septembre 2002 Rassemblement Paysan - Johannesburg 2002 Quelques Flashes (1ère partie) >> suite et fin Le Sommet Mondial du Développement Durable (SMDD) a pris fin au début de ce mois à Johannesburg en Afrique du Sud. Les participants ont vécu d'intenses moments d'enthousiasme et de frustration, de succès et d'échecs, …. Impossible d'en faire le récit. Voici seulement quelques flashes pour tenter de témoigner un peu de cette expérience. Ici un compte-rendu d'un participant de choix, le Père Yves Marché de PELUM – Tanzanie. 1. Marche dans les rues de Lusaka (lundi 19 août) ‘Je suis en colère !' Hier dimanche, le groupe tanzanien a pu se reposer. Nous avons déjà 2400 Kms de route, dont 1000 de nuit, sinon dans les jambes du moins dans les fesses! Ce matin, avec les Ougandais, Kenyans et Zambiens, nous inaugurons la caravane qui va nous conduire de Lusaka à Johannesburg en traversant la Zambie, le Zimbabwe ….défilé pacifique de paysans ‘qui veulent se faire reconnaître'. Je marche près de Matthias, jeune paysan de Dodoma, tout simple mais qui sait faire rire toute une assemblée. Il est l'un des boute-en-train du groupe. Ma question s'adresse à moi-même autant qu'à lui «Alors, es-tu content ?» Si ma question est simpliste, sa réponse ne l'est pas, « Je suis en colère!' - ‘Ah !!!' Est-ce sa nuit en car? Ou quelque friction avec un compagnon? Je n'ai vraiment rien compris! ‘Je suis en colère, …., car je pense au long chemin qu'il nous reste à faire, à tout le travail qui nous attend pour que les paysans soient entendus et prennent leur place ; nous n'en sommes qu'au début !' ……A Johannesburg, il va présenter son témoignage qui se terminera par ces mots ‘Mon message à mes sœurs et frères paysans, c'est de nous organiser nous-mêmes pour nous défendre nous-mêmes, non par des paroles seulement, mais par des actes'. Oui, Matthias, le chemin sera long… mais tu es sur la bonne piste, tu sais de quoi tu parles… et tu n'es plus seul. 2. Intervention ratée à Nasrec ou notre plus grand succès (Samedi 24 août) Apprendre de ses échecs Nous sommes déjà ‘chez nous' à Shaft 17, le puits 17, un vaste centre de formation de jeunes mineurs. Car Jo'burg est en partie bâtie sur des mines d'or et notre quartier sud est parsemé de ‘montagnes' de terre provenant des puits. Soweto est à deux pas. …..Le groupe Ougandais ….s'est mis à chanter et danser dehors, sur la place, en habits nationaux. Et voici que les passants s'arrêtent, les caméras télé arrivent, les micros des journalistes se tendent et les questions fusent « qui êtes-vous ? » « Que faites-vous ici ? » « Que voulez-vous dire au Sommet ? » Un auditoire inespéré, une tribune idéale et une diffusion assurée. Nous sommes quelques-uns à nous dire que notre échec nous a sans doute fait trouver un créneau original où nous pouvons dire qui nous sommes, tels nous sommes, ce que nous voulons et avec ce que nous savons faire le mieux : chanter et danser. Célébrer notre culture paysanne pour la défendre. ….Certes il nous faudra encore préparer des interventions, des tracts et des propositions, participer à des réunions stratégiques et tenter d'y influencer les décisions. Mais sans trop d'illusions. Les discussions officielles ont commencé longtemps avant nous; et il nous manque du savoir-faire; de toute façon, pour le moment, la Société Civile (et à plus forte raison les paysans) ne fait pas le poids dans les décisions politiques internationales comme ce sommet, contrairement aux grandes compagnies transnationales qui, elles, sont écoutées. Par contre, le Rassemblement a eu un écho dans la presse, la radio et TV, en Afrique du Sud mais aussi à l'étranger, bien que surtout dans les pays anglophones. Le journal ‘East African' parlera de ‘l'immense attention que les paysans ont réussi à attirer lors du Sommet' (… sinon dans le Sommet!) 3. SOMOHO (SOweto MOuntain of HOpe) - Mercredi 28 août ‘Le mont de l'espoir' Somoho, une colline caillouteuse en plein Soweto, le township le plus connu de Jo'burg et le plus violent. Un groupe de jeunes l'a investie pour y rêver de leur avenir. Ils nous ont invités à venir leur partager notre message pour un monde où personne ne souffre de la faim. Nous venons justement de prendre conscience que de grandes firmes transnationales font une propagande et un lobby tous azimuts au Sommet et à Nasrec en faveur de leurs semences OGM. Les paysans savent maintenant que c'est l'avenir de leur agriculture paysanne qui est en jeu. Vandana Shiva, militante Indienne de la cause paysanne, mondialement connue, sera là. Les médias aussi par conséquent. Nous avons donc préparé chants, banderoles et slogans. Nous avons vite appris que si nous voulons être lus, il faut écrire gros et pour nous faire entendre il nous faut ‘parler' fort. Les paysans du Rassemblement tirent la leçon du groupe Ougandais: utiliser toutes les occasions pour se faire voir et entendre et pas seulement en énumérant des revendications, mais surtout ‘en chantant ce que nous sommes'. Le rassemblement a su se créer des occasions. A Somoho, nos chants ont réussi à attirer les caméras; c'est le moment de sortir nos messages ‘Les paysans Africains disent NON aux OGM'- ‘Vandana exprime les idées des paysans africains'. Tous les groupes du Rassemblement participent; la ‘séance' est courte, mais dense. ….. 4. Paysannes et paysans parlent à la Société Civile (jeudi 29 août) ‘Les paysans prennent la parole' … …Et un de leurs chants affirme ‘le défenseur du paysan est le paysan lui-même ; ne désespérons pas ; unissons-nous et faisons entendre une seule voix'. Le Rassemblement a œuvré pour se faire reconnaître comme ‘groupe majeur' au sein du Comité Organisateur International', ce qui nous a permis, entre autres, de co-présider la Commission sur l'agriculture à Nasrec. Esta, paysanne Ougandaise élue présidente du Rassemblement, anime la discussion devant un millier de personnes. Deux paysannes et deux paysans ont présenté, avec leurs tripes, quatre textes préparés par le Rassemblement et accompagnés de chants. La déclaration commence par ces mots ‘les paysans et pêcheurs artisanaux sont marginalisés dans les modèles actuels de développement. Les cadres juridiques nationaux et internationaux, ainsi que les accords internationaux, favorisent les gros producteurs et les compagnies multinationales. Une série de structures politiques et économiques injustes, en particulier concernant la terre et le commerce, se conjuguent à la dégradation écologique pour priver les pauvres de leur souveraineté alimentaire. Les géants transnationaux sont soutenus par la recherche publique et commercialisent de façon agressive leurs OGM pour soit-disant offrir ‘nourriture, santé et espoir'. Les OGM mettent en danger nos semences, la diversité biologique et notre autonomie; ils sont un risque pour l'humanité.' Suivent des propositions concrètes concernant cinq domaines : l'accès à la terre et à la pêche, l'accès communautaire aux ressources génétiques, l'agriculture durable et la biodiversité, la réforme des lois sur le commerce agricole et enfin la participation des paysans à la prise de décision et à la recherche. …..‘Si vous n'aviez pas été présents, nous dira Vandana Shiva, ‘on n'aurait entendu que les Monsanto !' (A suivre) Yves MARCHE Référence pour cet article : GRAIN, 2002, Rassemblement Paysan - Johannesburg 2002 Quelques Flashes (1ère partie), septembre 2002 Lien sur internet : www.grain.org/fr/publications/note-7-fr.cfm Notice de copyright : Les publications de GRAIN peuvent être reproduites, traduites et distribuées. Tout ce qu'on vous demande de faire c'est de citer les sources originales et d'envoyer une copie à GRAIN. GRAIN, Girona 25 ppal, Barcelona E-08010, Espagne.