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再见 Hengfu (Adieu Hengfu)

by GRAIN, Ponlok Khmer, PCFS | 21 Feb 2020
Sur leurs terres, des paysannes de la communauté autochtone des Kuoy bloquent les bulldozers de l’entreprise sucrière



Il y a presque dix ans, une série de concessions économiques de terres (ELC en anglais) ont été accordées par le gouvernement cambodgien à cinq entreprises soupçonnées d’être des filiales d’une seule et unique société appartenant à la Chine. Les concessions ont été signées en 2011 et ont mis à la disposition des entreprises 40 000 hectares de terres dans la province de Preah Vihear pour y cultiver de la canne à sucre. Nous avons appris cette semaine (13 février) que le projet avait complètement échoué. Rui Feng, l’une des cinq entreprises, avait construit sur sa concession une sucrerie censée valoir 360 millions de dollars US, l’une des plus grandes d’Asie, capable de produire journellement 2 000 tonnes de sucre raffiné. Mais aujourd’hui des articles de presse indiquent que l’usine n’a jamais été opérationnelle et que les entreprises de Hengfu ont arrêté toutes leurs activités sur le site.

Tout au long de cette terrible période, les communautés affectées, en collaboration avec des ONG locales comme Ponlok Khmer (PHK), se sont soulevées et ont organisé une résistance soutenue contre la destruction de leurs moyens d’existence et de leur culture. Elles ont exposé les ELC comme des formes d’accaparement de terres et réclamé que les concessions soient annulées et que la terre leur soit rendue. Plusieurs tactiques ont été employées pour résister aux entreprises sucrières. Dans la plupart des villages, l’action directe a été un élément important de la stratégie communautaire depuis le début. Les villageois ont fait face aux conducteurs de bulldozers et de pelleteuses qui défrichaient leurs terres. Ceci a d’abord permis d’ouvrir les négociations avec les autorités locales, puis de déposer deux plaintes auprès du tribunal provincial. Les plaintes ont finalement été rejetées et les autorités locales s’en sont tenues là. De son côté, l’entreprise a déposé plainte contre certains membres de la communauté et plusieurs personnes de l’organisation Ponlok Khmer pour « enfermement et détention illégaux ». Le tribunal a pour l’instant fermé l’enquête. Mais l’affaire n’est pas close, cependant. Le procès a été « ajourné » jusqu’à nouvel ordre et les accusations contre PHK sont toujours en attente.

La rizière des villageois dite "Trapiang Kh-tom" dans le district de Chhaeb (province de Preah Vihear au Cambodge) a été occupée de force par la compagnie sucrière chinoise Rui Feng.
À ces accusations contre Hengfu, Poek Sophorn, directeur de Ponlok Khmer, ajoute que les cinq entreprises ont violé l’accord même de l’ELC, en cultivant du riz sur des terres destinées à la canne à sucre.

La résistance des communautés de Preah Vihear a attiré l’attention internationale et le cas a fait l’objet d’un examen minutieux. En mars 2018, plus d’une douzaine de communautés autochtones régionales et internationales, des paysans, des activistes et des groupes de défense des droits humains ont envoyé une lettre ouverte à l’Ambassade de Chine au Cambodge exigeant une action immédiate.1 En septembre de la même année, La Coalition populaire pour la souveraineté alimentaire (PCFS) a co-organisé une mission de vérification des faits dans la province de Preah Vihear. Cette mission a fait état d’un accaparement des terres systématique et de conséquences socio-économiques destructrices de la concession pour les villageois. Suite à cette mission, une pétition mondiale a été lancée demandant au Royaume du Cambodge de révoquer les ELC octroyées aux filiales de Hengfu. Du lobbying a également été fait pour porter l’affaire à l’attention du Comité des Nations Unies pour les droits humains durant sa visite au Cambodge, ainsi qu’à celle du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation.

La débâcle de Hengfu au Cambodge s’ajoute à une longue liste d’échecs d’investissements fonciers agricoles qui ne cesse de grandir. En guise de sécurité alimentaire et d’investissement, ces accapareurs de terres n’ont apporté que misère et conflit. Inlassablement, la communauté Kuoy et tous ceux qui la soutiennent pour protéger ses fermes et ses forêts affirment qu’il n’existe qu’une solution : mettre fin à ces accords et rendre leurs terres aux populations.


Pour plus d’information, voir :


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1 The Chinese embassy did not respond to the open letter

Author: GRAIN, Ponlok Khmer, PCFS
Links in this article:
  • [1] https://www.voacambodia.com/a/massive-chinese-sugarcane-firm-disappears-from-preah-vihear/5273014.html?fbclid=IwAR19yvYwqnMA-11A9OeGAKgnNDvbTd0MSROPc8ib-XZXEwdCWk62wFnh_x4
  • [2] https://www.grain.org/fr/article/5960-l-echec-des-transactions-foncieres-dans-l-agriculture-laisse-des-sequelles-de-plus-en-plus-desastreuses-et-penibles
  • [3] https://www.grain.org/e/5728
  • [4] http://foodsov.org/fighting-back-full-report-on-the-iffm-to-defend-land-and-life-against-hengfus-operations-in-cambodia-speak-out-special-issue-march-2019/
  • [5] https://www.business-humanrights.org/en/cambodia-conflicts-continue-between-preah-vihear-villagers-hengfu-sugar-subsidiaries-as-locals-accuse-companies-of-taking-land-without-adequate-compensations