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Entre libre-échange et marchés locaux : la Thaïlande tente de rejoindre les négociations sur le CPTPP mais se heurte à nouveau à l’opposition

by GRAIN | 25 Sep 2020
Supermarket Asia bulletin #19 - Août 2020


En cette période de Covid-19, les négociations commerciales n’ont pas faibli et se multiplient même. En Thaïlande, le gouvernement essaie à nouveau de se joindre aux négociations sur le CPTPP, l’accord de partenariat transpacifique. Mais l’opposition continue tandis que s’amplifie la demande d’aliments frais, produits à petite échelle et d’un système alimentaire diversifié, fondé sur les marchés locaux. Ce numéro du Bulletin de veille des supermarchés d’Asie comprend aussi des articles qui soulignent les conséquences et les opportunités économiques à long terme créées par le Covid-19 pour les vendeurs de rue.


Éditorial

Entre libre-échange et marchés locaux : la Thaïlande tente de rejoindre les négociations sur le CPTPP mais se heurte à nouveau à l'opposition

En avril 2020, la dictature militaire thaïlandaise a tenté une fois de plus de se joindre aux négociations sur l’accord de partenariat transpacifique, le CPTPP, alors que le pays était au beau milieu de la pandémie de Covid-19. Mais cette fois encore, l’opposition des réseaux populaires, de la société civile et des réseaux d’agriculteurs a réussi à bloquer la tentative.

FTA Watch s’est jointe à d’autres organisations de la société civile, à des organisations d’agriculteurs et à la population dans une protestation de masse qui a forcé le gouvernement à repousser le processus de participation aux négociations sur le CPTPP et à mettre en place une sous-commission destinée à envisager les conséquences, avant d’avancer sur la question. Jusqu’à présent, le gouvernement thaïlandais n’a pas pu soumettre officiellement son intention de rejoindre la table des négociations.

Le CPTPP obligerait la Thaïlande à libéraliser les marchés de produits agricoles en éliminant tous les tarifs concernant entre 95 et 99 % de ses produits agricoles. Un tel accord entraînerait de vastes conséquences pour les agriculteurs thaïlandais, que ce soit dans l’élevage, les cultures, les légumes ou les fruits, et affecterait également la santé des gens. Les petits producteurs de porc seraient ainsi en concurrence avec les importations bon marché des pays exportateurs comme le Canada où les porcs peuvent être nourris avec des hormones de croissance et des médicaments pour obtenir de la viande plus maigre qui sont interdits en Thaïlande pour des raisons sanitaires.

Le CPTPP forcerait aussi la Thaïlande à autoriser les importations de produits GM sur la base d’évaluations des risques menées par d’autres pays qui sont moins strictes que le Biosafety Act thaïlandais. La loi thaïlandaise s’appuie sur le principe de précaution et tient compte des impacts socio-économiques. En fin de compte, cela signifie qu’un petit nombre d’entreprises géantes exercerait plus de contrôle sur le système alimentaire thaïlandais, ne laissant aux consommateurs quasiment aucune alternative dans le choix de leur alimentation.

L’expérience de la Thaïlande face au Covid-19 a montré clairement que nos systèmes alimentaires, dans leur diversité et leur petite échelle, sont essentiels et résilients. Une étude des communautés rurales dans différents endroits indique que les systèmes alimentaires locaux de ces communautés ont très peu souffert. Les marchés de frais ont continué à fonctionner systématiquement sans s’arrêter pour distribuer la nourriture aux populations locales tout au long des 3-4 mois du confinement. Bon nombre d’agriculteurs ont augmenté leur production de légumes et les amènent sur les marchés locaux pour les vendre directement.

Les vendeurs itinérants qui passent dans les villages environnants et les personnes qui se déplacent pour aller acheter directement dans les fermes ont également vu leur nombre augmenter. Certains agriculteurs ont connu une amélioration de leurs revenus grâce à l’accroissement de la demande en légumes frais. Ceux qui appliquent des méthodes d’agriculture durables ont suscité beaucoup d’intérêt. Les agriculteurs qui produisent pour l’exportation ou les grands marchés et qui sont dépendants des transports ont eu beaucoup de problèmes pour vendre leurs produits quand les intermédiaires ont arrêté d’acheter auprès d’eux.

De plus, nous avons constaté que les populations des grandes villes qui dépendent des aliments issus du système commercial moderne commencent à mieux comprendre ce qu’est la sécurité alimentaire, car elles réalisent qu’il ne sera peut-être pas possible de ne compter que sur les grandes entreprises pour satisfaire leurs besoins alimentaires, mais qu’il faut aussi garder la production alimentaire et le système de distribution aux mains des petits producteurs et des marchés locaux. Cette fois, la lutte contre le CPTPP et le monopole des grandes entreprises est le reflet du mouvement issu d’une alliance de plus en plus large visant à protéger un système alimentaire durable et diversifié.


Cet éditorial a été écrit par Kingkorn Narintarakul, BioThai, Thaïlande, https://www.biothai.org/

Author: GRAIN
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