Ce 29 Mai, les actionnaires du groupe Bolloré avaient le choix entre traverser une allée de militants bâillonnés ou passer au milieu de femmes ensanglantées pour se rendre à l’Assemblée Générale du Groupe. Les militants de plusieurs ONG ont interpellé une nouvelle fois[1] les dirigeants et actionnaires sur les exactions causées par les activités des plantations agro-industrielles de Socfin, dont Bolloré est le deuxième actionnaire. La veille, des militants infiltraient l’Assemblée Générale de Socfin[2] pour rappeler les abus subis par les communautés riveraines de ces plantations, en remettant notamment 3 rapports récents issus d’investigations dans 5 pays. La trentaine de militants rassemblés devant la tour Bolloré a tenu à ce que les actionnaires du groupe ne ferment pas les yeux sur les violences générées autour de ces monocultures : « Les femmes des communautés sont les premières touchées par les conflits autour des plantations : expropriations de femmes isolées, abus et violences sexuelles, chantage, destruction de biens de la part des agents de sécurité. Les militants locaux sont réprimés, comme on l’a vu encore cette année en Sierra Leone[3]. Ceux qui essaient de relayer la voix des communautés touchées sont intimidés par des poursuites judiciaires » explique Marielle Benchehboune, de l'association ReAct. En Sierra Leone, le conflit entre l’entreprise et les communautés locales s’est à nouveau enflammé en janvier 2019, menant à la mort de 2 personnes, à l’arrestation arbitraire de 15 militants et au déplacement forcé de centaines de riverains. Par ailleurs, depuis Janvier, ce sont quatre procès du groupe Bolloré contre des journalistes et auteurs qui se sont tenus. Et autant de procès que le groupe Bolloré a perdu, dont trois qui ont fini par se retourner contre lui via des condamnations pour procédures abusives. Plusieurs de ces journalistes avaient réalisé des reportages portant notamment sur la situation autour de ces plantations. Depuis 2009, plus d’une vingtaine de procédures en diffamation ont été lancées par Bolloré ou Socfin en France et à l’étranger. Au vu de leur ampleur, le collectif On Ne Se Taira Pas estime que ces poursuites judiciaires s’apparentent à des « poursuites-bâillons », visant à faire pression, à fragiliser financièrement et isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques comme le groupe Bolloré.Depuis plusieurs années, les rapports se multiplient pour dénoncer les conditions de privation des terres, la pollution des rivières, la déforestation, les promesses non tenues, ou encore la répression des militants. Les communautés locales se mobilisent régulièrement de manière non-violente au Cameroun, au Liberia, au Cambodge, en Sierra Leone pour défendre leurs droits. Mais le groupe Bolloré, qui détient pourtant aujourd’hui 39,4% du groupe Socfin, ainsi que des participations dans ses filiales (Socfinaf et Socfinasia), se décharge de ses responsabilités sur son partenaire. Après avoir pourtant reçu les représentants des organisations de riverains de 5 pays en Octobre 2014, et négocié un plan d’action avec plusieurs ONG dans le cadre d’une circonstance déposée auprès du point de contact national de l’OCDE par rapports aux activités de la Socapalm au Cameroun, il annonçait en décembre 2014 qu’il ne ferait pas appliquer le plan d’action et est resté silencieux face aux revendications des communautés locales depuis lors. Face à ce refus, plusieurs ONG, associations de riverains et syndicats ont assigné la société Bolloré S.A devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre pour forcer la mise en œuvre de ce plan d’action au Cameroun. Ces organisations espèrent, à travers une action judiciaire inédite, forcer le groupe Bolloré à exécuter ses engagements de 2013, et avancer vers plus de responsabilisation des multinationales.« Pas de bénéfices sans responsabilités » scandaient ainsi ce mercredi les militants aux actionnaires du groupe.Contacts Presse :Marielle Benchehboune (ReAct) : [email protected] – 06 38 30 74 56[Sur l’assignation de Bolloré] Marie-Laure Guislain - Sherpa : +33 6 47 11 65 06 / [email protected]Organisation Signataires :AFASPACADTM FranceCollectif On Ne Se Taira Pas Confédération Paysanne FIAN BelgiumGRAIN ReAct TANY - Collectif pour la défense des terres malgaches Liens :Communiqué de presse « Huile de palme au Cameroun : le groupe Bolloré attrait en justice » (SHERPA 27/05/2019) – voir aussi le dossier de presseRapport « Accaparement des terres et huile de palme en Sierra Leone » (FIAN Belgium 2019)Rapport « Lutte pour la vie et pour la terre les plantations de caoutchouc de Socfin au Libéria et la responsabilité des entreprises suisses » (Pain pour le prochain 2019)Rapport « Développement insoutenable, un contre-rapport sur le cas Socfin au regard des communautés locales » (ReAct 2019)Article Condamné par trois fois pour procédures abusives, Bolloré ne lâche rien (Collectif On ne se taira pas 2019)[1] Depuis 2013, des militants interpellent régulièrement les actionnaires du groupe Bolloré lors des assemblées générales, sur ses activités agro-industrielles et leurs impacts sur les communautés locales et les travailleurs. https://information.tv5monde.com/afrique/les-actionnaires-du-groupe-bollore-accueillis-avec-des-poissons-pourris-172685 [2] Quelle justice pour les riverains des plantations SOCFIN ? Communiqué de presse de plusieurs ONG Belges, Suisse, Luxembourgeoises et Françaises.[3] En Sierra Leone, le conflit entre l’entreprise SAC et les communautés locales s’est à nouveau enflammé en janvier 2019, menant à la mort de 2 personnes, à l’arrestation arbitraire de 15 militants et au déplacement forcé de centaines de riverains. Plus d'infos : https://www.grain.org/en/article/6140-stop-land-grabbing-by-socfin-in-sierra-leone-stop-the-criminalisation-of-land-rights-defenders