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Leçons d'une Révolution verte en Afrique du Sud

by GRAIN | 20 Oct 2008

GRAIN

Le dernier plan de sauvegarde pour l'Afrique est de nouveau une Révolution verte. GRAIN, avec un grand nombre d'autres, a écrit et commenté abondamment sur l'Alliance pour une révolution verte pour l'Afrique (AGRA) et sur les impacts qu'il aura dans le continent.[1] En attendant, ce modèle de Révolution verte a déjà été mis en place ces cinq dernières années dans la province orientale du Cape en Afrique du Sid. Cela nous fournit un exemple et une indication des résultats probables d'une telle approche dans d'autres endroits d'Afrique.

L'Afrique a une longue histoire avec le colonialisme et le néocolonialisme qui a changé la propriété foncière, et ainsi détruit des communautés agraires dynamiques, et approfondi la pauvreté  structurelle.[2] L'Afrique du Sud a son propre système de gestion sociale et spatiale, qui aboutit à une forme de distribution des terres plus tordu que partout ailleurs en Afrique. Il en réuslte que la province du Cap oriental est nettement divisée en deux réalités agricoles:  celle des grosses fermes prospères pratiquant une agriculture commerciale à grande échelle et celle des anciennes "homelands areas" de l'apartheid au Transkei et au Ciskei,[3]  où la majorité des terres est possédé sous système communal et où 70% de la population rural est considérée comme étant en situation d'insécurité alimentaire. A partir des années 40, les planificateurs de l'Apartheid ont intensifié les expériences directives en gestion sociale dans les communautés du Transkei et du Ciskei, entraînant une perte considérable de terre et d'animaux d'élevage. De temps en temps, la population locale a résisté à ces initiatives qu'ils voyaient, avec justesse, comme détruisant leurs moyens d'existence et créant des richesses et des relations de pouvoir inégales (voir encadré 1).En général cependant, ils étaient contraints de les accepter, soit par la violence, soit par des promesses d'enrichissement. Quand en 2002, le département de l'agriculture de la province du Cap oriental (ECDA) a annoncé, comme faisant partie de sa stratégie de révolution verte, un plan pour un Programme de production alimentaire massive (PPAM) dans la province, il a promis que cette fois, les résultats seraient différents. Comme son nom l'indique, l'objectif est d'accroître énormément et rapidement la production alimentaire, et ainsi fournir la sécurité alimentaire aux pauvres des zones rurales. Ce département à l'agriculture a plus tard aussi affecté 500 000 hectares de plus de terre fertile pour alimenter une industrie d'agrocarburants qui représente plusieurs millions de dollars, comme faisant partie de son plan de "transformation agraire  intégrée".[4] Ces deux programmes doivent être principalement mis en œuvre sur des terres communales.

L'approche de la Révolution verte est toujours la même, et le programme PPAM en est un exemple. Les subventions et les crédits de départ sont mis à disposition des agriculteurs afin qu'ils investissent dans le projet. Les conditions comprennent le remplacement des variétés des agriculteurs par des variétés hybrides et des OGM, l'utilisation obligatoire d'engrais et de pesticides, la mécanisation de la production, et la consolidation de la propriété foncière. Les résultats sont prévisibles et largement documentés. Une fois que les agriculteurs sont piégés par le système, les subventions sont retirées de la circulation et les agriculteurs s'endettent, donnant l'opportunité aux élites locales d'intervenir et de gagner terre et pouvoir. Et le tour est joué ! Un nouveau vivier de consommateurs et un nouveau marché pour les OGM, les hybrides et les produits agrochimiques. Le plan peut passer avec une propagande facile sur l'amélioration de la sécurité alimentaire, mais elle cache l'angoisse de l'endettement, la perte continue de la terre, des semences et des communautés, et l'empoisonnement des populations, du sol et de l'eau.

Utilisation de la terre: le renforcement de l'héritage de l'apartheid

Le développement rural et la réforme agraire en Afrique doivent être compris dans la contexte de son passé colonial, qui a radicalement refaçonné les sociétés et leur utilisation de la terre. Dans la province du Cap oriental, cela veut dire prendre en copte le "Betterment Scheme" (Plan d'amélioration), mis en œuvre avec une grande résistance de la communauté dans la période 1940-1970. Le Plan d'amélioration était destiné à transformer le modèle d'utilisation de la terre en forçant les populations à se relocaliser dans des villages et en divisant la terre en unités résidentielles, de pâturages, et agricoles, en réduisant le nombre d'animaux d'élevage dans le même temps. Ce plan d'apartheid rural a dans une certaine mesure été motivé par un souci de conservation du sol mais l'intention principale était en fait de contrôler davantage les populations locales.(1) beaucoup de communautés n'ont pas accepté la manière coercitive  avec laquelle le plan a été présenté et, en fait, il n'a été vraiment appliqué que quand le gouvernement a pu contraindre les chefs à l'aider à le mettre en vigueur et à le contrôler.  cette "corruption" des chefs traditionnels a entraîné une perturbation sociale considérable et souvent provoqué de la violence et des combats de factions. (2)

Le Plan d'amélioration a finalement échoué, comme l'a fait le "Tractor Scheme" (Plan Tracteur") et les autres, et dans leur sillage les propriétaires de biens communs se sont retrouvés désorientés et dans le flou, tout comme leur situation foncière, avec une lourde perte en animaux d'élevage et en espèces végétales essentielles à leur survie. (3) Il y eut souvent des désaccords entre les communautés et leurs dirigeants. Dans les endroits qui n'ont pas été atteints par le Plan d'amélioration ou où la résistance a gagné, les pratiques agricoles et l'utilisation de la terre sont restées intactes et la productivité est plus haute. (4)

La situation foncière est complexe et imprégnée d'injustices historiques. D'un côté, la surpopulation et l'absence d'accès à la terre est un facteur majeur contribuant à la persistance de la pauvreté.  Beaucoup de gens souffrent d'une pénurie de terres dans leurs villages et autour et disent que leurs parcelles sont trop petites pour y cultiver ce dont ils ont besoin. Après le déplacement forcé et le bouleversement dans l'utilisation des terres, les villages sont maintenant dna de nombreux cas trop éloignés des champs cultivables pour que les gens puissent protéger leurs cultures des animaux et des voleurs. C'est pourquoi l'ECDA et les investisseurs étrangers parlent d'une "terre sous-utilisée". Cette terre communale, bien qu'elle ne soit pas toujours cultivée, a toujours beaucoup de valeur pour les communautés pour de nombreux autres usages: récolte du chaume, des plantes médicinales, pâturage, etc. (5) La relation entre les moyens d'existence ruraux et l'accès aux ressources naturelles est très bien documentée, mais continue d'être ignorée par les politiques gouvernementales. Au contraire, les officiels et les investisseurs regrettent que ce "capital qui dort" (6) ne soit pas utilisé au profit de la société "dans son ensemble" et l'affectent maintenant aux agrocarburants.(7) Il est clair que la façon de penser n'est pas différente  de celle qui dominait pendant l'âge d'or colonial: l'Afrique doit sacrifier son usage "improductif" de la terre à la production d'agrocarburants à exporter en Europe pour que cela bénéficie à la société "dans son ensemble".


(1) F.T. Hendricks, “The Pillars of Apartheid: land tenure, rural planning and the chieftancy”, Journal of African History, Vol. 33, No. 2, 1992, pp. 342–4.

(2) A. Claasens, It is not easy to challenge a chief: lessons from Rakgwadi, PLAAS Research Report No. 9, 2001

(3) Z. Ntshona, Valuing the commons: rural livelihoods and communal rangeland resources in the Maluti district, Eastern Cape,
PLAAS Research Report No. 13, 2002.

(4) P. McAllister, “Maize yields in the Transkei: how productive is subsistence cultivation?”, quoted in S. Shackleton et al., Re-valuing the communal lands of southern Africa: new understandings of rural livelihoods, London: ODI, Natural Resource

(5) L'herbe pour le chaume, par exemple, est et restera une important source de revenues pour les communautés ruales de la province du Cap oriental. Voir T. Kepe, Waking up from the dream: the pitfalls of “fast-track” development on the Wild Coast, PLAAS Research Report No. 8, 2001.
(6) terme utilise par le directeur general de Southern Africa Biofuels Association (Association des agrocarburants d'afrique du sud), Andrew Maseneke, dans un débat public à Cape Town, le 27 août 2008.

(7) Entretien avec Felix Hobson, directeur, PPAM, Bisho, Eastern Cape, juillet 2008. 

Les représentants de l'ECDA en ont eu l'idée suite à une visite de champs de soja en Argentine et au Brésil.[5] Ils sont revenus enthousiasmés par le succès apparent des agriculteurs d'Amérique du Sud, sans s'apercevoir des dégâts que la ruée vers la monoculture du soja a provoqué dans les communautés rurales, en particulier en Argentine.[6] Convaincus que la technologie (labourage minimum plus cultures génétiquement modifiées plus pesticides) vitaliseraient l'économie rurale, ils ont décidé d'imposer cette approche aux agriculteurs du Cap oriental.

L'infrastructure nécessaire à ce nouveau "modèle de production" agricole était déjà en place. Un lobbying d'entreprises privées extensives opérant depuis de nombreuses années garantissait que les politiques et l'infrastructure favoriseraient l'agrobusiness. cela comprend la législation pro-OGM, des droits stricts de propriété intellectuelle sur les semences, des accords de libre-échange et la privatisation des ressources et des institutions de recherche publique. L'étape suivante était d'utiliser les projets en faveur des pauvres du gouvernement pour fournir le financement public pour créer un nouveau vivier de consommateurs pour l'agrobusiness international.

Ce modèle découle des politiques économiques néo-libérales adoptées par le gouvernement post-apartheid d'Afrique du Sud, avec leur focalisation sur une agriculture basée sur les exportations et une croissance macro-économique. Toutes ces politiques ont considérablement bénéficié aux multinationales de l'agrochimie mais n'ont pas aidé les petits agriculteurs e les communautés rurales d'Afrique du Sud.[7]Même si elles étaient sensées redresser les injustices du passé de l'Afrique du Sud, ces politiques agricoles et économiques de libre marché ont, au contraire, renforcé les inégalités précédentes. Le fossé de la pauvreté s'est creusé et la richesse s'est encore plus concentrée  entre les mains d'une petite élite, aujourd'hui noire et blanche, rendant les termes de l'engagement du pauvre dans l'économie encore plus inéquitables.[8]

Le Programme de production alimentaire massive (PPAM)

Le Programme de production alimentaire massive (PPAM), appelé aussi Siyakhula ("Nous cultivons") a été introduit en 2002 avec le Programme de croissance et de développement de la province. Il a été présenté comme le "programme phare" de la stratégie de Révolution verte du gouvernement et son objectif était d'"ouvrir  le potentiel agricole dans les zones sous-développées". Un autre "programme-clé d'éradication de la pauvreté" dans le même esprit a été le programme de jardins communaux Siyazondla ("Nous nous nourrissons par nous-mêmes"). L'ECDA pense que, si les agriculteurs adoptent ces nouvelles technologies, la province pourra accroître sa production de maïs et devenir autosuffisante au bout des cinq ans du projet. Le but du PPAM est de parvenir à la masse critique de foyers ruraux (200 000) autosuffisants en hydrates de carbone et en protéines  l'issue du programme.[9]

Etant donné ces objectifs ambitieux de "mobilisation sociale", le plan est extrêmement simpliste, condescendant et extraordinairement vertical, sans signes de consultation avec les agriculteurs qui doivent être mobilisés. Toute la rhétorique est là.  Il y a des "partenariats public-privé entre le gouvernement, l'agrobusiness et les entrepreneurs locaux (avec les contribuables qui fournissent les fonds et le secteur privé qui encaisse les profits). La "sécurité alimentaire" doit être atteinte en subventionnant les  engrais, les pesticides et les semences (semences hybrides et GM) et en consolidant et mécanisant la terre. Le plan ne tient pas compte de l'abondante recherche récente qui critique une telle approche étroitement technique, et recommande que les politiques en faveur des pauvres traitent les déséquilibres structurels, basés sur les réalités des populations rurales et soutiennent leurs fragiles réseaux sociaux et économiques.[10] Ces réseaux jouent un rôle vital dans la résilience de la communauté, et l'impact immédiat du PPAM a été de désorganiser les structures et les pratiques communautaires existantes en imposant une approche technique qui favorise certains tout en excluant d'autres.

Même si le PPAM est sensé réduire les inégalités sociales, il est apparu clairement que le programme n'est pas pour tout le monde. Les critères de sélection sont spécifiques et exigeants. Seuls les villages possédant le meilleur potentiel agricole ont été sélectionnés; cela seul garantit un résultat qui n'est pas représentatif. La pluviométrie annuelle moyenne doit être au moins de 500 mm, et tomber entre le 1er novembre et le 30 avril, ou il doit y avoir une irrigation fiable. Les sols doivent avoir une profondeur d'enracinement de 600 mm et une pente qui n'excède pas 6%; et seules les parcelles d'au moins 50 hectares sont acceptées. Le projet repose donc sur la coopération de la communauté et la réunification des parcelles communales pour former des champs plus vastes. Cela veut dire forcer l'ensemble du village à participer. Une autre condition est que les agriculteurs doivent être préparés à utiliser les techniques agricoles de labour minimum et employer des herbicides. Il est conseillé aux agriculteurs de ne pas croiser les cultures avec des haricots et/ou des courges comme ils le font traditionnellement.

La première année, les agriculteurs reçoivent leurs semences, leurs engrais et leurs pesticides gratuitement, et le gouvernement apporte le financement par l'intermédiaire de la banque Uvimba.[11] la seconde année les agriculteurs doivent commencer à rembourser les subventions du gouvernement, et ils doivent avoir rembourser l'ensemble de la somme au terme des cinq années. Les agriculteurs sont responsables de la récolte et de la commercialisation de leurs cultures. Dans le cadre de sa campagne de mécanisation, le gouvernement fournit des prêts aux entrepreneurs pour acheter de l'équipement et les paie pour préparer et planter les champs. Ces entrepreneurs peuvent aussi participer comme agriculteurs, et la plupart pofitent de cette opportunité. D-s le début, l'intention du PPAM a été d'obtenir des résultats rapides: à la fin de 2007, 421 projets, touchant 15 099 foyers et couvrant plus de 50 000 hectares, ont été aggréés. En partie à cause de son envergure, le programme est officiellement vu comme un grand succès. Le Ministre de l'agriculture a annoncé que, au vu de la réussite du programme,[12] il accroîtrait son budget de 13 millions US$ en 2007 à 27 millions US$ en 2008/9.[13]

Exemple de l'impact du PPAM dans un village: Delville Trust

Quatre villages de la région de Cala dans la province du Cap oriental ont participé au PPAM, répondant aux critères du gouvernement de pluviomtrie élevée et d'accessibilité. L'un de ces villages et Delville Trust et comporte 24 familles. Chaque foyer doit se conformer au plan de 3,5 hectares de champs, pouvant ensuite être réunis en 70 hectares, ce qui rend la mécanisation plus facile. Ave un prêt de la banque Uvimba, le Nkosi (chef) local, Mr M Zengetwa, a acheté un tracteur et d'autres équipements pour 1,2 millions de R afin de pouvoir être partie contractante. Il est le chef de sept villagesdans la région, des fermes de 395 hectares sur sa propre terre et il possède 300 têtes de bétail. (1) Après de récoltes ratées, certains membres de la communauté ont voulu se retirer mais il n'a pas voulu les laisser partir car il avait à rembourser son tracteur. " Si vous faites faillite, je fais faillite" leur a-t-il dit. Au lieu de ça, il a proposé que les agriculteurs utilisent leurs allocations sociales pour payer leur dette, ou contractent un prêt auprès de la MAFISA. (2)

Les gens de ce village voient ça comme si e gouvernement leur avait demandé "d'emprunter leurs champs pour cinq ans". Une agricultrice a dit "C'est comme si ce n'était plus mon champ. j'avis l'habitude d'y aller tous les jours, mais maintenant, je ne le fais presque plus jamais." Le PPAM a entraîné des conflits à l'intérieur de la communauté: les gens n'étaient pas d'accord sur l'utilisation d'un entrepreneur; certains voulaient en sortir et d'autres non; et il y avait de la réticence à faire un labour minimum. Mme Dyanti, une veuve, était bouleversée, parce qu'elle n'avait pas de pension et craignait d'avoir à vendre son bétail pour payer sa dette. "Je n'arrivais pas à dormir et n'en avait même pas parler à mes enfants." De plus, trois bœufs sont morts parès avoir ingéré des engrais chimiques laissés dans un des champs. (3)
Le chef pensait que "le gouvernement voulait aider les agriculteurs de la province du Cap oriental mais qu'ils n'étaient pas prêts à être aidés." Il était aussi assez clair sur le fait que le projet ne pouvait fonctionner que pour des gros agriculteurs, disant que "les petits agriculteurs ne réussiraient pas et "disparaîtraient" après les cinq ans." Le ministère de l'agriculture a finalement retiré le village du PPAM mais d'une certaine façon les gens ont ressenti ça comme si c'était de leur faut si le projet avait échoué. Le seul agriculteur qui en a retiré de l'argent a été celui qui a été entrepreneur à la fois sur sa propre terre et sur celles d'autres agriculteurs. (4)


1) Interview avec le chef Zengetwa, Delville Trust, mai 2007.
2) Programme du gouvernement accordant des crédits aux micro-entreprises en zones rurales.
3) Entretien avec des villageois par Tim Wigley, juillet 2008.
4) Interview avec Mr Mdaka, district d'Elliot, septembre 2007.

Sur le terrain, une autre histoire

L'expérience sur le terrain cependant, est entièrement différente. Au cours de l'année dernière, GRAIN a interviewé des agriculteurs et des chercheurs impliqués dans le PPAM et n'a pas trouvé beaucoup de preuves de succès.[14] Même les officiels de l'ECDA ont reconnu les difficultés et les échecs du programme, blâmant les agriculteur de leur "manque de compréhension et d'engagement." Ils ont aussi reconnu qu'il fallait exercer beaucoup de pression politique. Cela a aidé à expliquer le fossé existant entre ce que l'ECDA dit publiquement et ce qui se passe réellement dans les communautés.

En réalité, les deux premières années du PPAM ont été un désastre absolu. Comme des centaines d'agriculteurs n'étaient pas parvenus  à rembourser leur dette, Uvimba bank a décidé d'entreprendre un audit.  Ils ont découvert que les intrants étaient arrivés plus de deux ois en retard, si bien que les semis avaient été faits tard et avaient échoué. Il y a eu des preuves de corruption parmi les parties contractantes . Les produits chimiques n'ont pas été appliqués correctement. Les semences ont été plantées dans des terres qui ne répondaient pas aux critères. Les communautés n'étaient pas d'accord avec les droits sur les terres. Le labour minimum a été mal compris et mal géré. Les intrants ont été revendus à des tiers. Un agriculteur blanc, payé pour conseiller une communauté près de Mbizana, a reconnu que le prix des intrants était simplement trop élevé pour le petits agriculteurs, et qu'il n'y avait pas moyen qu'ils deviennent indépendants. Il a dit  qu'il avait été "tenté de dire de seulement acheter de la nourriture avec l'argent" car leurs pertes seraient moindres que s'ils cultivaient leur nourriture eux-mêmes avec le PPAM.

Le programme a été révisé plusieurs fis pour répondre à ces échecs. Dans le processus, les représentants du gouvernement ont semblé oublier a qui le programme était sensé bénéficier. Ils ont attribué la faute aux agriculteurs pour avoir été "opportunistes" et ont soutenu que les financements sociaux (c'est à dire les allocations sociales) étaient l'une des raisons qui avaient fait que les agriculteurs ne s'étaient pas "engagés" dans les cultures. Il est vrai que l'Afrique du Sud est l'un des quelques pays en Afrique où il existe une système d'aide sociale développé[15] et on estime que 75% de la population en bénéficie (dont deux tiers de femmes). Les foyers ruraux en Afrique du Sud comptent ainsi sur un rand nombre de stratégies de survie, et l'agriculture n'est que l'une d'entre elles. Les situations sont diverses: pour beaucoup de gens, l'agriculture et l'accès aux ressources naturelles représentent une grande contribution aux moyens d'existence, à la sécurité alimentaire et aux réseaux sociaux.[16] L'idée de faire "porter la responsabilité" des échecs sur les allocations sociales n'est étayée par aucun élément solide. la réalité suggère que ces foyers qui ont accès à la terre et aux sources de revenus alternatives sont ceux dont la résilience les rend capables de participer à ce genre de projet.[17] Les très pauvres et les familles pauvres en terre en sont invariablement exclues.

Le PPAM a aussi créé une dépendance vis à vis d'un secteur privé peu fiable et opportuniste, d'un gouvernement inefficace et de marchés internationaux capricieux. Le programme est inflexible, et au-delà du calendrier du  projet, les prix des intrants ont monté de manière exponentielle, exposant même les agriculteurs à davantage de risques. Les questions du stockage et de l'accès au marché n'étaient pas prévues par le projet, et les agriculteurs ont rapporté que c'était un gros problème pour eux.[18] Dans beaucoup de cas, le prix qu'ils ont obtenu pour leurs produits sur le marché local était inférieur à celui payé pour le maïs traditionnel, qui est toujours préféré à la consommation.

Alors q'il apparaît clairement que le PPAM, la Révolution verte du Cap oriental, a singulièrement échoué à diminuer la pauvreté ou a intégré les agriculteurs dans le marché, il a cependant eu une série d'autres conséquences à long terme.

a) Destruction de l'agrobiodiversité et des savoirs:

L'un des plus sérieux impacts du PPAM, qui ne figure dans aucun des programmes ni dans aucune des évaluations, a été la perte des semences traditionnelles.[19] Pendant des années, les politiques agricoles ont érodé la capacité des agriculteurs d'Afrique du Sud à conserver et à améliorer leurs propres semences mais, malgré ça, beaucoup de petits agriculteurs ont continué à utiliser et à sauvegarder des semences traditionnelles. Dans les entretiens, les agriculteurs ont clairement exprimé leur préférence pour ces semences. Un chef de village a dit qu'il plantait un hectare de ses 40 hectares de champs de maïs avec des semences traditionnelles, et le reste avec les semences du PPAM. Lui et sa famille consomment le maïs venant des semences traditionnelles, et ils vendent la récolte issue des semences du PPAM.[20]

Les agriculteurs du programme espèrent pouvoir dans l'avenir récupérer les semences traditionnelles qu'ils ont perdues auprès des familles d'autres villages qui n'auront pas participé au PPAM. Ils disent que, en dehors du goût qu'ils préfèrent et des qualités pour la santé, les cultures issues des semences traditionnelles  ont deux avantages clé: elles sont très bien adaptées à l'environnement, en particulier aux sols acides qui dominent dans la région; et elles sont fiables. Des cas ont été rapportés où les semences du PPAM n'ont pas poussé correctement, alors que les semences traditionnelles dans des parcelles voisines, dans le même sol, réussissaient bien.[21]

b) Création d'un marché pour les OGM[22]

Les agriculteurs sud-africains cultivent des OGM depuis 10 ans, mais la technologie n'a pas touché les petits agriculteurs à cause de son prix.  Le PPAM est l'occasion idéale pour que les compagnies obtiennent du gouvernement qu'il subventionne l'introduction des cultures d'OGM et elles n'ont pas hésité à cibler les décideurs: représentants du gouvernement, chefs et conseillers. Les chefs du district de Flagstaff ont assisté à une conférence de deux jours pendant laquelle Monsanto a présenté son maïs Bt[23] (campagne de publicité qui a fait appel au slogan "iyasihluthisa", qui signifie "il remplit vos estomacs").[24] Les chefs, auxquels on a dit que les rendements augmenteraient de 133%[25], contraignent maintenant leurs communautés à le planter.[26] Et les agriculteurs qui plantent le maïs Roundup Ready[27] et le maïs Bt ne sont pas avertis qu'ils plantent quelque chose de différent; on ne leur a pas parlé de la nécessité de planter des zones tampon, de la possibilité de contamination et de résistance des insectes et des adventices, les risques sanitaires, et ainsi de suite. De plus, les agriculteurs ne gagnent rien à planter du maïs Bt, à part une facture plus grosse: en 2008, le Comité de recherche agricole a découvert que la pyrale (eldana saccharina) était devenu résistante au maïs Bt en Afrique du Sud.[28]

c) Diminution de la valeur nutritionnelle et de la productivité:

Les agriculteurs traditionnels  associent la culture du maïs avec celle des citrouilles et des haricots; quand les agriculteurs plantent des semences hybrides ou d'OGM, et utilisent des produits chimiques, l'association avec ces plantes alimentaires n'est pas possible. de plus, les agriculteurs disent que le rythme de ces semences n'est pas compatible avec  la plantation des cultures d'hiver traditionnelles, si bien que la plantation de l'avoine durant les mois d'hiver a dû être arrêtée. Du coup, la valeur nutritionnelle totale des plantes cultivées récoltées sur la terre des agriculteurs et la totalité des rendements ont tous les deux décliné, et de l'alimentation et du fourrage supplémentaires ont dû être achetés.

Un défaut fondamental du PPAM est qu'il a  sérieusement sous-estimé l'efficacité des systèmes de production traditionnels, bien que des études récentes ont montré qu'avec eux "le ratio de la valeur des rendements et des coûts en intrants indique vraiment un système très efficace."[29]Il y a plusieurs raisons à ça: les champs sont souvent de formes irrégulières, si bien qu'il est difficile de calculer les rendements; les agriculteurs ont l'habitude de pratiquer une agriculture mixte, mais les études ne rendent compte que de la récolte de la culture principale, négligeant les autres cultures, les fruits et les plantes alimentaires sauvages, même si celles-ci peuvent représenter la moitié de la valeur totale des produits; et les estimations de rendement ne prennent en compte ni la récolte précoce de maïs vert, les produits de qualité inférieure (même s'ils sont toujours utilisés d'une manière ou d'une autre par les agriculteurs), ni les produits de bonne qualité gardés pour les semences.[30]

d) Empoisonnement des sols:

Les représentants du PPAM recommandent que les agriculteurs utilisent des engrais chimiques plutôt que le fumier animal, et les agriculteurs s'inquiètent maintenant de la qualité de leur sol, car ils peuvent constater que les engrais le durcissent et l'"empoisonnent".  On leur a donné peu d'informations sur les dangers des pesticides et sur les meilleure manière d'utiliser les engrais. dans une ferme, les produits chimiques ont été stockés dans la cuisine (voir la photo). Dans une autre communauté, trois vaches sont mortes après avoir consommé des engrais chimiques.

Quand on a demandé à un agriculteur pourquoi il continuait avec les méthodes "modernes" s'ils n'en tiraient aucun bénéfice, il a répondu:"J'espère que si les conditions sont favorables, je deviendrai un homme important." Les agricultrices se montrent plus réalistes, disant qu'elles voudraient revenir à une agriculture traditionnelle parce que cela leur donnait plus de sécurité" et une alimentation de meilleure qualité pour leurs familles. Même si elles pensent cela, elles sont souvent obligées de participer à ces projets à cause de la pression sociale, à côté de pressions politiques plus manifestes.

e) Déresponsabilisation des agriculteurs locaux

Le plus grand échec du PPAM a peut-être été qu'il n'a pas été différent des précédentes interventions directives du gouvernement et que les agriculteurs locaux ne se le sont jamais "approprié". Les représentants du gouvernement ont imposé un changement radical aux agriculteurs des communatés; certains de ces représentants ont été très clairs sur ce qu'ils faisaient: ils demandaient "un changement de mentalité" et essayaient de "convaincre les gens de faire des choses qu'ils ne comprenaient pas".[31] La pression financière a été utilisée pour faire accepter le changement: quand les agriculteurs étaient incapables de rembourser l'intérêt de la dette prévue par le calendrier du programme, les représentants changeaient les règles afin d'exiger que les agriculteurs paient d'avance un acompte avant de recevoir les intrants. L'objectif était d'apprendre aux agriculteurs à "prendre leurs responsabilités". En pratique, cela a restreint la participation  des foyers disposant d'autres revenus, comme les allocations sociales.

Les représentants du gouvernement ont une vision bizarrement déformée des relations de pouvoir inégales inhérentes au projet. Ils déclarent que le gouvernement "prend des risques" à aider ces agriculteurs et que ceux-ci "utilisent la pression politique" pour éviter de payer leurs dettes. Ils ne peuvent manifestement pas concevoir qu'une communauté ou un agriculteur, prend quand ils y participent: en dehors du fait qu'ils ont à faire à une bureaucratie inefficace et corrompue, ils doivent aussi maintenant mettre en pratique des technologies étrangères et des systèmes agricoles venus d'ailleurs; on leur dit d'abandonner leurs semences et leurs savoirs,; ils doivent contracter des dettes,; et ils doivent s'exposer, exposer leur bêtes et leurs sols à des produits chimiques nocifs. Pourquoi les agriculteurs pensent-ils qu'ils n'ont pas d'autre choix que celui d'y participer? On ne peut le comprendre que dans un contexte culturel où les chefs ont beaucoup de pouvoir, ajouté à un contexte politique où il y a peu de possibilité de contrer le gouvernement de l'ANC. Un agriculteur a fait le commentaire suivant: "Le gouvernement cultive pour le compte des agriculteurs et quand les cinq ans seront passés, je reviendrai à la manière dont je cultivais avant." cela a été perçu comme un projet du gouvernement, et le gouvernement a été responsable des résultats. Les agriculteurs n'ont pas d'autre choix que d'aller jusqu'au bout.

Un autre village est possible: Roma

par Tim Wigley

A côté de Cala, juste au pied de la colline pas très loin de Deville trust se trouve le village de Roma, qui ne participe pas au PPAM. A la place, ces cinq dernières années, la communauté a reçu une formation aux méthodes naturelles d'agriculture, développant de qui été déjà fait par ailleurs. Certains agriculteurs ont été très satisfaits des résultats auxquels ils sont parvenus. Par exemple, Mr et Mme Tyandela sont arrivés ces cinq dernières années à avoir un excédent de production de maïs de 4 tonnes par hectare. Leurs résultats ont été si impressionnants que tout le village a arrêté d'utiliser les engrais chimiques et utilisent maintenant le fumier animal pour fertiliser leur terre. En fait, les rendements obtenus pas les Tyandelas ont dépassé ceux du PPAM de Tiwana, qui sont considérés parmi les meilleurs résultats du PPAM dans le district.  Aujourd'hui Mme Tyandela forme ses voisins et d'autres agriculteurs dans la région; C'est une réelle mobilisation sociale car ces agriculteurs sont indépendants et autosuffisants. Ils savent ce qu'ils veulent et sont en capacité de dire non. Ils peuvent mettre en pratique leurs savoirs er transférer ces savoirs pour construire une communauté forte.

Tous les rendements mesurés à Roma excèdent ceux obtenus dans un autre village voisin, Sifondile, qui fait partie du PPAM, et ce sans prendre en compte les citrouilles et les haricots qui sont associés à la culture du maïs à Roma. En fait, cette pratique est une forme d'assurance car, quand la production de maïs est faible à cause de mauvaises conditions, il arrive souvent que l'une de ces cultures associées rende mieux que d'habitude. A Sifondile, cette pratique a été arrêtée avec l'introduction du PPAM parce que l'herbicide utilisé tuait ces cultures. Les années précédentes, Sifondile avait l'habitude de cultiver un haricot particulièrement bon. Un exercice d' estimation du prix de revient pour comparer les coûts de production du maïs dans ces deux villages a montré qu'à Roma  cela coûte 28 cents pour produire un kilo de maïs et à Sifondile, 3,73 rands, soit treize fois plus.

Quelques commentaires de villageois de Roma:

"Nous pensions que si nous n'utilisions pas d'engrais chimiques nous n'aurions pas de récolte, alors si nous n'avions pas d'argent au moment de la plantation, nous ne plantions pas. Maintenant, nous pouvons planter sans argent"

"Nous pensions que nous ne pouvions planter nos jardins qu'au printemps mais maintenant nous avons toute l'année des légumes verts dans nos jardins."

L'utilisation de fumier sur notre terre a amélioré le sol et il retient plus d'humidité  qu'avec les engrais chimiques. Alors qu'avant, quand nous avions une sécheresse, le sol devenait très dur et même crevassé, si bien que quand nous labourions cela faisait de grosses mottes, maintenant le sol reste léger et facile à travailler."

"Nous avons remarqué que les plantes alimentaires cultivées avec du fumier ont meilleur goût et sont aussi meilleures pour la santé; nous n'avons pas à amener nos enfants à la clinique aussi souvent qu'avant."

Deux événements illustrent comment les gens sont conscients des avantages de l'utilisation des semences traditionnelles et des méthodes d'agriculture biologique. En 2007, Mr Tyandela a pris la moitié d'un sac de maïs qu'il avait récolté et l'a comparé avec un sac entier de maïs du PPAM de Sifondile. Son demi-sac était plus lourd que le sac entier du maïs du PPAM. En 2008, le département de l'agriculture a décidé de soutenir le jardin communautaire de Roma avec des engrais chimiques, mais quand ils ont  livré l'engrais la communauté n'en a pas voulu et l'a renvoyé. Ils préfèrent utiliser le fumier dans le jardin parce qu'ils savent qu'il ne détruit pas leur sol.

Si ce ne sont pas les agriculteurs qui en tirent des bénéfices, qui en profite?

Pendant la durée de mise en œuvre du PPAM, les prix du maïs ont été très instables, fluctuant entre 65 US$ et presuqe 260 US$  la tonne, pendant que les coûts des intrants ont augmenté de manière exponentielle, jusqu'à 909 US$ par hectare[32]. Comparer les chiffres sur la durée du projet est donc difficile. En 2007, les agriculteurs interviewés avaient des dettes qui variaient entre 640 et 7  272 US$, et seuls les agriculteurs qui étaient aussi des entrepreneurs avaient des revenus supérieurs à leur dette. La grande majorité des agriculteurs convenaient qu'ils n'étaient pas en mesure de rembourser leur dette, malgré la subvention. Les taux de retombée ont été extrêmement élevés, avec une tendance de la participation des agriculteurs individuels vers la fin de la période d'étude.  La banque Uvimba a dû annuler les dettes des agriculteurs, et ceux-ci ont été enlevés du programme.

Le programme a été révisé pour garantir un meilleur remboursement des créances, si bien que l'objectif s'est déplacé encore plus loin des plus pauvres vers les agriculteurs plus riches. Les agriculteurs doivent maintenant "prendre plus de responsabilités" et déposer une caution de 25% - qui se monte à 230 US$ par hectare[33]. L'accent est mis aussi davantage sur un partenariat entre le gouvernement et le secteur privé pour forcer les agriculteurs à pratiquer une "meilleure gestion financière". le principal bénéficiaire du projet est bien sûr le secteur privé, en particulier les compagnies de semences et de produits agrochimiques, car le gouvernement subventionne maintenant l'introduction de leur produits coûteux dans un nouveau marché de petits agriculteurs qui sinon ne pourraient pas se les offrir. La plupart des 60 millions US$ d'argent public injecté dans ce schéma leur revient. La législation sud-africaine sur les semences protège aussi leurs intérêts et garantit qu'ils perçoivent leurs royalties. Comme les compagnies sont centrées sur le profit à court terme, la viabilité de cette entreprise n'est pas leur problème.

Les entrepreneurs ont besoin d'une mention spéciale car ils bénéficient d'une subvention. D'un côté, ils sont payés pour labourer la terre des agriculteurs participants, indépendamment du niveau de leurs capacités, ils sont aussi participants, habilités à recevoir la subvention donnée aux agriculteurs; d'un autre côté, ils sont aussi payés s'ils travaillent comme entrepreneurs sur leur propre terre; et ils sont habilités à recevoir un prêt modéré de la banque Uvimba pour acheter des outils comme les tracteurs. Dans de nombreux cas, on les rend responsables des cultures qui ont échouén soit parce qu'ils n'étaient pas assez expérimentés pour ce travail, soit parce qu'ils ont manqué d'engagement envers le résultat de leur travail. C'est un exemple typique de la manière dont les élites locales sont bien placées pour accéder aux financements du projet et pour empocher les bénéfices, ce qui crée des disparités encore plus grandes dans la communauté.

Des paroles de gauche et des actions de droite [34]

Malgré toutes les politiques foncières perturbatrices du système colonial et de l'apartheid, l'accès à la terre et aux ressources naturelles joue toujours un rôle significatif dans les moyens d'existence et les économies des foyers des habitants des zones rurales. Manifestement, le gouvernement du Cap oriental n'a pas pris connaissance de, ou a choisi d'ignorer, toute l'abondante littérature qui le démontre.[35] Par conséquent, le PPAM se concentre sur la "monétisation" des moyens d'existence et limite sa conception de la sécurité alimentaire au seul paramètre de la production. Ceux qui sont derrière tout cela n'ont pas essayé d'avoir une vue d'ensemble des structures sociales et économiques complexes qui sont à la base de la pauvreté; Le programme ne construit pas sur les priorités et les forces locales; au contraire, il a augmenté la vulnérabilité en les amoindrissant. 

Le paradigme dominant à la base du PPAM est l'idée qu'il y a deux économies parallèles: celles qu'on appelle la "première" et la "seconde"  - et que les pauvres doivent être intégrés dans la "première"; Les études sur la pauvreté montrent qu c'est une séparation erronée et que les pauvres sont en fait intégrés, mais dans des termes tellement défavorables que leur pauvreté est aggravée. En donnant un intérêt de pure à forme à la réduction de la pauvreté et donc en n'accorant aucune attention aux conditions structurelles qui entravent et détruisent les efforts des populations pour vivre, ces politiques et ces programmes sont prédestinés à avoir l'effet inverse.[36] La pauvreté non seulement persiste mais est aggravée dans les zones rurales à cause des inégalités et des vulnérabilités créées par les tentatives pour intégrer les petits agriculteurs d'Afrique dans le capitalise global et les "marchés libres". Plutôt que d'essayer d'imposer des projets risqués et coûteux et qui créent de la dépendance à la "première" économie qui est instable, les représentants du gouvernement en Afrique du Sud (et dans le reste de l'Afrique) devraient adopter des politiques basées sur les principes de la souveraineté locale et nationale. Cela devrait entraîner une réforme agraire basée sur le contrôle local sur les semences et la diversité des semences, une agriculure à faibles intrants, des stratégies de conservation des sols et de l'eau, un accès à la terre et aux ressources naturelles, et un soutien aux marchés locaux. En bref, il est nécessaire que les politiques gouvernementales s'intéressent aux besoins sociaux, et non à l'intégration dans les marchés mondiaux.

Ce que préconisent le PPAM et l'AGRA renforce l'image coloniale présentant les agriculteurs africains comme ignorants et improductifs et les pratiques locales comme ne contribuant en rien dans les moyens d'existence. Ce qu'ils veulent réellement c'est de créer des marchés pour les OGM et les produits agrochimiques, et finalement parvenir à accéder aux terres pour y cultiver des denrées lucratives sur le marché mondial. Comme le PPAM l'a montré, les populations et les sols sont appauvris par ce système, et les semences, les savoirs et la notion même de la communauté se perdent. 


1 GRAIN Briefing, “A new green revolution for Africa?”, December 2007.  grain.org/briefings/?id=205; Voir aussi K. Lobe, “A Green Revolution for Africa: Hope for Hungry Farmers”, ILEIA 24.2, 2008, http://tinyurl.com/3r2y26

2 La pauvreté permanente est un problème crucial pour l'Afrique dans son ensemble et pour l'Afrique du Sud en particulier. Il est vital d'aller au-delà des analyses sur les moyens d'existence de la pauvreté et de s'engager sur les conditions structurelles clé qui perpétuent la pauvreté. Il est crucial de comprendre l'économie politique de la pauvreté, ainsi que les organisations sociales et spatiales qui enracinent les conditions défavorables dans lesquelles les pauvres sont obligés de participer à l'économie dominante. Lire (en anglais) A. du Toit, Chronic and Structural poverty in South Africa: challenges for action and research, Bellville: University of the Western Cape, Chronic Poverty Research Centre Working Paper 56, July 2005, http://tinyurl.com/3zz6bh

3 Le Transkei et le Ciskei, avec 3 autres homelands, ont été les lieux où le gouvernement de l'apartheid a obligé la majorité de la population noire à vivre. Après 1994, le Transkei et le Ciskei, avec la partie "blanche" du Cap oriental, ont été réunis en une seule province, le Cap oriental. Mais la division est aussi dure aujourd'hui qu'elle l'était il y a 14 ans.

4 L. Khumalo, “Government plans to 4 establish biofuels industry in Eastern Cape”, South African government communication and information system, 8 March 2007.

5 Entretien avec John Allwood, directeur technique, ECDA, mai 2007;  entretien avec Felix Hobson, directeur, MFPP, juillet 2008.

6 Miguel Altieri and Walter Pengue, “GM soybean: Latin America’s new coloniser”, Seedling, January 2006, 6 http://tinyurl.com/3v283q

7 Les politiques du gouvernement sont favorables aux affaires, et font l'hypothèse que les pauvres seront tirés vers le haut par la croissance macro-économique. Le GEAR et l'AsGISA (Accelerated and Shared Growth Initiative for South Africa / Initiative pour une croissance accélérée et partagée en Afrique du Sud), fondés par des initiatives comme le NEPAD et le CAAD (Comprehensive Africa, Agricultural Development Programme / Programme global de développement agricole pour l'Afrique), se basent sur l'hypothèse erronée qu'il peut y avoir un lien positif entre la globalisation et la diminution de la pauvreté; étant donné ces politiques globales, régionales et nationales, il n'est pas étonnant que dans son discours pour le vote du budget 2007/8, G Nkwinti, le MEC pour l'agriculuture du Cap oriental, a déclaré que le ministère intensifierait la mise en œuvre des stratégies de la Révolution verte en réponse aux "nombreuses initiatives lancées aux niveaux internationaux, régionaux et nationaux." Disocurs pour le vote du budget 2007/8 Parlement du Cap oriental, Bisho, accédé le 26 avril 2007.

8 Le coefficient Gini (ndt: Le coefficient de Gini est une mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée) pour la population africaine s'est élevé de 0,62 à 0,72 entre 1991 et 2001. Ce degré d'inégalité est comparable à celui des sociétés les plus inégalitaires du monde." C. Schwabe, Fact Sheet: Poverty in South Africa, Human Sciences Research Council, 26 July 2004, http://tinyurl.com/47zfxt

9 Entretien avec John Allwood, directeur technique, ECDA, mai 2007. 

10 Lire A. du Toit et D. Neves, In search of South Africa’s Second Economy, Bellville and Manchester: University of the Western Cape and University of Manchester, Chronic Poverty Research Centre Working Paper 102, 2007, http://tinyurl.com/3nvev3

11 La banque Uvimba a été créée par le gouvernement et propose des prêts pour le développement rural et l'agriculture.

12 Discours pour le vote du budget 2007/8, prononcé par MEC Mr G Nkwinti pour le Ministère de l'agriculture, Parlement du Cap oriental Eastern Cape Legislature, Bisho. 

13 Augmentation de 90 millions de ZAR à 188 millions de ZAR.

14 Avec toute notre reconnaissance à Tim Wigley pour ses explications et ses conseils dans ce domaine.

15 On estime que 12 millions de Sud-Africains reçoivent des allocations sociales. Lire aussi M. Appel, Social grants making an impact, SouthAfrica.info, 7 April 2008, http://tinyurl.com/3fno44

16 S. Perret et al., Activity systems and 16 livelihoods in the Eastern Cape Province rural areas, Department of Agricultural Economics Extension and Rural Development Working Paper, 2000, http://tinyurl.com/4x2muf

17 M. Samson et al., Social Grants, South 17 Africa, London: Overseas Development Institute, Inter-Regional Inequality Facility Policy Brief 1, 2005, http://tinyurl.com/4n7qb2

18 Dans un entrerine qui a eu lieu en septembre 2007 avec un "extension officer" à Cala, il est apparu clairement que là où les agricultures avaient un surplus, ils avaient des problèmes de stokage et de commercialisation.

19 Les contradictions sont stupéfiantes: d'un côté, avec l'assentiment des milieux d'affaires internationaux et des gouvernements, le PPAM, d'un coup de balai, anéantit pratiquement la biodiversité agricole dans le Cap oriental; et d'un autre côté, les mêmes intérêts soutiennent la construction d'une banque de semences près du pôle nord pour garantir en particulier que les semences qui sont à la base de cette diversité soient préservées pour les générations futures. Voir Grain: L'inauguration de Svalbard ne fait pas l'unanimité, mars 2008 http://www.grain.org/nfg/?id=559

20 Communication de Tim Wigley, après un entretien avec le  Chef Zengetwa, Dellville Trust, juillet 2008.

21 K. Darmgaard Hansen, “The Massive Food 21 Production Scheme, Eastern Cape – Design, Extension Approach and Scope for Adoption of Minimum Tillage”, Master’s thesis (AD 03010), Department of Plant and Soil Science, Royal Veterinary and Agricultural University (KVL), Denmark, 2006.

22 Les ONG du Kwazulu Natal ont aussi fait l'expérience de la manière dont le Ministère de l'agriculture conditionne les financements aux petits agriculteurs à la création de nouvelles structures communautaires, comme les coopératives, et à l'utilisation des semences GM. Lire K. Palitza, “Small Farmers Pushed to Plant GM Seed”, Inter-Press Service, 21 July 2008, http://tinyurl.com/4k7dhc

23 Une forme génétiquement modifiée de maïs qui a introduit un gène de résistance à Eldana saccharina, très répandue en Afrique.

24 Par une bizarre déformation "en mettant des propos dans la bouche des agriculteurs", l'ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications / Service international pour l'acquisition des applications des biotechnologies en agriculture), a indiqué en février 2008, que les agriculteurs du Cap oriental étaient si contents du maïs Bt qu'ils l'appelaient 'iyasihluthisa', en souvenir de la manière dont les cultivateurs de coton de Makhathini ont été impitoyablement exploités par Monsanto pour vendre le coton Bt dans le monde, http://tinyurl.com/4cssje

25 E. Botha, “Chiefs to hear about GM crop benefits”, Daily Despatch, 26 October 2004.

26 Discussion avec Klara Jacobson, chercheuse suédoise travaillant dans le village de Xhopozo près de Flagstaff, mai 2008.

27 Maïs dans lequel un gène a été inséré pour lui conférer une résistance à l'herbicide Roundup de Monsanto.

28 “Stalkborer breaks Bt Armour”, Farmers Weekly, March 2008.

29 P. McAllister, Maize yields in the 29 Transkei: how productive is subsistence cultivation?, quoted in S. Shackleton et al., Re-valuing the communal lands of southern Africa: new understandings of rural livelihoods, London: ODI, Natural Resource Perspectives No. 62, November 2000, http://tinyurl.com/3eu5ot

30 Ibid.

31 Entretien avec Felix Hobson, directeur, PPAM, juillet 2008.

32 Taux de change en août 2008: ZAR7.7 = US$1. 32

33 Pour mettre ceci en perspective: les pensions financées par le gouvernement sont de 106 US$ par mois; revenu moyen de 75 % des habitants du Cap oriental se monte à moins de 110 US$ par mois; et dans les zones rural, il est même plus bas.

34 Une terme pris chez S. Saul, “The Hares, the Hounds and the ANC”, Third World Quarterly, Vol. 25 No. 1, 2004. Il écrit sur les contradictions inhérentes au gouvernement sud-africain  qui d'un côté fonde sa cohérence politique sur la rhétorique du développement du "Tiers monde", mais d'un autre côté se présente comme un client fiable pour les intérêts capitalistes mondiaux, qui vont profondément à l'encontre des pauvres. Le PPAM et l'AGRA font la même chose.

35 La contribution importante des terres communales soi-disant "sous-utilisées" comme moyens d'existence est largement reconnue depuis de nombreuses années maintenant, mais elle est ignorée car elle ne cadre pas avec la perspective de l'économie de marché; Voir, par exemple, S. Shackleton et al., Re-valuing the communal lands of southern Africa: new understandings of rural livelihoods, London: ODI, Natural Resource Perspectives No. 62, November 2000, http://tinyurl.com/3eu5ot

36 A. du Toit and D. Neves, In search of South Africa’s Second Economy, Bellville and Manchester: University of the Western Cape and University of Manchester, Chronic Poverty Research Centre Working Paper 102, 2007, http://tinyurl.com/3nvev3

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