Déclaration de solidarité avec les communautés du département de Ndian, dans la Région du Sud-Ouest au Cameroun Nous sommes 40 participants assemblés à Mundemba, au Cameroun, pour un atelier international sur les tactiques et stratégies des entreprises de palmiers à huile, atelier organisé du 28 au 31 janvier 2016. Nous sommes venus du Cameroun, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, d’Asie et d’Amérique du Sud, pour partager notre vécu, et pour essayer de comprendre ce que vivent les communautés locales du département de Ndian, dans la région du Sud-Ouest au Cameroun. Nous partageons les préoccupations des communautés locales devant l’intérêt croissant des grandes entreprises pour les terres communautaires qu’elles veulent convertir en plantations de palmiers à huile. Les expériences partagées durant l’atelier par les différents participants, venus de nombreux pays affectés eux-aussi par l’expansion des plantations ou des pays d’origine des entreprises impliquées dans cette expansion, attestent des dangers encourus par les communautés. En Indonésie, les entreprises de palmiers à huile se sont emparées de manière illicite et ont détruit des millions d’hectares de terres appartenant aux communautés et une bonne partie de ces entreprises s’attaquent maintenant aux terres africaines pour y établir des plantations. Dans nombre de pays africains, nous constatons que les entreprises négligent systématiquement d’honorer les promesses faites aux communautés qu’elles ont spoliées de leurs terres, à coup de corruption, de pots-de-vin, de mensonges, d’intimidation et d’autres tactiques malhonnêtes. Grâce à nos visites de terrain à Ndian Town, Fabe, Meangwe II et au village réinstallé d’Ikondo Kondo, nous avons pu voir et entendre directement des preuves que les tactiques et les stratégies employées par les entreprises de palmiers à huile et les conséquences catastrophiques des plantations qui se sont produites dans d’autres pays sont grosso modo les mêmes dans ce coin du Cameroun. Nous avons été témoins de la manière dont les entreprises, dans cette région, ont omis de respecter les jugements des tribunaux en faveur des communautés ou de se plier aux lois en matière de protection de l’environnement et d’acquisition des terres. Nous sommes très inquiets de l’intimidation et de la criminalisation des chefs communautaires et des organisateurs opposés aux projets, comme l’organisateur local du présent atelier, l’organisation SEFE basée à Mundemba. Nous avons pu voir que les entreprises ne fournissent pas les services fondamentaux et le soutien promis aux communautés, tels que bourses d’études, emplois, fermes communautaires, ponts et routes, redevance (royalties), logement, soins de santé, fourniture d’eau ou d’énergie. Les entreprises n’amènent pas le développement, mais elles génèrent tout bonnement la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les conflits sociaux et la destruction environnementale. Nous sommes touchés de voir les efforts pacifiques fournis par les communautés et tous ceux qui travaillent avec elles pour protéger et conserver la mainmise sur l’usage traditionnel de leurs terres, ces terres sur lesquelles elles veillent depuis des générations. Malgré les défis et les difficultés auxquels ont à faire face les communautés de cette région, nous apprécions à leur juste valeur leurs efforts pour défendre leurs intérêts et nous reconnaissons leur courage. Les succès obtenus par certaines de ces communautés pour empêcher les entreprises de s’emparer des terres de leur territoire nous fortifient dans notre résolution. Nous, participants venus de diverses parties du monde et réunis à Mundemba pour cet atelier, aimerions remercier les autorités gouvernementales locales d’avoir rendu possible ce rassemblement en garantissant la sécurité de tous les participants, et nous nous engageons à fournir tout le soutien et la solidarité possibles aux communautés de Ndian dans leurs luttes pour défendre leurs terres de manière pacifique et non violente. Fait à Mundemba le 31 janvier 2016 Signataires du Cameroun Struggle to Economise Future Environment (SEFE), Cameroun Centre pour l'Environnement et le Développement (CED), Cameroun Réseau des acteurs du Développement Durable (RADD), Cameroun SYNAPARCAM, Cameroun Jeunes Volontaires pour l'Environnement Cameroun (JVE- Cameroun) Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA), Cameroun Environmental Investigation Agency (EIA), Cameroun Green Development Advocates, Cameroun Nature Cameroon FUFEDA-Edea, Cameroun Africa Movement Force For Freedom, Cameroun Korup Rainforest Conservation Society, Cameroun Environmental Resources Management and Social Issue Center, Cameroun Chief WANGOE Philp, Fabe, Cameroun Chief Moto Divine, Ndiba, Cameroun Chiel Mbote Patrick Eleli, Menagwe II, Cameroun Chief Okanda Alex, Esoki, Cameroun Chief Orume S. Orume, Mosongiseli, Cameroun Chief Akama Orume, Idibayanga, Cameroun Mosembe Cornelius, Sikam, Cameroun Salvadoe Tambe, Ebanga, Cameroun Cooperative Agropastorale Filles et Femmes, Libamba, Cameroun Colette Um, Cameroun Lotsmart Fonjong, Université de Buéa, Cameroun Bila Ellem, Bweme, Cameroun Ebokely Martin Esono, Dikome Balue, Cameroun Momene Wilson, Esoki, Cameroun Violet Fokum, IDRC-Université de Buéa, Cameroun Njuma Leslie, Ndian Town, Cameroun John Arreymbor, Divisional Delegate of Environment, Cameroun Efokoa Charles, Buea, Cameroun Oku Nelvis, Ikoti, Cameroun Okpo wa Namolongo, Lipenja II, Cameroun Gregory Orume, Mosongiseli, Cameroun NGOE Gabriel Iselle, Fabe, Cameroun Prince Akama, Ndian Town, Cameroun Cameroon Ekale Cecilia, Ndian Town, Cameroun Epamba Verine, Meangwe II, Cameroun Njuma Larry, Mundemba, Cameroun Signataires internationaux Association pour le Développement Durable et la Protection de l’Environnement en Guinée (ADAPE), Guinée ATTAC-Gabon, Gabon Brainforest, Gabon Pain pour le prochain, Suisse Community Forest Watch Network, Nigeria Environmental Rights Action (ERA), Nigeria Forum pour la gouvernance et les droits de l'Homme (FGDH), Congo-Brazzaville GRAIN Observatoire congolais des droits de l'Homme (OCDH), Congo-Brazzaville Réseau d'information et d'appui aux ONG nationales (RIAO), Congo-Kinshasa Alliance Caféière, Congo-Kinshasa WALHI, Indonésie World Rainforest Movement (WRM), Uruguay YETIHO, Côte d'Ivoire Déclaration de Mundemba : femmes et expansion des plantations du palmier à huile et de l’huile de palme industrielle Considérant que l’aspiration à la dignité humaine constitue un idéal commun à tous les hommes, la Charte des Nations Unies en son préambule le proclame et que la Déclaration Universelle des droits de l’Homme élucide les principes ; Considérant le rôle moteur joué par la femme dans l’économie mondiale, rôle inscrit dans les objectifs du Millénaire pour le développement ; Considérant le rôle que jouent les femmes dans les économies locales dans chaque pays ; Considérant la place prépondérante qu’occupe la femme dans l’équilibre de la cellule familiale au sein de toutes les sociétés humaines ; Consciente du fait que la femme est toujours à l’avant-garde de la lutte contre la pauvreté par ses multiples interventions, surtout dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture ; Nous, femmes leaders des associations féminines riveraines des plantations industrielles de monoculture, affectées par l’expansion de ces dernières et surtout celles du palmier à huile ; Nous, organisations nationales et internationales engagées dans la lutte pour la défense des droits des femmes et des communautés locales en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie, ci-dessous signataires de la présente, réunies les 27 et 28 janvier 2016 à Mundemba dans la Région du Sud-Ouest au Cameroun. Après avoir : partagé des témoignages du douloureux vécu quotidien des femmes vivant autour et dans des plantations de monocultures de palmier à huile de Mundemba et du Cameroun, et fait une analyse profonde des conséquences sur la femme et la famille de l’expansion rapide et brutale des monocultures promues par les multinationales dans les différentes communautés locales et nationales ; fait le tour des avantages sur les plans sociaux, économiques, environnementaux, culturels, culinaires du palmier à huile traditionnel ; et parcouru les stratégies et les solutions que les femmes victimes des accaparements de terres et particulièrement celles riveraines des plantations industrielles du palmier à huile ont mis en place en vue de la défense de leurs intérêts. Ayant constaté que : les exploitations de monoculture et particulièrement celles du palmier à huile : plongent la femme riveraine de ces plantations dans un système de paupérisation croissante et par elle, la famille toute entière ; spolient les femmes des terres agricoles fertiles jadis utilisées pour l’agriculture familiale avec laquelle elle nourrit la famille et la communauté toute entière menaçant ainsi la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations concernées ; sont une cause de la disparition de nombreuses pratiques culturales et culturelles de ce fait contribuent à la disparition de nombreux acquis traditionnels et artisanaux, réduisant des communautés entières à se soumettre à la dictature de la société de consommation faute d’autonomie de production ; ne peuvent pas nourrir les familles comme le font les exploitations familiales des femmes; sont une menace pour l’utilisation durable de la biodiversité et contribue à la disparition des produits forestiers non ligneux qui sont une source de revenus principale pour les femmes, du fait de la destruction massive et effrénée des forêts, amplifiant ainsi le phénomène de l’effet de serre et des changements climatiques ; et entrainent la disparition du palmier à huile traditionnel dont les vertus traditionnelles, médicinales, nutritionnelles, culturelles sont valorisées par la femme pour le bien être de sa famille et de la société. la définition des politiques foncières et les cessions des terres s’opèrent souvent sans une véritable implication des femmes concernées ; et les champs d’arbres plantés ne pourront jamais remplacer la forêt naturelle. Réaffirmons notre engagement à s’investir dans : la recherche et la capitalisation de l’information sur les cas d’abus et de frustration subis par les femmes autour et dans les grandes plantations industrielles, et particulièrement celles du palmier à huile afin de faire une étude amplement diffusée ; la mise en place d’un cadre d’actions et d’échanges des femmes engagées dans les luttes pour la défense de leurs intérêts autour et dans les monocultures d’arbres et particulièrement de palmier à huile ; la mise en place d’un cadre de concertation multi acteurs (administration, /secteur privé, communautés locales avec une représentativité des femmes leaders ; la création d’un fonds de soutien aux femmes victimes d’abus dans et autour des plantations agro-industrielles ; le développement des alternatives économiques avec les femmes spoliées ; le plaidoyer pour une plus grande implication des femmes dans les sphères de décision sur les questions foncières la promotion du palmier à huile traditionnel ; La création d’un observatoire des femmes autour des cessions de terre à grande échelle et l’impact de la monoculture sur l’agriculture familiale ; le renforcement des capacités des femmes dans la défense de leurs intérêts pour les outiller afin qu’elles soient capables de résister aux abus de toutes sortes dus à l’implantation des agro industries ; et la réalisation des études du cadre légal en vue de mener des plaidoyers destinés à influencer les réformes législatives et règlementaires dans les secteurs connexes. RECOMMANDONS Aux pouvoirs publics : de placer la problématique de l’expansion du palmier à huile industriel au cœur des priorités nationales au Cameroun et dans les autres pays du monde où cet arbre pousse naturellement ; de définir des politiques multisectoriels adaptées à la situation de la femme rurale affectée par l’expansion du palmier à huile industriel; de faire des réformes législatives et règlementaires dans les domaines impliqués dans l’expansion du palmier à huile industriel ; Aux partenaires financiers et techniques : d’apporter un appui multiforme aux actions menées dans le cadre de la lutte contre l’expansion du palmier à huile industriel ; de saisir chaque opportunité de collaboration avec les pouvoirs publics pour introduire la question de l’expansion du palmier à huile industriel ; et de soutenir toute initiative de femmes visant la promotion du palmier à huile traditionnel en vue d’assurer la subsistance dans les familles en milieu rural. Aux ONG et organisations paysannes locales et internationales : de prendre le relais de la lutte contre l’expansion du palmier à huile industriel entreprise par les femmes ; faire le plaidoyer pour que des solutions claires, efficaces et adaptées soient trouvées au problème de l’expansion du palmier à huile industriel au cœur des priorités nationales ; et renforcer les capacités des femmes pour les rendre plus aptes à mener ce combat lié à l’expansion du palmier à huile industriel. Aux femmes : d’être proactives pour mener le combat lié à l’expansion du palmier à huile industriel ; de s’organiser en associations et réseaux à tous les niveaux, local, national, sous – régional, régional et international, afin d’être plus fortes ; et de dénoncer toute forme de violation de leurs droits liée à l’expansion du palmier à huile industriel. Fait à Mundemba le 28 janvier 2016 Signataires RELUFA, Yaoundé-Cameroun BACUDA, Kribi-Cameroun ERA/FOE-Nigeria FERAFCAM, Cameroun CAFIFEL, Cameroun OCDH, Congo Brainforest-Gabon Pain pour le prochain, Suisse SEFE, Cameroun Green Development Advocates, Cameroun Struggle to Economize Future Environment-SEFE, Cameroun Social Centre, Mundemba, Cameroun CED-CAMEROUN SFDD, Cameroun ADAPE, Guinée Konakry GRAIN JJFE, Cameroun Université de Buéa, Cameroun World Rainforest Movement (WRM) FUFEDA, Cameroun Alliance Dame Active de Batschenga (DABA)