A l’occasion de la 3ème édition de la foire nationale des semences paysannes organisée par l’Union des Collectivités de Tattaguine (UCT) en collaboration avec l’Association Sénégalaise des Producteurs de Semences Paysannes (ASPSP) à Dioral (région de Fatick), 310 participants se sont réunis sous le thème « Cultivons l’autonomie semencière ». Cette foire est la suite logique de 5 foires internationales des semences paysannes organisées par l’ASPSP à Djimini (région de Kolda). A cette occasion sont venues prêter leur soutien les autorités administratives (préfet de département et les services techniques rattachés), les responsables religieux, coutumiers et locaux, les partenaires au développement et l’ensemble des populations des villages environnants. La tenue de cette foire, qui a enregistré une forte présence féminine, nous a permis de démontrer une grande diversité de semences paysannes et d’acteurs autour de la thématique. Les paysannes et les paysans ont échangé les semences selon leurs besoins. Ils ont discuté des thèmes suivants : les semences paysannes, les OGM, les lois sur les semences, la médecine africaine, la nutrition en lien avec les plantes locales, la protection naturelle des plantes et les épices naturelles. Les discussions ont été agréablement complétées par le théâtre-forum joué par la troupe Kaduk Yaraax sur les thèmes : le danger des brevets sur les semences et l’exode rural. Pour assurer sa sécurité et sa souveraineté alimentaire, le paysan sénégalais doit détenir ses propre semences. Les semences paysannes sont reproductibles, elles ne sont ni homogènes, ni stables et elles nous permettent de pratiquer une agriculture paysanne diversifiée et agro écologique. Nous affirmons que le paysan est un producteur compétent de semences. Depuis des millénaires il fait la création variétale et la production des semences, tandis que maintenant il est déclaré incompétent (d’après la loi 94.81). Les paysans ont crée toute la richesse variétale existante dans le monde. Les paysans ont des techniques de production de semences efficaces, méconnues par la recherche. Ils ont leurs propres méthodes de certification des semences garantissant la qualité des semences. Nous, les paysans, nous affirmons que nous n’avons pas besoin de certification officielle de nos semences. La principale loi sur les semences est la loi n°94.81 relative à l’inscription des variétés, à la production, à la certification et au commerce des semences ou plants. Elle a comme finalité la production des semences certifiées pour les variétés améliorées. Elle ne reconnait ni les semences paysannes, ni les paysans en tant que producteurs de semences. Nous revendiquons la reconnaissance officielle des semences paysannes à l’instar des semences certifiées et des variétés améliorées. Cette loi empêche la synergie des efforts entre les paysans, les chercheurs et les agronomes. Elle empêche la définition des politiques agricoles efficaces. Elle bloque la solution du problème de manque des semences de qualité. Le système officiel a montré les lacunes les et incompétences à résoudre ce problème. A cette situation critique est venue se greffer la décision de notre gouvernement d’adopter les semences OGM, sous la pression des firmes multinationales de l’industrie semencière, agroalimentaire et pharmaceutique. Pour légitimer cette décision, l’Autorité Nationale de Biosécurité (ANB) a récemment enclenché la révision de la loi n° 2009-27 sur la biosécurité visant à faciliter l’introduction des semences OGM au Sénégal. Cette révision fait partie du processus d’harmonisation des lois sur les semences, processus dirigé par l’USAID, qui vise à accorder la loi nationale avec le règlement sous régional qui autorisent la libre circulation des OGM en Afrique de l’Ouest, règlement en cours d’adoption. Le gouvernement sénégalais, et le Président de la République, se sont prononcés favorablement pour l’introduction des semences OGM. Le scénario qui se profile maintenant est le vote automatique des députés de l’Assemblée Nationale de la loi révisée. Les discussions pendant la foire nous ont permis de réaliser clairement que les semences, l’héritage de nos ancêtres, sont en train d’être extirpées des mains des vrais agriculteurs. Nous sommes convaincus que les semences certifiées, et surtout les semences hybrides et semences OGM brevetées, rendent les agriculteurs dépendants. Les semences OGM ne garantissent ni l’augmentation des rendements, ni la diminution de l'utilisation des pesticides, mais ont des conséquences négatives sur la biodiversité, l'environnement, la nutrition et la santé. Les semences OGM menacent gravement la sécurité et la souveraineté alimentaire de l’Afrique. Nous déclarons que la promotion des OGM est en porte à faux avec les objectifs de Développement Durable (ODD) auxquels notre pays a souscrit. Nous demandons au Président de la République de consulter les paysans, qui sont les principaux acteurs de l’agriculture, sur les questions concernant les OGM. Nous demandons aux députés de ne pas voter la loi révisée sur la biosécurité. Nous demandons aux paysans et organisations paysannes de se mobiliser massivement pour rejeter les OGM. Nous demandons à l’USAID de ne pas intervenir dans les questions concernant les lois semencières au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Nous, les africains, nous sommes capables d’élaborer nos propres lois. Nous demandons aux chercheurs de dire la vérité sur les OGM et de ne pas privilégier leurs intérêts personnels en collaborant avec les firmes semencières. Nous recommandons aux organisations de la société civiles (CNCR, FONGS, COPAGEN, FENAB, CONGAD, etc.) et aux associations des consommateurs : De se renseigner sur le danger des aliments importés, des produits traités chimiquement et des aliments à base d’OGM, De refuser les OGM dans l’alimentation, notamment l’huile à base de soja OGM largement vendue au Sénégal, D’exiger l’étiquetage des produits et dérivés d’OGM vendus sur le marché, De plaider pour que la décision arbitraire d’adoption des OGM au Sénégal soit rejetée au profit d’une large consultation publique telle que préconisée par la déclaration universelle des droits humains. Nous appelons les institutions de recherche agricole, notamment l’ISRA, ainsi que les décideurs politiques et les bailleurs de fonds : A définir les thèmes de recherche agricole en concertation avec les paysans et en fonction de leurs besoins, A mettre en œuvre des politiques et des programmes en faveur des semences paysannes, et des droits des paysans sur les semences, conformément à l’article 9 du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA). Fait à Dioral, Sénégal, le 18 Mars 2017.