Au cours des dernières années, les gouvernements, les législateurs et les élites politiques d'un certain nombre de pays ont essayé de calmer la colère et le débat sur l'accaparement des terres en fixant des limites juridiques à l'investissement direct étranger (IDE) en matière foncière. Ces limites prennent diverses formes. Dans certains pays, les gouvernements imposent des plafonds sur les superficies de terres agricoles qui peuvent être acquises par des étrangers. L'Argentine et le Brésil se sont récemment engagés dans cette voie. Avant de quitter ses fonctions en 2011, le Président Lula a demandé à son parti et au Procureur général du pays de trouver un moyen de limiter l'accès aux terres agricoles par des étrangers au Brésil. Cristina Kirchner a lancé un processus similaire en Argentine, qui doit aboutir à la signature d'une nouvelle loi d'ici un an. Dans les deux cas, le but était de fixer des limites sur la superficie de terres agricoles que des investisseurs étrangers peuvent acquérir, afin de contenir un mécontentement croissant vis-à-vis de l'« étrangérisation » et de la perte de souveraineté. Dans d'autres pays, les dirigeants politiques mettent en place des interdictions sur l'acquisition de terres agricoles par des étrangers. Le président de la Hongrie a récemment fait passer un décret au Parlement qui stipule que les étrangers ne seront pas autorisés à acheter des terres lorsque le moratoire sur les ventes de terrains aux étrangers sera levé en 2014. La Hongrie, comme de nombreux autres pays d'Europe de l'Est qui rejoignent l'Union européenne, a été autorisée à une période de transition avant de devoir ouvrir son marché foncier actuellement fermé aux investisseurs européens. Comme cette période touche à sa fin, le parti conservateur au pouvoir en Hongrie veut clairement trouver un moyen de garder pour le pays lui-même les richesses qui peuvent être extraites de ses riches terres agricoles. En Amérique latine, le gouvernement de l'Uruguay a débattu pour savoir s'il fallait interdire les investisseurs étrangers « publics », c'est-à-dire les transactions foncières impliquant des gouvernements étrangers, des fonds souverains ou des entreprises d'État. Par ailleurs, d'autres types de restrictions sont mis en place. En Algérie, où l'État détient une grande partie des terres, une nouvelle loi a été adoptée récemment pour introduire plus de propriété privée sur les terres agricoles. Les étrangers, cependant, ne seront pas autorisés à acquérir des terres agricoles, sauf en tant qu'actionnaires minoritaires, en partenariat avec des entreprises locales. Ce même genre de restriction a été inclus dans le Code foncier la République démocratique du Congo en 2012. Pour limiter la spéculation, certains gouvernements ou assemblées législatives imposent des conditions d'utilisation des terres (par exemple, si des terres ne sont pas mises en exploitation dans un délai donné, les droits fonciers correspondants sont perdus). De toute évidence, les situations diffèrent d'un pays à l'autre. Certains dirigeants et groupes politiques réagissent tout particulièrement- et parfois de façon réflexe - au nombre croissant de transactions foncières à grande échelle dans lesquelles les étrangers sont perçus comme un problème spécifique pour une raison ou une autre. D'autres tentent de répondre à une palette plus large de problèmes fonciers (pas seulement l'accaparement des terres mais aussi la concentration des terres, les questions d'utilisation des terres, les systèmes d'enregistrement et d'évaluation des biens) par le biais de lois foncières plus globales, notamment des codes pastoraux et ruraux. Les restrictions sur les investissements étrangers dans les biens fonciers semblent aller à l'encontre de la doctrine néo-libérale, telle que l'ont promue les gouvernements occidentaux et les institutions financières internationales au cours des dernières décennies. Après tout, la plupart des traités d'investissement bilatéraux et les chapitres sur l'investissement des accords dits de libre-échange reposent sur la notion de « traitement national » : l'idée que les investisseurs étrangers doivent être traités de la même façon que les ressortissants nationaux, sans possibilité de discrimination. Ces initiatives de gouvernements, bien qu'assez rares, semblent faire abstraction de ce principe. Pourquoi de telles restrictions peuvent être inefficaces Mais ces restrictions changent-elles quelque chose, surtout pour les petits producteurs alimentaires qui luttent pour nourrir leurs familles et leurs communautés ? C'est peu probable, pour un certain nombre de raisons. Propriété foncière ou location : Dans de nombreux cas, les restrictions mises en place ne s'appliquent qu'à l'achat des terres. Pour leurs projets, les investisseurs peuvent facilement passer à d'autres formes de prise de contrôle sur les terres, par exemple des baux de location ou des concessions. Pour de nombreuses communautés, cependant, il n'y a aucune différence. Si une entreprise obtient un bail de 99 ans sur votre territoire ou vos terres, surtout sans votre consentement explicite et direct, cela a le même effet que si cette entreprise avait acheté le terrain : c'est toujours une expropriation. Même si un consentement entre en jeu, un bail à long terme, qui pourrait s'étendre sur plusieurs générations de la vie d'une communauté, a le même impact qu'un transfert permanent de propriété. Les politiciens jouent avec les mots en disant qu'ils traitent le problème (en limitant la propriété) alors que ce n'est pas du tout le cas (car ils autorisent des baux à long terme). Les étrangers peuvent se dissimuler derrière des ressortissants du pays : C'est une ruse bien connue, qui porte beaucoup de noms et connaît bien des variantes à travers le monde. Lorsque les étrangers - qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales - n'ont pas le droit de posséder des terres, ils peuvent tout simplement se cacher derrière des acteurs nationaux. Une entreprise ou un citoyen du pays peut servir de façade juridique ou de signataire dans une transaction, tandis que, dans les coulisses, d'autres documents sont élaborés pour prendre en considération le fait que l'argent et la propriété appartiennent en réalité à quelqu'un d'autre. Pour les transactions les plus importantes, les entreprises étrangères peuvent ouvrir des filiales nationales ou des sociétés fictives, ou établir une joint-venture avec des entreprises locales pour apparaître comme une entité nationale. De telles pratiques sont répandues, que ce soit en Thaïlande (où elles sont qualifiées de système de prête-nom) ou au Brésil (où l'entité de façade est appelée une orange). Ces pratiques ne sont pas nécessairement illégales, mais cela signifie que les lois qui interviennent de façon autoritaire sur la propriété foncière « étrangère » n'ont pas obligatoirement un impact énorme. L'accaparement direct des terres peut ouvrir la voie à un accaparement indirect Les investisseurs avertis qui se sentent menacés par les nouvelles restrictions sur l'investissement direct étranger dans les terres agricoles peuvent changer de stratégie et passer à d'autres modèles de prise de contrôle des terres ou des ressources. Par exemple, en 2010, la société chinoise de produits alimentaires Chongqing Grain Group a tenté de négocier l'achat de 100 000 hectares de terres agricoles dans l'État de Bahia pour produire du soja pour le marché chinois. Ils ont apparemment rencontré des difficultés, alors que les débats visant à limiter l'accès des étrangers à la propriété foncière prenaient de l'ampleur au Brésil, et ont alors changé d'approche. Ils ont convenu avec les autorités locales d'investir leur argent dans un complexe agro-industriel local et de mettre en place des unités de stockage et de broyage en vue de l'achat du soja produit sur 200 000 ha de terres agricoles réservées. De cette façon, CGG n'a physiquement spolié personne de sa terre, mais l'entreprise a obtenu à peu près le même résultat : Les agriculteurs brésiliens sont obligés de produire du soja pour cette seule entreprise pendant une période de temps significative, et d'assurer ainsi à la Chine un approvisionnement sûr en huile de soja à un bon prix. En Argentine, un autre groupe chinois, le Heilongjiang Beidahuang State Farms Trade Group Business, a adopté une approche similaire en 2010. Le gouverneur de Rio Negro a signé un accord avec le groupe chinois lui promettant 20 000 ha de terres « inutilisées » dans le cadre d'un bail de 20 ans, ainsi que l'accès à plus 235 000 ha détenus par des agriculteurs privés. L'idée était que Beidahuang négocierait à long terme des droits exclusifs sur les produits des agriculteurs, sans acheter ou louer leurs terres. Qu'elles soient formulées comme une production sous contrat ou des systèmes de sous-traitance, ces formes plus furtives d'accaparement permettent encore de détourner des terres et les empêchent de servir aux projets locaux et aux besoins des communautés, parfois pendant de très longues périodes. Dans d'autres cas encore, les restrictions légales visant les étrangers ont été contournées par un nouveau zonage ou un reclassement des terres, ou en subdivisant les transactions foncières en marchés plus petits qui échappent à la vigilance des régulateurs. Là encore, la forme d'accaparement des terres peut changer pour se conformer à la loi, mais l'effet net est le même. Les restrictions sur les investissements peuvent détourner le débat : Dans de nombreux cas, on observe que là où les élites politiques cherchent à introduire des limites pour les investisseurs étrangers afin de lutter contre l'accaparement des terres - en général dans un style très nationaliste ou souverainiste - ils risquent en fait de réduire le débat à l'échelle nationale à l'équation « étranger = mauvais ». Dans le même temps ils éludent la question plus fondamentale de la stratégie en matière de type d'agriculture, de stratégie alimentaire ou de moyens d'existence en zone rurale qui est mise en avant et soutenue. Tout cela aboutit au dénigrement de quelques acteurs sociaux dans un spectacle qui montre que « l'on fait quelque chose », alors qu'en fait toutes sortes d'autres distorsions structurelles de l'orientation agricole d'un pays peuvent rester intactes ! Il est donc de laisser la question des investisseurs étrangers devenir une préoccupation essentielle. Conclusion L'accaparement des terres est devenu un fléau structurel de notre époque, de même que des processus tout aussi importants et interconnectés, comme la progression de la concentration foncière et d'autres formes de pillage des ressources. La limitation de l'investissement direct étranger dans le foncier n'est pas une mauvaise chose en tant que telle. Mais comme on peut le voir dans l'échec des tentatives dans quelques pays à ce jour, il serait préférable d'adopter une approche plus globale, et de proposer de nouvelles politiques foncières dans le cadre d'une refonte plus générale des stratégies de développement agricole et rural, qui intègrent de véritables programmes de réforme agraire orientés vers la souveraineté alimentaire. Sinon, nous pouvons continuer à obtenir des corrections superficielles qui s'accompagnent de nombreuses lacunes juridiques, d'effets pervers et de débats extrêmement tronqués qui renforcent la notoriété des politiciens mais n'apportent aucune solution réelle aux problèmes des communautés locales sur le terrain. On trouvera en annexe un aperçu de la façon dont les restrictions visant l'accaparement des terres agricoles par les étrangers prennent forme dans diverses régions du monde. Annexe : Restrictions imposées par l'État aux acquisitions de terres agricoles par les étrangers Algérie - interdiction L'Algérie a réformé ses lois foncières en 2010 pour permettre la location privée des terres agricoles, dont la plupart appartiennent à l'État. Les étrangers, cependant, ne peuvent pas posséder de terres agricoles. Ils peuvent s'associer avec des Algériens pour louer des terres en commun, ou acquérir une participation pouvant aller jusqu'à 49 % du capital de grands projets agricoles, et éventuellement pratiquer une agriculture sous contrat. Ces mesures sont similaires aux nouvelles règles adoptées en République démocratique du Congo. Argentine - plafonnement + limites de sécurité En décembre 2011, suite à une initiative lancée par la présidente Cristina Kirchner, une grande majorité de l'Assemblée nationale a adopté la Loi nationale n° 26737. La loi fixe un plafond national : les étrangers ne peuvent détenir plus de 15 % des terres agricoles du pays. Elle stipule également que les investisseurs étrangers et les entreprises d'un pays donné ne peuvent détenir plus de 30 % de cette superficie. Par ailleurs, une entreprise ou un investisseur donné ne peut détenir plus de 1 000 ha. La loi précise également que les étrangers ne peuvent pas posséder de terres dans une limite de sécurité à l'intérieur des frontières du pays ou à côté de grandes étendues d'eau permanentes. En outre, elle stipule que, dans les traités bilatéraux d'investissement auxquels l'Argentine est partie, l'acquisition de terres rurales ne peut pas être considérée comme un « investissement » parce que la terre est une ressource naturelle non renouvelable fournie par le pays hôte. Australie - Les transactions importantes soumises à un examen En Australie, la question de la prise de contrôle des terres agricoles par des investisseurs étrangers a suscité de vifs débats au cours des dernières années et les sondages montrent que quatre Australiens sur cinq y sont opposés. À l'heure actuelle, seules les transactions foncières les plus importantes (portant sur des montants égaux ou supérieurs à 244 millions AU$, soit environ 190 millions d'euros) ont besoin de l'approbation du Foreign Investment Review Board. Pour les transactions d'un montant inférieur, il n'existe ni enregistrement ni réglementation. Certaines associations d'agriculteurs veulent que le seuil d'examen soit ramené à 5 millions AU$ (3,9 millions d'euros). Les Verts et d'autres partis politiques soutiennent une proposition visant à instaurer un moratoire sur les achats de terres agricoles par des investisseurs étrangers, sauf si la transaction visée passe un test établissant son « intérêt national », ce qui prouve que leur position n'est pas xénophobe. En octobre 2012, le gouvernement a annoncé que, pour accroître la transparence, et dans la lignée des exemples des gouvernements du Queensland, des États-Unis et d'Argentine, il allait créer un registre des propriétaires étrangers de terres agricoles en Australie à partir d'une consultation nationale. Bénin - plafonnement Les législateurs du Bénin ont examiné et adopté une nouvelle loi foncière en janvier 2013. La proposition du gouvernement a été préparée grâce à l'appui de la Millenium Challenge Corporation du gouvernement américain et a été présentée au Parlement en octobre 2012. Elle stipulait initialement que les ressortissants étrangers basés au Bénin pouvaient louer ou conclure des baux de longue durée (jusqu'à 50 ans, non renouvelables) sur des terres agricoles, sous condition d'un plafonnement quantitatif. La proposition mettait le plafond à 1 000 hectares par personne, physique ou morale. Des groupes de la société civile, représentés par une organisation de masse intitulée « l'Alliance pour un code foncier et domanial consensuel et socialement juste » voulaient une interdiction des droits à la terre pour les étrangers et un abaissement du plafond à 50 hectares pour les particuliers et à 100 hectares pour les associations. Le texte final approuvé par le parlement n'a pas bougé sur ce point : les transactions foncières portant sur plus de deux hectares nécessiteront des autorisations (à un échelon allant du district local au niveau national, en fonction de la superficie), avec une limite maximale de 1000 hectares par investisseur national. Le nouveau code prévoit également des obligations portant sur l'utilisation des terres pour contribuer à la lutte contre la spéculation et promouvoir le développement durable. Le code précise que les baux et les concessions doivent être liés à des projets de développement qui respectent les équilibres écologiques et contribuent à la protection de l'environnement et à la sécurité alimentaire. Ces projets devraient être approuvés et contrôlés par des autorités locales ou municipales. Bolivie - Interdiction pour le public, autorisation pour le privé En Bolivie, les étrangers ne peuvent pas acquérir de terres de l'État, mais ils peuvent acquérir des terres privées. Il est impératif d'avoir une résidence dans le pays et les droits fonciers sont protégés par les traités internationaux d'investissement (lorsque ceux-ci ont été signés entre la Bolivie et un pays étranger donné). Brésil - Plafonnement + limites de sécurité En août 2010, le Procureur général du Brésil a émis une réinterprétation d'une loi de 1971 qui n'avait pas été appliquée, qui limiterait la vente de terres agricoles à des ressortissants étrangers à « 50 modules », soit à peu près 5 000 ha. La décision prévoyait une application stricte de la loi, précisant que des ressortissants étrangers ne pourraient pas détenir plus de 25 % d'une quelconque municipalité. Les étrangers d'une même nationalité ne pourraient pas posséder plus de 10 % d'une municipalité et les mêmes règles devraient également s'appliquer aux entreprises agricoles brésiliennes avec plus de 50 % de capitaux étrangers. Ces propositions continuent de faire la navette entre les commissions de l'Assemblée et la question n'est pas encore résolue. Dans le même temps, le gouvernement a publié un ensemble de directives cadres qui obligent les étrangers ou les sociétés étrangères qui ont l'autorisation de travailler au Brésil à fournir un dossier justifiant la superficie de terres qu'ils veulent acheter, afin d'améliorer les registres nationaux. Outre ces plafonds d'acquisition foncière, il est prévu que les zones frontalières (une bande de 50 km à l'intérieur des frontières nationales du Brésil) soient des « zones interdites », inaccessibles des investisseurs privés désireux d'acquérir des terres, pour des raisons de sécurité nationale. Colombie - Un plafonnement en débat Le Parlement est en train de débattre de diverses propositions. La proposition du Pôle démocratique alternatif (Robledo) était de modifier la Constitution pour limiter la superficie de terres agricoles pouvant être détenue par des étrangers à « une unité familiale ». Il a également précisé que les terres en friche seraient considérées comme propriété de l'État et ne pourraient être louées ou utilisées (par exemple, au travers d'accords d'usufruit) que par des Colombiens d'origine. Le Parti conservateur (Andrade) a également proposé un amendement constitutionnel visant à limiter les achats par des étrangers. Le Ministère de l'Agriculture, d'autre part, a plaidé pour que la question soit réglée par une loi ordinaire plutôt que par un amendement constitutionnel. À la fin décembre 2012, la proposition du parti d'Union nationale (Lozano) de limiter la superficie de terres que les étrangers pourraient acheter à « 15 % de la zone rurale d'une municipalité » a été approuvée par la cinquième commission de l'Assemblée, et sera probablement examinée en même temps qu'une proposition de l'administration au début de 2013. La finalisation du processus doit intervenir avant juin 2013. République démocratique du Congo - Interdiction ou retour en arrière ? En juin 2012, un nouveau code foncier est entré en vigueur en RDC. En vertu de ce dernier, seuls des citoyens congolais ou des entreprises qui sont majoritairement détenues par des ressortissants congolais sont autorisés à posséder des terres. Début 2013, les règles de mise en application de cette mesure n'avaient toujours pas été élaborées et le gouvernement parle déjà de les modifier, apparemment, sous la forte pression des investisseurs étrangers, pour leur donner plus de droits. Selon l'agence de presse des Nations Unies IRIN, le gouvernement pourrait même envisager d'acheter les terres lui-même afin de les vendre à des sociétés étrangères. Équateur - Un plafonnement en débat Le gouvernement étudie actuellement un projet de loi foncière qui pourrait interdire la création ou le transfert d'une propriété foncière par/à des entités, des personnes ou des capitaux étrangers, au-delà d'une superficie de 300 ha. Hongrie - Interdiction En juillet 2012, le gouvernement dirigé par le Premier ministre conservateur Viktor Orban, a présenté un projet de loi au Parlement visant à interdire aux étrangers l'achat de terres agricoles à l'issue du moratoire en 2014. Des mouvements sociaux, cependant, estiment que cela va accélérer l'accaparement des terres en Hongrie. Depuis le début du processus d'adhésion à l'UE en 1994, la loi foncière hongroise précise que les investisseurs étrangers peuvent seulement louer (et non acheter) des terres agricoles et qu'ils peuvent obtenir 300 ha maximum pendant une période de bail maximale de dix ans. Pourtant, les lacunes juridiques et le favoritisme politique ont conduit à une situation dans laquelle plus d'un million d'hectares sont actuellement contrôlés par des investisseurs étrangers, principalement des agriculteurs autrichiens (600,000-700,000 hectares), mais aussi des entreprises et agriculteurs néerlandais, allemands, danois, britanniques et autres. Ce chiffre représente 15 à 20 % du total des terres agricoles en Hongrie. En décembre 2012, le Parlement a adopté ce projet de loi qui modifie la Constitution. « C'est le début d'une nouvelle ère pour l'agriculture. La Constitution protège les terres agricoles hongroises, notre patrimoine et la base de nos moyens de subsistance, à la fois contre les spéculateurs étrangers et nationaux », a déclaré le Ministère du Développement rural à l'annonce de la décision. Les opposants au régime affirment, cependant, que cette initiative vise à détourner l'attention du véritable processus en cours en Hongrie, où les terres agricoles sont concentrées et privatisées entre les mains des élites politiques locales et des mécènes du parti au pouvoir. Les modifications entreront en vigueur en mai 2014, lorsque le moratoire de l'UE sera levé (à moins que les élections législatives prévues pour mars 2014 entraînent un changement de cap). Nouvelle-Zélande - Les transactions importantes soumises à un examen Tout achat de terres agricoles portant sur plus de cinq hectares, ou représentant une valeur supérieure à 100 000 $NZ (63 000 EUR), réalisée par un investisseur étranger doit obtenir une autorisation de l'Overseas Investment Office. Pour l'obtenir, les investisseurs étrangers doivent respecter plusieurs critères, comme par exemple faire la preuve d'une expérience pertinente, d'une bonne moralité et l'intérêt de l'investissement pour la Nouvelle-Zélande. Ce n'est pas si difficile à faire, et environ 10 % des terres agricoles du pays ont déjà été vendues. Avec l'intérêt croissant des investisseurs, en particulier de Chine et des États du Golfe, pour le secteur agro-alimentaire, il y a eu un vif débat sur la façon de contrôler les investissements étrangers dans les terres agricoles du pays. Paraguay - Un plafonnement en cours de préparation, jusqu'au coup d'État En 1940, la Loi foncière du Paraguay a rendu illégale la détention de terres par des ressortissants étrangers. Cette mesure a été abandonnée par le dictateur militaire Alberto Stroessner dans les années 1960 et, depuis lors, la campagne du Paraguay a attiré un afflux constant d'entreprises agro-industrielles, d'agriculteurs et d'investisseurs, qui a culminé en 2006-2010. En principe, seuls des Paraguayens peuvent prendre le contrôle de la terre redistribuée à travers le programme de réforme agraire, mais cela n'a pas été appliqué. De même, le Parlement paraguayen a décidé en 2005 que les étrangers ne devraient pas avoir la possibilité d'acheter des terres à moins de 50 km de la frontière mais, là encore, la mesure n'a pas été respectée ou mise en œuvre. Ce n'est qu'en octobre 2011 que l'administration Lugo a pris un décret réglementant cette loi, afin de reprendre en main une situation d'emballement dans laquelle les étrangers contrôlent 9 à 10 000 000 hectares de terres agricoles, soit 25-30 % du total des terres arables au Paraguay. En décembre 2011, le président Fernando Lugo a clairement indiqué qu'il avait l'intention de proposer une législation dans le même sens que celle qui venait d'être adoptée en Argentine et était en cours de développement au Brésil. L'éviction de F. Lugo à la mi-2012 par les forces du lobby agro-industriel a mis un terme à de telles intentions. Pérou - Pas de limite pour les étrangers Depuis 2012, le Parlement du Pérou a examiné deux projets de loi visant à limiter la concentration de la propriété foncière, qui a explosé récemment. Bien que quelques-uns des nouveaux grands accapareurs de terres au Pérou soient des investisseurs étrangers comme l'Uruguayen Parfen, les projets de loi ne prévoient pas de limites en ce qui concerne la nationalité. Comme au Brésil, la constitution du Pérou considère qu'aucun étranger ne peut détenir ou posséder de terres à moins de 50 km de sa frontière, bien que des exceptions soient possibles. Pologne - Des mesures en débat Le moratoire sur la vente de terres agricoles à des ressortissants étrangers européens arrivera à échéance en Pologne en 2017. Dans l'intervalle, les citoyens de l'UE-27, d'Islande, du Liechtenstein et de Norvège peuvent acheter jusqu'à un hectare de terres agricoles sans permis. Toute zone foncière d'une surface supérieure nécessite l'approbation du gouvernement et ne peut faire l'objet que d'un bail, pas d'une propriété. À l'heure actuelle, les règles sur les baux ainsi que la situation à mettre en place après le moratoire sont à l'étude. Roumanie - Plafonnement En octobre 2012, le gouvernement de centre-gauche a annoncé qu'il prévoyait, lorsque le marché national sera libéralisé en 2014 conformément aux règles de l'Union européenne, d'imposer un plafond quantitatif aux investisseurs étrangers désireux d'acquérir des terres agricoles en Roumanie ou d'exiger qu'ils possèdent une expérience réelle dans l’agriculture. Ceci intervient après qu'aient été signés avec des groupes agro-industriels étrangers des contrats portant sur 800 0000 ha (soit 6 % du total des terres agricoles du pays). Rwanda - Plafonnement Le Rwanda prépare actuellement une nouvelle loi foncière qui vise à limiter à un maximum de 49 ans les baux sur des terres agricoles conclus par des ressortissants étrangers. Comme dans d'autres pays africains, comme le Soudan ou au Bénin, il définira également des exigences en ce qui concerne l'utilisation des terres. Par exemple, les investisseurs étrangers auront cinq ans pour mettre les terres en exploitation ou ils s'exposeront à une reprise de possession. Tanzanie - Plafonnement En Tanzanie, un investisseur étranger n'était pas censé détenir plus de 50 acres. Toutefois, ce plafond n'était pas respecté. En 2012, le Parlement a demandé au gouvernement de suspendre toutes les grandes attributions de propriétés foncières à des investisseurs étrangers. Depuis janvier 2013, des plafonds sont imposés sur les concessions foncières de longue durée accordées aussi bien aux étrangers qu'aux ressortissants du pays. Pour le sucre, le plafond est de 10 000 ha, pour le riz de 5 000 ha. En outre, le Tanzania Investment Center est sur le point de publier des lignes directrices visant à rendre fonctionnelle la banque foncière de Tanzanie (Tanzania Land Bank) et à régir ses attributions. Ukraine - Un plafonnement en débat Le gouvernement ukrainien lèvera son moratoire sur la vente de terres agricoles à des investisseurs étrangers en 2013. En prévision de cette situation, plusieurs dispositions législatives controversées ont été préparées. Par exemple, l'une de ces mesures, relative au système de cadastre, a été débattue et adoptée, tandis que l'autre, relative au marché foncier, doit encore être finalisée. Jusqu'à présent, les étrangers n'étaient pas autorisés à acheter des terres agricoles mais ils étaient autorisés à en louer auprès d'agriculteurs individuels dans le cadre d'un bail de longue durée. Pour cela, ils étaient tenus de créer une identité d'entreprise/des activités en Ukraine et il était convenu qu'une fois le moratoire de l'UE levé, ils auraient le droit d'acheter la terre qu'ils avaient louée. Beaucoup de terres ont été accordées à des investisseurs étrangers en Ukraine (plus d'un million d'hectares, soit 3 % du total des terres agricoles du pays). Dans les versions préliminaires des nouvelles règles destinées à régir le marché foncier, différents plafonds et calendriers fiscaux ont été proposés. On ne sait pas très bien, cependant, quelles seront les règles définitives quand le moratoire sera levé. Uruguay - Débat en faveur de l'interdiction ou du plafonnement Le Parti socialiste a proposé un projet de loi qui interdit l'achat de terres agricoles à des fins agricoles ou forestières par des gouvernements étrangers ou des sociétés liées à des gouvernements étrangers. La coalition au pouvoir, Frente Amplio, a proposé un autre projet de loi qui vise à limiter la superficie de terres agricoles que des sociétés privées étrangères peuvent acquérir, tout particulièrement pour bloquer les spéculateurs. Le débat est toujours en cours.