Mise à jour : l'Hon. Shiaka Sama a été remis en liberté le soir du 28 janvier 2019. Les autres 14 détenus sont encore incarcérés. Les organisations de la société civile (OSC) travaillant sur la gouvernance foncière et les droits humains en Sierra Leone et au niveau international sont préoccupées par l'usage excessif de la force par la sécurité de l'Etat depuis ce lundi 21 janvier 2019 dans la chefferie de Malen, district de Pujehun, où deux personnes, Mohamed Ansumana et Mustapha, auraient été tuées par balle. Les affrontements qui ont suivi ont vu des dizaines d’habitants de Malen fuir leurs foyers. Les informations reçues de villageois en fuite indiquent que certaines personnes auraient aussi été tuées dans les bois des environs à la suite des coups de feu. Environ quatre-vingts personnes, dont des femmes et des enfants fuyant leurs villages, ont été aperçues dans le village de Kassey, parmi lesquelles: Hawa, Aminata, Isata, Kona et Katimu. De nombreuses personnes auraient été blessées suite aux actions des forces de l’ordre. Les villages assiégés de la chefferie de Malen sont maintenant sous couvre-feu de 18h à 6h du matin depuis le 21 janvier 2019, ce qui restreint encore leurs libertés fondamentales. Ces graves incidents surviennent alors que les communautés touchées par le conflit foncier à Malen entrevoyaient enfin une solution possible pour résoudre le conflit, à la suite des promesses électorales faites par le nouveau président Maada Bio et des efforts de dialogue du gouvernement ces derniers mois. En effet, dès l'arrivée de SOCFIN dans la chefferie en 2011 et suite à la cession de plus des deux tiers des terres (18 473 ha) qui seront converties par la société en monoculture d'huile de palme, touchant 52 villages, les communautés ont constamment dénoncé les violations et abus des droits humains : manque de consultation des propriétaires fonciers avant la transaction, manque de transparence, corruption, conditions de travail extrêmement mauvaises dans les plantations de SOCFIN, impact sur leur droit à une alimentation adéquate, destruction de leurs moyens de subsistance et impact environnemental négatif. Ces derniers mois ont ravivé l'espoir des communautés de trouver une solution, mais aussi les tensions, surtout en lien avec les conditions de travail qui ne s'améliorent pas et qui ne permettent pas aux familles affectéesbn de subvenir à leurs besoins avec dignité. C'est pourquoi les travailleurs se sont mis en grève à plusieurs reprises, en juillet et en octobre 2018. C'est à la suite de la dernière grève déclenchée vendredi dernier, le 18 janvier 2019, que les tensions ont atteint le niveau mentionné. Les rapports parvenant aux OSC indiquent que deux travailleurs de SOCFIN (noms au dossier) ont été vus accompagnant les forces de l’ordre qui auraient fait des descentes chez de simples habitants des communautés. Une descente de nuit a notamment eu lieu dans le village de Banaleh au cours de laquelle les forces de l’ordre auraient battu et malmené des habitants sans discernement. Une femme (noms au dossier) aurait perdu dix "batas" d'huile de palme. Nombre d'entre eux ont fui vers les villages avoisinants pour y chercher refuge. Le 21 janvier 2019, à 19 heures, les forces de l’ordre auraient à nouveau fait une descente dans le village de Gbombu où des maisons auraient été attaquées et un nombre indéterminé de personnes auraient été battues et malmenées tandis que d’autres, Sorh Kudor, Abu D9 et un Momoh, étaient arrêtés et conduits à Sahn Malen. La brutalité utilisée par les forces de l’ordre de l’Etat est sans précédant depuis le début du conflit foncier sévissant dans la chefferie, suite à l’arrivée de SOCFIN Agricultural Company (SAC), dont la concessions s'étend du Bas-Malen à Bendu et Nganyahun dans le Haut-Malen. Des témoins oculaires ont identifié le véhicule de sécurité n°19 de SOCFIN qui transportait le personnel de sécurité de l'État pendant les raids. Le Resident Minister South (le Ministre compétent pour la Province du Sud) qui s'est rendu dimanche à Malen, aurait ordonné aux travailleurs de SOCFIN de suspendre leurs actions de grève et de retourner au travail. Le Ministre a ensuite ordonné que aux leaders de la “secret society” de mettre fin aux pratiques de la société traditionnelle des hommes qui était cours, leur donnant un ultimatum de 24 heures. Le lundi 21 janvier 2019, des agents de la sécurité de l'État ont été déployés dans la chefferie. Les OSC perçoivent avec inquiétude l'action des forces de l’ordre de l'État comme un acte d'autoritarisme et de manque de professionnalisme qui a conduit à l’exacerbation des tensions et aux violations des droits humains qui en découlent, alors que toutes les voix appellent une solution pacifique au conflit. Quinze personnes ont été arrêtées et se trouvent au Département d’investigation criminelle (Criminal Investigation Department) de Freetown, dont Shiaka Musa Sama, candidat indépendant qui a remporté les élections législatives de 2018 dans la circonscription 104. Selon un message de WhatsApp reçu de sa part, "beaucoup de faux rapports ont été faits contre moi […] L'IG [Inspecteur général] m'a dit cet après-midi [22/1/2019] qu'une réunion de sécurité a eu lieu où le Président a levé mon immunité parlementaire... pour une enquête approfondie sur mes activités... Je resterai fort malgré les graves allégations qui pèsent contre moi. J'ai toujours défendu la médiation et le dialogue, et je n'ai jamais incité mon peuple à utiliser des moyens violents pour résoudre les conflits. Je suis innocent" Les OSC demandent au gouvernement de mener une enquête indépendante sur ce recours excessif à la force par les forces de sécurité et de libérer M. Sama, à moins qu'il n'existe des preuves irréfutables pour étayer les accusations portées contre lui. Nous demandons en outre au gouvernement d'assurer une protection suffisante aux défenseurs des droits humains qui travaillent sur conflit puisqu'une équipe continue à enquêter sur la situation. Depuis 2018, la société civile s’adresse au Bureau du Vice-Président avec des recommandations, telles que la facilitation d’une enquête indépendante sur le conflit foncier de Malen dont les conclusions pourraient servir de base à un dialogue au bénéfice de tous. Les OSC continuent d'exhorter le gouvernement à envisager cette approche en vue d'une résolution pacifique du conflit social et foncier, ayant déjà causé de trop nombreuses violations et abus des droits humains au cours des sept dernières années pour les 35 000 personnes touchées. Alors que nous finalisons ce communiqué, des témoignages confirment que Hannah Deen, défenseure des droits humains et leadeuse des femmes au sein de Malen Affected Land Owners and Users Association (MALOA) a été arrêtée et emmenée au poste de police de Pujehun. FIN Pour plus information: - Sierra Leone: Joseph Rahall +23276601979 - Sierra Leone: Lansana Sowa +2327739618 - Belgique: Florence Kroff +32 475 845624 – [email protected] Signataires: SiLNoRF Green Scenery Human Rights Defenders Network MADAM Amnesty International Center for Democracy and Human Rights FIAN Belgium Welthungerhilfe FIAN Switzerland Oakland Institute Christian Aid GRAIN REACT World Rainforest Movement West Africa Human Rights Defenders Network Pan African Human Rights Defenders Réseau des Acteurs du Développement Durable Tròcaire