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Côtes dévastées et mers stériles

by GRAIN | 9 Jul 2009

Au cours des dernières années, l’une des cibles de l’expansion du capital mondial a été l’accès aux eaux territoriales de nombreux pays en développement. Cet objectif a beau revêtir des formes différentes et porter plusieurs noms, il est pour les industriels d’extraire un maximum de bénéfices. L’Union européenne (UE) est en tête du mouvement : Les accords de partenariat de pêche (APP) permettent à l’UE de maintenir une industrie très lucrative et d’exporter ses problèmes de surpêche dans d’autres parties du monde - l’Afrique, les Caraïbes, le Pacifique - provoquant souvent pour les pêcheurs artisanaux locaux des conséquences désastreuses. L’UE a maintenant décidé de tester les eaux asiatiques. Dans cet article, GRAIN enquête pour savoir ce que signifie pour les pêcheurs artisanaux le projet d’accord de libre-échange (ALE) EU-ASEAN.

GRAIN

On se croirait au début d’un film : la caméra s’attarde sur une longue bande de sable blanc, des huttes de nipa qui marquent les limites de la communauté côtière, une multitude de petits bateaux sur le rivage. Une vision paisible. Mais dans cette petite communauté au large de Mauban, dans la province de Quezon aux Philippines, cette quiétude disparaît dès que les habitants commencent à parler de leurs luttes journalières. Les prises ont chuté au cours des dernières décennies, forçant beaucoup de pêcheurs à abandonner ou, dans certains cas plus désespérés, à continuer à récolter les espèces restantes en utilisant dynamite et cyanure. La plupart des pêcheurs affirment que les effets conjugués de cette pratique illégale mais couramment employée, et de la nouvelle centrale thermique de Mauban, ont quasiment fait disparaître tous les poissons des eaux municipales. L’ignorance de la loi est également un facteur important. De temps à autre, on aperçoit des bateaux de pêche taiwanais, mais ni les garde-côtes ni les autorités de pêche ne réagissent. Les pêcheurs y voient le résultat de la politique du pays qui fait suite au mouvement de libéralisation des pêcheries depuis une dizaine d’années et ouvre quasiment accès à ses eaux. Pire encore, des habitants, victimes de harcèlement policier, militaire et légal, sont expulsés de chez eux, car il est prévu de transformer l’île en station touristique. [1]

Des situations similaires se répètent partout en Asie et ce genre d’histoire devient monnaie courante : les stocks sont en déclin, des vaisseaux étrangers écument avec leurs filets des eaux souveraines et diverses formes de “développement” menacent constamment la subsistance des communautés côtières. L’expansion mondiale du capital qui se cache sous le “libre-échange” généralise ce modèle d’extraction/exploitation. De fait, la vague de libéralisation qui a déferlé depuis quelques dizaines d’années sur les pays asiatiques a transformé les eaux territoriales des Philippines, de la Thaïlande ou de l’Indonésie, en un territoire de pêche industrielle gratuit pour les nations riches et puissantes, aux dépens des petits pêcheurs locaux. Et ce n’est pas terminé : en signant des accords bilatéraux, les pays continuent à brader leurs mers et leurs pêcheurs.

Dans un discours prononcé à Jakarta en 2004, Pascal Lamy, le Commissaire européen au commerce de l’époque (aujourd’hui directeur de l’OMC), soulignait l’importance d’exploiter les “outils disponibles” dans les relations avec le reste du monde. [2] Il mettait l’accent sur la nature complémentaire des négociations bilatérales et des accords multilatéraux comme l’OMC et relançait l’idée d’un accord bilatéral de libre-échange, dont on parlait depuis des années, entre l’UE et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). [3] Tout comme son concurrent, les États-Unis, l’UE veut une plus grande libéralisation et l’ouverture des économies des pays en développement à ses transnationales. Depuis l’effondrement de l’OMC à Cancún en 2003, tout le système commercial multilatéral semble s’être également écroulé; les questions d’accès aux marchés et les investissements se règlent désormais à coup de négociations bilatérales. L’UE ne peut pas se permettre d’ignorer ce marché potentiel énorme - dominé jusqu’à présent par les États-Unis, le Japon et la Chine - que représente l’ASEAN.

En mai 2007, l’ASEAN et l’UE ont tous deux accepté de lancer des négociations visant à conclure un ALE avant trois ans. Ce projet a pour but de libéraliser de façon substantielle toutes les marchandises et les services, en supprimant pratiquement toutes les formes de protection et les obstacles au commerce, de façon à ce que rien ne puisse entraver les investissements étrangers. Par cet ALE, l’UE veut se garantir une place dans la région de l’ASEAN qui soit conforme à sa conception d’une “Global Europe”, un modèle post-colonial de domination du monde par le biais du libre-échange. Les pêcheries constituent un secteur que l’ALE voudrait encore libéraliser davantage, afin d’ouvrir le marché de l’ASEAN à la technologie et aux produits européens et d’assurer l’approvisionnement de l’UE en produits de la mer, ainsi qu’en matières premières dont a besoin son aquaculture florissante.

Il faut noter que, alors qu’elle négocie un ALE avec l’ASEAN en tant que bloc de nations, L’UE poursuit des négociations parallèles avec des pays individuels : il existe ainsi un ALE UE-Philippines. Ainsi, tout en offrant un soutien financier pour l’intégration de l’ASEAN, l’Europe fournit le même soutien aux pays individuels, pour développer leurs liens commerciaux avec l’UE. Cette approche ne manque pas d’habileté. Quoique l’UE préfère un marché intégré, elle admet aussi la nécessité de forcer l’ouverture des marchés individuels, car cela crée une dynamique politique intéressante dans la région. L’ALE UE-ASEAN serait à présent suspendu; l’UE semble en effet avoir d’autres priorités pour l’instant. La lenteur des négociations est-elle responsable du blocage ? Ou bien l’UE a-t-elle obtenu tant de concessions des pays individuels de l’ASEAN qu’elle peut se permettre de laisser tomber l’ASEAN en tant que bloc ? Il ne faut pas en tout cas oublier ce qui s’est passé dans d’autres régions du monde : l’intérêt de l’UE n’est pas tant de promouvoir le libre-échange que d’en garder le contrôle.

Le commerce mondial : des enjeux de taille

Au cours des cinq dernières années, l’augmentation de la demande de poisson et de produits de la pêche a provoqué une croissance brutale de la production mondiale, pour atteindre un record de 144 millions de tonnes en 2006 4 (voir Tableau 1). L’ensemble des importations et des exportations, où dominent la Chine, le Japon et les États-Unis, se monte à 176 milliards de dollars US. Mais la part de l’UE est loin d’être négligeable : en 2006, ses exportations, évaluées à 21,6 milliards de dollars US, représentaient un quart du total mondial (85,9 milliards de dollars US). Parmi les plus gros exportateurs mondiaux, menés par la Chine et la Norvège5, se trouvent des États membres de l’UE : le Danemark, l’Espagne et les Pays-Bas, qui totalisent à eux trois 9,6 milliards de dollars US, soit 44,4 % de la totalité des exportations de poisson de l’UE et 11,2% des exportations mondiales. Il ne fait aucun doute que la sauvegarde de l’industrie de la pêche européenne est pour l’UE le moyen d’assurer sa place sur le marché mondial de la pêche.

Dans le même temps, cependant, les propres ressources halieutiques de l’UE connaissent un déclin rapide, ce qui force ses 27 membres à appliquer des quotas sur certaines espèces et à réduire le nombre de flottes de pêche. L’UE est à présent l’un des plus grands marchés de produits bioaquatiques du monde et dépend de l’importation pour couvrir les deux-tiers de sa consommation de poisson. La consommation annuelle par habitant s’élève à environ 21 kilos. [6] L’UE fait effectivement partie des plus gros importateurs, après le Japon et les États- Unis : les importations, dominées par l’Espagne, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Danemark, atteignaient en 2007 un montant de 41,8 milliards de dollars US, un pourcentage de 43,5 % du total mondial (96 milliards de dollars). [7] Il faut noter toutefois qu’une bonne partie des importations de l’UE provient d’autres nations européennes.

Pour l’instant les exportations de poisson et de produits de la pêche de l’ASEAN vers le marché européen sont minimales, et c’est pourquoi certains gouvernements voient dans l’ALE une opportunité d’augmenter ces exportations. Les exportations combinées de la Thaïlande et du Vietnam ne valaient que 8,6 milliards de dollars US en 2006, soit 10 % du total des exportations mondiales (contre les 25 % de l’UE). [8] Le poisson- chat vietnamien se vend de plus en plus en Europe, tandis que les crevettes exportées de Thaïlande (30 % du marché global de la crevette) vont surtout aux États-Unis. L’UE représente peut-être un marché potentiel important pour les pays de l’ASEAN, mais l’accord imposerait un régime de réglementation tellement strict qu’il est probable que seules les grandes entreprises seraient capables de s’y conformer.

En effet, pour pouvoir exporter vers l’Europe, l’ASEAN doit satisfaire aux normes d’assurance de sécurité sanitaire et de traçabilité, avant que ses produits ne puissent entrer sur le marché européen. Le pays exportateur doit avoir une législation de santé publique et des moyens de contrôle du secteur des pêcheries qui soient équivalents à ceux qui ont cours en Europe. M.Lamy s’est évidemment bien gardé de dire à son audience de Jakarta que l’effort pour augmenter les exportations vers l’Europe se solderait par de grosses pertes pour les petits pêcheurs artisanaux. En 1997, le Bangladesh a perdu au moins 14,7 millions de dollars US à court terme, quand l’UE a décidé d’imposer une interdiction de cinq ans sur les importations de crevettes, parce que les exportateurs bangladais n’avaient pas réussi à respecter les standards européens.

Dans cet ALE entre l’UE et l’ASEAN, les véritables vainqueurs ne sont pas bien sûr les gouvernements, mais les compagnies transnationales (TNC), qui se félicitent en regardant les gouvernements obtenir pour elles l’accès aux eaux côtières et à des marchés lucratifs, et leur offrir des conditions d’investissement idéales.

Une façon pour l’UE d’exporter son problème de surpêche

L’UE est en partie responsable de la surpêche qui provoque la disparition des stocks dans le monde. Avec ses 90 000 bateaux (sur 1,3 million de bateaux pontés dans le monde), elle fait partie des plus grosses flottes de pêche. On estime qu’environ 80 % de toutes les espèces des eaux territoriales européennes sont victimes de surpêche. L’Espagne et le Royaume-Uni ont le plus grand nombre de flottes étrangères hors Europe. Certaines estimations suggèrent qu’environ 60 % du poisson débarqué en Europe a été pêché en-dehors des eaux territoriales de l’UE.

L’UE s’efforce depuis des années de mettre en place un quota sur ses prises et de réduire le nombre de ses flottes actives. Cependant, les subventions que les gouvernements accordent aux propriétaires de bateaux sous forme de “primes de départ” sont surtout utilisées de façon détournée par les pays européens pour payer l’accès à d’autres zones de pêche, plutôt que pour réduire leur flotte. [9] De fait, les subventions gouvernementales – estimées entre 15 et 20 milliards de dollars US par an – constituent presque 20 % des revenus de l’industrie mondiale de la pêche, ce qui contribue à une capacité excessive et encourage la surpêche. [10] Grâce aux accords de partenariat de pêche (APP), les flottes de l’UE peuvent payer l’accès aux eaux territoriales d’autres pays et exploiter pratiquement sans limites les ressources marines de ces derniers. Cette façon de faire permet non seulement à l’UE d’approvisionner en permanence son énorme marché en poisson, mais aussi de garder ses flottes industrielles actives. Une association d’entreprises de pêche espagnoles considère ainsi que les frais d’accès sont la clé de la préservation de la vitalité économique de l’industrie européenne de la pêche. En d’autres termes, les PPA ne font qu’exporter le problème de la surpêche sous d’autre cieux.

L’UE a signé plus de vingt accords de pêche bilatéraux, en particulier en Afrique, mais aussi aux Caraïbes et dans le Pacifique. Parmi ses partenaires, on compte la Mauritanie, le Sénégal, le Maroc, le Nigeria, le Gabon, les îles du Cap-Vert, les Seychelles, les îles Salomon et la Micronésie. [11]

Aux Philippines, les groupements de pêcheurs se méfient de tout ce qui touche à l’ALE avec l’UE. Le Kilusang Mangingisda (une association de pêcheurs) pense que cet ALE permettrait aux pays européens d’avoir accès et d’exploiter les ressources marines des Philippines et de tout le Sud-Est asiatique.

« Si les bateaux européens obtiennent l’accès aux mers des Philippines et de l’ASEAN, cela ne fera qu’intensifier la surpêche et endommager les stocks, étant donné l’absence de réglementation et de politique communes au niveau régional. Si l’ASEAN ne met pas en place une politique de pêche commune, les bateaux européens pourront opérer pratiquement sans aucune restriction dans ses eaux », explique l’association. [12] Selon ces pêcheurs, les espèces hautement migratoires comme le thon, le maquereau et la sardine, qu’on trouve fréquemment dans les eaux des pays de l’ASEAN, souffriront de surexploitation. Le thon et le maquereau sont en effet parmi les espèces les plus pêchées au monde.

Pour cette autre association, PAMALAKAYA (la Fédération nationale des pêcheurs artisanaux aux Philippines), un accord avec l’UE est une proposition encore pire que l’Accord de partenariat économique si controversé prévu avec le Japon (JPEPA). Le JPEPA ouvrirait complètement les ressources marines des Philippines au entreprises japonaises, provoquant encore plus de surpêche, ce qui aurait de lourdes conséquences pour les petits pêcheurs. « Si le JPEPA est un cauchemar, affirme le groupe, le pacte de partenariat et de coopération entre les Philippines et l’UE est une tragédie nationale, qui ne tardera pas à frapper cette nation de pauvres et d’affamés. En orchestrant la plus grande trahison du siècle, l’UE révèle son objectif véritable : faire porter tout le fardeau de la crise économique aux populations misérables de pays comme les Philippines. »

Une source florissante de bénéfices pour les multinationales/les grandes entreprises

Les grandes entreprises de pêche sont bien placées pour récolter les bénéfices des ALE, et pas seulement avec leurs pêcheries de capture. En raison du déclin des stocks dans tous les océans du monde, on assiste en effet à une envolée de l’aquaculture, un élevage qui était traditionnellement pratiqué à petite échelle par les pêcheurs locaux. Au fil des années, le commerce mondial du poisson a transformé l’aquaculture en une industrie gigantesque. Ce secteur de production alimentaire est sans doute celui qui connaît en ce moment la plus forte croissance au monde : L’aquaculture représente environ la moitié de la production mondiale d’aliments pour poissons ; les 53 000 tonnes produites en 2007 avaient une valeur de 75 milliards de dollars US. [14] Cette industrie est dominée par quelques entreprises verticalement intégrées, et les compagnies européennes sont parmi les plus grosses.

Un communiqué récent de la Commission européenne donne les grandes lignes de l’aquaculture mondiale. [15] La Commission envisage l’avenir de l’aquaculture européenne : cette industrie devrait comprendre « toute la chaîne d’approvisionnement, proposer des produits à la fois innovants et à haute valeur ajoutée qui satisfassent les besoins des consommateurs européens et étrangers, et [assurer]la production d’équipements de haute qualité pour les entreprises d’aquaculture. » Elle préconise aussi d’investir dans le marché mondial, en vendant ses technologies et son savoir-faire, pour aider les pays à répondre aux défis de la durabilité et de la sécurité sanitaire.

Toutefois, si l’aquaculture est censée soulager la pression sur les océans du monde, il faut noter qu’elle contribue aussi de plus en plus à leur destruction. L’expansion rapide de l’élevage de crevettes, de saumon et autres espèces carnivores à haute valeur ajoutée comme la morue, le bar et le thon détournent les prises pour en faire des aliments industriels plutôt que d’en nourrir les gens. Il faut entre 2 et 5 kilos de poisson sauvage, transformé en farine et en huile de poisson, pour produire un kilo seulement de poisson d’élevage. [16] En 2006, le secteur de l’aquaculture a, estime-t-on, consommé 23,8 millions de tonnes de petit poisson de mer sous la forme d’intrants alimentaires, soit 26 % des prises mondiales venant des pêcheries de capture. Sur ces quantités, 3,72 millions de tonnes ont été utilisées pour fabriquer de la farine de poisson, 0,83 millions de tonnes pour faire l’huile de poisson servant aux aliments aquacoles composés et 7,2 millions de tonnes supplémentaires de poisson sans valeur commerciale ou de “faux-poisson ” ont servi d’alimentation directe ou à la fabrication d’aliments aquacoles artisanaux. [17]

Le Tableau 2 montre les plus grandes entreprises de produits de la mer. Leur position leur assure l’avantage sur leur concurrents plus petits. Dans le monde entier, ces entreprises sont derrière certaines des activités de pêche les plus extensives et les plus agressives.

Afin de maximiser les bénéfices, ces entreprises rachètent des entreprises plus petites et resserrent encore le contrôle entre les mains de quelques grands acteurs de l’industrie. Un ALE rentre parfaitement dans ce cadre, car il permet de délocaliser la production et d’en intégrer les différents stades (élevage, transformation et distribution). Une grande partie des élevages de poisson écossais appartient aujourd’hui à la gigantesque multinationale Marine Harvest, la plus grande entreprise d’aquaculture au monde et le plus gros producteur d’aliments pour animaux. Marine Harvest fait partie de la multinationale hollando-norvégienne Nutreco. Dans le même temps, une fusion de plusieurs groupes de pêche norvégiens – Cermaq va avoir entre les mains 60 % de la nouvelle compagnie, Fjord Seafoood récupère les 40 % restants et la participation de Domstein au capital de Fjord est de 26 % – a l’intention de créer la deuxième opération d’élevage de saumon au monde (après celle de Nutreco). L’entreprise a prévu d’accaparer 12 % du marché mondial de l’élevage de saumon et 40 % du marché de l’aliment pour saumon. [18]

Tandis que certains fusionnent pour créer des entreprises encore plus grandes, d’autres se contentent de racheter des quotas. L’Espagnol Pescanova a racheté l’entreprise de chalutage Pesquera Vasco Gallega pour son quota de colin, avec les deux bateaux qui pêchent le colin au large de l’Argentine. Cette acquisition fait partie de la stratégie d’expansion de Pescanova, qui a avait commencé avec la reprise de Pescafina, une entreprise qui allait mal financièrement mais qui avait accès aux pêcheries cubaines. [19] Pescanova est aussi propriétaire de l’opérateur de chalutage argentin Argenova, et de ses douze bateaux qui pêchent la crevette, la gégine australe et la pieuvre. L’an dernier, Pescanova a également acheté Novahonduras SA pour 5 millions d’euros, pour faire de l’aquaculture au Honduras. Pescanova est l’un des plus grands acteurs dans le domaine de l’aquaculture : il a ainsi investi en Espagne dans la crevette, au Chili dans le saumon, au Brésil dans le tilapia, au Portugal dans le turbot et dans la crevette au Nicaragua. [20]

La deuxième entreprise d’Asie, le China Fishery Group Ltd, illustre parfaitement la façon dont une entreprise intégrée verticalement maximise ses bénéfices : grâce à ses filiales, l’entreprise opère dans le monde entier comme entreprise de pêche industrielle intégrée. Ses activités comprennent la pêche elle-même, la vente de poissons et de produits de la mer , la cession de ses quotas de pêche non utilisés , ainsi que la production de farine et d’huile de poisson. En 2008, ses ventes se sont élevées à 3,2 milliards de dollars US, [21] ce qui équivaut à plus du tiers de la valeur de toutes les exportations de pêche de la Chine. Depuis 2008, le groupe a acquis Epesca Pisco SAC, Pesquera Ofelia SRL et Pesquera Mistral SAC. Il est également propriétaire d’une flotte péruvienne de 39 bateaux senneurs et possède huit usines de fabrication de farine de poisson. [22]

A ses débuts en 1920, Nippon Suisan Kaisha (Nissui), qui réalise les plus grosses prises de pêche, et du Japon et du monde, fut le premier institut de recherche privé du pays consacré à l’étude de la vie marine. Afin d’élargir sa gamme de produits de la mer, Nissui noua ensuite dans les années 70 des partenariats avec des compagnies étrangères, en commençant par des entreprises d’Indonésie, d’Espagne, du Chili et d’Argentine. Aujourd’hui, ses filiales sont présentes partout dans le monde. Quoiqu’elle se décrive elle-même comme « une entreprise alimentaire verticalement intégrée fondée sur les produits de la mer », l’entreprise produit, transforme et commercialise aussi des produits agricoles et d’élevage et a développé une gamme de produits pharmaceutiques. [23]

Un monde paradoxal

Les grandes entreprises engrangent les énormes bénéfices de leur exploitation de la mer, mais pour les petits pêcheurs, il ne reste que côtes dévastées et mers stériles.

La Thaïlande est certes le plus grand exportateur du monde de crevettes d’élevage, mais l’aquaculture a provoqué la conversion massive de terres agricoles fertiles (auparavant consacrées au riz) et est devenue la source principale de la pollution littorale. [24] Elle est aussi le prix à payer pour la perte de la biodiversité et de la sécurité alimentaire. En Thaïlande méridionale, du côté de la baie de Phang Nga, les habitants ont remarqué que, depuis l’introduction de la crevette à pattes blanches du Pacifique, les crevettes locales servant à faire la pâte de crevette, qui est une des bases de leur culture alimentaire, ont disparu. Cette espèce est celle que promeut Charoen Pokphand, le géant de l’agrobusiness pour l’élevage de crevettes. [25]

Dans le même temps, au moins quatre provinces autour de la baie de Phang Nga connaissent une “restructuration” des activités de la pêche, dans le cadre du Projet de gestion des habitats et des ressources du littoral (CHARM). Ce projet est mis en œuvre par le Département des ressources marines et littorales avec le soutien financier de l’Union européenne. Il inclut entre autres l’établissement d’un réseau de marchés de poisson et la mobilisation de la production pour l’exportation, dans le respect d’une réglementation très stricte. Le nombre de pêcheurs est réglementé et les pêcheurs doivent s’enregistrer pour faire partie du réseau de marchés ; désormais, il n’est plus possible de tout simplement pêcher et vendre son poisson sans appartenir au réseau. Pour les habitants de Phang Nga, c’est encore un niveau de contrôle supplémentaire qu’on impose aux petits pêcheurs thaïlandais.

Le Vietnam présente, quant à lui, un paradoxe intéressant. Il est le huitième exportateur de produits de la mer du monde et ses revenus d’exportation se montaient à 4,24 milliards de dollars US en 2008 (contre 3,75 milliards en 2007). Néanmoins son secteur des produits de la mer est un désastre, car il a souffert à la fois d’un surplus et d’un manque d’approvisionnement. [26] Le boom de l’industrie des produits de la mer au Vietnam a, semble-t-il, déclenché la mise en place d’innombrables élevages de poissons mal réglementés. Les transformateurs ne pouvaient plus nécessairement absorber toute cette production, malgré le développement d’usines de transformation modernes. En conséquence, de nombreux éleveurs ont fait faillite et on estime que 40 % des bassins d’élevage de poissons-chats dans la région du delta du Mékong sont aujourd’hui abandonnés. Malgré l’augmentation récente du prix du poisson-chat, peu d’éleveurs veulent redémarrer leur activité. Beaucoup d’entre eux, en particulier les éleveurs de crevettes, qui ont eu à souffrir d’une série de mauvaises récoltes, ont fini par vendre leurs terrains pour rembourser leurs prêts. Selon l’Association vietnamienne des exportateurs et producteurs de produits de la mer, les exportations vietnamiennes devraient chuter de 15 à 20 % durant la seule année 2009.

Les ressources marines de l’Indonésie sont d’une richesse extrême, mais elle sont exploitées presque sans limite par des bateaux étrangers. Le ministères des Pêcheries et des Affaires maritimes estime que chaque année l’Indonésie perd environ 3,2 milliards de dollars US à cause des braconniers de la mer venus de Thaïlande, de Chine et des Philippines.[27] Une mesure prise par l’État en 2007 allonge à plus de vingt ans la durée des concessions au secteur privé (y compris les entreprises étrangères) dans les zones côtières et les petites îles de l’Indonésie, ce qui pourrait conférer encore plus de légitimité à la surpêche pratiquée par des compagnies étrangères.

Et ce n’est seulement la mer qui est réquisitionnée : Un programme national destiné à industrialiser

les élevages de crevettes sur la période 2006-2013 et financé par la Banque asiatique de développement à hauteur de 30 millions de dollars US, a causé des ravages dans les communautés des zones humides et du littoral. Des inondations dans 12 000 villages sont clairement liées à la perte des zones humides et des forêts de mangroves provoquée par les activités d’élevage aquacole. [28] L’expansion des fermes à crevettes dans la province de Lampung a réduit les stocks de poisson sur la côte et forcé les pêcheurs locaux à aller pêcher en pleine mer, ce qui signifiait pour eux une dépense accrue de carburant. Parvenant à peine à couvrir leurs frais, ils ont fini tout simplement par abandonner la pêche,.

Dans toute l’Asie, on observe la même évolution. Les stocks du Cambodge sont en baisse, ce qui n’est pas sans affecter les communautés de pêcheurs qui en dépendent pour leur sécurité alimentaire. Le Bangladesh, qui est en passe de devenir la capitale mondiale de la crevette, est perturbé par les déplacements de communautés locales et les violences qui en résultent. Des milliers de pêcheurs malais ont vu leurs prises chuter en raison des installations de bassins à crevettes le long des côtes. Telles sont les réalités qui constituent l’envers du décor de l’ALE que l’ASEAN veut négocier avec l’Europe et il y a peu de chance qu’elles s’améliorent dans un futur proche. L’interruption récente des négociations tombe peut-être à point, donnant le temps non seulement aux deux parties de prendre un peu de recul, mais surtout aux gouvernements de l’ASEAN de se poser des questions sur les avantages de cet ALE.

Il faut arrêter l’ALE et défendre les petits pêcheurs

C’est la croissance du commerce mondial de poisson qui a été le principal élément déclencheur du déclin global des stocks. Il serait donc parfaitement déplacé de continuer à libéraliser les pêcheries pour augmenter encore le commerce, car cela risquerait tout simplement de provoquer la surpêche et éventuellement, la destruction complète des pêcheries mondiales. Les bénéfices en perspective sont énormes, mais en poursuivant la concentration de l’industrie de la pêche, la prospérité ne peut que remplir les coffres de quelques grandes entreprises. Cette croissance se fera au détriment de tous ces petits pêcheurs artisanaux dont la survie continue à dépendre d’une biodiversité marine qui n’a pas de prix mais qu’on laisse disparaître de plus en plus vite. En perdant leurs littoraux, les petits pêcheurs perdent aussi leurs moyens de subsistance et tout espoir d’avenir.

Il faut renverser la tendance. Il est encore temps d’agir ensemble – pêcheurs, paysans, tout citoyen vigilant – et mettre fin à l’ALE UE-ASEAN. L’interruption des négociations fournit l’opportunité de l’achever. Les communautés de pêcheurs disposent d’une multitude d’alternatives pour gérer les ressources et encourager le commerce. Toutefois, si elles ne sont pas protégées contre les attaques des grandes entreprises, elles n’ont aucune chance de survie.

Tableau 1:Commerce mondial de poisson en 2006

Production mondiale

144 millions de tonnes comprenant les pêcheries de capture (64%) et l’aquaculture (36%)

Valeur des exportations

Total mondial des exportations de poisson et de produits dérivés : 85,9 milliards de dollars US (+ 55% par rapport à 2000)

Valeur des importations

Total mondial des importations de poisson et de produits dérivés : 89,6 milliards de dollars US (+ 49% par rapport à 2000)
Les pays développés représentaient environ 80 % des importations, en termes de valeur .

Marchandises principales

Crevettes : 16.6%
Poissons de fond : 10.5% (par ex. Colin, morue, églefin et lieu d’Alaska)
Saumon : 10.7%
Thon : 7.7%

(ces pourcentages proviennent de l’ensemble des poissons commercialisés dans le monde)

Principaux pays pêcheurs

Chine, Pérou, USA (qui occupent les trois premières places depuis 2001 dans la production des pêcheries de capture)

Dans l’UE : Espagne, Danemark, Royaume-Uni, France

Espèces les plus pêchées

Dans le monde : anchoveta péruvien, lieu d’Alaska, bonite rayée, hareng atlantique, merlan

Par l’UE : hareng atlantique, anchois européen, merlan, maquereau atlantique

Principaux pays pratiquant l’aquaculture

Chine (qui représente les deux-tiers de la production mondiale), Inde, Vietnam, Thaïlande, Indonésie

Dans l’UE : Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Grèce

Espèces les plus couramment élevées

Dans le monde: diverses espèces de carpe, crevettes à pattes blanches, saumon atlantique, crevette géante tigrée

Par l’UE : moule de mer, truite arc-en-ciel, moule bleue, saumon atlantique

 

Encadré 1: L’impact sur les petits pêcheurs de l’ALE UE-ASEAN en cours de négociation

Le commerce de marchandises, en particulier le démantèlement des droits de douanes et la réduction tarifaire : Les flottes de l’UE, fortes de leur capacité supérieure et leurs subventions, auront le droit de pêcher dans les eaux de l’ASEAN, y compris dans les zones économiques exclusives et de débarquer leurs prises dans les ports de l’ASEAN, au détriment de leurs concurrents locaux plus petits. Il en résulterait une perte significative des moyens de subsistance, surtout pour les petits pêcheurs artisanaux.

Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) : Parce que le marché européen impose des exigences, toujours plus complexes, relatives à l’assurance de sécurité sanitaire et de traçabilité, l’ASEAN sera obligé de se conformer en ce domaine à des normes strictes, avant de pouvoir introduire ses poissons et produits dérivés sur le marché européen. Cela équivaudrait à interdire éventuellement les produits habituellement proposés par les pêcheurs artisanaux, mais aussi à donner à l’UE plus de liberté pour refuser tout produit qui ne serait pas conforme à ses standards.

Bref, cet ALE crée une compétition injuste, du fait que les règles penchent de façon déséquilibrée en faveur des conditions de pêche et de marché prévalant dans l’UE.  

 

Encadré 2: Chassés de leur eaux ! Le cas de l’Afrique du Nord-Ouest

Depuis 1979, les gouvernements africains ont signé nombre d’accords de pêche avec l’UE – celle-ci payant pour obtenir les droits d’accès – qui permettent aux flottes industrielles hautement subventionnées de continuer à exploiter les espèces de poisson à haute valeur commerciale, fussent-elles au bord de l’extinction. C’est ainsi que le homard de Mauritanie a disparu il y a déjà quelques années. La pieuvre du Sénégal est au bord de l’effondrement. Beaucoup, sinon la majorité des pêcheurs locaux du Sénégal et de Mauritanie sont sans travail et émigrent clandestinement vers l’Europe. C’est sur cette toile de fond qu’en 2002, l’UE a signé avec le Sénégal un nouvel accord de pêche de 64 millions de dollars US pour quatre ans, afin de pouvoir pêcher poissons de fond et thon. En 2006, l’UE a aussi conclu un accord avec la Mauritanie et obtenu, en l’échange de 146 millions de dollars US par an, l’accès à ses eaux pour 43 vaisseaux européens.1 Comment un gouvernement pauvre pourrait-il se permettre de refuser de genre d’accord ?

Selon la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les flottes de pêche en eaux lointaines ont accès aux ressources que le pays côtier n’est pas en mesure d’exploiter lui-même. En réalité, les accords de pêche permettent l’accès à des ressources qui sont en pleine exploitation, voire déjà sur-exploitées, comme c’est le cas au Sénégal et en Mauritanie. Un accord avec l’UE signifierait le même sort pour la population de thon asiatique (thon rouge, patudo, bonite rayée, toutes des espèces menacées). Le même sort attend aussi les populations locales de pêcheurs. Même si l’UE n’utilise pas exactement le même modèle d’APP avec l’ASEAN, un accord sur les pêcheries ne peut que venir du même moule. Autrement dit, un moule favorable à l’UE.


1 See, for example, Sharon Lafraniere, “Europe takes Africa’s fish, and boatloads of migrants followed”, New York Times, 14 January 2008, http://www.nytimes.com/2008/01/14/world/africa/14fishing.html?_r=1  

Tableau 2: Principales entreprises de produits de la mer en Europe et en Asie

Asie

Europe

Nippon Suisan Kaisha Ltd (Japon)

Marine Harvest Group (Norvège)

China Fishery Group (Chine)

Austevoll Seafood ASA (Norvège)

Thai Union Frozen Prod. Pub. (Thaïlande)

Cermaq ASA (Norvège)

Maruha Group Inc. (Japon)

Leroy Seafood Group ASA (Norvège)

Pacific Andes Intl Holdg Ltd (Chine)

Pescanova SA (Espagne)

Sea Horse Corp Pub. Co. Ltd (Thaïlande)

Alfesca (Islande)

Kyokuyo Co. Ltd (Japon)

BioMar Holding A/S (Danemark)

Uoriki Co. Ltd (Japon)

Aker Seafoods ASA (Norvège)

Chuo Gyorui Co. Ltd (Japon)

Icelandic Group hf (Islande)

 

Nireus Aquaculture (Grèce)


Lectures complémentaires :

Becky Mansfield, “Neoliberalism in the oceans: ‘rationalization’, property rights, and the commons question”, Geoforum 35, 2004, pp. 313–26, http://www.geography.osu.edu/faculty/bmansfield/paper-pdfs/Geoforum-2004.pdf

Sharon Lafraniere, “Europe takes Africa’s fish, and migrants follow”, New York Times, 14 January 2008.
http://www.nytimes.com/2008/01/14/world/africa/14fishing.html?_r=1&fta=y


1Sur la base d une visite personnelle à Cagbalite Island et de conversations avec des habitants, en janvier 2007.

2 EU–ASEAN Partnership: Harnessing Globalisation Together, http://tinyurl.com/kvyk33

3L’UE a actuellement 27 membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

L’ASEAN a 10 membres: le Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

4 FAO, “Fact Sheet: The international fish trade and world fisheries”, June 2008, http://tinyurl.com/nhfvbd

5La Norvège fait partie de l’Association européenne de libre-échange (AELE), qui inclut également l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse.

6 Green Facts, latest data on fisheries, 2009, http://tinyurl.com/lcre7t

7 Globe Fish, “Globalisation and the Dynamic of International Fish Trade”, PowerPoint presentation, 2008, http://tinyurl.com/mtmbj7

8 FAO, “Fact Sheet: The international fish trade and world fisheries”, June 2008, http://tinyurl.com/nhfvbd

9 Béatrice Gorez, “Policy Study: EU–ACP Fisheries Agreements”, Coalition for Fair Fisheries Arrangements, March 2005, http://tinyurl.com/l84dvy

10 World Ocean Network, Fact sheet on global production of fisheries and aquaculture, Ocean Info Pack. http://tinyurl.com/nt8rnw

11 Béatrice Gorez, “Policy Study: EU–ACP Fisheries Agreements”, Coalition for Fair Fisheries Arrangements, March 2005, http://tinyurl.com/l84dvy

12 bilaterals.org, “RP fishers buck EU–ASEAN free trade deal”, http://tinyurl.com/nz3fc7

13 “Anti-FTA group sees [€]10-million European food aid to Manila as grease money for rapid OK of RP–EU pact”, The Pamalakaya Times, http://tinyurl.com/myhluj

14 Globe Fish, “Globalisation and the Dynamic of International Fish Trade”, PowerPoint presentation, 2008, http://tinyurl.com/mtmbj7

15 European Commission, “Building a sustainable future for aquaculture: A new impetus for the Strategy for the Sustainable Development of European Aquaculture”, April 2009, http://tinyurl.com/mbzljj

Une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen « La stratégie pour le développement durable de l’aquaculture européenne » est disponible en français sur le site de la Commission.

16 “Effects of Aquaculture on World Fish Supplies”, Issues in Ecology, Vol. 8, Winter 2001, http://tinyurl.com/nmz8sb

17 Albert G.J. Tacon and Marc Metian, “Fishing for Aquaculture: Non-Food Use of Small Pelagic Forage Fish – A Global Perspective”, in Reviews in Fisheries Science, Vol. 17, No. 3, January 2009, http://tinyurl.com/lokakf

18 “Domstein, Cermaq, and Fjord Seafood merger to create new company”, Quick Frozen Foods International, April 2002, cited in The Free Library, http://tinyurl.com/nwzbec

19 “Pescanova acquires Pesquera Vasco Gallega”, Quick Frozen Foods International, April 2002, cited in The Free Library, http://tinyurl.com/mmtgg5

20 Fish Information and Services (FIS), “Pescanova Opens Processing Plant in Nicaragua”, 25 November 2008, http://tinyurl.com/lnl5v9

21 Wright Reports, “China Fishery Group Limited – Company Profile Snapshot”, http://tinyurl.com/n6g9yn

22 Google Finance, “China Fishery Group Limited”, 2009, http://tinyurl.com/mjyhf4

23 Funding Universe, “Nippon Suisan Kaisha Limited”, based on 1990 source, http://tinyurl.com/lhpssn

24 Greenpeace, Trading away our oceans, January 2007, http://tinyurl.com/lqbhpa

25Sur la base de visites personnelles dans des villes de la baie de Phang Nga, en Thaïlande méridionale et de conversations avec des pêcheurs locaux, en décembre 2007.

26 “Chaos and Order in Viet Nam’s Seafood Sector”, April 2009, http://tinyurl.com/kj7j3a

27 Rendi Akhmad Witular, “State income from fishing drops”, Jakarta Post, February 2008, http://tinyurl.com/nmblna

28 From a joint statement of NGOs and Fisher Mass Organisation towards Government Performances for Four Years In Fishery and Marine Sector, http://tinyurl.com/l4lp43

Author: GRAIN
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  • [17] http://tinyurl.com/mmtgg5
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  • [19] http://tinyurl.com/n6g9yn
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