Mame Woury THIOUBOU, Le Quotidien L'Afrique reçoit moins de 10 % des pesticides utilisés dans le monde mais le continent totalise la moitié des empoisonnements liés à ces produits qui sont aussi à l'origine de graves problèmes sanitaires. La Coalition pour la défense du patrimoine génétique africain (Copagen) sonne l'alerte. Elle prône le retour à l'agro-écologie, plus conforme à la durabilité des ressources. Les pays africains importent moins de 10% des pesticides utilisés dans le monde,mais ils totalisent la moitié des empoisonnements accidentels dont plus de 75% sont des casmortels. Selon M. Moustapha Dia, administrateur du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (Cncr), l'Organisation mondiale de la santé (Oms) informe que près de 800000 personnes contractent chaque année une maladie chronique telle qu'un cancer, la stérilité ou des malformations physiques du fait de l'exposition à des pesticides. «L'agro-industrie est encore une forme d'esclavage. On nous aliène à utiliser des engrais chimiques que nous ne produisons pas. Ces engrais détruisent les terres, les sols, la biodiversité et privatisent nos semences qui sont plus adaptées à nos écosystèmes mais qu'on est en voie de perdre. Et le corollaire de tout ça, c'est qu'il y a des maux que les Africains ne connaissaient pas comme le diabète ou l'insuffisance rénale et qui se développent avec la malbouffe», ajoute le point focal de la Coalition pour la défense du patrimoine génétique africain (Copagen), Mme Khadijah Koné. Une situation qui inquiète grandement les producteurs qui, à travers la Copagen, s'engagent en faveur d'une agriculture écologique. «Contrairement à ce que disent de nombreux experts et conseillers en haut lieu, il est parfaitement possible de produire sans pesticides et engrais chimiques et de nourrir et bien nourrir les populations», soutient M. Dia a l'occasion de la cérémonie d'ouverture del'atelier régional sur l'agro-ecologie et les semences qui s'est tenu hier à l'Institut de technologies alimentaire (Ita). «Dans la plupart des pays, le modèle agroindustriel est présenté comme la solution idéale pour lutter contre l'insécurité alimentaire. Parce qu'aux dires de ses promoteurs, ce système aurait réussi à mettre de grandes quantités de nourriture sur les marchés mondiaux. Ce discours occulte le fait que le modèle agroindustriel induit de nombreux effets négatifs que sont la dégradation généralisée des sols et des écosystèmes, la pollution des eaux, l'accaparement des terres, la privatisation des ressources forestières et des semences, la pollution, la persistance de la faim et son corollaire de maladies liées à la malnutrition», expose Mme Kadijah Koné. Elle ajoute que ce modèle industriel qui place le profit avant l'homme, favorise l'accumulation des biens par un nombre limité d'acteurs. Vulgariser l'agro-écologie La Copagen qui est un regroupement d'acteurs milite ainsi en faveur d'un modèle fondé sur des «fermes et paysages diversifiés, l'optimisation de la biodiversité, la promotion de l'association des cultures et l'intégration des stratégies multidimensionnelles». Selon ces acteurs réunis à Dakar, il faut rompre avec cette approche industrielle pour aller vers une approche plus sensible à l'environnement et à la biodiversité. Ils plaident ainsi pour une plus grande implication des politiques dans la vulgarisation de l'agro-écologie. «La Copagen est une plateforme qui réunit beaucoup d'organisations et son rôle premier, c'est d'influencer les politiques au niveaux national, régional et sous régional pour que l'agro-écologie soit intègrée dans les politiques de développement. Et cela doit partir de la pratique. L'agro-écologie, c'est une science, ce sont des pratiques et c'est la vie tout court. C'est une vision. Il y a des organisations de producteurs à la base qui font la pratique, il y a la recherche qui intervient. Mais on ne peut rien faire sans les politiques. On a beau se battre mais, si ce n'est pas véritablement intégré dans les politiques de développement, rien ne sera fait», plaide Mme Koné qui souligne toutefois la nécessité de moderniser les pratiques. «Il faut reconnaître aussi que l'agriculture écologique a besoin d'être modernisée pour attirer les jeunes, pour faire vivre ceux qui pratiquent cette agriculture. Elle a besoin d'être professionnalisée. Et les enjeux se trouvent au niveau de la préservation des exploitations familiales agricoles, de la valorisation des savoir-faire locaux pour éradiquer la faim et la pauvreté et maintenir l'équilibre des écosystèmes et la biodiversité». Source: http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/agro-ecologie-la-copagen-veut-un-retour-aux-bonnes-sources