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Melaku Worede (Interview en français)

by Interview de GRAIN | 21 Apr 2009

Interview de GRAIN

Melaku Word est un phytogénéticien éthiopien qui a joué un rôle de pionnier dans l’évolution des perceptions et des attitudes : il a ainsi fait reconnaître l’importance stratégique vitale de la diversité à la ferme pour accroître et préserver la biodiversité. Il a toujours été l’un de ces personnages rarissimes : un scientifique qui admet la primauté du paysan. Il est admiré de ses amis comme de ses ennemis pour son intégrité, son savoir, sa vision du monde et son humilité.

« Comme c’est déjà le cas dans mon pays, les paysans et les banques de gènes nationales peuvent travailler ensemble pour préserver et propager la diversité génétique des cultures, au nom de toute l’humanité. » C’est ce que vous avez dit quand on vous a attribué le Right Livelihood Award (le « Prix Nobel alternatif ») et vous avez réussi à mettre ce genre de collaboration en pratique en Éthiopie, ce qui était un véritable défi au statu quo de l’époque. D’où en sommes-nous, selon vous, avec ce genre de collaboration aujourd’hui et quelles sont les perspectives ?

J’ai mis en place le programme éthiopien Seeds of Survival, le SoS (Semences de survie), avec le soutien de l’USC Canada et celui-ci se poursuit encore dans certains pays. Ce qui est important, c’est que ce n’est pas un programme isolé mais qu’il touche à de nombreuses questions, y compris la biodiversité agricole. En Éthiopie, Ethio Organic Seed Action (EOSA) a incorporé le programme SoS et développé également des banques de semences communautaires. Le travail de SoS sur les variétés paysannes a aussi inclus un travail de collaboration avec le programme de sélection des plantes à la station de recherche de Debre Zeit. SoS continue son travail dans d’autres pays, par exemple au Mali ou en Asie du Sud-Est, mais les choses n’avancent que très lentement.

C’est très dommage que les banques de gènes dans leur grande majorité ignorent cette façon de travailler avec les paysans. Elles n’arrivent pas à relier la conservation ex-situ (hors du milieu naturel) avec la conservation in-situ. Il existe très peu d’initiatives, en particulier dans les zones de grande diversité, qui s’appuient sur cette collaboration.

En général, les banques de gènes semblent se concentrer uniquement sur la collecte et la préservation des échantillons qu’elles peuvent trouver et c’est ce qu’elles appellent conservation. Nous, en revanche, nous croyons que la conservation passe par l’usage : Nous pensons qu’il faut garder la diversité vivante en s’en servant, sans mettre en danger la diversité qui a été développée au cours des siècles par les paysans. Mais cette approche est rarement suivie.

Et pourquoi ? Il semble si évident que ce type de conservation devrait être une approche parfaitement complémentaire.

Il y a à cela deux raisons principales. Vous, les membres de GRAIN, Pat Mooney d’ETC, d’autres personnes et moi-même avons déjà discuté de cette question dans des forums internationaux il y a des années. Déjà à l’époque, certains étaient tout à fait contre l’idée de travailler avec les paysans. Nombre de scientifiques prétendaient que les « variétés locales », comme ils disent, n’avaient pas leur place dans la sélection et pas plus de potentiel que les variétés déjà « améliorées ». Pour eux, la conservation in situ n’était d’aucune utilité pour les espèces cultivées, mais seulement pour les parents sauvages des espèces cultivées.

Depuis, nous avons travaillé sur le terrain en Éthiopie et cela nous a aidés à faire admettre notre point de vue. Nous avons pu montrer qu’il était possible de travailler avec les paysans et de maintenir cette diversité vivante en collaborant avec eux. Nous avons aussi montré que c’est en appliquant les critères des paysans que nous avons réussi. Notre travail a clairement établi que la conservation in situ profite grandement de la collaboration avec les paysans, car elle permet d’éviter quasiment toute perte de diversité.

Un second argument continuait à peser négativement sur cette approche coopérative avec les paysans : la question des rendements. On nous disait que pour nourrir les gens, il fallait suivre un modèle de production qui augmente les rendements. La seule possibilité apparemment était de prendre les caractéristiques intéressantes des variétés paysannes et de les incorporer dans des variétés améliorées. Mais cela signifiait bien sûr un type d’agriculture qui nécessite beaucoup d’intrants.

Notre expérience nous a appris que le rendement n’est pas le critère essentiel pour les paysans. Ils avaient en effet toute une série d’exigences, telles la diversité des saisons, de la topographie, etc. Pour eux, les premier critère était la durabilité. Mais il était important de prouver que nous étions capables d’augmenter la productivité sans compromettre la diversité. Et c’est exactement ce que nous avons fait à travers nos travaux sur les variétés paysannes.

Ce que nous avons fait, en tant que scientifiques, a été de demander aux paysans de sélectionner les variétés. Les paysans savent ce qu’ils veulent et ils choisissent toujours de façon à assurer la diversité. Puis le scientifique cherche des variétés dont le rendement est prometteur, tout en maintenant la diversité à l’intérieur de cette population. Vous apportez ainsi un complément à ce que les paysans ont déjà choisi. C’est peut-être un peu forcer les choses, mais les qualités sont déjà existantes dans les variétés choisies. Le rendement est un critère complexe qui est déterminé par un certain nombre de facteurs et on peut donc combiner le rendement et les critères des paysans. Une telle approche améliore la diversité dans les champs plutôt que de la réduire.

Nous avons besoin de la diversité pour assurer la sécurité alimentaire, parce que l’uniformité n’est pas sûre. Imaginons qu’on réduise toutes les semences à un seul et unique type, nous perdrions tout. L’une des stratégies les plus importantes que les paysans ont développée au cours des siècles est de répartir le risque entre trois facteurs : la saison, l’emplacement et la diversité. De cette façon, leurs variétés auront suffisamment de plasticité pour pouvoir pousser dans des conditions variées. La diversité à l’intérieur d’une population a autant d’importance que la diversité entre les différentes cultures.

Récemment, nous voyons s’intensifier une tendance systématique qui consiste à systématiquement mettre de côté les semences dans des banques génétiques. Le Seed Vault (réserve souterraine de semences) de Svalbard en Norvège est un exemple dont on parle beaucoup. Qu’est-ce qui pousse à faire ce genre de choses et que pensez-vous de cette tendance ?

Si l’intention est de construire une Arche de Noé, de se saisir de tout pour sauver le monde, cela ne marchera pas. Ce qui marchera, ce sont la conservation à la ferme et la conservation par l’usage, en collaboration avec les paysans. Une banque génétique qui prétend faire de la conservation mais qui n’inclut pas cette collaboration avec les paysans, ne fait que de la préservation, et non pas de la conservation.

La conservation implique de maintenir la diversité dans un état dynamique. Les banques génétiques comme la Southern African Development Community (SADC), la banque génétique de Svalbard et bien d’autres ne se préoccupent que de collecter et de préserver. Comment peut-on penser qu’on conserve la diversité quand la source-même dont dépendent les semences n’est pas impliquée ? Ce dont on peut se saisir est par définition limité et dans 10 ans, cela ne servira plus à rien parce que la planète aura changé. Peut-être sera-t-il possible d’incorporer du matériel génétique dans des variétés nouvelles et de les mettre sur le marché, mais qui pourra en tirer profit? C’est toute la question.

Ce sont les grandes entreprises qui peuvent en profiter, parce qu’elles ont à leur disposition toutes sortes de techniques modernes pour extraire des gènes spécifiques, pour les incorporer. Les paysans, eux, veulent quelque chose qu’ils peuvent cultiver durablement à l’avenir. Si nous nous limitons aux banques génétiques, c’est extrêmement risqué. C’est comme applaudir d’une main.

La priorité est de commencer avec la diversité sur le terrain. Les paysans ont toujours été les gardiens de la biodiversité et ils ont besoin de soutien. Il est grand temps qu’on accorde à ce travail des moyens financiers beaucoup plus importants. Si nous perdons la biodiversité dans les champs, nous perdons tout.

Si elles n’établissent pas de connections avec les fermes qui sauvegardent le vivant, les banques de gènes ne servent à rien. Pour moi, elles n’ont pas de sens. Je ne veux pas dire qu’elles n’ont pas lieu d’être mais elles n’ont pas de sens si elles n’incluent pas les paysans dès le départ.

Dans les années 80, à votre instigation, les droits des paysans ont été inscrits sur l’agenda international de la FAO : ils étaient censés servir à contrer les droits de propriété intellectuelle (DPI) et à soutenir la préservation des semences à la ferme. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, le Traité de la FAO a incorporé les Droits des paysans mais accepte aussi les DPI. Comment en est-on arrivé à cette situation ?

C’est toujours pareil, nous avons des tas de comités, mais pas d’action. Pour ce qui est des droits des paysans, il est important de se demander ce dont on parle exactement. Ils n’ont de sens que s’ils se traduisent par des initiatives qui marchent sur le terrain. Je n’ai guère vu d’exemples de projets qui encouragent les paysans à s’organiser eux-mêmes et les soutiennent, de projets qui leur permettent d’être indépendants des sources externes de semences et d’avoir leurs propres moyens de production.

Dans le même temps, les géants de l’agrobusiness poussent les communautés et même les gouvernements à suivre leur modèle. Ils présentent des rendements miracle, une forte production alimentaire. Il est absolument essentiel de donner aux communautés les moyens d’utiliser leur savoir et cela peut être fait en synergie avec la science si nous voulons progresser. C’est sur ces questions que nous devons nous concentrer.

La Fondation Bill et Mélinda Gates déverse des flots d’argent pour mener une nouvelle Révolution verte en Afrique. D’énormes sommes sont ainsi allouées au développement de l’agriculture africaine, y compris les systèmes de semences. Pensez-vous que les objectifs seront atteints ? Quel peut être l’impact de ce programme ?

Franchement, ce n’est pas ce dont nous avons besoin. Si c’est un programme régional, pourra-t-il être vraiment participatif ? Même pour des programmes nationaux, c’est déjà difficile ; beaucoup d’entres nous qui avons suivi le système de sélection habituel l’avons bien vu. Les programmes nationaux conventionnels peuvent dans le meilleur des cas chercher du matériel local et produire des variétés qui exigent ensuite de fortes doses d’intrants pour que les paysans puissent les cultiver. Mais une initiative de cette envergure géographique ne sera pas menée par les paysans ; or, le fondement du savoir repose sur les paysans. Ceux qui sont derrière les programmes se comportent exactement comme le faisait le CGIAR : convaincus de tout savoir, ils se contentent d’incorporer quelques gènes provenant de variétés paysannes.

GRAIN a récemment publié une étude critique sur le riz [voir sur le site de GRAIN]. Ce serait intéressant d’avoir votre opinion sur le Nerica, car beaucoup le voient comme un procédé de sélection participatif qui va profiter aux paysans africains.

Le Nerica est intéressant, très tentant et il n’est pas sans mérites. Le problème que j’entrevois est le suivant : est-ce qu’il va n’être qu’une variété isolée ? Si nous finissons par ne plus utiliser que le Nerica, nous sommes mal partis. Il mérite certes une place, mais pas pour remplacer les autres variétés. Une fois de plus, il s’agit de garder un équilibre et non pas de s’appuyer sur une seule variété.

D’après ce que je vois, quoique le Nerica ait un complexe génétique d’une plus grande adaptabilité que les autres variétés modernes, nous ne savons pas grand chose de sa plasticité, de sa capacité à pousser dans des environnements différents. Il vaudrait mieux pour la sélection se tourner vers les variétés locales, tout en gardant les caractères qui permettent aux populations et aux espèces de s’adapter. C’est ainsi qu’on peut obtenir des types supérieurs, du point de vue de la plasticité, du rendement, etc.

Si nous nous accrochons tous à la même corde, elle finira par craquer. On a aujourd’hui affaire à beaucoup de nouvelles contraintes, y compris des changements climatiques, et même les semences indigènes vont avoir du mal à s’adapter à ces changements. Dans le passé, le rythme de la co-évolution était supportable, mais de nos jours les changements sont si rapides qu’il n’est pas facile de s’adapter. Si l’on ne cultive que le Nerica, on perdra les variétés paysannes et aussi les parents sauvages des espèces cultivées. Ce sera la destruction de la continuité, des sources de gènes et de notre capacité de préservation.

La seconde question soulevée par le Nerica est celle du degré de dépendance aux fournisseurs. Les paysans pourront-ils sauvegarder leurs semences ? Si je comprends bien, il y a une très forte demande de la part des paysans pour se procurer le Nerica. Mais les paysans devraient pouvoir garder leurs propres semences.

Les gens s’enthousiasment pour le Nerica, parce qu’il forme une sorte de pont entre les variétés modernes et indigènes, puisqu’il combine les deux. Mais il ne faudrait pas se lancer emporter par l’idée que nous avons établi un équilibre entre les variétés améliorées et les variétés indigènes. Si nous utilisons le Nerica pour anéantir les autres variétés locales de riz, c’est aussi désastreux que de remplacer les variétés paysannes par des variétés améliorées.

Nous assistons à beaucoup de changements et tout se passe très vite. Le Nérica peut-il résister à ce genre de changement ? Il se peut que le Nerica devienne vulnérable en cinq ou dix ans. Il serait risqué de s’appuyer uniquement sur cette variété, quels que soient ses mérites. Ce serait s’accrocher à une corde, dont on ne connaît pas la solidité. La meilleure politique est de diversifier les sources de semences et de ne pas devenir dépendant d’une variété unique.

Vous avez déjà partiellement répondu à ma prochaine question : L’un des grands défis que les paysans d’Afrique vont avoir à affronter est la crise climatique. Pouvez-vous déjà en distinguer les effets et pensez-vous que les paysans et les semences paysannes seront capables de s’adapter à temps ?

Je suis inquiet, car tout est lié. Par rapport aux nouvelles variétés, les variétés paysannes sont nettement plus durables, mieux adaptées et plus aptes à être cultivées dans des endroits différents. Si la sécheresse sévit quelque part, vous replantez un peu plus loin. Mais il est possible que les changements actuels dépassent les capacités de prédiction et d’adaptation des paysans.

Je vois la crise s’approcher et il va nous falloir être capables d’anticiper, car nous savons que tôt ou tard les variétés paysannes ne seront plus capables d’évoluer au rythme des changements externes. Cette crise s’ajoute à l’insécurité alimentaire, la croissance de la population, la fragmentation des terres et autres crises globales. Les risques qui affectent la production agricole sont considérables. Personne n’a vraiment pris la mesure de ce qui se passe dans les fermes dans les pays en développement. C’est très effrayant. Si le climat change, le rôle des variétés paysannes doit être renforcé pour répondre à ce défi et c’est maintenant qu’il nous faut nous y mettre.

Nous devons aussi nous tourner vers les diverses espèces de plantes sauvages qui poussent dans les champs et dans les environs, car elles sont plus robustes que les espèces cultivées. Nous ne devons surtout pas perdre cette source de gènes, mais créer des systèmes pour les garder vivantes. Ce sont les récoltes de l’avenir et nous serions bien avisés d’accélérer le travail. Nous devons mettre en place des programmes destinés à améliorer les variétés paysannes, afin de faire de la promotion et de la préservation de la diversité une priorité et de rattraper le temps perdu tant que cela est encore possible. Si nous ne réagissons qu’après coup, il sera trop tard.

Comment envisagez-vous le rôle des réseaux d’échanges de semences ? Les paysans qui survivent dans les régions sèches ont-ils, par exemple, un rôle à jouer dans ces échanges avec les autres paysans ?

C’est quelque chose que nous devons tous encourager. Les variétés paysannes ne connaissent pas les frontières : les paysans ont toujours été connectés entre eux et ils font déjà des échanges de toute façon. Mais nous pouvons leur apporter notre soutien.

Le flux de matériel génétique et de semences est sévèrement compromis, surtout dans le Sud de l’Afrique où il reste très peu de diversité et où la crise menace. Une bonne partie des semences ont disparu. Mais la situation n’est pas désespérée : on peut en récupérer dans d’autres régions. On peut réintroduire des espèces à travers les échanges qui créent un système d’entraide bénéfique pour tous.

Il est très important que le réseau d’échange de semences paysannes ait un soutien officiel, car nous avons besoin de décisions politiques pour le faire vivre. Les banques de semences communautaires peuvent résoudre de nombreux problèmes à condition d’être interconnectées : les semences et le savoir peuvent ainsi se fertiliser mutuellement et se protéger des influences néfastes. Pour ce faire, ces banques ne doivent pas se limiter au stockage, mais bâtir un système complet qui soit contrôlé par les paysans.

Nous avons besoin d’avoir accès à ces matériaux que connaissent les paysans. Sans leur savoir, nous sommes perdus.

Pourriez-vous préciser un peu comment les choses pourraient marcher ?

Prenez une variété : vous pouvez la suivre jusqu’aux endroits où les paysans la cultivent. Il y a là une continuité. Dans l’Ejere par exemple, vous avez une variété paysanne de blé ; vous partez de là et vous suivez la ligne où pousse cette variété jusqu’à l’endroit où elle s’arrête. Cela peut vous amener jusqu’au Wollo. Vous y verrez peut-être quelques petites différences dans les types dominants, mais fondamentalement, il s’agit de la même variété. Il existe toutes sortes d’explications scientifiques, mais l’essentiel est de pouvoir suivre la ligne des paysans qui cultivent ces variétés.

Nous touchons ici à la question de la plasticité. Cela nous montre comment trouver les variétés paysannes à partir de leur milieu d’origine. Ainsi, certains types de sorgho ne peuvent être cultivés que dans un milieu spécifique, d’autres poussent dans divers milieux, mais jamais exactement de la même manière.

Je crains que si vous allez dans la région de la SADC, ces contours ne soient interrompus partout. En effet, les grandes exploitations ont tout envahi et la continuité n’existe plus. Mais il est possible de trouver des fragments et de réintroduire des variétés qui viennent d’autre part. Il est primordial d’effectuer une étude de référence, si l’on veut découvrir ce que les paysans cultivaient auparavant, pour pouvoir encourager cette approche.

Les institutions gouvernementales ne pourront pas y parvenir seules : des fonds mondiaux sont nécessaires pour soutenir le processus. Il faut aussi toutefois prendre des mesures régionales et encourager les gouvernements à s’engager dans cette voie. Les OGN et autres associations doivent également jouer ici un rôle de catalyseur.

Là où la diversité existe, assurons-nous de la promouvoir et de ne pas la perdre.

Là où la diversité est érodée, assurons-nous de la ré-introduire et de l’enrichir.

Le mélange de la diversité

« En Zambie, j’ai rencontré des paysans qui se plaignaient d’un problème de santé. Je leur ai demandé ce qu’ils avaient cultivé dans le passé. Et ils ont dit : du sorgho, bien sûr. Je leur ai dit que c’était peut-être là la source de leur problème, car le sorgho est riche en fer, par rapport au maïs. Oui, ont-ils dit, nous savons que nous devons revenir à notre propre variété de sorgho. Nous continuons à la cultiver, parce que nous ne voulons pas la perdre, mais seulement en petites quantités.

Même quand une culture a officiellement disparu, on peut donc encore trouver quelque chose.

Et puis au Malawi, nous avons vu quelque chose de très intéressant. Les paysans étaient déjà dépendants des hybrides, mais ils ne pouvaient pas se permettre de nouvelles semences chaque année. Ils ont ré-utilisé les semences parce qu’ils n’avaient pas le choix. Ils mélangeaient aussi les hybrides avec des semences locales. C’est ce que les scientifiques appellent “introgression”, c’est-à-dire le croisement de la variété paysanne et de la semence hybride. Les paysans sélectionnent ce qu’ils veulent et ce qui poussera bien dans leur région et certains gènes intéressants sont alors incorporés dans la variété locale. Ils avaient tendance à favoriser les types locaux mais peu à peu ils ont obtenu une nouvelle population. Les paysans trouvent toujours moyen de combiner le nouveau et l’ancien, cela a toujours été. Ils mélangent et sélectionnent à leur convenance. »

Author: Interview de GRAIN
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