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A qui profite la recolte ? La politique de certification des semences biologiques

by GRAIN | 3 Jan 2008

La version PDF de cet article contient en annexe un tableau qui détaille ce que les différents organismes de réglementation du monde disent au sujet des semences biologiques

La démarche profonde de l'agriculture biologique est une démarche où le souci de l'environnement et de la santé sont centraux, et où les agriculteurs reçoivent un juste prix pour leurs efforts. Mais l'agriculture biologique est aussi en train de devenir une affaire de gros sous – avec les outils du marketing, comme la certification, qui prend de plus en plus de place et de poids. Plus de 30 millions d'hectares de terres certifiées en agriculture biologique dans le monde produisent déjà des denrées alimentaires pour un marché mondial d'une valeur de 30 milliards d'euros. 2 De plus, ce marché croit très rapidement, beaucoup plus rapidement que le marché mondial des produits alimentaires conventionnels. Le principal marché pour les produits certifiés biologiques se trouve dans le Nord, mais la production biologique pour l'exportation augmente régulièrement dans le Sud, tout comme les nouvelles stratégies sur le terrain pour développer les systèmes alimentaires et agricoles biologiques, dont la plupart rejètent l'approche mercantile de la certification.

Les produits biologiques certifiés, qu'est-ce que c'est?

Les produits biologiques certifiés sont des produits qui ont été produits, stockés, transformés, transportés et commercialisés selon des spécifications (standards) techniques précises et certifiés comme "biologiques" par un organisme de certification. Une fois que l'organisme de certification a vérifié la conformité du produit avec les standards biologiques, il peut être étiqueté comme tel.

site web de l'IFOAM: http://www.ifoam.org/sub/faq.html

Les grosses entreprises multinationales qui dominent le commerce des produits alimentaires et des marchés de détail ont changé d'avis sur les produits biologiques quand les marchés pour les produits biologiques ont grossi ces dix dernières années. Ils ne les considèrent plus comme une menace à combattre mais comme un marché en pleine croissance à conquérir. Même les compagnies semencières ont commencé à changer de refrain. Ces dernières années, de plus en plus de voix se sont fait entendre à l'intérieur même de l'industrie semencière pour proposer une négociation qui peut se résumer ainsi: "Nous vous fournirons en semences biologiques si vous nous garantissez un marché en obligeant les agriculteurs biologiques à utiliser nos semences." C'est une offre qui soulève une controverse, pouvant entraîner de graves conséquences, et cependant une partie du mouvement de l'agriculture biologique est convaincue de ses avantages. De même que beaucoup de gouvernements qui sont de plus en plus nombreux à mettre en avant la proposition de l'industrie semencière. D'autres cependant reconnaissent que l'offre est un piège qui entraînera la production biologique encore davantage sur la voie du contrôle par les multinationales et l'éloignera des intérêts des petits agriculteurs et de la majeure partie des consommateurs.

Le rapprochement entre le mouvement de l'agriculture biologique et l'industrie semencière internationale est apparu très clairement en 2003, quand on a appris qu'une conférence sur les semences biologiques serait animée à la fois par l'IFOAM et par la Fédération internationale des semences (ISF). Il était difficile d'imaginer ce qui pouvait rapprocher l'organisation chapeautant le mouvement international de l'agriculture biologique et l'agence centrale de lobby des géants du gène. Mais la description de l'objectif principal de la conférence a éclairci les choses: "L'adoption récente de réglementations, à la fois en Europe et aux Etats-Unis, liée à l'obligation d'utiliser des semences biologiques en agriculture biologique certifiée, comporte des implications différentes pour les petits agriculteurs habitués à conserver et à échanger des semences de variétés locales et pour les gros agriculteurs habitués à acheter les semences de variétés modernes adaptées aux critères des canaux de distribution des supermarchés. Cette nouvelle situation exige une meilleure compréhension et davantage de coopération afin de faciliter le développement de l'agriculture biologique." 3 La réunion était clairement orientée vers la discussion sur la manière de produire des semences correspondant aux nouvelles réglementations, la question de savoir si ces réglementations sont favorables ou non à l'agriculture biologique étant à peine abordée.

Le tableau présenté dans l'annexe de ce Briefing montre clairement comment la législation impose un mariage forcé entre les entreprises semencières et les agriculteurs biologiques partout dans le monde. Dire simplement que ce développement aura des "implications différenciées" pour les petits agriculteurs utilisant diverses semences locales et pour les gros agriculteurs cultivant des monocultures biologiques, c'est minimiser considérablement le problème. La pression actuelle pour la certification des semences biologiques pourrait facilement empêcher les systèmes de semences à la ferme d'avoir accès aux marchés biologiques, et livrer l'approvisionnement en semences de l'agriculture biologique aux mains de quelques grosses entreprises de l'agriculture conventionnelle et transgénique qui voient les semences biologiques comme une nouvelle opportunité de marché à "forte valeur". Les prix des semences vont certainement augmenter en même temps que la diversité génétique diminuera, car ces compagnies semencières se concentrent sur le développement des hybrides et autres variétés uniformes. Et surtout, cela entraînera davantage l'agriculture biologique sur la voie de l'agriculture industrialisée et orientée vers l'exportation, rendant encore plus difficile la participation des petits agriculteurs.

Plutôt que de croire à ce type de schéma de certification des semences biologiques soutenue par les entreprises, le mouvement de l'agriculture biologique devrait plutôt s'engager dans la défense de l'utilisation des semences développées localement et riches en biodiversité qui sont entre les mains des agriculteurs. La majeure partie de l'alimentation biologique est produite dans le monde par les petits agriculteurs et n'est majoritairement pas certifiée comme biologique. Des millions d'agriculteurs pratiquent ce que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) appelle l'"agriculture biologique non certifiée", basée sur une diversité de semences remarquablement riche entretenue par des systèmes d'échange et d'amélioration des semences au niveau local, des savoirs traditionnels et l'engagement actif des communautés rurales. Ces systèmes produisent non seulement l'alimentation pour plus d'un milliard de personnes, mais ils sont aussi souvent plus productifs et durables. 4

Ce dossier examine ce qui se passe dans la législation sur les semences biologiques, comment elle affecte déjà l'agriculture biologique, et ce que des agriculteurs et des organisations touchés par cette législation ont à en dire.

Le bras long de la loi

L'Europe devance tout le monde dans sa demande pour des semences biologiques certifiées. Comme c'est le principal importateur d'alimentation biologique, c'est elle qui établit les standards pour beaucoup d'autres. Le premier Conseil de réglementation de la production biologique de l'Union européenne en 1991 a rendu obligatoire l'utilisation de semences biologiques dans la production biologique à partir de 2001. Un Conseil ultérieur en 1999 a repoussé l'obligation à 2004, mais dans le même temps des dispositions similaires sur les semences biologiques ont été intégrées dans les standards biologiques de la Commission du Codex Alimentarius et de l'IFOAM, garantissant qu'aujourd'hui l'obligation d'utiliser des semences biologiques dans la production biologique est commune dans pratiquement tous les standards de certification nationaux, régionaux et privés (voir Annexe).

Globalement, les termes relatifs aux semences organiques dans ces différents standards sont pratiquement similaires. Tous exigent l'utilisation de semences biologiques, mais la plupart accordent des dispenses, aussi appelées dérogations, dans les cas où les agriculteurs peuvent montrer que ces semences ne sont pas disponibles. Généralement, la législation donne peu de détails sur ce qui est considéré comme "disponible", laissant un grande part à la discrétion des organismes de certification, qui sont ceux qui veillent à l'application des réglementations. Mais avec le lobby intensif de l'industrie des semences, les choses commencent à devenir plus strictes, et l'Europe se trouve ici encore de nouveau en tête.

En 2003, par le biais d'une autre réglementation pour étendre la dispense sur les semences biologiques, la Commission européenne a rendu obligatoire pour tous les pays membres de mettre en place des bases de données informatisées pour l'enregistrement des semences biologiques disponibles dans le commerce. Ces bases de données servent de référence quand les agriculteurs demandent une dérogation. Aujourd'hui, pour être autorisé à utiliser une variété non-certifiée en production biologique certifiée, un agriculteur doit montrer qu'il n'y a pas, dans la base de données, de variété disponible similaire à ce qu'il ou elle veut planter. De plus, si un gouvernement de l'Union européenne décide qu'il y a suffisamment de variétés et de quantités de semences pour une espèce particulière dans la base de données pour alimenter l'agriculture biologique dans son pays, il peut bloquer toutes les dérogations pour cette espèce, rendant obligatoire pour les agriculteurs biologiques l'utilisation des seules variétés listées dans la base de données. Les Pays Bas par exemple, ont bloqué les dérogations pour le blé, le ray-grass, l'avoine, l'orge et la pomme de terre en 2004. En 2005, la Belgique a bloqué les dérogations pour 9 espèces de légumes. En France, le Ministre de l'Agriculture a établi un système de contrôle spécial pour 8 plantes cultivées et 10 légumes, pour lesquelles les agriculteurs biologiques qui consultent la base de données sont avertis que s'ils utilisaient une autre variété ils "pourraient être particulièrement contrôlés"5. Début 2007, le gouvernement français a supprimé toutes les dérogations pour le maïs. Les règles de mise en œuvre deviennent plus strictes d'année en année, et il est probable que les agriculteurs biologiques de l'Union européenne n'auront bientôt la possibilité de choisir que parmi le nombre limité de variétés biologiques proposées par les compagnies semencières.

Aux Etats-Unis, la situation légale est moins poussée qu'en Europe. Selon certaines sources, seuls 8% de la superficie biologique des Etats-Unis sont actuellement semés avec des semences biologiques certifiées, et la législation nationale en la matière est encore fluctuante 6. Cependant, les choses s'orientent rapidement dans le même sens qu'en Europe, dirigées par les certificateurs de semences biologiques et les multinationales de l'industrie des semences. California Certified Organic Farmers (CCOF, les Agriculteurs biologiques certifiés de Californie), un important certificateur biologique aux Etats-Unis, déclare que "selon le Programme biologique national de l'USDA, les agriculteurs biologiques doivent commencer leurs cultures avec des semences ou des plants biologiques chaque fois qu'ils sont disponibles",7 et doivent s'y préparer quand leurs inspecteurs viennent: "Si vous utilisez des semences non biologiques, vous devez consigner vos recherches en semences biologiques. Noter vos appels aux fournisseurs de semences (date, fournisseur, résultat), et indiquer vos recherches de catalogues de semences ou de sites web." 8

L'Institut de vérification des semences et plants biologiques (OMRI), l'organisation qui décide quels produits sont autorisés en agriculture biologique aux Etats-Unis, a développé une base de données centralisée qui répertorie les variétés biologiques certifiées proposées par les compagnies semencières. Si on doit tirer une leçon de ce qui se passe en Europe, les variétés proposées par cette base de données ne vont pas tarder à devenir obligatoires pour les agriculteurs biologiques.

Mise en place des standards pour le reste du monde

L'Union européenne et les Etats-Unis, en tant que plus gros marchés d'importation de produits biologiques, exercent une influence énorme sur les standards de certification au-delà de leurs frontières. La plupart des produits biologiques certifiés circulent du Sud vers le Nord et doivent donc être conformes aux standards qui régissent ces marchés importants. Généralement, les standards de production sont mis en application par des certificateurs privés tiers accrédités par le pays importateur et, de plus en plus fréquemment, les gouvernements et les gros détaillants envoient leurs propres agents pour effectuer des visites surprises dans des fermes biologiques. Comme les semences sont maintenant au cœur des standards biologiques de l'Union européenne, cela a fait monter inévitablement les exigences des principaux organismes de certification travaillant dans le Sud.

Ecocert, l'un des plus importants certificateurs internationaux privés du monde, menant des inspections et des certifications dans plus de 80 pays à l'extérieur de l'Europe, précise aux producteurs biologiques qui cherchent à accéder aux marchés de l'Union européenne: "Les réglementations [de l'UE] sur les semences sont destinées à soutenir l'établissement de marchés pour les semences biologiques. Pendant la durée de l'autorisation d'importation, l'application de cette règle dans les pays extérieurs à l'UE sera surveillée… Des dérogations à la réglementation susmentionnée peuvent être accordées sous certaines conditions. Si les cultivateurs ne sont pas en mesure de se procurer les semences biologiques de la variété désirée, une preuve suffisante de l'absence de disponibilité doit être fournie à l'organisme de certification." 9

Aux Etats-Unis, l'OCIA, le plus important certificateur biologique et le principal certificateur pour les importations de produits biologiques d'Amérique latine et d'Asie aux Etats-Unis, demande aux producteurs de remplir un formulaire détaillant le nom de la variété des semences utilisées; et quand des semences non biologiques sont utilisées, les agriculteurs "doivent avoir des documents sur leurs recherches de fournisseurs de semences biologiques provenant au moins de deux sources".10 S'il arrive que vous exportiez d'un pays où des cultures GM sont cultivées à l'échelon commercial, la principale agence de certification suisse, BioSuisse, ne vous accordera pas la certification si vous n'avez pas utilisé de "matériel de reproduction biologique certifié", sans exceptions.

La pression exercée par les certificateurs et la législation des principaux pays importateurs a déjà des conséquences sur la législation nationale et les standards de certains des pays exportateurs du Sud. Souvent, cela va bien au-delà de ce qui est demandé, réduisant les options pour les agriculteurs, quelle que soit l'absurdité que cela peut représenter dans le contexte local. Les standards nationaux de la Tunisie autorisent les agriculteurs à utiliser des semences non biologiques seulement s'ils peuvent prouver qu'aucune variété pouvant faire l'affaire n'est disponible que les marchés de semences nationaux et internationaux. De plus, dans la version la plus récente des standards tunisiens, toutes les dérogations expirent fin 2007! Les standards des Philippines demandent aux organismes de certification de fixer un calendrier pour l'expiration des dérogations. Les standards nationaux de 2002 de la Bolivie ont fixé un calendrier pour que les dérogations arrivent à terme après 2003, conformément à la réglementation du Conseil de l'Union européenne de 1999. La Chine et l'Argentine ont maintenant fermé la porte aux dérogations, mais leurs standards demandent que les agriculteurs prouvent l'origine de leurs semences.

Vitoon Panyakul de GreenNet en Thaïlande dit que le problème provient des démarches plus larges pour "légaliser" les standards biologiques. Il dit que cela met les gouvernements en position de décider de la définition de ce qui est "biologique", ce qui signifie, en pratique, "que le mot 'biologique' est donc défini par l'USDA, la Commission européenne et le Ministère de l'Agriculture du Japon, là où l'agrobusiness peut plus facilement faire du lobby pour changer les standards et les orienter là où il veut". Effectivement, quand on voit comment les gouvernements gèrent la question des semences biologiques, il est difficile de ne pas voir les points communs entre ce que propose l'industrie des semences et de que demandent les standards de la certification biologique: un système bien réglementé, avec un petit nombre de fournisseurs de semences spécialisés auprès desquels tous les agriculteurs biologiques doivent acheter leurs semences. C'est une des raisons, dit Panyakul, pour lesquelles "les Thaïs se battront bec et ongles pour conserver leurs standards facultatifs".11

Encadré 1: Création de marchés alternatifs au Pays basque

Avec d'autres groupes de la société civile, l'organisation des petits agriculteurs basques EHNE s'est engagée dans le développement d'un mécanisme de certification participatif holistique qui non seulement implique des accords de non-utilisation de produits agrochimiques mais inclus aussi les facteurs socio-économiques (comme un revenu minimum pour les agriculteurs y participant) et de proximité avec le consommateur. Les deux principes fondateurs sur lesquels l'initiative est basée sont la souveraineté alimentaire et l'agroécologie. Concernant les semences, le point de départ est de favoriser le maintien, la reproduction et la récupération des cultures et des variétés locales ainsi que les savoirs locaux qui y sont associés'. Paul Nicholson, l'un des agriculteurs engagés, explique l'initiative et les questions qu'elle veut aborder de la manière suivante: 12

"Depuis deux ou trois ans, nous sommes engagés dans un débat interne sur la certification de la nourriture que nous produisons. Parmi nos membres, il y a un rejet croissant des systèmes de certification actuels, ceux qui viennent du gouvernement régional et ceux qui viennent de l'IFOAM. Le problème principal est que ces modèles de certification défendent et font la promotion de l'agriculture biologique orientée vers l'exportation et le marché, et pas nécessairement le type d'agriculture que nous défendons. Pour nous, la durabilité environnementale est seulement l'un des éléments et les facteurs sociaux et économiques sont aussi importants, de même que la proximité.

" C'est pourquoi nous parlons de systèmes alternatifs de certification qui implique à la fois les organisations et les réseaux d'agriculteurs et de consommateurs, et intègre les aspects de production, de distribution et de consommation. Ils sont fondés sur des accords communs sur les modèles de production, les conditions sociales (travail, prix, salaires, etc.) et les conditions environnementales. Les consommateurs apportent aussi leur engagement et acceptent les paramètres que nous avons définis ensemble.

"C'est difficile, c'est un défi important à relever, parce qu'au fond, nous sommes en train de créer des marchés alternatifs. Il y a un débat important actuellement au sein de l'IFOAM. Le petit agriculteur ne peut tout simplement plus s'en sortir, c'est pourquoi nous avons besoin d'une approche différente des marchés et des consommateurs. Dans l'IFOAM, la pression vers le modèle de l'agriculture d'exportation est très forte, et de plus en plus, mais il est impossible de maintenir cette dualité. Le modèle de l'exportation d'un côté, et celui d'une agriculture de proximité de l'autre, sont deux modèles tout simplement incompatibles. Ils sont antagonistes, et c'est le problème interne et le débat auquel l'IFOAM a à faire face aujourd'hui."

Les lois sur les semences: vision d'ensemble

Toutes les conséquences de ces standards de certification biologique apparaissent dans le contexte de ce faisceau de réglementations et de mécanismes sans cesse plus nombreux qui limitent ce que les agriculteurs peuvent faire avec les semences. En Europe par exemple, il est illégal, avec les lois actuelles sur les semences, d'échanger ou de vendre des semences de variétés qui ne sont pas inscrites au catalogue. Les semences de ferme, par conséquent, doivent entrer en clandestinité, dans une existence précaire et illégale. Même si les gouvernements appliquent différemment les lois, et que des groupes essaient de trouver un peu de place pour les variétés paysannes dans les catalogues, la loi n'autorise pas jusqu'ici ces semences à être dans les bases de données nationales de semences biologiques. On peut ajouter à ça les problèmes que les agriculteurs européens ont pour accéder aux subventions s'ils n'utilisent pas les semences certifiées, et le fait que beaucoup des variétés proposées par les bases de données biologiques empêchent la participation des agriculteurs car ce sont soit des variétés d'hybrides soit des variétés ficelées par des droits d'obtention végétale.

Le modèle européen de lois sur les semences est aujourd'hui bien parti pour devenir la norme dans les pays du Sud. La situation est particulièrement grave en Afrique où, souvent par des initiatives régionales financées par les donateurs du Nord, de nombreux gouvernements sont en train d'imposer le modèle européen de lois sur les semences, sans vraiment tenir compte de ce que cela veut dire pour les semences paysannes qui alimentent actuellement la grande majorité des besoins en semences du continent. La Tunisie a une loi sur les semences basée sur le modèle européen entrée en vigueur en 1999, qui stipule que vous pouvez commercialiser seulement les variétés enregistrées dans un catalogue officiel, qui se sert de critères complètement différents des semences paysannes. En Inde, le nouveau projet de loi sur les semences qui attend l'approbation, interdit aux agriculteurs de vendre des semences qui ne remplissent pas les standards d'uniformité et de pureté, et de les vendre avec un nom de "marque". La nouvelle loi sur les semences de Bolivie interdit l'échange ou la vente des semences qui ne sont pas enregistrées dans le catalogue officiel, ce qui veut dire l'interdiction de la vente ou de l'échange des variétés paysannes.13 Ce type de lois sur les semences, combiné avec les standards biologiques qui sont mis en place, ferment avant tout la porte à toute possibilité légale de certification biologique pour les productions issues de semences paysannes.

Encadré 2: Destruction de la biodiversité

L'un des principes clés de l'agriculture biologique est l'utilisation et le maintien de la biodiversité agricole. Paradoxalement, la pression pour la standardisation des semences biologiques a pour résultat l'élimination de cette diversité. Coincés entre le contrôle croissant des multinationales sur les produits biologiques et la législation qui impose la création d'un marché des semences biologiques, les agriculteurs biologiques qui veulent utiliser leurs propres semences ou des semences conventionnelles qui conviennent à leurs conditions agricoles, se retrouvent de plus en plus eux-mêmes à la limite de l'illégalité.

Cristina Micheloni, de l'Association italienne de l'agriculture biologique (AIAB), résume ainsi le choix laissé aux agriculteurs qui ont: " à utiliser soit une variété adaptée qui convient à leurs systèmes agricoles locaux et qui est demandée par le marché mais dont les semences ne sont pas disponibles comme semences biologiques certifiées, soit des semences biologiques certifiées d'une variété qui n'est pas spécialement adaptée aux conditions locales et pas particulièrement demandée par le marché". Ce choix est progressivement éliminé par l'évolution de la législation, avec des conséquences désastreuses pour la biodiversité et la durabilité agricole. Micheloni et ses collègues ont réuni les informations montrant qu'en Italie les agriculteurs conventionnels ont accès à 35 variétés de blé commun, 60 variétés de tomates pour la transformation et 56 variétés de maïs. Leurs homologues en agriculture biologique ont le choix entre respectivement seulement 15, 7 et 6 variétés de ces plantes cultivées, qui ne sont pas nécessairement adaptées à leurs systèmes agricoles.14 De plus, la plupart des variétés de légumes biologiques sont hybrides, ce qui les rend inaptes à la multiplication à la ferme. Par conséquent, un grand nombre d'agriculteurs demandent des dérogations afin de pouvoir continuer à utiliser leurs propres variétés ou toute autre variété convenant aux systèmes agraires locaux mais qui ne se trouve pas sous forme de semence biologique, mais cette option devient de plus en plus limitée, car les firmes et les certificateurs réussissent à les repousser dans l'illégalité. De cette manière, la réglementation des semences biologiques entrave la diversité plutôt qu'elle ne l'accroît.

Cristina Micheloni raconte la situation des agriculteurs de Veneto qui produisent le radicchio, un produit typique de la région. " Les agriculteurs de cet endroit produisent leurs propres variétés de radicchio depuis des siècles, ni certifié ni biologique, ni officiellement enregistré. Selon la législation actuelle, ils ne sont pas autorisés à le faire, mais ils le font quand même, comme ils l'ont toujours fait, et c'est la clé de la qualité de ce qu'ils produisent. Chaque agriculteur se spécialise dans un type particulier de radicchio, et il y en a beaucoup: radicchio de Trevisio, de Verona, Chiogga, de Lusia, de Castelfranco… Ils échangent des semences entre eux, et expérimentent, tout cela de manière non-officielle. Les consommateurs les apprécient, et paient un bon prix. C'est comme ça que les agriculteurs maintiennent la diversité dans leurs champs, et utilisent les plantes qui conviennent le mieux à leurs conditions agricoles, leur manière de cultiver et la demande du marché. Mais la situation devient de plus en plus difficile. Ces variétés ne présentent souvent pas les qualités requises pour l'inscription dans un catalogue car elles ne pas suffisamment stables ou uniformes. Et si elles ne sont pas enregistrées, légalement, elles n'existent pas.

"Au sein de l'IFOAM nous débattons beaucoup de ce problème. Il y a beaucoup de positions différentes mais la logique des services d'inspection, des certificateurs, domine. Ils veulent des règles simples pour les exceptions et pas de place à l'interprétation. A côté, il y a le lobby des obtenteurs. Tout ceci a pour résultat une pression considérable pour n'utiliser que les semences biologiques certifiées, sans tenir compte des raisons pour lesquelles les agriculteurs demandent la flexibilité et la diversité. C'est vraiment trop simpliste, je trouve. Les petits agriculteurs ne devraient pas être obligés d'acheter les semences biologiques certifiées." 15

Le business du biologique

Le tableau devient encore plus déprimant quand on considère ce fatras légal dans un contexte de présence croissante des multinationales dans la chaîne des produits alimentaire biologiques. Le marché annuel global des produits alimentaires et des boissons biologiques représente une valeur de près de 30 milliards de dollars, avec un taux de croissance international qui va de 15% à 22% par an, alors que la croissance moyenne de l'ensemble des produits alimentaires et des boissons est de 2 à 6% par an. Toutes les grosses entreprises qui sont engagées d'une manière ou d'une autre dans la production alimentaire s'intéressent aux produits biologiques. Le grand groupe de supermarchés Wall-Mart avec ses 4000 magasins aux Etats-Unis et plus de 2200 dans le reste du monde, s'est récemment lancé dans les produits biologiques. Les deux plus grosses chaînes de supermarchés du Royaume Uni, Tesco et Sainsburs, ont déjà chacune 30% des parts du marché des produits biologiques dans le pays, et ont créé leurs propres réseaux d'approvisionnement et de distribution, remontant toute la chaîne jusqu'à la ferme et pesant sur la production biologique sans tenir compte de l'endroit où elle se situe. Et cet endroit est très souvent dans le Sud: pas moins de 83% des fruits et légumes biologiques vendus au Royaume Uni sont importés des pays en voie de développement. 16 Selon les termes de la Conférence sur le commerce et le développement (UNCTAD) des Nations Unies et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), "les mesures de plus en plus strictes et la rigueur croissante dans les attentes pour les produits qu'ils traitent et leur pouvoir d'achat leur ont permis d'orienter leurs approvisionnements vers … des méthodes de production alimentaire presque industrielles." 17

Les grosses chaînes de distribution marchent la main dans la main avec leurs gros fournisseurs. Les entreprises alimentaires comme Pepsi, Danone, Con Agra et Tyson rachètent les petites entreprises alimentaires biologiques ou développent leurs propres lignes de produits biologiques pour alimenter les supermarchés. Beaucoup de ces entreprises tirent leur production de fournisseurs du Sud par des contrats de culture de plus en plus nombreux. MarBran par exemple, le plus gros fournisseur de brocolis congelés des Etats-Unis, a récemment conclu un contrat de culture biologique au Guatemala.

Les gros détaillants insistent souvent pour que leurs fournisseurs appliquent les standards EurepGap à leurs producteurs, qu'ils soient biologiques ou non. EurepGap, qui a récemment été rebaptisé GlobalGap, est un organisme du secteur privé qui établit des standards facultatifs pour la certification des produits biologiques dans le monde. Il est significatif pour le problème des semences dans la production biologique que le dernier standard d'EurepGap pour les semences demande que les certificateurs évaluent si l'agriculteur utilise des variétés qui "répondent aux directives de l'UPOV" et de vérifier qu" ils peuvent présenter à la demande des documents écrits prouvant que les variétés cultivées ont été obtenues en accord avec la législation locale et en conformité avec les droits de propriété intellectuelle." Le standard EurepGap demande aussi que l'agriculteur conserve et tienne à disposition "un document garantissant la qualité des semences et qui atteste de la pureté de la variété, de son nom, du numéro du lot et du nom du vendeur de la semence".18 EurepGap se présente comme le manuel pratique pour une bonne pratique agricole partout dans le monde, mais dans le cas de l'utilisation des semences, il semble fonctionner davantage comme un lobby de l'industrie des semences.

Les géants du gène en marche

Les semences biologiques ne sont clairement pas immunisées contre la consolidation des multinationales qui balaie l'industrie des produits biologiques et plus généralement le système alimentaire. En effet, quelques-unes des plus grosses entreprises semencières ont déjà commencé à développer et à fournir des semences biologiques. Les 10 plus grosses entreprises mondiales proposant des semences biologiques dans les bases de données européennes sont: Dupont, qui fournit les semences de maïs biologique par sa filiale Pioneer; le géant français de la semence Limagrain, qui propose toute une série de plantes cultivées par ses filiales Advanta Seeds et Nickersons; et l'allemand KWS, qui propose du maïs biologique et de la betterave à sucre. D'autres entreprises achètent dans le secteur en absorbant de petites compagnies de semences biologiques, comme Bayer qui achète l'entreprise de semences allemande Hild, et M&M Mars qui a absorbé Seeds of Change, l'une des premières compagnies de semences biologiques des Etats-Unis. Comme les occasions de faire des profits avec les semences biologiques augmentent, cette tendance va tout simplement s'intensifier.

Un grand nombre des semences biologiques vendues en Europe proviennent d'un petit nombre d'importantes compagnies de semences néerlandaises qui ont ajouté les produits biologiques à leurs listes de produits. Elles ont des stations ou des filiales dans beaucoup de pays et peuvent ainsi produire des semences tout au long de l'année. Enza par exemple, est une importante multinationale de semences avec des filiales dans 14 pays, y compris en Chine en Tanzanie et au Mexique. Elle travaille via Vitalis pour la production de semences de légumes biologiques. Bejo et Rijk Zwaa, deux autres importantes entreprises de semences, avec des affaires dans des dizaines de pays dans le monde, proposent maintenant aussi des semences biologiques.

Même s'il y a beaucoup de petites unités qui commercialisent des semences biologiques, la production de semences biologiques certifiées est concentrée en Europe entre les mains de quelques entreprises importantes. Si on consulte la base de données néerlandaise des semences biologiques disponibles, on rencontre toujours les mêmes noms. Chaque plante cultivée est généralement dominée par deux ou trois entreprises (voir tableau).

Semences biologiques certifiées proposées aux Pays-Bas pour une série de plantes cultivées: quelques entreprises dominent le marché

Plante cultivée (nombre total de variétés)

Principales entreprise (en nombre de variétés)

% tage du total

Chou-fleur (11)

Vitalis (9)

82%

Comcombre (42)

Vitalis (13), Rijk Zwaan (10), Hild (8)

74%

Maïs (12)

Ekova (4), Limagrain(3), Pioneer (2)

75%

Poivron (32)

Vitalis (24)

75%

Laitue (151)

Vitalis (66), Rijk Zwaan (39)

70%

Chou blanc (49)

Bejo (21) Bingerheimer (13)

70%

Epinard (12)

Vitalis (4) Bejo (3) Bingerheimer (3)

83%

Tomate (71)

Vitalis (29) De Ruiter (14) Rijk Zwaan (6)

69%

Source: www.biodatabase.nl

L'intégration des semences et des produits biologiques se produit aussi dans d'autres parties du monde. En Chine, la plus grosse entreprise d' "alimentation verte" et de produits biologiques, China National Green Food Industrial Corporation, est une filiale de l'Entreprise nationale des semences de Chine. Cela signifie que la plus grosse entreprise de semences du pays est responsable du contrôle de la conformité avec les standards chinois en matière de semences pour la production biologique. Une situation similaire se développe actuellement en Inde. L'une des principales entreprises de semences du pays, Namdhari Seeds, est aujourd'hui l'un des plus gros producteurs et détaillants de produits alimentaires biologiques. Une autre importante entreprise de semences indienne, JK Agri Genetics – qui fait partie de JK Organisation, un gros conglomérat de multinationales – a lancé son secteur de produits alimentaires biologiques en décembre 2006. L'entreprise est en train de créer un réseau de 200 à 300 cultivateurs sous contrat.

Revenir à l'essentiel

La plupart des agriculteurs biologiques seraient d'accord pour dire qu'il est préférable d'utiliser des semences biologiques, et soutiendraient franchement le développement d'un système de semences dans ce but. Mais certifier les semences comme moyen de maintenir l'intégrité des produits biologiques signifie tout autre chose que de les certifier pour créer un marché et faire des semences biologiques une source de profit pour les entreprises de semences.

German Velez, du "Grupo Semillas" en Colombie travaille avec les agriculteurs sur la diversité des semences depuis plusieurs dizaines d'années en est arrivé à la conclusion suivante: "Nous estimons que toute forme de certification des semences est perverse, qu'elle soit pour des semences conventionnelles ou transgéniques. Elle est souvent liée à des systèmes de droits de propriété intellectuelle, qui permettent à une petite poignée d'entreprises de semences de contrôler non seulement la chaîne des semences mais aussi les technologies avec lesquelles ces semences sont produites. La certification des semences biologiques est également inacceptable, car c'est un instrument qui sert à dominer et à exclure les petits agriculteurs de l'agriculture biologique par le biais du contrôle exercé par les entreprises de certification et de semences… Dans cette situation beaucoup d'initiatives sont apparues visant à se détacher des systèmes officiels de certification et à établir des liens de confiance directs entre les producteurs et les consommateurs. Même si beaucoup de ces initiatives ne sont pas encore très visibles, elles se multiplient et se renforcent à travers des fêtes des semences, des systèmes d'échange locaux et des marchés où les semences locales et les savoirs sont échangés." 19

Eva Carazo, du Mouvement Costa-Ricain d'agriculture biologique, en arrive à la même conclusion: "Nous comprenons l'agriculture biologique comme agro-écologie, et partant de là, nous insistons clairement sur la défense des semences indigènes et locales. Au Costa Rica, la législation rend l'utilisation des semences biologiques certifiées obligatoire quand elles sont disponibles. L'avantage que nous avons encore est que ces semences ne sont pas encore disponibles, et donc la production biologique est encore globalement basée sur les semences locales."

Aux Philippines, Chito Medina de Masipag est engagé dans le développement d'une alternative, "Système de garantie des agriculteurs de Masipag", une sorte de système de certification de groupe où les agriculteurs mettent en place un contrôle interne de qualité sur la base de leurs propres standards, en insistant sur la gestion de la sécurité alimentaire locale. Masipag a depuis des dizaines d'années l'expérience du soutien et de la promotion de la production locale de semences, et est aussi impliquée dans la production biologique. Le gouvernement des Philippines a récemment approuvé la législation sur les standards biologiques, mais Medina doute qu'elle soutienne les approches menées par les agriculteurs comme celle de Masipag: " Le gouvernement ne peut pas voir les milliers ou les millions d'agriculteurs, ils voient seulement les acteurs visibles des multinationales, les gros producteurs qui se font entendre. En l'occurrence, le modèle du gouvernement est vraiment une approche d'entreprise." 20

Même l'IFOAM, qui – non sans tensions – incarne les intérêts à la fois des gros agriculteurs et des certificateurs, et ceux du groupe de ses membres qui se fait de plus en plus entendre en défendant la biodiversité et les petits agriculteurs, a des programmes de soutien aux systèmes locaux qui fonctionnent sur les relations de confiance entre les agriculteurs et les consommateurs, au lieu des mécanismes de certification orientés vers le marché. Dans ce sens, il a sponsorisé plusieurs réunions et créé un comité de réflexion spécial sur les "systèmes participatifs de garantie" – une alternative aux standards biologiques que beaucoup de ses organisations membres suivent activement.

Les semences biologiques doivent être entre les mains des agriculteurs

La façon dont les semences ont été intégrées de force dans la certification biologique montre comment les choses peuvent mal tourner quand l'aspect lucratif des produits biologiques commence à l'emporter sur ses objectifs plus fondamentaux. La certification est aujourd'hui essentiellement utilisée comme instrument pour obliger les agriculteurs à payer les entreprises de semences pour leur fournir des semences biologiques – en supposant explicitement que les compagnies semencières vont convertir cet argent en bonnes variétés biologiques. Mais il y a d'innombrables exemples dans le mouvement de l'agriculture biologique qui montrent que les agriculteurs sont tout à fait capables de s'occuper collectivement de leurs propres besoins en semences, sans le secteur privé ou une certification formelle. Prenez l'exemple d'UBINIG, une ONG du Bangladesh qui fait la promotion d'un "nouveau mouvement agricole" basé sur les principes de l'agriculture écologique; Selon l'une de ses fondatrices, Farida Akhtar, il implique maintenant quelques 100 000 familles d'agriculteurs dans le pays.21 Pour maintenir leurs efforts, plusieurs "Centres communautaires de la richesse des semences" ont été créés, qui alimentent le réseau avec des semences de centaines de variétés de douzaines de plantes cultivées différentes. Mais ces centres ne représentent que le sommet de l'iceberg du réseau des semences dont ils font partie. Des centaines de communautés dans plusieurs parties du pays utilisent les semences chaque saison, et les gardent en sûreté dans leurs fermes. Les villageois fonctionnent par un réseau d'échange et de contrôle sophistiqué pour garantir que des milliers de semences de variétés différentes sont cultivées tout au long de l'année et toujours maintenues en vie quelque part. Pas besoin de certification.

Le réseau de Masipag qui comprend quelques 500 organisations communautaires implantées sur le terrain a lancé un "Partenariat Agriculteurs-Scientifiques", dans lequel les agriculteurs ont commencé à produire leurs propres variétés améliorées de riz avec l'aide d'un groupe d'agronomes.22 Orientés vers une agriculture sans intrants chimiques et dispersés dans le pays, ils ont créé un vaste choix de variétés Masipag, dont un grand nombre ont dépassé en rendements les variétés produites par les instituts officiels de sélection végétale. Les variétés restent décentralisées et sont échangées au niveau local. Les agriculteurs savent quelles variétés leur conviennent, et les consommateurs savent ce que Masipag défend. Il n'y a pas besoin d'une industrie de sélection pour alimenter les agriculteurs de Masipag avec des variétés de riz biologiques certifiées.

Au Nord-Est du Brésil, ASPTA et d'autres ONG ont aidé les agriculteurs à former un réseau de banques communautaires de semences pour garantir la disponibilité des semences produites et adaptées localement, et ils échappent ainsi à la dépendance vis à vis des variétés proposées par les compagnies semencières. 23 En Afrique de l'Est, l'Action pour les semences biologiques de l'Ethiopie (EOSA) travaille avec les agriculteurs pour créer des réseaux locaux d'échange de semences, pour garantir la diversité et la disponibilité des semences de bonne qualité développées par les agriculteurs. 24 En France, le Réseau Semences Paysannes est un réseau d'agriculteurs paysans et d'organisations concernées par la biodiversité qui maintient un réseau dynamique de semences et organises le développement des compétences dans la sélection et l'amélioration des semences locales.25 Des réseaux similaires existent en Espagne, en Italie et dans d'autres endroits d'Europe.

L'accumulation des expériences de ces approches, ces réseaux et ces systèmes garantissant la disponibilité de semences diverses et de bonne qualité au niveau des agriculteurs est impressionnante. Les compagnies semencières pourraient certainement y prendre part – mais il serait suicidaire pour les agriculteurs de sacrifier leurs propres systèmes de semences (ou la possibilité de les créer) pour investir dans des semences biologiques qui profiteraient aux grosses entreprises de semences. Cependant c'est précisément ce que les standards biologiques exigent. Ce n'est pas seulement que la certification des semences ne représente pas une priorité pour les systèmes de semences des agriculteurs, comme l'ancien président de l'IFOAM le fait remarquer au début de cet article, mais c'est que la certification des semences biologique est vraiment une menace importante pour leur existence même.

Si l'agriculture biologique veut survivre comme un concept significatif pour les petits agriculteurs et les systèmes alimentaires locaux, il doit échapper aux pièges de ce type de marché. Il n'est pas trop tard pour le mouvement de l'agriculture biologique pour arrêter l'imposition des standards de certification des semences biologiques, pour rejeter le système promu par les entreprises de semences, et pour s'unir avec les autres pour soutenir, améliorer et développer la richesse des systèmes de semences divers menés par les agriculteurs qui surgissent de partout.

"En tant qu'agriculteur, mon intérêt principal, que je pense partager avec la plupart des agriculteurs, est d'obtenir des semences et des varétés adaptées à l'agriculture biologique. Cela peut être des variétés anciennes ou des variétés récemment développées. Je dois admettre que le fait que cette semences soit certifiée biologique ou non vient après dans la liste de mes priorités, ainsi que dans les priorités des clients qui achètent mes produits. Je ne suis pas certain que l'évolution actuelle des standards et des réglementations reflètent ces priorités."

Gunnar Rundgren, ancien président de l'IFOAM1


Lectures complémentaires:

GRAIN, Briefing: “La fin des semences de ferme? Ce que souhaite l'industrie pour la prochaine révision de l'UPOV”, février 2007: http://www.grain.org/briefings/?id=203

GRAIN, Seedling: Numéro spécial sur les lois sur les semences, juillet 2005: http://www.grain.org/seedling/?type=45&l=2

Proceedings of the First World Conference on Organic Seeds, IFOAM/FAO/ISF, Rome, 2004: http://www.ifoam.org/events/reports/seed_conference.html

La réglementation 2092/91 du Conseil de la Commission européenne sur les semences biologiques est disponible à l'adresse suivante : http://tinyurl.com/2v8ryo

Une liste des toutes les bases de données de semences biologiques est disponible à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/agriculture/qual/organic/seeds/links_en.htm

Nadia El-Hage Scialabba and Caroline Hattam (eds), “Organic agriculture, environment and food security”, Environment and Natural Resources Service Sustainable Development Department, FAO, 2002: http://www.fao.org/docrep/005/y4137e/y4137e00.htm

Juan José Soriano y Juan Manuel González, Red de Semillas (Spain), “Semillas y material de reproducción vegetal en la agricultura ecológica. Estado de la cuestión”, 2005: http://tinyurl.com/33jnfu

Movimiento Agroecológico de América Latina y El Caribe and IFOAM, Report from the International Workshop on Alternative Certification, Porto Alegre, Rio Grande do Sul, 13–17 April 2004: http://tinyurl.com/2lzmhd


1 Gunnar Rundgren, “Seeds are Magic”, Présentation à la première Conférence internationale sur les semences biologiques, International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM), Rome, 5–7 July 2004.

2 IFOAM, “The world of organic agriculture“, 2007, http://www.ifoam.org/press/press/Statistics_2007.html

3 Pour un compte-rendu de cette réunion, voir: http://www.ifoam.org/events/reports/seed_conference.html

4 Pour un aperçu de l'importance et de la productivité de l'agriculture biologique non certifiée, voir: FAO, “Organic agriculture, environment and food security”, Environment and Natural Resources Series No. 4. Rome, 2002. http://www.fao.org/DOCREP/005/Y4137E/Y4137E00.HTM . (en anglais)

5 ECO_PB, Newsletter on organic seeds and plant breeding, January–February 2007.

6 Matthew Dillon, Organic Seed Alliance, entretien, 15 octobre 2007.

7 Communiqué de presse du CCOF: http://www.ccof.org/press071204.php

8 Citation du site web du CCOF: http://www.ccof.org/faq_detail.php?id=38

9 ECOCERT, “Seeds and propagating material in Organic Farming according to the EC-Regulation 2092/91, non daté.

10 http://tinyurl.com/2syru5 (PDF)

11 Interview avec GRAIN, septembre 2007.

12 Paul Nicholson, entretien, octobre 2007.

13 Pour plus d'informations sur l'impact des lois sur les semences dans le monde, voir notre numéro spécial de juillet 2005 consacré aux lois sur les semences: http://www.grain.org/seedling/?type=45&l=2 (en français)

14 Cristina Micheloni et Andrea Guibilato, AIAB, “On-farm seed production: integrity of organic farming and biodiversity safeguard”. Communication présentée à la Conférence IFOAM/FAO/ISF sur les semences biologiques, Rome, 2004 (en anglais)

15 Cristina Micheloni, entretien, octobre 2007.

16 InterPress Service, “Incompatible standards may keep organics out”, Johannesburg, 21 septembre 2007. http://allafrica.com/stories/200709210776.html

17 ITC, cité dans: RAFI-USA, “Who owns organic?”, USA, 2003. http://rafiusa.org/pubs/OrganicReport.pdf

18 EurepGep, “Control Points and complyance criteria for fruit and vegetables propagation material”, mai 2006. http://www.globalgap.org/cms/front_content.php?idcat=49

19 German Velez, Grupo Semillas, entretien, octobre 2007.

20 Chito Medina, personal communication, September 2007.

21 Interview de Farida Akhtar dans Seedling, juillet 2002. http://www.grain.org/seedling/index.cfm?id=201

22 Voir: http://www.masipag.org

23 Voir: http://www.grain.org/gd/es/case-studies/cases/fulltext/la-full-brazil-es.cfm

24 Voir: http://www.africanfarmdiversity.net/Case_Study_EOSA.html

25 Voir: www.semencespaysannes.org/

Author: GRAIN
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  • [5] http://www.ifoam.org/events/reports/seed_conference.html
  • [6] http://www.organic-europe.net/europe_eu/eu-regulation-2092-91-seeds.asp
  • [7] http://tinyurl.com/2v8ryo
  • [8] http://ec.europa.eu/agriculture/qual/organic/seeds/links_en.htm
  • [9] http://www.fao.org/docrep/005/y4137e/y4137e00.htm
  • [10] http://www.redandaluzadesemillas.org/index.php?option=com_docman&task=docclick&Itemid=30&bid=43&limitstart=0&limit=20
  • [11] http://tinyurl.com/33jnfu
  • [12] http://www.ifoam.org/about_ifoam/standards/pgs/pdfs/InternationalWorkshopOnAlternativeCertification_Torres_en.pdf
  • [13] http://tinyurl.com/2lzmhd
  • [14] http://www.ifoam.org/press/press/Statistics_2007.html
  • [15] http://www.fao.org/DOCREP/005/Y4137E/Y4137E00.HTM
  • [16] http://www.ccof.org/press071204.php
  • [17] http://www.ccof.org/faq_detail.php?id=38
  • [18] http://tinyurl.com/2syru5
  • [19] http://allafrica.com/stories/200709210776.html
  • [20] http://rafiusa.org/pubs/OrganicReport.pdf
  • [21] http://www.globalgap.org/cms/front_content.php?idcat=49
  • [22] http://www.grain.org/seedling/index.cfm?id=201
  • [23] http://www.masipag.org
  • [24] http://www.grain.org/gd/es/case-studies/cases/fulltext/la-full-brazil-es.cfm
  • [25] http://www.africanfarmdiversity.net/Case_Study_EOSA.html
  • [26] http://www.semencespaysannes.org/