L’Amérique latine subit, de la part des transnationales de l'agroalimentaire, une offensive d’une intensité extrême qui rappelle celle qui avait été vécue dans le cadre de la Révolution verte des années 1960 — la première —, ou lors du premier débarquement de transgéniques dans les années 1990. D’un bout à l’autre du continent américain, et sous différentes formes, l’invasion par les transgéniques menace la possibilité, pour des millions de paysans, de peuples indigènes et de consommateurs et consommatrices, de cultiver la terre et de s’alimenter. La liste inclut presque tous les pays et, pour ne mentionner que les cas les plus récents, commençons notre tour d’horizon dans le Sud avec le coup d’État parlementaire au Paraguay dont l'un des objectifs était d’obtenir l’autorisation de cultiver du maïs transgénique que le gouvernement tente en réalité déjà de mettre en œuvre. En Argentine, Monsanto veut construire la plus grande usine d’Amérique latine pour transformer le maïs transgénique ; il veut aussi modifier la loi sur les semences pour l’adapter à ses besoins. Dans la région andine, nous nous inquiétons des tentatives de rompre l’interdiction des OGM en Bolivie et en Équateur à l’aide d’arguments douteux. Au Costa Rica, la Comisión de Bioseguridad tente d’approuver un maïs transgénique. Ce n’est pas un hasard si presque partout, le maïs, notre maïs, est la principale cible de ces agressions. Il n’est pas fortuit non plus que le Mexique soit le foyer d’une des agressions les plus brutales. L’avalanche arrive Il se peut qu’avant la fin du mandat présidentiel de Felipe Calderón, ou dès le début de celui du nouveau président, Enrique Peña Nieto, on commence à cultiver du maïs transgénique à des fins commerciales sur plus de deux millions d’hectares du territoire mexicain, en commençant par les États de Sinaloa et de Tamaulipas ! C’est ce que documente, alarmé, le Groupe ETC : L’approbation des premières demandes des transnationales Monsanto et Pioneer (propriété de DuPont) pour planter du maïs à échelle commerciale au Mexique est à l’étude : un million quatre cent mille hectares dans le Sinaloa et plus d’un million d’hectares dans le Tamaulipas. Ce territoire est plus grand que tout l’État de Mexico, 17 fois plus grand que le district fédéral de Mexico et plus grand que le district fédéral et les États du Morelos, Tlaxcala, Colima et Aguascalientes réunis. Il est aussi bien plus grand que des dizaines de pays, comme le Salvador, le Koweït ou le Luxembourg. Ils veulent planter, sur plus de la moitié de ces terres, le même type de maïs transgénique (avec le gène Mon603) qui a produit le cancer chez des rats dans l’expérience menée par le docteur Séralini en France, dont les résultats ont été publiés en octobre 20121. S’il est approuvé, ce maïs d’irrigation, semé dans les mois à venir, se répandra à travers le Mexique au milieu de l’année prochaine. Il inondera les grandes villes — la région métropolitaine du District fédéral, Tijuana, Monterrey, Guadalajara — et d’autres villes de taille moyenne, en suivant les voies de distribution habituelles, exposant ainsi la population à de graves dangers. Ce maïs sera consommé directement dans des aliments comme les tortillas, les atoles, les tamals ou pozols ou indirectement dans d’innombrables aliments transformés qui en contiendront sous forme d’édulcorant, d'émulsifiant, d'agent de stabilisation ou d'excipient. Il sera très difficile d’en retracer l’origine2. Dans un premier document de soutien à la résistance contre cette agression, le Centro de Estudios para el Cambio en el Campo Mexicano (Ceccam, Centre d’études pour le changement dans la campagne mexicaine) insiste sur ce point en expliquant : Les sociétés de commercialisation comme Cargill et les entreprises industrielles comme Maseca, Minsa et ADM achètent le maïs aux agriculteurs. Cargill vend le maïs en grain pour la fabrication de la pâte3 aux moulins des villes, lesquels fournissent les fabricants de tortillas. Maseca et Minsa fabriquent de la farine de maïs qu’ils vendent aux fabricants de tortillas ; certains mélangent la farine avec de la pâte, d’autres utilisent seulement de la farine, par exemple ceux qui vendent leurs tortillas chez Walmart. Maseca et Minsa fabriquent aussi des tortillas et vendent de la farine de maïs au détail. ADM distribue le maïs en grains aux magasins Diconsa. Tous ces types de farine et de pâte sont préparés ou contaminés avec du maïs transgénique, car il n’y a aucun moyen de séparer le maïs transgénique de celui qui ne l’est pas. De plus, le gouvernement du Mexique s’est toujours opposé à l’étiquetage des produits transgéniques de sorte que très bientôt, nous mangerons tous et toutes du maïs transgénique sans le savoir4. Pourquoi une alerte rouge? Les communautés paysannes et indigènes, les habitants des quartiers de toutes les grandes villes et les organisations de la société civile sonnent une alerte rouge totale parce qu’ils considèrent qu’il s’agit d’une « contamination planifiée de manière tout à fait délibérée5 ». La superficie qui serait semée est si vaste que nous pouvons affirmer que c’est une véritable avalanche de maïs transgénique qui plane sur l’ensemble du pays, tant à la campagne, pour ce qui est des cultures, qu’à la ville, pour les gens qui consomment cette céréale. Nous parlons d’une alerte rouge environnementale parce qu’elle signifiera l’érosion de l’immense variété des semences natives de maïs dans leur centre d’origine, centre qui dépasse largement la région mésoaméricaine. Les agences gouvernementales ont parlé de l’existence de « centres d’origine et de diversification du maïs » au Mexique (décrétant ainsi l’existence de régions où l’on pourrait semer n'importe quoi parce qu’elles « ne sont pas des centres d’origine ») ; mais les communautés et les organisations de la société civile insistent, avec des chercheurs et des experts de plusieurs régions du monde, sur le fait que : La contamination est un sujet qui concerne le monde entier parce que le maïs est l'une de nos cultures alimentaires les plus importantes, et le Mexique un réservoir de sa diversité génétique, diversité dont nous dépendons tous et toutes. Les changements envisagés aujourd’hui depuis la politique pourraient faire jouer au gouvernement mexicain le tragique rôle historique d’avoir permis la destruction d’une ressource essentielle pour l’avenir mondial de la sécurité alimentaire et celui d’avoir mis en danger l’héritage le plus précieux des peuples indigènes et paysans du Mexique6. Cette lettre a été publiée en 2003, peu de temps après que des centaines de communautés et d’organisations eurent démontré, de manière autonome, qu’il y avait déjà des foyers de contamination transgénique des variétés natives de maïs dans plusieurs États de la République. De mars à mai 2009, plus de 762 organisations de 56 pays et des milliers de personnes ont signé une nouvelle lettre adressée au peuple du Mexique, au gouvernement mexicain, à la FAO, à la Convention sur la diversité biologique et à la Commission du développement durable des Nations Unies. Ils y dénonçaient le fait que le gouvernement mexicain mette fin au moratoire sur le maïs transgénique en vigueur depuis la fin de 1998 et le début de 1999 et prépare le terrain pour la plantation commerciale aujourd’hui sur le point d’être adoptée. Dans cette lettre conjointe avec la Red en Defensa del Maíz (réseau de défense du maïs) — un regroupement pour la défense du maïs formé par plus de mille communautés de 22 États de la république mexicaine — les signataires ont insisté : Le Mexique est un centre d’origine et de diversité du maïs. Il existe plus de 59 races reconnues et de milliers de variétés qui seraient irrémédiablement contaminées. Ce sont les peuples indigènes et paysans qui ont créé et maintenu ce trésor génétique du maïs, l'une des principales cultures dont dépend l’alimentation humaine et animale sur la planète. Le maïs est l’aliment de base de la population mexicaine. On n’a jamais évalué les effets de sa consommation quotidienne et massive comme c’est le cas ici. Des études scientifiques sur une consommation bien moins importante montrent que les transgéniques provoquent des allergies et d’autres effets sur la santé humaine et animale7. En 2011, au cours de divers ateliers et de rencontres, les communautés ont réaffirmé qu’elles ne permettaient pas au gouvernement de tenter d'établir ces soi-disant « centres d’origine » qui laissent d’autres zones ouvertes aux cultures transgéniques. Le responsable de la Semarnat (Secrétariat de l’environnement et des ressources naturelles du Mexique), Juan Elvira, avait alors déclaré : « Nous considérons qu’on peut planter du maïs biotechnologique sur au moins 2 millions d’hectares, sans que cela n'ait d’effets sur nos variétés de maïs indigène, et en assurant la préservation du maïs indigène et de ses ancêtres, les teocintles, selon les critères scientifiques. » Le lendemain, il s’est rétracté8. Face à l’imminence de la plantation de semences transgéniques sur 2,4 millions d’hectares, et ce uniquement dans les États du Sinaloa et du Tamaulipas, la déclaration d’alors du secrétaire Juan Elvira n'était rien. À l'époque, déjà, les communautés lui avaient répondu : Le Mexique dans son ensemble est un centre d’origine du maïs. Et même plus: toute la Mésoamérique et alentours (du sud des États-Unis au nord de l’Amérique du Sud) sont le territoire que nous considérons comme centre d’origine. Parce qu’en plus, le maïs n’a jamais été seul. Il fait toujours partie d’une profonde relation avec les peuples. Il est une communauté entre les communautés humaines et la communauté qu'il tisse avec d’autres cultures, plantes et animaux avec lesquels il a vécu pendant des millénaires. Les critères gouvernementaux qui exigent des preuves archéologiques de traces de maïs pour qu’un territoire soit considéré comme un centre d’origine sont insuffisants et biaisés. Si les experts ne trouvent rien, ils en concluent « qu’il n’y en a pas », sans tenir compte de la mémoire historique et de la présence vivante du maïs dans toutes les régions du Mexique9. Effectivement, l’examen de la complexité semble confirmer qu'il existe une relation étroite entre ce qui est biologique et ce qui est social. Selon Paul Weatherwax, un des historiens du maïs, « lorsque le contact s’est fait entre le Nouveau et le Vieux Monde, le maïs était cultivé de 45 degrés de latitude nord — là où se trouve aujourd’hui Montréal, au Canada — jusqu’à 40 degrés de latitude sud, à presque mille kilomètres au sud de Santiago au Chili ». C'est ainsi qu'Arturo Warman — un chercheur et par la suite fonctionnaire — le cite dans son légendaire livre sur l’expansion du maïs dans le monde10. Et ce n'est pas tout. Le rapporteur spécial sur l’alimentation, Olivier de Schutter, dans son rapport de mission au Mexique en 2011, a expressément recommandé que le moratoire sur l’ensemencement et la commercialisation du maïs transgénique soit rétabli11. Récemment, l’Unión de Científicos Comprometidos con la Sociedad (UCCS, union des scientifiques engagés avec la société), liée à d’autres groupes semblables dans le monde entier, a lancé un appel à la communauté scientifique pour la défense du maïs dans son centre d’origine. Dans son invitation, elle déclarait : Le Mexique est le centre d’origine et de diversification du maïs et de ses parents sauvages, avec plus de 59 races (variétés indigènes) de maïs distribuées partout dans le pays. * Ces variétés natives de maïs représentent non seulement une réserve de diversité génétique fondamentale pour les efforts actuels et à venir pour améliorer l'agronomie, efforts qui contribueraient à s'adapter aux changements climatiques au niveau mondial, mais aussi au mode de vie de millions de paysans au Mexique. * Les preuves scientifiques disponibles montrent qu’une fois que le maïs transgénique aura été semé n’importe où au Mexique, il sera impossible d’éviter les flux de transgènes vers les variétés natives, ce qui remettra en question, non seulement la viabilité du maïs natif mexicain, mais bouleversera également le mode de vie de millions de personnes, y compris les paysans, les producteurs agricoles à plus grande échelle et les consommateurs. Pour toutes ces raisons, et face à la perspective que le gouvernement sortant désire laisser comme héritage l’imposition de la plantation de maïs transgénique dans notre pays, à travers un processus de déréglementation qui a ignoré toutes les preuves scientifiques sur les risques ainsi que les demandes de la société civile nationale et internationale, nous vous demandons d’adhérer à la Déclaration et à l’Appel à l’action suivants qui seront mis en avant auprès d’instances nationales et internationales par l’Unión de Científicos Comprometidos con la Sociedad12. Il s’agit donc d’une alerte rouge mondiale qui concerne l’agriculture et la biodiversité, car la contamination transgénique irréversible de cet immense centre d’origine de la merveilleuse plante — l'une des quatre cultures essentielles pour l’humanité — signifie la destruction la plus brutale des stratégies de survie de l’humanité dont on aura jamais entendu parler, ainsi que celle de la subsistance, de la sécurité et de la souveraineté alimentaires véritables des populations urbaines et rurales. Jamais auparavant on a érodé à si grande échelle, sur un si vaste territoire et sur un volume si imposant, le patrimoine génétique d’une culture dans son centre d’origine, et jamais auparavant on a attenté de manière si directe et massive contre la vie d’un peuple qui consomme en moyenne « 115 kilos de maïs par personne par année » (comme l’indique Ana de Ita du Centro de Estudios para el Cambio en el Campo Mexicano-Ceccam)13. Et qu’en est-il du principe de précaution? L’alarme générale s’explique en partie par le fait que les organisations sociales ressentent cet ensemencement comme une « attaque contre la subsistance la plus élémentaire et contre la santé de la population mexicaine », attaque qui « équivaudrait à un génocide14 », car de nombreuses expériences ont révélé les énormes risques qu'implique la consommation de ce maïs. Celui-ci peut provoquer des mutations, des tumeurs, des cancers, une possible dépression du système immunitaire général ou d’autres effets nocifs qui n’ont pas encore été identifiés. Naguère, ces profondes incertitudes constituaient le fondement du principe universel de précaution, selon lequel toute application dérivée de l’expérimentation ou de la théorie (en cas de doutes à propos de son innocuité), pouvait et devait être freinée jusqu’à obtention de preuves réelles qu’elle ne cause aucun tort. Aujourd’hui, la responsabilité de vérifier l’innocuité semble incomber à la société civile et les entreprises novatrices font la promotion d’innombrables applications dont l’innocuité n’a pas été démontrée (conformément à leur propre réglementation), sans aucun ménagement et avec une légèreté que l’on peut qualifier de criminelle. Le problème de l’alimentation Le Ceccam est l'une des organisations qui ont stimulé la résistance face à l'attitude aberrante des industries qui inondent la campagne et la ville de maïs transgénique sans même en comprendre pleinement le fonctionnement. Si cela avait lieu, le gouvernement et les corporations substitueraient la plantation de semences transgéniques aux activités des agriculteurs du Sinaloa et du Tamaulipas. Ana de Ita explique : En septembre dernier, Monsanto a présenté les deux premières demandes de permis de plantation commerciale de 700 000 hectares de maïs dans le Sinaloa ; quelques semaines plus tard, Pioneer Hi-Bred International a présenté trois demandes de permis pour la plantation commerciale de 320 000 hectares dans le Tamaulipas. En général, on plante dans le Sinaloa 300 000 hectares irriguées avec du maïs, mais Monsanto a demandé qu’on lui en approuve 700 000 pour le présent cycle automne-hiver. En décembre prochain, Monsanto prétend semer du maïs transgénique sur la totalité des hectares irrigués existants dans le Sinaloa (...) Au Tamaulipas, Pioneer prévoit doubler les superficies de maïs (...) Les agriculteurs du Sinaloa et du Tamaulipas qui produisent du maïs pour le marché utilisent des semences hybrides qu’ils achètent chaque année aux transnationales comme Monsanto, Pioneer, Dow, celles-là mêmes qui produisent les semences transgéniques et en font la promotion. Si ces entreprises décident de commercialiser uniquement des semences transgéniques, les agriculteurs n’auront plus le choix. De plus, ceux qui décideront de ne pas semer des transgéniques seront quand même contaminés par les cultures de leurs voisins et leur maïs sera mélangé lors du transport et dans les silos, les élévateurs et les entrepôts. Tout comme aux États-Unis, il sera alors impossible de séparer le maïs transgénique du maïs conventionnel et toute la récolte finira par être contaminée. Étant donné que le maïs du Sinaloa est distribué dans presque tous les recoins du pays, la menace s’étend aux régions rurales où il contaminera également les races et les variétés locales en répandant les transgènes dans les maïs natifs15. Il est particulièrement révélateur que le Sinaloa soit l'un des États visé pour ces plantations transgéniques. Le maïs du Sinaloa, qui pendant des décennies était distribué dans les villes, a été remplacé cette année de manière plus ou moins abrupte par des importations que le gouvernement mexicain a autorisé à plusieurs sociétés de commercialisation, en particulier Cargill et Archer Daniels Midland (elles ont décidé d'arrêter d'acheter aux agriculteurs mexicains du Sinaloa, et de privilégier les récoltes d’Afrique du Sud et des États-Unis). Cette décision a exposé les producteurs de maïs commercial mexicains à de sérieux risques et a compromis la sécurité alimentaire de la population mexicaine. Tout cela aurait pu être évité si l’État avait appuyé les producteurs pour que le prix de leur maïs soit plus avantageux que celui offert en Afrique du Sud. Mais « le Secrétariat de l’agriculture, qui confond la sécurité alimentaire et la politique agricole avec l'opportunité de faire des affaires, affirme qu’il ne dispose pas de ressources pour aider les producteurs à établir un plan de protection pour éviter la chute des prix courants, garantir la vente de la récolte nationale et créer une réserve technique. Il soutient au contraire que le fait d’aider les agriculteurs nationaux entraînerait des pertes. Il oublie que l’une des fonctions de l’État est de réguler les marchés de produits de base et de garantir la production nationale. 16 » Mais les contradictions s’accumulent. En même temps qu'il existe un régime de faveurs pour les sociétés de commercialisation au détriment de la production nationale, qu'on prétend semer des OGM sur cette grande étendue de terres, un rapport de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et de l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA) affirme que chaque année, le nombre d’hectares destinés à la production de maïs baisse et que le Mexique est le deuxième pays qui a le plus diminué sa superficie semée (environ 5 % en 5 ans), juste derrière le Guatemala17. Enfin, permettre à Monsanto, Pioneer et Dow de « semer la mort » sur une si vaste superficie, que ce soit directement ou par contrat, ou par la vente de semences transgéniques comme source exclusive de semences pour ces espaces, c’est encourager un accaparement de terres brutal, la supplantation de la production nationale non transgénique et la promotion tout à fait directe d’une distribution et d’une commercialisation monopolistes et spéculatives des aliments dans les villes au profit d’ADM et de Cargill. Et il n’est pas inutile de souligner que ce ne sont pas les agriculteurs qui demandent ces permis : « ce sont directement les transnationales des transgéniques qui deviennent explicitement les propriétaires de l’agroalimentaire mexicain en décidant ce qui est semé, où, les quantités, les prix, sous quels risques et pour qui18 ». En réponse, les organisations paysannes, les espaces indigènes et les réseaux des organisations de la société civile commencent à se prononcer, font des piquets de grève, publient des communiqués, et produisent des affiches. Ainsi, en exigeant que le gouvernement refuse d’accorder à Monsanto de tels permis pour planter du maïs commercial, Olegario Carrillo Meza, président de l’Unión de Organizaciones Campesinas Autónomas (Unorca, union d’organisations paysannes autonomes), une organisation membre de Vía Campesina-Amérique du Nord, explique : « Il n’existe aucune raison technologique, économique ou éthique qui profite à la population et à la majorité des producteurs agricoles pour justifier l’autorisation de la plantation commerciale du maïs transgénique sur au moins un million d’hectares dans les États du Sinaloa et du Tamaulipas. » Carrillo Meza ajoute : « Au cours du sexennat qui s’achève, le gouvernement fédéral, par le biais du Secrétariat de l’Agriculture et du Secrétariat de l’Environnement, a accordé 162 licences de culture expérimentale du maïs transgénique et de plantations pilotes, pour un total de 177 permis en plein champ. » Le président de l’Unorca souligne que le gouvernement fédéral a « l’obligation de rétablir le moratoire contre tous les types de culture de maïs transgénique dans le pays ». Si le gouvernement accorde les permis demandés, « ce sera un attentat contre le respect du droit à l’alimentation, car il réduira encore plus l’accès de la population à une alimentation saine, de qualité et en quantités suffisantes ; les prétentions des entreprises Monsanto et Pioneer constituent un danger pour la santé humaine, la biodiversité, la culture et la souveraineté du pays19 ». Pourquoi une avalanche? Rappelons que pendant onze ans — depuis 2001 — en plus de ne pas empêcher la contamination, le gouvernement a minimisé son importance et l’a permise dans les faits. La très probable inondation par des transgéniques dans les communautés du centre et du sud du pays a été évitée parce que ces dernières ont pu tant bien que mal freiner l’entrée du maïs transgénique dans leurs territoires au moyen d’un moratoire de facto, toujours en vigueur, appliqué naturellement et sans déclarations fracassantes, mais avec une détermination et une conviction inébranlables. Ces mesures ont empêché que la contamination transgénique se propage au Mexique durant ces onze dernières années — contrairement à ce qui s’est produit dans d’autres pays. Le travail continu et affectueux de la Red en Defensa del Maíz (qui, comme nous l’avons déjà dit, regroupe plus de mille communautés dans quelque 22 entités fédératives du pays) a agi comme un véritable frein. Mais les gens des communautés paysannes du pays sont suffisamment clairvoyants pour savoir qu’une avalanche de cette ampleur finira irrémédiablement par contaminer les champs — même ceux qui sont éloignés des immenses plantations d’OGM — et que le maïs transgénique s’introduira sans retenue aucune dans l’alimentation de la population mexicaine. Comme l'affirme l’affiche de soutien à la résistance qui circule déjà dans les quartiers d’un grand nombre de villes : Il y a plus de onze ans, depuis que l’on a découvert la contamination du maïs transgénique, des centaines de communautés et d’organisations paysannes, dont beaucoup sont indigènes, luttent contre lui. Elles sensibilisent la population, améliorent leurs stratégies d’échange de semences, surveillent de plus près leurs champs, adoptent des règlements communautaires qui interdisent l’introduction du maïs transgénique et rejettent les semences des programmes gouvernementaux. Elles ont compris qu'il ne s'agit pas uniquement d'une lutte pour un aliment, une plante ou une parcelle de terre ; elles ont compris que c’est une lutte qui va de la semence aux territoires et à la possibilité d’exercer sa liberté matérielle et politique20. Durant cette période, le gouvernement a mis en place, pas à pas, des lois, des règlements et des politiques publiques qui ont clairement encouragé l’entrée des organismes génétiquement modifiés. Il a d'abord inondé les espaces paysans indigènes avec du maïs importé (avec un pourcentage élevé de maïs transgénique mélangé et impossible à distinguer) par le biais des vingt-trois mille magasins paysans de la société paraétatique Diconsa, ce qui a créé des foyers de contamination dans des zones où l’expansion n’avait pu être généralisée. Les organisations et les spécialistes qui ont étudié ce processus sont convaincus que la contamination était et est toujours une stratégie délibérée des entreprises et des fonctionnaires techniques et politiques du gouvernement mexicain21. Puis, les instances gouvernementales ont mis en avant l’idée que les Mexicains devaient apprendre à « coexister » avec les organismes génétiquement modifiés et que tout irait bien. C'est dans ce contexte que le congrès mexicain, réuni au grand complet (députés et sénateurs), a adopté la Ley de Bioseguridad y Organismos Genéticamente Modificados (LBOGM, loi sur la biosécurité et les organismes génétiquement modifiés) et diverses lois connexes, comme la Ley Federal de Producción, Certificación y Comercio de Semillas (loi fédérale sur la production, la certification et le commerce des semences), les règlements de ces deux lois et une batterie complète de mesures qui prévoit un véritable blindage pour entraver la justice. Et puis, le gouvernement a misé sur la confusion, confusion à laquelle a contribué le règlement de la LBOGM sur le dénommé Régime spécial de protection du maïs. Le fait que ce ce dernier ait pratiquement disparu laisse planer un doute juridique qui persiste encore aujourd’hui : existe-t-il au Mexique des centres d’origine du maïs, et des endroits où il n’y aurait pas de tels centres? Ou : l’ensemble du pays est un centre d’origine — comme le soutiennent d’innombrables organisations, communautés, collectifs, chercheurs et gens de bonne volonté. Le fait que tout le Mexique et au-delà soit le centre d’origine du maïs pour le monde était et reste l'un des fondements du moratoire de fait qui a fonctionné de 1997 à 2009. Et c’est quelque chose que la Red en Defensa del Maíz continuera de revendiquer. Profitant de la confusion, des plantations expérimentales et pilotes clandestines ont été installées dans le nord du pays. Face à cette situation, le gouvernement mexicain n’a pas réagi en vertu de ce que la loi prévoyait alors et a au contraire décrété la levée du moratoire le 6 mars 2009. Avec la levée du moratoire, un nouveau pas a été donné : à partir de ce moment, les agences responsables ont commencé à accorder des permis de plantation expérimentale et de plantation pilote dans le nord du pays, et ce avec l’appui de la loi. Dans le même temps, le gouvernement a réalisé des préparatifs pour commencer à surveiller les communautés dans le cadre de sa recherche de semences « non certifiées », « pirates », ce qui est un des signes les plus alarmants de la criminalisation de la biodiversité qui est aux mains des paysans et des indigènes, sous prétexte de protéger cette même biodiversité. À partir de ce moment, le discours a changé. Le gouvernement a amorcé une stratégie double : d’un côté la promotion de lois étatiques qui prétendent défendre le maïs « natif » contre la contamination au moyen du registre, de la certification et de la vérification des semences, des producteurs et du processus agricole. De l’autre, la délimitation de soi-disant « centres d’origine » uniques sur le territoire national, permettant ainsi que le reste du pays devienne un immense espace pour la promotion de l’agriculture industrielle et des transgéniques. Ces deux stratégies visent à laver l’image des politiques étatiques en prétendant que celles-ci visent à protéger le patrimoine génétique du pays, la multiculturalité des peuples originaires et la diversité des maïs alors qu'en réalité elles préparent l’éradication de tout ce qui, dans le domaine de l’agriculture, n’est pas soumis aux contrôles établis par les normes, les règlements, les lois et les réformes constitutionnelles d’un État mexicain étroitement associé aux grandes transnationales. Cela fait onze ans que les communautés qui cultivent le maïs dans des systèmes complexes comme la milpa maintiennent que pour défendre le maïs, il faut le semer ; que pour défendre la liberté des semences, il faut continuer de les conserver et échanger ; que la toute première autonomie, c’est de semer ses propres aliments ; et que c’est sur cette base que l’on peut commencer la défense intégrale du territoire. Les entreprises cherchent à briser la production alimentaire indépendante. Pour y parvenir, elles doivent rompre la relation des gens avec leurs sources de subsistance et pour ce faire, elles cherchent à détruire l’idée de communauté, de défense territoriale, d’autonomie des peuples. L’accaparement de la terre et de l’eau est le pas primordial pour ensuite changer l’utilisation du sol, l’inonder de monocultures, promouvoir des programmes autoritaires d’intensification des cultures avec la mécanisation et les produits agrotoxiques, expulsant ainsi la population vers les villes ou vers les projets agroindustriels pour ensuite envahir le territoire à la recherche de minerais ou de biodiversité, en pillant la forêt ou en spéculant avec l’achat-vente de bons d’air dans les bourses de valeurs internationales. Ils cherchent maintenant à s’emparer de toute la chaîne alimentaire (depuis l’accaparement des terres jusqu'aux canaux de commercialisation des supermarchés), et ont donc décidé d’imposer les OGM. Ce qui est grave, c’est que l’enjeu n’est pas seulement l’agriculture sinon la subsistance même des gens. Cette attaque s’acharne aussi contre ceux et celles qui, sans produire leurs aliments, dépendent totalement des politiques du gouvernement et des entreprises. Et ces derniers ont décidé de courir le risque d’accentuer à l’extrême la menace contre la santé de toute la population urbaine du Mexique uniquement pour établir leur contrôle total sur les sources de production, la production elle-même ainsi que la transformation et la distribution. L’autorisation de planter du maïs transgénique à des fins commerciales et dont la distribution serait destinée aux villes est le moment le plus critique de ce processus et mettra fin de manière autoritaire à un débat possible : une avalanche massive qu’il faut freiner totalement22. La riposte La population mexicaine ne se croise pas les bras. Une résistance visible commence à exercer une pression et à exiger le respect des normes préconisées par le gouvernement lui-même. Elle s’incarne dans des centaines d’organisations, de groupes de scientifiques, d’organismes de la société civile, de communautés, de groupes paysans, de peuples indigènes, d'avocats, d’organisations de quartier, d’organisations étudiantes et un long et caetera de plus en plus anonyme à mesure qu’elle se généralise dans tout le pays. Cette résistance commence à tisser des liens depuis de nombreux recoins, à socialiser l’information, à ouvrir des espaces pour adopter d’un commun accord des actions à court, moyen et très long terme (ateliers, rencontres, conférences, procès juridiques et de systématisation éthique devant les tribunaux de conscience, mobilisations, distribution de tracts, piquets de grève, ...). C’est une résistance méprisée qui surgit de milieux tellement marginalisés qu’elle n’apparaît même pas sur les cartes officielles, mais qui ne laissera pas passer une aussi grave menace contre la vie même. Une résistance pacifique mais déterminée pour la subsistance du peuple mexicain (et sur tout le continent) qui défend le corps, la terre, l’environnement, les savoirs et les semences ; pour nos stratégies de survie et d’alimentation ; contre le génocide, le mépris, l’imposition et la destruction du maïs, du tlayolli, du yok-ixim ou kiximtik, du niza, du i-ku, et des nombreux autres noms qui, selon la langue originale de chaque peuple, permettent de communiquer sa force et les soins millénaires qu'il procure. Cette résistance pacifique apparaîtra dans les quartiers et les communautés, dans les échoppes, les écoles et les restaurants populaires, les ventes de tortilla et les moulins, dans les centres culturels et les communautés les plus reculées, mais elle sera évidente. Elle s’exprime également au moyen d’une plainte déposée au Tribunal permanent des peuples, lequel siège au Mexique depuis octobre 2011 et y siégera jusqu’en 2014. C'est un tribunal de conscience à la trajectoire reconnue (héritier du Tribunal Russell) qui articule les diverses résistances à l’intérieur du Mexique contre les immenses torts de tous genres. La plainte déposée contre les transgéniques et l'exigence pour la sécurité et la souveraineté alimentaires regroupe déjà des milliers de communautés et des centaines d’organisations. Elle entreprend une systématisation globale de la problématique de la défense du territoire, de l’agriculture, de la production alimentaire indépendante, de la défense des semences natives et de l’urgence de la sécurité alimentaire de la population qui ne produit pas d’aliments23. Plus tôt que tard, cette résistance au Mexique s’articulera avec les luttes déjà en cours au Costa Rica, en Colombie, en Équateur, en Bolivie, au Paraguay, en Argentine et au Chili et qui, sans jamais abandonner, cherchent à freiner les transgéniques, les lois sur la certification des semences et l’imposition de modèles agricoles qui favorisent les transnationales du système agroalimentaire industriel mondial contre l’agriculture paysanne, traditionnelle et contemporaine qui, comme nous le répétons sans cesse, peut parfaitement refroidir la planète. La souveraineté alimentaire est l’approche la plus décisive que l’on peut adopter depuis nos propres espaces pour éviter de dépendre des transnationales qui veulent décider ce que nous mangeons et nous imposer leurs prix. Fortes de leur compréhension des relations entre la campagne et la ville, les organisations comme la Red en Defensa del Maíz au Mexique insistent : La défense du maïs au Mexique passe nécessairement par le respect de l’autodétermination et de l’autonomie des communautés et des peuples indigènes et paysans. Nous rejetons une fois de plus toute plantation expérimentale, pilote ou commerciale, ainsi que la distribution, le stockage, la commercialisation d’organismes génétiquement modifiés n’importe où sur le territoire national (et dans le monde). La souveraineté alimentaire sera toujours basée sur le respect du droit collectif de posséder, de conserver et d’échanger librement les semences natives sans l’imposition de mécanismes de contrôle étatique, fédéral ou commercial (que ce soit par la certification, l’inventaire, les banques de semences, les catalogues de variétés, les brevets, les dénominations d’origine ou les droits de sélectionneur). La souveraineté alimentaire nécessite des conditions qui permettent la production alimentaire libre et autonome au niveau local, régional et national, le respect de nos territoires, menacés aujourd’hui par des projets miniers, hydroélectriques, pétroliers, routiers, par des projets de services environnementaux, de réserves de la biosphère, de privatisation des réservoirs aquifères ; des territoires menacés également par l’industrialisation et l’urbanisation sauvages et la politique environnementale de conservation officielle qui évacue les populations locales24. ------- 1 Silvia Ribeiro (Groupe ETC), « Invasión », La Jornada, 3 novembre 2012. Voir Gilles-Éric Séralini, Émilie Clair, Robin Mesnage, Steeve Gress, Nicolas Defarge, Manuela Malatesta, Didier Hennequin et Joël Spiroux de Vendômois, « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize », Food and Chemical Toxicology, Volume 50, numéro 11, novembre 2012, pp. 4221–4231. 2 Pour de plus amples informations, voir Maíz transgénico: Ataque mortal a nuestra salud, a los pueblos, al campo, affiche préparée par le Movimiento Urbano Popular comme outil d’appui à des ateliers pour alerter la population, novembre 2012. 3 Au Mexique, la pâte à tortilla est préparée selon une méthode ancestrale, la « nixtamalisation », qui consiste à ajouter un peu de chaux aux grains de maïs durant leur cuisson. Cette méthode permet à l’organisme d’assimiler au maximum les nutriments du maïs. 4 Ceccam : « Alerta roja transgénica », document d’appui aux ateliers de conscientisation communautaire, octobre 2012. 5 Témoignages recueillis lors d’ateliers de formation et d’alerte du Movimiento Urbano Popular en octobre et novembre 2012. 6 « Carta a la opinión pública nacional e internacional firmada por 302 organizaciones de la sociedad civil de todo el mundo », « Lettre à l'attention de l'opinion publique nationale et interationale signée par 302 organisations de la société civile dans le monde entier », novembre 2003. El maíz no es una cosa, es un centro de origen, Colectivo por la Autonomía GRAIN, Centro de Análisis Social, Información y Formación Popular (Casifop), Editorial Ítaca-CS-Fund, México, 2012, pp. 93-94. 7 « Contra el fin de la moratoria », communiqué de la Red en Defensa del Maíz souscrit par des organisations, des universitaires, des personnalités et des chercheurs internationaux, mars-mai 2009. Voir El maíz no es una cosa, es un centro de origen, op. cit., pp. 179-182. 8 Greenpeace, 17 novembre 2011, www.greenpeace.org 9 Voir « Los pueblos indígenas de México defendemos todo México como cuna del maíz », Communiqué du Festival des semences du Centro Ecológico la Primavera de Organizaciones Campesinas et de l’Organización de Agricultores Biológicos, Tlacolula, Oaxaca, 27 novembre 2011, Ojarasca, numéro 176, La Jornada, 10 décembre 2011. 10 Arturo Warman, La historia de un bastardo: maíz y capitalismo. Fondo de Cultura Económica, México, 1988. 11 Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation : El derecho a la alimentación: informe de misión a México, 2011, Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2012. 12 Invitation à signer le communiqué de l’UCCS. www.unionccs.org. Liens pour lire et signer le document en espagnol : http://www.uccs.mx/doc/g/planting-gmo-corn_es, et en anglais : http://www.uccs.mx/doc/g/planting-gmo-corn 13 Ana de Ita, « Fe de ratas », La Jornada, 16 octobre 2012. 14 Témoignages recueillis lors d’ateliers de formation et d’alerte du Movimiento Urbano Popular, op. cit. 15 Ibidem. 16 Ana de Ita, « La seguridad alimentaria como negocio », La Jornada, 28 avril 2012 17 Voir « México, segundo país en AL que más redujo área para cultivar maíz », note de Susana González, La Jornada, 11 novembre 2012. 18 Silvia Ribeiro, « Invasión », op. cit. 19 Jair López Vega, « Campesinos demandan negar permisos para siembra de maíz transgénico », El Financiero, 6 novembre 2012. 20 Voir Maíz transgénico: Ataque mortal..., op. cit. 21 Voir El maíz no es una cosa, es un centro de origen, op. cit. 22 Voir l’histoire des onze années de cette lutte dans El maíz no es una cosa, es un centro de origen, op. cit. 23 Voir : Violencia contra el maíz, la soberanía alimentaria y los derechos y la autonomía de los pueblos, plainte présentée devant le Tribunal permanent des peuples, section du Mexique, 2012, www.tppmexico.org. Voir aussi « Les raisons du maïs » (en trois langues), www.grain.org 24 Communiqué de la Red en Defensa del Maíz, 17 mars 2011. www.redendefensadelmaiz.net