Communiqué de presse GRAIN | 26 novembre 2019Les émissions de gaz à effet de serre provenant des échanges de huit produits agricoles vont augmenter d’un tiers, du fait du nouvel accord commercial UE-MercosurAlors que les gouvernements se réunissent à Madrid pour discuter des prochaines étapes dans la lutte urgente contre la crise climatique, les organisations d’agriculteurs européennes et latino-américaines et leurs alliés accusent ces mêmes gouvernements de prôner des accords de libéralisation du commerce qui augmentent les émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’accord de libre-échange UE-Mercosur, dernier exemple de cette offensive, a été conclu en juin dernier. Il a été présenté comme un accord commercial qui s’inscrit dans la continuité de l’accord de Paris. L’UE s’est même vantée du fait que Jair Bolsonaro avait renié sa promesse électorale de se retirer de l’accord de Paris sur le climat afin d’obtenir cet accord commercial. L’objectif principal de ce traité est pourtant d’accroître les échanges commerciaux pour une multitude de produits qui perturbent le climat, tels que les automobiles, la viande bovine industrielle, l’éthanol ou le soja. Une étude de GRAIN, publiée aujourd’hui, montre que ce traité commercial augmentera de 8,7 millions de tonnes par an les émissions de gaz à effet de serre générées par huit produits agricoles, soit un tiers de plus que ce qui sera produit cette année. Plus de 80 % de ces émissions proviendront d’un seul produit : la viande bovine du Mercosur. Du côté de l’Europe, les émissions provenant des exportations de produits laitiers augmenteront de 500 %.« Le climat et le commerce vont à l’affrontement », explique Claude Girod, de la Confédération paysanne en France. « La réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre doit passer par une réorientation radicale du système de production agroalimentaire vers l’agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire. Les accords de libre-échange comme le Mercosur-UE conduisent à un transfert de ressources au profit des multinationales et du secteur de l’agro-export. Ici, en Europe, ces derniers bénéficient déjà de 80 % des fonds agricoles de l’UE ! Entre-temps, en faisant chuter les prix à la production, ils entraînent la disparition des petites et moyennes exploitations, et par la même le modèle durable qui serait capable d’atténuer les changements climatiques. »Perla Alvarez Britez, représentante de La Via Campesina de la Coordination des organisations paysannes d’Amérique latine, partage cet avis. « Les accords de libre-échange continuent d’imposer un type d’agriculture qui chasse les peuples autochtones de leurs terres et fait basculer les agriculteurs dans la faillite et l’endettement, en générant dans le même temps des conflits pour l’accès à l’eau et en détruisant les forêts et la biodiversité », déclare-t-elle depuis le Paraguay.Pour GRAIN, il est crucial d’exposer le lien entre le commerce, l’agriculture industrielle et le changement climatique pour pouvoir changer les systèmes. « Sous l’effet de quelques produits agroalimentaires provenant principalement de méga-exploitations situées dans les régions du Cerrado au Brésil, du Chaco au Paraguay et en Argentine et de la Pampa argentine, l’accord UE-Mercosur va générer chaque année 9 millions de tonnes d’émissions supplémentaires de gaz à effet de serre », explique Larissa Packer de GRAIN au Brésil. « Il ne faut pas se leurrer. Cela n’a rien à voir avec le fait de nourrir les gens. Il s’agit de développer des marchés pour l’agro-industrie qui, selon le Groupe international d’experts sur le climat, est responsable de 37 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. »On est aussi face à une grave contradiction. L’augmentation des importations d’éthanol et de soja dans le cadre de cet accord sera probablement utilisée pour atteindre les objectifs européens en matière de carburant « vert », mais cela pourrait aussi entraîner un accroissement de la déforestation et de l’accaparement des terres dans des pays comme le Brésil. On pourrait aboutir à une situation dans laquelle les efforts des gouvernements de l’UE visant à atteindre leurs objectifs climatiques entraînent en réalité une aggravation de la crise climatique ! Pour les mouvements paysans et sociaux des deux côtés de l’Atlantique, le message est clair. Si nous voulons vraiment faire reculer le changement climatique, nous devons démanteler le système alimentaire industriel au profit d’un soutien complet aux petits producteurs, aux transformateurs régionaux et aux marchés alimentaires locaux, et non pas mondiaux.Pour plus d’informations, les médias peuvent contacter :* Coordination des organisations paysannes d’Amérique latine - La Vía Campesina : Perla Alvarez Britez, [email protected], +595981146575 (espagnol) ou Fausto Torrez, [email protected], +50589985564 (espagnol)* Confédération paysanne : Claude Girod, [email protected], +33689399490 (français, anglais)* GRAIN : Henk Hobbelink, [email protected], +34933011381 (anglais, espagnol, néerlandais)Le rapport de GRAIN, « L’accord commercial entre l’UE et le Mercosur va intensifier la crise climatique due à l’agriculture », est disponible aujourd’hui en anglais, espagnol, français et portugais sur https://grain.org/e/6355.