Projet de loi sur les semences, 2004 [17] En termes commerciaux, une marque de fabrique est un nom, un symbole ou un motif utilisé pour identifier un fabriquant ou un vendeur de marchandises. Par exemple, le coton Bt de Monsanto est commercialisé sous la marque Bollgard. [18] Par définition, le projet de loi sur les semences fait la différence entre un agriculteur et ceux qui sont impliqués dans les activités du commerce des semences. Comme dans le chapitre 2(9), « agriculteur » signifie toute personne qui cultive des plantes soit en cultivant les terres lui-même soit en le faisant faire par d’autres, mais cela n’inclut pas les individus, les firmes, les commerçants ou les négociants qui sont impliqués dans la fourniture de semences au niveau commercial. [19]http://www.ddsindia.com/anotherorganics.htm. Dans d’autres parties de l’Asie, comme aux Philippines, MASIPAG travaille à développer un système de garantie alternatif pour les agriculteurs de MASIPAG comprenant un système de contrôle de qualité interne validé par les agriculteurs eux-mêmes, en opposition à la certification officielle. http://www.masipag.org/news_india.htm [20] Chapitre 39(1) Clause de la Loi de protection des variétés végétales [21] Par exemple, Navdanya dans son “Alternative Agriculture Policy” http://www.navdanya.org/news/110305-1.php [22] http://www.organicconsumers.org/ge/indiawomen32505.cfm [23]http://economictimes.indiatimes.com/articleshow/1056293.cms [24]http://www.thehindubusinessline.com/2005/03/30/stories/2005033000240900.htm [25] Sur la liste dite « concurrente » de la Constitution de l’Inde où à la fois l’Etat et le gouvernement de l’Union peuvent établir des règles [26] Sur la liste de l’Union où seul le gouvernement de l’Union a le pouvoir d’édicter des lois. [27]http://www.fb.org/views/com/boost_exports.html [28] « Les normes d’importation de la Chine sont souvent obscures, déclare un responsable des Etats-Unis, et peuvent créer des barrières pour les exportateurs étrangers », compte-rendu de l’USTR http://cayupply.notlong.com [29] En l’occurrence, la pression opérée par les Etats-Unis pour effectuer des amendements à la Loi sur les brevets en Inde, pour permettre, entre autres, de breveter les semences génétiquement modifiées. [30] Seeds Trade With India Not Easy: USDA http://www.financialexpress.com/fe_full_story.php?content_id=59335 [31]http://www.indiaseeds.com/ [32] Punjab, Haryana, Maharashtra, Andhra Pradesh, Karnataka, Rajasthan, Uttar Pradesh, Bihar et Orissa. Madhya Pradesh, Gujarat, West Bengal, Assam, Meghalaya et Arunachal Pradesh. [33] Sharma, D. 1997: In the Famine Trap UK Food Group and the Ecological Foundation, London/New Delhi, pp123-124 [34] En 1969, la ‘Tarai Seed development Corporation’ a démarré avec un prêt de la Banque mondiale de 13 millions US$. Vinrent ensuite deux Projets nationaux sur les semences (NSP), pour lesquels la Banque mondiale a donné 41 millions US$ entre 1974 et 1978. http://www.whirledbank.org/environment/agriculture.html [35] World Resources Institute 1994: ‘Second’ India Revisited [36] Sharma, D 1994: GATT and India: The Politics of Agriculture, Konark Publishers, New Delhi, pp 60-62 [37] http://www.indiainbusiness.nic.in/knowledgesociety/biotech.htm 10 th Five Year Plan (2002-2007) http://planningcommission.nic.in/plans/planrel/fiveyr/welcome.html [38] 10 th Five Year Plan (2002-2007) http://planningcommission.nic.in/plans/planrel/fiveyr/welcome.html [39] Pratap Bhanu Mehta, 2004, India’s Kinder and Gentler Globalization, YaleGlobal, http://yaleglobal.yale.edu/display.article?id=4315