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Privatisation des moyens de survie: La commercialisation de la biodiversité de l'Afrique.

by Rachel Wynberg, Biowatch, Afrique du Sud - avec les contributions de Gaia/GRAIN. | 25 May 2000
Privatisation des moyens de survie : La commercialisation de la biodiversité de l’Afrique

Par Rachel Wynberg, Biowatch, Afrique du Sud, Fondation Gaia et GRAIN

Commerce Mondial et Biodiversité en Conflit

No. 5, Mai 2000

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Depuis des temps immémoriaux, les populations d’Afrique dépendent de l’accès libre et ouvert à une riche diversité de ressources biologiques pour l’alimentation, les combustibles, la médecine, le gîte et la sécurité économique, en échangeant ces ressources et en faisant le commerce. Aujourd’hui, en raison de la mondialisation rapide, l’Afrique est confrontée à des pressions intenses pour ouvrir ses ressources naturelles et ses marchés aux entreprises transnationales et pour se conformer aux règles commerciales mondiales, alors même que les besoins fondamentaux de  ses populations ne sont pas satisfaits. La privatisation accrue de la biodiversité de l’Afrique menace non seulement la base de ressources biologiques, mais la subsistance et les droits des collectivités locales qui en dépendent, ainsi que les connaissances et les technologies qu’elles ont développées pour la conservation et l’utilisation de la biodiversité.

Le commerce des ressources biologiques est une grosse affaire, aujourd’hui, mais les termes des échanges mondiaux sont en train d’accroître le contrôle des entreprises sur les systèmes agricoles et de la santé en Afrique et de saper les droits collectifs des communautés sur la biodiversité. Dans l’agriculture, la commercialisation du marché des semences, les brevets sur les semences et l’introduction du génie génétique ont des incidences graves pour les agriculteurs et pour la sécurité alimentaire en Afrique. Dans le domaine de la santé, les droits de propriété intellectuelle entraînent la hausse des prix des médicaments essentiels. Ils accroissent également la prospection des ressources biologiques africaines par l'agrobusiness, les firmes pharmaceutiques et les instituts de recherche du Nord, au détriment des gouvernements nationaux et les collectivités locales qui génèrent les connaissances et les technologies liées à la biodiversité.

Toutefois, l’Afrique ne se contente pas d’être simplement un fournisseur de matières premières pour l’économie mondiale. Le continent est en train de s’affirmer à tous les niveaux, par son rejet de l’imposition des agendas des pays développés et des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout comme par le renforcement des réseaux de la société civile tels que African Trade Network qui soutiennent ces positions. Les initiatives africaines dans le développement de politiques autochtones ont affirmé les droits des nations à conserver le contrôle de leurs propres ressources biologiques, à garantir les droits des collectivités locales à utiliser, conserver et échanger des semences, et à fournir des médicaments essentiels à des prix abordables. En élaborant des stratégies et des réponses pour l’exploitation et la conservation de la biodiversité, l’Afrique résiste à l’appropriation, par les entreprises transnationales, des moyens de survie de sa population.      

 

1. Richesses naturelles de l’Afrique

1.1 Biodiversité : une question de sur

L’Afrique est un continent riche d’une immense diversité de ressources biologiques et remarquable par les innovations développées par ses populations pour l’utilisation et la conservation de ces ressources. La région recèle un quart de la biodiversité mondiale et nombre de ses espèces végétales n’existent nulle part ailleurs dans le monde. Une vaste gamme de végétaux utiles originaires d’Afrique a été d’un apport crucial pour l’agriculture mondiale, notamment le café, le sorgho, le mil et le palmier à huile, ainsi que de nombreuses plantes médicinales.

Plus que pour toute autre région du monde, les ressources biologiques constituent la base des moyens de subsistance et des économies au niveau national, en Afrique. La grande majorité des 700 millions d’habitants du continent dépend directement de la biodiversité pour l’alimentation, les médicaments, les matériaux de construction à faible coût, le bois de chauffe, les matériaux pour l’artisanat et les revenus. Pour ceux-ci, la biodiversité est une question de survie :  son utilisation, son abondance et sa variété sont un rempart indispensable contre la pauvreté, la sécheresse, les changements environnementaux et la guerre.

Contrairement à de nombreuses autres parties du monde, où les connaissances relatives à la biodiversité et la technologie pour l’utilisation de nombreuses espèces sont détenues par des groupes autochtones dans des zones géographiques distinctes, en Afrique ces connaissances se trouvent pratiquement dans tous les foyers ruraux et également dans de nombreux foyers urbains. Ceci trouve son expression dans l’énorme diversité des cultures des plus de 2000 groupes ethniques qui peuplent le continent, et dans le rôle central joué par les végétaux et les animaux dans les systèmes autochtones africains de médecine et d’agriculture.

En plus de leur utilisation  pour la subsistance, ce sont ces ressources biologiques qui génèrent la majeure partie de l’emploi, de produit économique et des recettes d’exportation en Afrique. L’agriculture compte pour 30 à 60% du PIB en Afrique subsaharienne et emploie plus de 60% de la force de travail.[1] De même, les produits forestiers et la pêche jouent un rôle clé dans de nombreuses économies nationales africaines, fournissant jusqu’à 60% des devises en Guinée équatoriale et en Mauritanie. En bref, une base de ressources biologiques productive, diverse et aisément accessible constitue le système de soutien vital pour l’Afrique. 

1.2 Richesses naturelles africaines  menacées

L’accélération de la perte de la biodiversité constitue une menace pour la subsistance de millions de personnes dépendant des ressources biologiques. Cette perte est en train de se produire à travers la déforestation à des fins d’agriculture commerciale, les cultures et l'exploitation forestière en monoculture, la surexploitation des ressources halieutiques et les espèces étrangères envahissantes, l’exploitation minière et la surexploitation des ressources naturelles. Accompagnant ces activités, il y a l’érosion et la perte des connaissances traditionnelles relatives à la biodiversité. Mais ce qui prédomine, c’est que la biodiversité et les moyens de subsistance des populations sont de plus en plus influencés par le contrôle accru des entreprises transnationales sur l’alimentation, l’agriculture et la santé.

Les acteurs les plus puissants de l’économie mondiale, les entreprises, sont en train d’empiéter sur la biodiversité africaine à une échelle jamais égalée. Les entreprises bénéficient de l’aide d’un régime commercial mondial qui leur assure un accès ouvert aux marchés et leur permet le piratage légalisé des connaissances et de la biodiversité autochtones à travers les droits de propriété intellectuelle (DPI). Leur taille et leur influence s’accroissent avec le regroupement des entreprises agrochimiques, pharmaceutiques et semencières géantes à travers des prises de contrôle, des fusions et des alliances. L’importance des investissements dans la biotechnologie ont accéléré ces tendances, ainsi que l’octroi de brevets sur les organismes vivants et les pressions qui en sont associées pour la commercialisation de nouveaux produits. Aujourd’hui, une poignée de ‘Géants de la Génétique’ – Aventis, DuPont, Monsanto, AstraZeneca et Novartis – domine le marché. AstraZeneca et Novartis ont annoncé une fusion pour former Syngenta, devenant ainsi la plus grosse entreprise agrochimique du monde, avec une part de marché de 23%. Entre eux, les ‘Géants de la Génétique’ comptent pour près des deux tiers des 31 milliards de dollars US du marché mondial de pesticides, près d’un quart des 30 milliards de dollars du marché des semences et pratiquement pour la totalité du marché des semences génétiquement modifiées,[2] et fusionnent de plus en plus avec l’industrie pharmaceutique qui pèse 300 milliards de dollars.

Les ventes de cette ampleur aident à assurer la domination de ces entreprises sur les firmes plus petites et sur les institutions nationales. En Afrique, seulement dix entreprises contrôlent 88% du marché agrochimique.[3] Quatre des plus grandes compagnies de pesticides – Novartis, AstraZeneca, Monsanto et DuPont – dominent également le marché africain des semences génétiquement modifiées[4], et de plus en plus, la fourniture et la commercialisation locales de semences. Les entreprises transnationales détiennent en outre la majorité des marchés locaux de produits pharmaceutiques en Afrique subsaharienne, qui, avec le Moyen-Orient, étaient estimés à plus de 8 milliards de dollars en 1997.[5]

Dans l’ensemble, dans ce scénario de prise de contrôle croissant par les entreprises des secteurs de l’alimentation  et de la santé, la biodiversité sur laquelle ces secteurs reposent devient une marchandise de plus à exploiter au profit d’un petit nombre, plutôt qu’à soutenir comme moyen de survie d’un grand nombre.

2. L’Afrique dans l’économie mondiale

2.1 Vulnérabilité de l’Afrique 

L’Afrique souffre d’un grand nombre de problèmes. Elle est confrontée à des niveaux écrasants de dette extérieure d’un montant de quelques 230 milliards de dollars, dont les remboursements s’élèvent au double des fonds combinés consacrés à l’éducation et à la santé. La plupart des pays africains sont confrontés à la stagnation ou au déclin de leur performance économique. Les statistiques pour l’Afrique subsaharienne sont particulièrement décourageants. Actuellement, 75,6% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, et le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est en hausse.[6] En outre, le continent connaît les niveaux les plus élevés de VIH/SIDA au monde, environ trois fois la moyenne mondiale.

Donateurs, investisseurs et bailleurs de fonds considèrent l’intégration à l’économie mondiale comme une condition préalable pour le développement de l’Afrique. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque africaine de développement (BAD) et les pays donateurs d’aide tels que les Etats-Unis, imposent aux pays récipiendaires des conditionnalités fondées sur une réorientation de leurs économies vers un modèle d’économie de marché. Ceci inclut la libéralisation des échanges qui entraîne l’ouverture de leurs marchés aux entreprises mondiales, la privatisation des institutions nationales et une réduction drastique des dépenses publiques. Les pays n’ont d’autre choix  que d’adopter des programmes d’ajustement structurel qui les ont contraints, entre autres mesures, à réduire les services sociaux de base et à délaisser la production alimentaire locale au profit des cultures de rente orientées vers l’exportation. En règle générale, dans de nombreux secteurs, les programmes draconiens  d’ajustement structurel imposés durant les années 80 et 90 ont vu l’anéantissement d’une grande part des progrès économiques. 

Aujourd’hui, la part de l’Afrique dans le commerce mondial n’est que de 1 à 2%. En tant que marché non exploité et en tant que partenaire commercial émergent, le continent est une cible stratégique pour certains producteurs et investisseurs. Une étude de trente-six entreprises transnationales effectuée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Chambre de Commerce Internationale entre novembre 99 et janvier 2000 a montré un intérêt à investir dans l’agriculture, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques ; les produits alimentaires et les boissons figuraient également sur la liste. Corporate Council on Africa, un lobby d’affaires  Etats-Unis/Afrique a salué  la perspective de la privatisation accrue au Nigeria en déclarant que le pays était : Â«un immense marché   largement inexploité par les compagnies américaines.»[7]

2.2 Le Nouvel ordre économique mondial

Toutefois, une intégration plus profonde à l’économie mondiale est susceptible de saper davantage les objectifs d’intérêt public de l’Afrique en matière de sécurité alimentaire, de santé et de conservation de l’environnement. Les termes du commerce mondial servent les intérêts des pays industriels et de leurs entreprises, tout en soumettant les pays en développement à des pressions croissantes pour qu’ils ouvrent leurs économies à la concurrence étrangère. On s’attend à ce que le cycle précédent de négociations commerciales de l’OMC accroisse la valeur des échanges mondiaux de 200 milliards de dollars US d’ici 2005. Toutefois, 70% de ce montant ira aux pays industriels, alors qu’il est effectivement prévu pour l’Afrique subsaharienne  une perte de 1,2 milliards de dollars par an.[8] Selon Moses Tekere, professeur d’économie à l’Université du Zimbabwe : «L’idéologie fondamentale de l’OMC est erronée. Ce que nous voulons, c’est le développement et pas simplement la libéralisation.»[9] La marginalisation des pays du Sud à l’OMC a été mise en lumière par le fait que dix-neuf pays africains sont trop pauvres, même pour avoir un délégué permanent au siège de l’institution à Genève. Les déséquilibres généraux ont des conséquences sérieuses pour les pays du Sud, dont beaucoup sont riches en biodiversité, et dont la grande majorité des populations dépendent directement des ressources biologiques pour leur subsistance.

Dans le cadre de l’Accord controversé des aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce  (ADPIC) de l’OMC, un régime mondial a été créé pour les droits de propriété intellectuelle sur la biodiversité et a ouvert la voie au brevetage des formes de vie. Contrôlé par les industries biotechnologiques et pharmaceutiques représentant plusieurs milliards de dollars, le régime soulève des questions profondes sur l’éthique de la commercialisation des formes de vie, sur le contrôle monopolistique des connaissances et sur les droits des producteurs et des utilisateurs de connaissances et de technologies communautaires. S’y ajoute l’injustice qui consiste à permettre aux entreprises l’imposition de redevances et l’appropriation, à travers le piratage légalisé des connaissances et des technologies des collectivités rurales. En tant que Membres de l'OMC, la plupart des pays à travers le monde sont maintenant tenus d’autoriser l’introduction des brevets et d’autres formes de droits de propriété intellectuelle  dans les domaines de l’agriculture, de la production alimentaire et de la santé. Le monde industriel détient 97% de tous les brevets, dont la plupart sont entre les mains des grandes entreprises. En outre, les résidents des pays industriels détiennent plus de 80% des brevets accordés dans les pays en développement.[10] L’Accord sur les ADPIC non seulement facilite l’appropriation et le contrôle monopolistique des ressources biologiques du Sud par les entreprises, mais peut également contraindre les pays en développement à payer des redevances à ces détenteurs de brevets. La biodiversité, autrefois gratuitement accessible à tous, est en train d’être réduite à une marchandise détenue à titre privé, au profit d’individus ou d’entreprises.

Les droits de propriété intellectuelle ne constituent qu’une partie des initiatives commerciales plus larges qui menacent la biodiversité et les moyens de subsistance fondés sur les ressources naturelles en Afrique. L’Accord de l’OMC sur l’agriculture, par exemple, ne tient aucun compte des inégalités flagrantes entre pays développés et pays en développement, dans le domaine de l’agriculture. L’Accord s’appuie sur la rhétorique de la concurrence dans des ‘conditions égales’ pour exiger de tous les pays Membres, la réduction des subventions publiques aux producteurs agricoles locaux  et la suppression des contrôles non tarifaires sur les produits agricoles. En fait, l’Accord pourrait détruire les moyens de subsistance de millions de petits agriculteurs en Afrique, en  les mettant en concurrence directe avec les entreprises mondiales. En dépit de la rhétorique du ‘libre échange’, les pays pauvres sont en réalité, contraints de mettre en œuvre une libéralisation qu’ils peuvent difficilement se permettre, alors que les pays riches continuent de préserver jalousement leur agriculture et leurs marchés. Ainsi, loin de supprimer la protection de leurs propres marchés, les Etats-Unis sont en train d’imposer des droits de douane de 67% sur l’arachide, ce qui signifie que les pays africains producteurs d’arachide comme le Sénégal n’ont aucun accès au marché américain. Pendant ce temps, la suppression des subventions aux intrants agricoles ont sapé la production alimentaire locale dans les pays africains où les céréales bon marché du Nord sont écoulées à bas prix. Ainsi, en dépit du fait qu’un pays tel que le Burkina Faso soit en mesure d’atteindre l’autosuffisance dans la production céréalière, ce pays consacre jusqu’à 15% de son PIB à l’importation de céréales.

2.3 Accords commerciaux avec l’UE et les Etats-Unis

Les traités avec les principaux partenaires commerciaux de l’Afrique, l’UE et les Etats-Unis,  sont également en train d’établir, au nom du développement, des régimes de libre échange. La renégociation de la Convention de Lomé, un accord commercial préférentiel entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que la Loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique, détermineront les échanges de l’UE et des Etats-Unis avec l’Afrique dans les années à venir, et influenceront les priorités de développement du continent.

L’UE considère clairement la mondialisation de l’Afrique comme l’objectif primaire de sa coopération au développement. Au cours les 24 dernières années, la Convention de Lomé a défini les relations commerciales et en matière d’aide entre la majeure partie des pays africains et l’UE. Au titre de Lomé, les anciens termes de l’aide ont été relativement généreux et ont offert aux signataires un accès préférentiel, sans réciprocité, aux marchés européens pour la majeure partie de leurs exportations. Ces termes sont inacceptables dans le cadre de l’OMC. La renégociation de la convention en 2000 montre une orientation claire vers un schéma de développement axé sur le marché : la libéralisation,  la mise en application des régimes de droits de propriété intellectuelle, et « l’intégration harmonieuse dans l’économie mondiale Â» sont actuellement les priorités,[11] bien qu’en fait, il soit toujours probable que le nouvel accord sera contesté à l’OMC.  Dans l’accord renégocié de Lomé,  l’UE cherche à établir des zones inter-régionales de libre échange avec des partenaires économiquement forts – une politique que beaucoup perçoivent comme présentant un risque pour la solidarité africaine.[12] Les nouveaux termes de Lomé affecteront de nombreux pays africains : l’UE est une destination pour près de 40% des exportations africaines, dont une grande partie est éligible pour bénéficier d’un traitement préférentiel au titre de l’accord de Lomé.[13]

La Loi américaine sur la Croissance et les opportunités en Afrique, actuellement incluse à la ‘Loi sur le commerce et le développement de 2000’ récemment votée par le Congrès américain, est un cadre de concurrence favorable aux entreprises américaines en Afrique. Elle est destinée pour accroître les exportations et l’investissement privé américains en Afrique, promouvoir les prêts de la Banque d’Export-Import,  et à terme, créer des zones de libre échange avec les régions et les pays les plus puissants.[14] Plus simplement, les termes de la loi cherchent à assurer que les marchés africains sont ouverts aux entreprises américaines. Alors que la Loi sur la croissance et les opportunités accorde des droits et des avantages substantiels aux entreprises transnationales opérant en Afrique, elle ne fait rien pour garantir que les entreprises et les travailleurs africains tirent profit de l’accroissement des échanges, et ne comprend aucune disposition en matière de protection de l’environnement. Les avantages projetés pour l’Afrique sont un accès amélioré aux marchés pour ses produits commerciaux, ainsi que des fonds et un soutien garantis par les Etats-Unis pour promouvoir le développement du secteur privé. Toutefois, pour être habilité à bénéficier des avantages promis, les pays doivent consentir aux droits de propriété intellectuelle, fournir des garanties substantielles aux investisseurs étrangers,  et être engagés dans un processus d’ouverture de leurs économies, selon des critères approuvés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

2.4 Commerce de la diversité  biologique

Le commerce de la biodiversité constitue une part importante de la vision d’une Afrique mondialisée. Alors que l’Afrique a fourni, au cours des derniers siècles, une quantité énorme de ses ressources naturelles au reste du monde, on assiste actuellement à un élargissement  de l’éventail des ressources et à une intensification dans la façon dont elles sont utilisées.

La dernière décennie a vu une montée de l’intérêt pour l’utilisation commerciale des espèces sauvages et des ressources génétiques à une échelle jamais égalée. La bioprospection – l’exploration de la biodiversité en vue des ressources génétiques et biochimiques à valeur commerciale – est une industrie en plein essor. En particulier, les nouvelles techniques du génie génétique qui permettent de transférer les gènes et le matériel génétique d’un organisme à un autre ont mené à de nouvelles utilisations, parfois inimaginables auparavant, des ressources génétiques. Les spécialistes de la bioprospection génétique recherchent des caractéristiques génétiques intéressantes à introduire dans des espèces, et ont largement intensifié la ‘ruée vers l’or’ en matière de bioprospection. L’industrie de la phytothérapie fondée sur les matériaux végétaux qui connaît un essor rapide, stimule également l’exploitation de la biodiversité. Les produits pharmaceutiques tirés des produits naturels,  ont représenté à eux seuls 120 milliards de dollars – soit 40%  des ventes mondiales de produits pharmaceutiques en 1997, avec un commerce  mondial de matières premières végétales de près de 8 milliards de dollars au cours de la même année.[15] 

Comment l’Afrique pourrait-elle tirer profit  de tels développements ? l’Afrique recèle 25% de la biodiversité mondiale, et selon des estimations, la valeur totale combinée de tous les produits tirés des ressources génétiques mondiales est de 500 à 800 millions de dollars annuellement.[16] Il est évident que l’Afrique représente un filon, riche et lucratif de matières premières et de connaissances pour le développement de nouveaux médicaments, aliments, cosmétiques et autres produits tirés de la biodiversité. Toutefois, historiquement, les avantages découlant de la commercialisation de ces ressources étaient insignifiants pour la région, alors que les puissances coloniales tiraient un avantage économique substantiel de leur utilisation. Nombreux  sont ceux qui soutiennent que la situation reste comparable aujourd’hui.

Corriger ces inégalités est un objectif clé  de la Convention sur la diversité biologique (CDB), à laquelle les pays africains sont parties. Au titre de la Convention, les pays fournissant des ressources génétiques devraient recevoir un ensemble d’avantages de ceux qui  commercialisent les ressources, notamment une part équitable des avantages générés, ainsi que des avantages non-monétaires, tels que la technologie et l’opportunité de participer à la recherche. En échange, les pays pourvoyeurs devraient faciliter l’accès à leurs ressources génétiques et aux connaissances qui y sont liées. La CDB vise à garantir que cet accès est accordé à «des conditions mutuellement acceptables» et sous réserve du consentement préalable donné en connaissance de cause du pays pourvoyeur. Dans l’article 8(j), la CDB reconnaît les droits des dépositaires des connaissances et des technologies communautaires, ainsi que  l’importance du partage équitable des avantages tirés de l’utilisation de ces connaissances. De manière significative, la Convention affirme que les dépositaires des ressources biologiques ont le contrôle de ces ressources.

Toutefois, les comparaisons entre les dispositions de la Convention sur la diversité biologique et celles des Accords de l’OMC  présentent certaines contradictions  préoccupantes qui deviennent de plus en plus apparentes en Afrique et ailleurs, entre les priorités d’une utilisation durable et équitable de la biodiversité, et les principes du marché mondial. L’Afrique, l’Inde et d’autres pays se sont inquiétés de ces contradictions entre la CBD et l’OMC, tout particulièrement dans le cas des ADPIC. Essentiellement, les priorités de ces deux instances  sont en  conflit : les pays ne peuvent simplement pas rechercher la conservation, un développement durable, et le partage de la biodiversité tout en adhérant à tout prix à un agenda du commerce contrôlé par les entreprises.

3. Biodiversité, agriculture et santé 

3.1 Agriculture

La polarité entre les approches de l’OMC et de la CBD n'est nulle part aussi apparente que dans l’agriculture, polarité reflétée dans les deux systèmes agricoles - traditionnel et industriel - profondément divergents, qui existent en Afrique. L’agriculture traditionnelle est pratiquée par la majeure partie des agriculteurs africains, et plus de 90% de l’alimentation en Afrique subsaharienne est produite à l’aide de pratiques agricoles traditionnelles fondées sur les cultures multiples, la conservation des semences par les agriculteurs, la faible quantité d’intrants chimiques, la pluviométrie, et la sélection des cultures sur le terrain.[17] La propriété des ressources, des semences, des connaissances et des technologies est généralement collective, «partagée avec fierté et disséminée comme un grand honneur».[18] Par contre, l’agriculture industrielle repose sur l’achat de semences, une forte quantité d’intrants chimiques, l’irrigation, la mécanisation, et la monoculture, et produit essentiellement des cultures de rente pour l’exportation telles que le café, le coton, le cacao, le tabac, le thé et la canne à sucre. A l’exception de la production de maïs, ce type d’agriculture se fait essentiellement au détriment des cultures vivrières destinées à la consommation locale.[19] La majeure partie des semences sont des hybrides et des cultivars à haut rendement importés, qui doivent être achetés à chaque nouvelle saison auprès des grandes entreprises.[20] 

Pour l’agrobusiness, l’agriculture traditionnelle ne présente que des inconvénients. Elle restreint le marché des produits agrochimiques et avec les semences gardées à la ferme représentant près de 90% du total des semences plantées sur le continent,[21] elle constitue une contrainte considérable à l’expansion du marché des semences.  Ainsi, des efforts acharnés sont déployés pour ‘moderniser’ l’agriculture en Afrique, c’est-à-dire, introduire des hybrides à haut rendement, des variétés transgéniques (c’est-à-dire génétiquement modifiées), des engrais, des herbicides et des pesticides. Ceci est tout à fait apparent dans la fourniture et la distribution de semences. Dans le cadre des programmes d’ajustement structurel, pratiquement tous les gouvernements en Afrique subissent des pressions pour privatiser les systèmes publics de fourniture de semences. Par exemple, au Malawi, un programme de la Banque mondiale et du FMI pour la réforme du secteur agricole implique la privatisation de la Compagnie semencière nationale de ce pays. L’ajustement structurel a entraîné des changements similaires dans le secteur semencier en Ouganda, au Sénégal et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.

L’établissement de l’Association africaine du commerce des semences (African Seed Trade Association – AFSTA) fait partie de cette tendance. Sa mission déclarée est de «représenter les intérêts des industries semencières africaines et de promouvoir le développement de ces industries pour l’amélioration de la production agricole en Afrique.»[22] En théorie, une industrie semencière autochtone pourrait se développer pour faire face aux besoins des agriculteurs africains. Toutefois, des indications récentes montrent que les pressions financières poussent les entreprises semencières locales à établir des relations avec les grands monopoles, ou entraînent leur prise de contrôle total. Sensako, un producteur semencier local d’Afrique du Sud, a cédé une part majoritaire à Monsanto «pour concurrencer d’autres compagnies semencières transnationales»,[23] et une autre compagnie semencière sud-africaine, Carnia, a connu le même sort. Dans l’ensemble, on estime que les fusions entraîneront une perte d’emploi pour un quart du personnel.[24]

Que signifient ces développements pour les millions de petits agriculteurs qui dépendent pour leur subsistance  de la semence gardée à la ferme ? Les débats sur la réforme agricole africaine portent sur la nécessité de fournir aux agriculteurs un accès à des semences de qualité et aux nouveaux développements de la recherche et d’améliorer les recettes à l’exportation. Toutefois, peu d’agriculteurs africains disposent de fonds nécessaires pour acquérir les semences à haut rendement, et encore moins des variétés transgéniques, qui sont généralement conçues de façon à contraindre l’agriculteur à acheter les lots d’herbicides et de pesticides qui y sont associés, et qui sont produits par la même compagnie. En outre, un contrôle plus strict de la propriété intellectuelle empêchera les agriculteurs de conserver et d’échanger les semences ‘protégées’.

Les obligations de l’ADPIC

Les obligations découlant des ADPIC imposent aux pays Membres de l'OMC, l’introduction de droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales, ce qui intensifieraient la menace sur les semences conservées au champ. Bien que certains pays africains soient en train d’adopter des approches novatrices pour faire face à cette exigence, quinze pays francophones formant l’Organisation africaine de propriété intellectuelle (OAPI) ont signé l’an dernier un accord réactualisant leur législation commune relative aux droits de propriété intellectuelle (DPI). Outre les brevets, les droits d’auteur et les marques de fabrique, cet accord – l’Accord de Bangui révisé – contient un régime de protection des variétés végétales qui est presque une copie conforme de la très restrictive Convention de l’Union pour la protection des Obtentions végétales (UPOV) de 1991.[25] [26] L’Accord interdit aux agriculteurs, de façon explicite, de garder des semences qui sont enregistrées au titre du système de la Protection des variétés végétales dans le cas des espèces  forestières, des fruits et des plantes ornementales, à moins d’exemptions spécifiques accordées par les autorités publiques. Les bénéficiaires les plus probables de ce programme – les compagnies semencières européennes et américaines –bénéficieront de droits monopolistiques exclusifs sur les nouvelles variétés et les agriculteurs  africains  auront à payer une ‘taxe’ de propriété intellectuelle pour les  utiliser. Un seul pays, le Cameroun, a jusqu’ici ratifié le traité et il l’a fait sans débat parlementaire et sans discussion par la société civile. En fait, de nombreuses organisations d’agriculteurs, des scientifiques et des ONG dans différentes parties de l’Afrique francophone sont préoccupés par l’incidence de la nouvelle législation sur la biodiversité, la viabilité de l’activité agricole et les droits des collectivités. Certains estiment que c’est un cas typique de législation imposée de l’extérieur, sans participation des populations concernées par le développement, l’agriculture ou l’environnement. Alors que les droits de  quelques 20 millions d’agriculteurs sont affectés, il semblerait que, pour les partisans de cette législation, aucun sacrifice n’est trop grand dans la quête de la mondialisation de l’Afrique.

 

3.2 Biotechnologie : Soif de profit?

Le rôle de l’Afrique dans l’industrie biotechnologique a été massivement celui de pourvoyeur des matières premières utilisées par les institutions de recherche et par les entreprises transnationales de l’Occident. Toutefois, le rejet croissant des produits génétiquement modifiés par les consommateurs du Nord a accéléré la promotion vigoureuse de leur utilisation et de leur développement en Afrique et les Etats-Unis cherchent désespérément à trouver de nouveaux marchés pour leur industrie agricole de 60 milliards de dollars.

La biotechnologie est en train d’être poussée de manière agressive en Afrique, avec comme argument la rhétorique de «la lutte contre la famine, la dégradation de l’environnement et la pauvreté».[27] La récente Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique - qui garantit la création d’un climat favorable à l’investissement en Afrique pour les compagnies américaines, notamment la suppression de ce qu’elles appellent les ‘obstacles au commerce’ qui protègent l’agriculture locale – fera sûrement partie de cette promotion de la biotechnologie. Dans le cadre de cette loi, le ‘Partenariat pour la croissance et les opportunités pour l’Afrique’ est un programme d’échange scientifique pour rehausser la recherche en matière de biotechnologie agricole en Afrique subsaharienne et pour promouvoir «une prise de conscience» générale «des avantages que présente la biotechnologie pour les pays en développement».[28]  

A Alger, une Agence africaine pour la biotechnologie a été établie récemment pour aider à développer la biotechnologie à travers le continent.[29] Au Kenya, l’ISAAB (International Service for the Acquisition of Agri-Biotechnology) vise à «faciliter le transfert de la biotechnologie aux pays en développement essentiellement au profit des pauvres du milieu rural et des petits agriculteurs».[30] En Afrique du Sud, Monsanto, Delta and Pine Land, AgrEvo, Novartis, Pioneer Hi-Bred, ainsi que plusieurs institutions de recherche et des producteurs ont formé un important consortium appelé Africa-Bio, pour «constituer une voix forte en vue de faire pression sur les autorités publiques en faveur de la biotechnologie et de garantir que des obstacles au commerce non justifiés qui imposent des restrictions à ses Membres ne sont pas établies».[31]

L’incidence potentielle sur la sécurité alimentaire et sur l’agriculture en Afrique est immense. Bien que la nécessité d’améliorer la sécurité alimentaire et la productivité agricole en Afrique soit une préoccupation partagée par tous, il n’y a pas de problème de manque de nourriture, mais plutôt de distribution et d’accès, ce qui inclut les luttes des agriculteurs pauvres pour obtenir des crédits, le manque de structures de stockage et d’infrastructures adéquates.[32] Vingt-quatre représentants de vingt pays africains et trente organisations communautaires, écologiques et d’agriculteurs qui ont assisté à une réunion des Nations-Unies en août 1998 ont exprimé, en termes énergiques, dans une déclamation conjointe intitulée ‘Let the harvest continue’, leur rejet de la biotechnologie génétique, en déclarant qu’elle ne servait que les intérêts des entreprises du Nord et qu’elle était inadéquate pour les besoins des Africains.

En réalité, la majeure partie des essais sur le terrain et des mises en distribution commerciales des cultures transgéniques ont porté sur des cultures résistant aux herbicides et aux maladies plutôt que sur des développements qui pourraient avoir une réelle incidence sur la production alimentaire africaine, tels que l’amélioration de la fixation de l’azote, la sécheresse ou la résistance aux virus. L’industrie met l’accent sur les cultures à haut rendement qui offrent le plus d’opportunités pour les ventes à l’exportation, plutôt que sur les cultures vivrières de base communément utilisées par les Africains, tels que le sorgho ou le mil. En Afrique du Sud, où 165 essais sur le terrain et 5 mises en distribution commerciale de cultures transgéniques ont été approuvés au cours des cinq dernières années, plus de 90% des demandes d’essais de cultures transgéniques ont porté sur des souches résistantes aux herbicides et aux insectes. Les premières concernent essentiellement des cultures modifiées avec la bactérie Bacillus thuringiensis ou Bt, une toxine qui tue les insectes qui l’absorbent mais contre laquelle les insectes développement très rapidement une résistance. Les dernières sont modifiées pour être résistantes à la propre marque d’herbicide de l’entreprise, afin que l’agriculteur soit contraint d’acheter la semence et l’herbicide dans le même  lot. Soixante dix pour cent de ces demandes ont émané des grandes multinationales de la biotechnologie, notamment Monsanto, Pioneer Hi-Bred, AgrEvo, Delta and Pine Land, Novartis et DuPont.

En outre, la plupart des pays africains ne disposent pas des installations de base pour la plus simple des méthodes de culture de tissus, encore moins pour les techniques de génie génétique. Les pays qui sont en train de développer ou d’appliquer la biotechnologie moderne – Afrique du Sud, Egypte, Kenya, Nigeria et Zimbabwe -  le font sans disposer de capacités d’évaluation et de gestion des risques.[33] Bien que les cultures transgéniques aient été disséminées au Maroc, au Zimbabwe, en Egypte et en Afrique du Sud, il n’y a eu ni évaluation d’impact sur l’environnement, ni estimation pour déterminer si la culture était nécessaire et souhaitable. Et ceci, en dépit des résultats récents qui mettent en lumière les dangers potentiels de la biotechnologie pour la santé et l’environnement, et les préoccupations concernant l’incidence du génie génétique sur la biodiversité de l’Afrique.[34]

Loin d’être une panacée pour l’Afrique, le génie génétique draine avec lui une multitude de problèmes socio-économiques et écologiques pour le continent. La biotechnologie pourrait détruire les moyens de subsistance des petits agriculteurs d’Afrique. L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que l’incidence du génie génétique pourrait entraîner une perte d’emploi allant jusqu’à 50% dans les pays en développement.[35] Les techniques de génie génétique pourraient permettre aux entreprises de produire, en laboratoire ou dans les zones tempérées, des cultures qui actuellement poussent exclusivement dans les régions tropicales. Par exemple, près de 70.000 producteurs de vanille malgaches pourraient être menacés par la production d’arôme de vanille en laboratoire.[36] En outre, les rendements plus élevés des variétés de cacao transgénique exploitées par les grands producteurs agricoles commerciaux pourraient  faire baisser les prix et mettre en péril les marchés des petits producteurs de cette culture en Afrique de l’Ouest. La production industrielle de l’édulcorant thaumatine – tiré d’une plante ouest-africaine – menace les moyens de subsistance de milliers de personnes qui cueillent cette ressource dans la nature en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.

La commercialisation de la Technologie dite Terminator, conçue pour empêcher la reproduction des semences et garantir ainsi la répétition des ventes, ainsi que d’autres technologies coercitives qui imposent la dépendance vis-à-vis des compagnies semencières, aurait des effets indescriptibles sur les millions de petits agriculteurs à travers l’Afrique qui dépendent des semences gardées à la ferme. Ces agriculteurs n’ont simplement pas les moyens financiers pour racheter des semences tous les ans. Les demandes de brevets pour la Technologie Terminator dans au moins 90 pays en développement accentuent cette préoccupation. Monsanto et AstraZeneca avaient pris l’engagement public de ne pas commercialiser la Technologie Terminator, mais ne se sont pas longtemps tenus à ces promesses. En 1999, AstraZeneca a mené son premier essai de terrain sur la technologie de la stérilisation des semences au Royaume Uni, et Terminator est actuellement en ‘voie rapide’ de commercialisation.[37]

L’agrobusiness mettra toujours l’accent sur les produits qui génèrent des ventes assez importantes pour lui permettre de rentrer dans ses fonds et de créer des profits, alors que ce sont les populations et l’environnement qui supporteront les risques et les coûts entraînés par le génie génétique dans l’agriculture. Il est contradictoire que les priorités du profit contrôlent les priorités de développement des besoins fondamentaux tels que l’alimentation et la santé. La sécurité alimentaire, le développement humain et la viabilité de l’environnement ne figurent simplement pas comme facteurs dans ce système de valeur.

3.3 Santé

Un scénario similaire se déroule pour la santé en Afrique. La privatisation et la distorsion des mesures commerciales et de propriété intellectuelle sont favorisés au détriment de la satisfaction des besoins fondamentaux de la majorité de la population. Comme pour l’agriculture, deux systèmes de médecine coexistent en Afrique, l’un fondé sur la médecine traditionnelle, l’autre sur des approches occidentales de la santé et de l’utilisation de produits pharmaceutiques. La médecine occidentale a prédominé dans la plupart des systèmes de santé nationaux, mais de nombreux pays commencent à intégrer la médecine traditionnelle dans leurs programmes officiels de santé.[38]

Le système de médecine traditionnelle se sert de la biodiversité comme partie intégrante d’un système proprement africain, fondé sur un processus de guérison spirituelle, une éthique écologique et des croyances ancestrales. Les connaissances et les observations sont transmises d’une génération à l’autre, ce qui donne un système de santé qui est généralement partagé  à travers les barrières ethniques et culturelles, mais qui est également en évolution constante et fortement influencée par des facteurs sociaux, économiques et politiques.[39]

La médecine traditionnelle est meilleur marché et plus accessible que la médecine occidentale : en Afrique subsaharienne, il y a un tradi-praticien pour 100 à 1.000 personnes. Le rapport pour les médecins de type occidental est typiquement de 1 pour 10.000 à100.000.[40] Pour environ 70 à 80% de la population africaine, tant rurale qu’urbaine, qui dépend de la médecine traditionnelle et des variétés végétales et animales sur lesquelles cette médecine est fondée, la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité sont d’une importance vitale.

De nombreuses espèces utilisées dans la phytothérapie sont collectées dans la nature. En Afrique, les plantes médicinales sont souvent récoltées plus vite qu’elles ne poussent pour faire face à la demande, et un nombre croissant de ces plantes deviennent rares et vulnérables. La conservation est cruciale non seulement pour protéger la biodiversité, mais aussi pour répondre aux besoins de santé du continent. Avec une croissance annuelle de 10% des marchés aux Etats-Unis et en Europe pour les produits issus de plantes médicinales africaines, telles que l’écorce du Prunus africana, utilisé dans le traitement de la prostate, et avec la croissance démographique rapide en Afrique, les pressions sur ces ressources ne feront qu’augmenter.

La plupart des 150 principaux médicaments de prescription d’origine végétale sont liés aux connaissances médicales traditionnelles de collectivités à travers le monde.[41] L’exploitation des connaissances traditionnelles par les acteurs puissants de l’économie mondiale, à l’aide des nouvelles technologies et avec la protection de leurs profits par des lois sur les brevets, est, aujourd’hui, une excellente affaire. L’Afrique n’a encore produit le médicament ‘à grand succès’, mais les connaissances traditionnelles africaines ont servi à identifier et à développer de nombreux produits commerciaux, ayant une valeur médicale, cosmétique, alimentaire, ou agricole. Dans de nombreux cas, ceux-ci ont été brevetés par des chercheurs ou des compagnies dans les pays industriels, sans qu’il soit tenu compte des premiers dépositaires des connaissances ou de la technologie. (Voir Tableau 1, page 14).

Le brevetage pose problème pour les systèmes de santé tant traditionnels que modernes. Le brevetage non seulement il permet le piratage de la médecine traditionnelle, mais aussi rend les médicaments d’origine végétale moins accessibles, par exemple, en entraînant la rareté du Prunus africana utilisé dans le traitement de la prostate. Il monopolise également le marché des médicaments modernes et les maintient artificiellement à des prix élevés, ce qui met le système de santé moderne hors de portée de la majeure partie des populations démunies.

Le grand paradoxe est donc que les médicaments modernes, obtenus à partir de la médecine traditionnelle africaine sont peu susceptibles d’aider à résoudre les crises sanitaires qui affectent la région. Les mêmes firmes qui dominent les industries agrochimiques et semencières fusionnent en outre de plus en plus avec l’industrie pharmaceutique. Dans cinq ans, il se peut qu’elles possèdent 75% des compagnies pharmaceutiques à travers le monde. A un coût estimé à 300 millions de dollars pour le développement et l’introduction d’un nouveau médicament, ces firmes se concentrent clairement sur les produits destinés aux riches marchés du Nord – médicaments anti-obésité, anti-dépresseurs, tonicardiaques, traitements du cancer – plutôt que sur les médicaments qui pourraient transformer la vie de millions d’Africains souffrant du paludisme, de la tuberculose et de la malnutrition. En moyenne, les Africains dépensent moins de 10 dollars par personne et par an pour les soins de santé, et leurs gouvernements lourdement endettés ne sont ni en mesure, ni désireux de subventionner des traitements médicaux adéquats. Même les médicaments qui sont appropriés – tels que les médicaments pour le SIDA – sont scandaleusement chers pour la plupart des pays en développement (Voir encadré).

L’Accord sur les ADPIC accentuera le manque d’accès en rehaussant le prix des médicaments et en renforçant la concentration de la recherche et du développement dans les pays industriels. En outre, la révision actuelle et l’élargissement de l’Accord général de l’OMC sur le commerce des services (GATS) contraindront les pays à ouvrir leurs services de santé aux entreprises commerciales et transnationales étrangères. La privatisation et l’appropriation étrangère auront de graves implications pour la majeure partie des populations à travers le monde qui simplement n’ont pas les moyens de payer pour des services de santé.

Tableau 1.   Principaux brevets sur la biodiversité africaine
Espèces Numéro et titulaire du  brevet Utilisation et partage des avantages
Forskoline (Coleus forskohlii) US 4,724,238; EP 0265,810; IN 162,171; IN 147,030; IN 143,875 détenu par Hoechst (DE)

Traditionnellement utilisée en médecine à travers l’Afrique, l’Inde et le Brésil. Le brevet s’applique à l’utilisation des propriétés anti-inflammatoires et analgésiques de la Forskoline.

Combretastatine A4, isolée du Combretum caffrum (Bushwillow du Cap) US 4,996,237; WO 9405682 détenu par l’Université de l’Arizona (USA) et  inventeurs italiens.

Plusieurs espèces de Combretum sont utilisées en  médecine traditionnelle africaine et indienne. Le brevet porte sur l’utilisation du composé dans le traitement de la leucémie lymphocitaire et du cancer du colon ainsi que sur les méthodes servant à extraire et à isoler la combretastatine. OXIGENE a une option pour acquérir une licence exclusive mondiale avec redevances pour ces composés.

Myrrhe (Commiphora molmol) JP 10298097 détenu par un Japonais – Aamedo Mohamedo Ari Masoudo

Son utilisation traditionnelle remonte à l’Egypte ancienne. Le brevet s’applique au traitement de la schistosomiase

Igname jaune (Dioscorea dumetorum) US 5,019,580 détenu par  Shaman Pharmaceuticals et M. Iwu

Utilisée en médecine tradidtionnelle ouest-africaine pour traiter le diabète. Le brevet s’applique à l’utilisation de la  dioscorétine  pour le traitement du diabète.

Monelline  des baies du Dioscoreophyllum cumminisii  (Serendipity berries)[42] US 3,998,798; JP 5,070,494 détenu par l’Université de Pennsylvanie(USA) et Kirin Brewery Ltd (Japon)

Université de Pennsylvanie (USA) and Kirin Brewery Ltd (Japon)

Utilisé depuis des siècles en Afrique de l’Ouest pour sucrer les aliments et les boissons.
Harpagophytum procumbens US 5,888,514 détenu par  Weisman Bernard (US); WO 9744051 détenu par  Finzelberg S Nachfolger Gmbh (DE) et les inventeurs

Espèce endémique en Afrique du Sud, en Namibie,  et au Botswana, où elle a une longue histoire d’utilisation traditionnelle et est également récoltée pour le commerce international. Les brevets couvrent l’utilisation des extraits pour traiter  différentes formes d’asthme bronchique, la colite ulcéreuse, la maladie de Chrohn, le rhumatisme, et l’inflammation des os et des articulations. Il n’y a aucune modalité connue de partage des avantages.  

Harungana vismia US 5,837,255 détenu par  Shaman Pharmaceuticals Inc. (USA)

Histoire d’utilisation médicinale traditionnelle dans un certain nombre de pays africains. Produit orienté vers  le traitement de l’hypoglycémie et du diabète.

Espèces d’ Hypoxis et de Spiloxene US 4,652,636 (1987) détenu par  Roecar Holdings NV (Pays-Bas)

Plantes originaires d’Afrique australe où elles ont été traditionnellement utilisées pour traiter les tumeurs et les infections. Le brevet s’applique à l’utilisation du composé pour le traitement de tout cancer, à l’exception de la leucémie lymphocitique.

Famille des Mesembryanthema-cées , comprenant le Sceletium tortuosum WO 9,746,234 détenu par  Farmac Nederland B V (Pays-Bas) et des nationaux sud-africains.

Traditionnellement utilisé par des collectivités en Afrique australe comme substance enivrante et comme sédatif. Le brevet confère un monopole sur l’utilisation de la mesembrine et des composés connexes dans le traitement des troubles mentaux.

Brazzéine ("J'oublie") (Pentadiplandra brazzeana)[43] US 5,527,555; US 5,326,580; US 5,346,998; US 5,741,537 détenus par l’Université du Wisconsin (USA)

Plante originaire du Gabon où elle sert depuis longtemps comme édulcorant. Le brevet s’applique au composé protéique édulcorant, au gène de la Brazzéine et aux organismes transgéniques exprimant le gène. Ceci supprimera la nécessité de cueillir ou de cultiver commercialement la plante en Afrique de l’ouest. Prodigene est en train d’introduire le gène dans le maïs. Il y a des projets de partage des avantages avec les populations d’Afrique de l’ouest qui ont découvert et développé la ressource.

Pygeum (Prunus Africana)[44] US 3,856,946; FR 2,605,886 détenu par  Debat Lab (France)

Cet arbre est originaire des forêts de montagne africaines et connaît une large dissémination. Traditionnellement utilisé pour la sculpture et dans une certaine mesure à des fins médicinales.[45] Son utilisation pour le traitement des troubles de la prostate a entraîné des ventes de quelques 150 millions de dollars par an, mais également une surexploitation grave dans de nombreuses zones.

Thaumatine du (Thaumatococcus danielli)[46] US 4,011,206
US 5,464,770 détenu par  Tate & Lyle (RU) et Xoma Corp (USA)

La plante est originaire d’Afrique de l’Ouest  et des chercheurs de l’Université d’Ife au Nigeria ont été les premiers à identifier son potentiel en tant qu’édulcorant. Le gène a depuis lors été cloné et utilisé comme édulcorant dans la confiserie. Les populations sur les terres où cette plante  a été obtenue n’ont reçu aucune compensation.[47]

Champignon (Eupenicillium shearii) US 5,492,902 détenu par le Dépt américain de Agriculture; Research Foundation de l’Université de l’Iowa; et Biotechnology Research and Development (USA) Champignon provenant des sols de la Côte d’Ivoire. Destinée à servir d’insecticide.
Nouvelle souche du virusVIH-1  US 5,019,510 détenu par l’Institut Pasteur (France) La souche a été isolée chez un médecin gabonais. Le brevet est revendiqué pour le virus et pour sa séquence d’ADN. 

 

L’accès de l’Afrique du Sud aux médicaments du SIDA

Les politiques visant à réduire les coûts des médicaments dont on a grandement besoin pour résoudre les problèmes de santé publique en Afrique sont en train d’être vigoureusement contestés par les entreprises pharmaceutiques comme contrevenant à leurs droits en matière de brevets et comme constituant une violation des réglementations de l’OMC.

Pour tenter d’alléger les problèmes de santé publique, l’Afrique du Sud a établi des licences obligatoires qui autorisent les fabricants locaux à fabriquer des versions bon marché des médicaments encore sous brevets, et a autorisé l’importation parallèle de médicaments, ce qui permet de les importer à des coûts moindres que ceux que les fabricants veulent imposer. Dans un pays où 20% des jeunes et des femmes enceintes sont atteints du VIH/SIDA, la loi donnerait accès à des médicaments tels que l’AZT qui réduisent la transmission du virus de la femme enceinte au bébé.

Tant les licences obligatoires que l’importation parallèle sont effectivement autorisées au titre de l’Accord sur les ADPIC de l’OMC. Malgré cela, le gouvernement américain, à la demande de 41 des plus grandes compagnies pharmaceutiques du monde, a choisi une interprétation différente et a menacé de prendre des sanctions commerciales et autres – notamment la suppression de l’aide – pour faire pression  sur le gouvernement sud-africain pour qu’il abroge sa législation. La détermination de l’Afrique du Sud  de ne pas revenir sur sa décision, avec l’appui du lobby d’activistes aux Etats-Unis concernés par le SIDA, a réussi, en décembre, à embarrasser l’administration Clinton et à la forcer à battre en retraite.

Loin de se laisser décourager, les compagnies pharmaceutiques internationales poursuivent actuellement le gouvernement sud-africain devant les tribunaux nationaux. Le gouvernement sud-africain reste déterminé à introduire des mesures pour réduire le coût des médicaments. Avec 23,3 millions d’Africains contaminés par le virus du SIDA, la position de l’Afrique du Sud en faveur de médicaments à des prix abordables pourrait créer un précédent majeur pour la région, et en fait, pour d’autres pays en développement. Toutefois, le cas montre également comment les droits de propriété intellectuelle entrent en conflit avec la fourniture de soins médicaux décents aux populations démunies, parce que les compagnies ne sont nullement tenues de développer des produits utiles ou de les mettre à disposition à des prix abordables. Ainsi, les Etats-Unis ont empêché l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de développer des médicaments fondés sur des brevets médicaux appartenant au gouvernement américain, même pour des médicaments identifiés sur la ‘liste essentielle de l’OMS’ comme étant cruciaux pour résoudre les crises sanitaires mondiales.

 

4. Commercialisation et bioprospection

4.1 Commercialisation pour les collectivités ?

Au vu de la situation actuelle,  comment les énormes ressources biologiques ainsi que  les innovations humaines du continent africain peuvent-elles être utilisées  au profit de la région ? une solution qui a l’approbation d’acteurs aussi divers que la Banque mondiale, les gouvernements nationaux, les agences des Nations-Unies, les ONG et le secteur privé, est la commercialisation active de la biodiversité et des connaissances et technologies des collectivités dans le cadre des dispositions relatives au partage des avantages et à la conservation dans la Convention sur la diversité biologique (CDB). La biodiversité, soutiennent-ils, ne peut être conservée de façon adéquate sans retombées économiques : grâce à la commercialisation, les richesses biologiques des pays en développement seront valorisées et offriront des opportunités économiques ainsi qu’un transfert de technologie et une constitution de capacités qui font tant défaut. Toutefois, en pratique, la commercialisation est en train de transférer le contrôle et le développement de la biodiversité essentiellement  aux entreprises et instituts du Nord,  avec des retombées peu significatives pour les collectivités sur le terrain.

Tous les jours, de plus en plus de ressources biologiques africaines sont recueillies à des fins commerciales, pour être triées pour leurs potentialités thérapeutiques ou d’autres avantages, ou pour être conditionnées et commercialisées comme médicaments à base de plantes, cosmétiques ou autres produits naturels. Des informations en provenance de la Namibie, du Sénégal, de l’Ouganda, du Kenya, de l’Afrique du Sud, de Maurice, du Zimbabwe, du Cameroun et de l’Ethiopie indiquent un accroissement de la bioprospection.[48] Il y a également un intérêt accru au niveau local : les universités, les musées, les jardins botaniques et d’autres institutions de recherche collaborent à des accords de bioprospection. Ils fournissent aux compagnies et aux institutions de recherche étrangères une aide dans les collectes sur le terrain, la fourniture de matériel biologique ou d’information, et dans de très rares cas où la capacité existe, ils participent directement à la découverte de nouveaux produits. Des biologistes, des chimistes et des guérisseurs dans les pays en développement sont contactés à titre individuel par des compagnies ou des institutions de recherche étrangères qui désirent explorer  la biodiversité d’un pays et – généralement par manque de sensibilisation – ceux-ci acceptent des paiements ponctuels ou passent des accords non conformes aux dispositions en matière d’accès et de partage des avantages figurant dans la Convention sur la diversité biologique. En raison des budgets de plus en plus réduits de la recherche publique, les universités et les institutions de recherche des pays en développement sont particulièrement vulnérables à l’attrait des institutions scientifiques et des compagnies du monde occidental.

Principales initiatives de bioprospection en Afrique

CSIR, Phytopharm et Pfizer

CSIR, un institut de recherche para-étatique d’Afrique du sud, et la compagnie Phytopharm, basée au Royaume-Uni, comptent développer un médicament contre l’obésité tiré du Hoodia, une plante originaire de la région et connue depuis longtemps par les populations San pour calmer la soif et la faim. Ce coupe-faim peut devenir le premier médicament très populaire tiré d’une plante africaine,[49]avec un marché potentiel estimé à plus de 3 milliards de dollars. Aucun arrangement de partage des avantages n’a été développé pour les populations dépositaires de ces connaissances. Le géant pharmaceutique américain Pfizer doit entreprendre d’autres initiatives de développement et de commercialisation. Ceci fait partie d’un programme de bioprospection beaucoup plus large pour le CSIR, destiné à exploiter les connaissances traditionnelles pour mener des investigations sur la majeure partie des 23.000 plantes du pays, en vue de déceler leurs propriétés ayant une valeur commerciale. Ceci se fait dans le cadre d’un accord entre le CSIR et un comité de dix guérisseurs, et soulève des questions sensibles sur la façon dont les communautés plus larges de guérisseurs d’Afrique du Sud doivent tirer profit de la commercialisation.[50]

- Bioresources Development and Conservation Programme (BDCP)

Le BDCP (Programme de développement et de conservation des ressources de la biodiversité) est une ONG basée au Nigeria ayant un bureau international aux Etats-Unis et des centres administratifs et de recherche au Cameroun, au Ghana, en Guinée et au Kenya. Agissant en tant qu’intermédiaire, l’organisation vise à forger des partenariats entre les pays africains et des institutions des pays industriels, à promouvoir des compétences scientifiques et techniques pour permettre à l’Afrique de développer et de breveter des ressources locales, et d’entrer en concurrence sur un pied d’égalité avec les compagnies du Nord. Le Programme se concentre sur le développement de traitements contre le paludisme, la leishmaniose, la trypanosomiase et d’autres maladies tropicales généralement négligées par les firmes pharmaceutiques occidentales. Une majeure partie de ce travail se fait à travers International Cooperative Biodiversity Group, un projet sous l’égide des organisations suivantes : the National  Institute of Health, the US National Science Foundation, et l’USAID (US Agency for International Development).

La compagnie Axxon Biopharm Inc., basée aux Etats-Unis, branche commerciale du BDCP, a fabriqué jusqu’ici cinq produits à partir d’espèces africaines. Bien que Axxon déclare «reconnaître de façon appropriée les droits de propriété intellectuelle des individus et des collectivités qui contribuent à notre succès» à travers les mécanismes de partage des avantages du BDCP, l’on ne voit pas clairement comment ceci s’effectue. Integrated Rural Development and Traditional Medicine, établi par le BDCP grâce à des contributions de Shaman Pharmaceuticals, The Healing Forest Conservancy, et l’ICBG, gère les fonds pour «la conservation, le développement de médicaments et le bien-être socio-économique des collectivités rurales».

Bioprospection et renforcement des capacités en Afrique de l’Est

Basé à Nairobi, au Kenya, l’ICIPE (International Centre of Insect Physiology and Ecology) est un institut non-gouvernemental de recherche avancée et de formation dans le domaine de l’entomologie. La bioprospection est une activité majeure de l’ICIPE, bien que l’organisation n’ait pas encore développé d’accord concret et qu’elle se concentre actuellement sur la sensibilisation et la constitution de capacités en la matière parmi les institutions d’Afrique de l’Est. Ceci se fait dans le cadre d’ateliers, et de la coordination de deux projets majeurs portant sur la bioprospection.

Le premier projet, financé par l’OMS, la Banque mondiale et le PNUD, fait intervenir des institutions de recherche de Tanzanie,  d’Ouganda, d’Ethiopie et du Kenya dans une initiative de bioprospection axée sur des plantes qui repoussent les moustiques et des plantes insecticides d’Afrique de l’Est. Le second, financé par l’International Centre for Scientific Culture, affilié aux Nations-Unies, vise à fournir gratuitement des services de spectrométrie de masse aux chercheurs africains qui font de la recherche sur les produits naturels d’origine végétale et animale, mais qui n’ont pas accès à de telles structures. Ce projet offre également un programme de bourses aux chercheurs africains. Ce qui est important, c’est que l’ICIPE a développé un Mémorandum d’accord avec le Ministère de l’environnement et des ressources naturelles et avec Kenya Wildlife Service, qui indique comment les avantages seraient partagés entre les institutions en cas de commercialisation. La recherche sur la biodiversité, la conservation et le développement rural sont des priorités à cet égard.

L’ICIPE est également en train de travailler, avec une ONG belge, l’Organisation internationale pour les sciences chimiques dans le développement (International Organisation for Chemical Sciences in Development – IOCD), à la préparation d’un programme d’atelier et de cours de formation dans le domaine de la bioprospection. L’IOCD dirige un «Fonds pour l’exploration en biotique», qui collecte des fonds pour «aider les pays en développement à constituer des capacités scientifiques et de gestion pour la bioprospection».[51] Il y a un projet de programme pour l’Ouganda, après le travail au Kenya et en Afrique du Sud. Toutefois, l’initiative est soutenue financièrement par Monsanto, Ciba-Geigy, Novartis et plusieurs autres grandes entreprises agrochimiques et pharmaceutiques,[52] ce qui laisse sceptiques beaucoup de personnes à propos de l’initiative. D’autres s’interrogent sur son efficacité : peu d’information a filtré sur des initiatives similaires menées en Afrique du Sud en 1996. 

Un problème majeur est que la plupart des pays africains ne disposent pas des capacités technologiques et scientifiques pour tirer parti des collaborations commerciales et des opportunités créées par la Convention sur la diversité biologique. Il leur manque également les compétences nécessaires pour négocier et assurer un arrangement équitable, une contrainte renforcée par l’absence, dans la plupart des pays africains, de législation pour réglementer l’accès aux ressources génétiques et fixer des paramètres pour le partage des avantages. Dans ces conditions, comment la commercialisation de la biodiversité peut-elle être autre chose qu’un renforcement du rôle de l’Afrique en tant que riche filon de matières premières vouées à l’expropriation, n’offrant au mieux que des avantages peu significatifs pour les économies africaines en difficulté ?

Certains pays africains – notamment l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigéria – ont été en mesure d’entamer le processus, avec la fourniture d’information et de ressources ‘à valeur ajoutée’, en menant la recherche et le développement au niveau local, et dans certains cas, en ayant accès aux technologies de criblage et au développement des produits (voir encadré). De tels projets ont certes, dans une certaine mesure, renforcé les institutions, les capacités scientifiques, les inventaires de la biodiversité au niveau local, mais il y a toujours peu d’indication sur la  façon de rehausser le niveau socio-économique des populations africaines, de créer des incitations pour la conservation de la biodiversité, de rétribuer les personnes qui génèrent  des connaissances et des technologies dans les collectivités, et de résoudre les questions sensibles du brevetage des formes de vie. En bref, la commercialisation semble à terme servir plutôt que corriger les déséquilibres et les inégalités économiques du système commercial mondial.   

Certains, en Afrique du Sud par exemple, doutent que la bioprospection puisse apporter des avantages réels, et reconnaissent de plus en plus la nécessité de développer et d’appuyer des industries fondées sur les médicaments à base de plantes, les produits de soins personnels et les compléments alimentaires.[53] Cette option présente moins de risques et de lenteurs,[54] permet l’utilisation de technologies plus appropriées pour les pays en développement et offre plus de chances de voir les avantages arriver sur le terrain. Ainsi, en Afrique du Sud, un programme de création d’emplois pour des mineurs licenciés s’occupe activement de la production commerciale d’une bière à partir de l’arbre local marula ; en Namibie, une coopérative de   femmes intervient dans la commercialisation d’une ressource que celles-ci utilisent et développent depuis  longtemps ; et au Botswana et au Zimbabwe, de nombreux projets sont lancés pour développer des produits, projets qui sont la propriété des collectivités locales et qui sont gérés par celles-ci. Les pays ont manifestement besoin de développer des stratégies pour répondre à la bioprospection et à la quête de nouveaux médicaments et d’autres produits, mais l’Afrique est mieux placée pour investir ses énergies dans des solutions plus axées sur le milieu local pour les crises économiques et écologiques et qui apportent des améliorations économiques tangibles aux moyens de subsistance locaux.  

5. Restaurer les droits de l’Afrique

5.1 Renaissance africaine : fora mondiaux et force régionale

Comment les gouvernements, les agriculteurs, les ONG et les collectivités d’Afrique réagissent-ils à ces changements fondamentaux dans l’agriculture et la santé et aux incursions dans la tradition et la culture africaines ? La voie est-elle ouverte à une nouvelle forme de colonisation plus puissante, où l’Afrique se trouve sans défense face à des conditionnalités économiques et à des pressions commerciales ?

C’est tout le contraire. En dépit des énormes obstacles auxquels le continent est confronté, en ce début de millénaire, une nouvelle phase politique dynamique est en cours en Afrique, identifiée comme étant la « seconde lutte pour l’indépendance» ou, selon le Président sud-africain Thabo Mbeki, une «Renaissance africaine». Ceci se reflète à de nombreux niveaux, et par différentes voies.  D’Addis Abéba à Cape Town, le continent est appelé à trouver des «solutions africaines aux problèmes africains», en faisant fi du pessimisme, en prenant le contrôle de son propre avenir, en rompant les relations néocoloniales avec les puissances économiques du monde, et en recherchant de façon vigoureuse le redressement économique du continent. Il y a des initiatives pour protéger les droits et les intérêts des collectivités locales et autochtones, rejeter le brevetage des formes de vie et développer des technologies et des innovations locales qui soient appropriées pour les conditions et les besoins locaux.

Dans les rencontres internationales, ces sentiments sont illustrés par le rôle de plus en plus influent de l’Afrique dans les différentes initiatives émanant de la CDB  et de l’OMC.     

L’effondrement spectaculaire, en novembre 1999, de la Troisième Réunion de l’OMC à Seattle a résulté en partie d’une révolte menée conjointement par les pays en développement, au premier rang desquels le Groupe Africain des Ambassadeurs, contre les pays industriels déterminés à leur faire accepter un accord. Dans une déclaration sans précédent, rédigée en termes forts au cours de la réunion du 2 décembre 1999, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et la Commission économique pour l’Afrique (CEA) ont averti :

«Il n’y a pas de transparence dans les travaux et les pays africains se trouvent marginalisés et généralement exclus des questions qui sont d’une importance vitale pour nos populations et pour leur avenir … Nous rejetons l’approche utilisée et nous devons souligner que dans les circonstances actuelles, nous ne serons pas en mesure d’adhérer au consensus requis pour remplir les objectifs de la Conférence Ministérielle. Nous espérons donc que nos préoccupations exprimées de manière constante par les pays africains … seront prises en compte de façon adéquate».

L’OMC – et en fait l’ensemble du projet de mondialisation – a subi une perte de légitimité stupéfiante à Seattle. L’effondrement de la série de négociations commerciales a été non seulement une affirmation des doléances des pays en développement, mais également une opportunité pour contester davantage la façon dont l’OMC sert les intérêts des pays industriels et de leurs entreprises. Le Groupe Africain maintient toujours son refus d’accepter une nouvelle série de pourparlers commerciaux tant que ses préoccupations concernant les déséquilibres à l’OMC et dans le système commercial mondial n’ont pas été prises en compte. Le Président de Conseil Général de l’OMC, Ali Mchumo de Tanzanie, a déclaré qu’en s’appuyant sur leur nouvelle force et sur leur nouvelle solidarité qui ont vu le jour à Seattle, les PMA (pays les moins avancés) continueraient à lutter pour corriger les déséquilibres des accords commerciaux antérieurs.[55]   

Plus spécifiquement, le point de vue du Groupe Africain sur la révision de l’Accord sur les ADPIC a été une prise de position majeure. Dans la phase menant à Seattle, les gouvernements africains, les organismes régionaux tels que l’OUA,[56] la SADC (South African Development Community),[57] et le Groupe Africain des Ambassadeurs, avaient affirmé:

*       Leur rejet du brevetage des formes de vie ; [58]

*       La nécessité d’exclure, dans l’Accord sur les ADPIC, les micro-organismes et les procédés microbiologiques de la brevetabillité ;[59]

*       L’importance du maintien de la flexibilité dans l’article 27.3(b) des ADPIC pour protéger les variétés végétales par les systèmes sui generis, et la nécessité d’avoir de tels systèmes pour protéger les innovations et les pratiques des collectivités agricoles ;

*       La nécessité d’harmoniser les ADPIC avec la CDB et l’Engagement International : et

*       L’importance d’assouplir les droits exclusifs des détenteurs de brevets en ce qui concerne les médicaments listés comme essentiels par l’OMS.

La position africaine sur les ADPIC est appuyée par de nombreux pays en développement tels que Cuba, la République dominicaine, l’Egypte, le Salvador, le Honduras, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Pakistan et l’Ouganda. En outre, des mouvements populaires et des ONG à travers le monde ont exhorté leurs gouvernements à appuyer la position du Groupe Africain.

L’effondrement de la série de négociations de l’OMC a laissé non résolue la question sensible des brevets sur le vivant, ainsi que les divergences entre les positions des pays en développement et celles des  pays développés. Bien que la plupart des pays en développement auraient dû mettre en œuvre l’Accord sur les ADPIC à compter du 1er janvier 2000, 80% des pays africains soumis à cette obligation ne l’ont pas encore fait.[60] On signale des pressions américaines croissantes à travers les ‘Réunions portant sur l’observation des ADPIC de l’OMC’ pour l’adoption des régimes de brevets en Afrique, réunions qui présentent les brevets sur le vivant comme inévitables, mais sans fournir d’information sur l’impasse dans laquelle on se trouve actuellement à l’OMC. Lors d’une réunion, le conseiller juridique de la SADC ne disposait d’aucune information sur la déclaration forte de la SADC à Seattle à propos des brevets sur le vivant.[61] En fait, étant donné la situation actuelle à Genève, le réexamen des ADPIC pourrait se prolonger bien après 2000. Ceci donne au Groupe Africain une occasion en or pour raffermir sa position, qui est en fait la proposition la plus globale pour faire avancer le débat en faveur des pays en développement.[62]         

Par-dessus tout, dans le rejet des ADPIC, l’Afrique plaide pour que l’OMC permette aux Etats Membres de maintenir des systèmes de leur propre choix afin de garantir, au niveau national, la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance, la santé et le développement d’une agriculture viable. Au niveau régional, des initiatives sont en cours pour mettre de tels systèmes en place.

La position africaine forte et unifiée a contribué à des prises de position progressistes sur les conséquences écologiques, éthiques, sociales et économiques de la biotechnologie moderne dans le cadre du Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques. Durant les deux dernières réunions du Protocole, le Groupe Africain a été désigné pour diriger le Groupe de pays animés du même esprit - ‘Like-Minded Group’[63] – dans les négociations. Le Groupe Africain était d’autant mieux placé pour le faire qu’il étudiait la question et développait sa position depuis un certain nombre d’années. La force de l’Afrique, jointe à celle de la plupart des pays en développement, et le contrecoup du fiasco de la réunion de l’OMC à Seattle, ont contribué à créer le contexte dans lequel il y a eu un accord sur un Protocole sur la prévention des risques biotechnologiques.

L’OUA a développé une ‘législation africaine type pour la protection des droits des collectivités locales, des agriculteurs et des sélectionneurs et pour la réglementation de l’accès aux ressources biologiques’. Cette législation type vise à «garantir la conservation, l’évaluation et l’utilisation durable des ressources biologiques, notamment des ressources génétiques agricoles, et des connaissances et technologies, afin d’en maintenir et d’en améliorer la diversité comme un moyen de soutenir les systèmes d’entretien de la vie». De façon primordiale, elle rejette les droits de propriété intellectuelle et énonce des alternatives à l’UPOV pour la protection des variétés végétales.

En coopération avec l’OUA, la SADC est en train d’élaborer un cadre législatif commun pour les droits sui generis, notamment en prenant en compte différentes activités sectorielles dans un pays – des produits horticoles aux cultures allogames, en passant par les plantes médicinales. Une autre initiative récente de l’OUA a abouti à un projet de législation type en matière de prévention des risques biotechnologiques, qui rendrait illégal pour un pays l’exportation d’aliments transgéniques sans que ce pays ne recherche au préalable l’autorisation du pays importateur.[64] Ces entreprises menées en coopération et ces débats contribuent à permettre aux gouvernements d’établir des régimes nationaux pour réglementer la biotechnologie, contrôler l’accès aux ressources génétiques, assurer un partage équitable des avantages et protéger les droits des agriculteurs, des collectivités et des sélectionneurs de variétés végétales.          

5.2 Législation nationale et initiatives à la base

Il est certes encore trop tôt pour évaluer l’incidence des processus de l’OUA, mais il est incontestable que les gouvernements sont de plus en plus conscients de l’urgence de la mise en œuvre de mesures pour traiter de ces questions. Dans de nombreux pays, l’obligation faite aux Etats Membres de créer, au titre des ADPIC, des droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales, a fourni une impulsion majeure. Les pays ayant des activités importantes en matière de sélection des variété végétales, tels que l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Kenya, disposent depuis longtemps d’une législation dans ce domaine. Au Zimbabwe, cette législation fait de plus en plus l’objet d’examens et des efforts sont en cours pour développer une législation sui generis, en conformité avec la proposition de la SADC exposée ci-dessus. D’autres pays tels que la Zambie, se sont attachés à créer une Loi relative aux sélectionneurs de variétés végétales - Plant Breeders Act – actuellement en voie de formulation à travers une large consultation.[65] En Ouganda, un projet de législation visant la protection des droits des collectivités a été soumis et fait l’objet d’un processus de consultation. Dans un certain nombre de pays africains, notamment l’Ethiopie et l’Afrique du Sud, des processus sont en cours pour garantir la protection des connaissances traditionnelles et des droits des agriculteurs, bien que l’Afrique du Sud en particulier soit confrontée à des groupes de pression puissants qui y sont opposés.

Au niveau national, des contraintes permanentes en matière de capacité, de ressources, d’intérêts établis, de corruption et de manque de volonté politique constituent des obstacles cruciaux à la prise de conscience des autorités publiques et à leur capacité à appuyer et à largement mettre en œuvre la position conjointe progressiste adoptée par les négociateurs africains dans les enceintes internationales. Un problème majeur, et qui n’est pas propre à l’Afrique, est qu’il n’y a généralement pas de liens institutionnels entre les questions de biodiversité et de commerce au sein des départements ministériels nationaux et entre ceux-ci. En dépit du vide politique actuel dans la plupart des pays, les gouvernements sont de plus en plus sensibilisés et se rendent également compte de l’importance des mesures législatives pour contrôler l’accès aux ressources génétiques et pour réglementer la biotechnologie. (Voir Tableau 2, page 24).

Etablir les liens entre le commerce, l’ajustement structurel, la conservation de la biodiversité et les questions fondamentales de développement, a posé beaucoup moins de problème pour les coalitions dynamiques et de plus en plus vastes d’organisations de  la société civile, d’agriculteurs, de scientifiques et de citoyens à travers la région. Ces coalitions sont devenues de plus en plus engagées dans les questions commerciales car celles-ci ont un impact sur des domaines d’intérêt pour la société civile en matière de durabilité et d’équité au niveau local. Les ONG ont été fermes dans leur appui aux positions adoptées par le Groupe Africain lors des négociations de l’OMC.[66] Ainsi, African Trade Network, qui regroupe plus de 20 ONG et groupes de la société civile de 10 pays africains, a appelé les dirigeants politiques africains à interdire le brevetage des formes de vie et à assurer la protection des connaissances traditionnelles en matière de ressources biologiques en appuyant la position du Groupe Africain.

Des groupes à la base  à travers l’Afrique travaillent à préserver la biodiversité menacée de la région, ainsi qu’à sauvegarder les systèmes agricoles et sanitaires qui servent les besoins des populations locales. Il y a l’exemple récent d’un consortium d’organisations d’Afrique Australe qui ont lancé South African Seed Initiative début 2000 pour garantir la sécurité alimentaire et la sécurité nutritionnelle  pour toutes les personnes touchées par les inondations dans la région. Le consortium a appelé la communauté internationale à «empêcher, en Afrique Australe, l’importation de semences impropres qui pourraient saper la biodiversité agricole et donc la sécurité alimentaire pendant de nombreuses années, et à appuyer les efforts visant à reconstituer des plants et des variétés/matériaux de semences de qualité adaptés localement, tels que les variétés locales ou fermières appropriées pour les différents écosystèmes.»[67] Le tableau 2 comprend les grandes lignes d’autres initiatives à la base sur le continent, bien qu’il y en ait beaucoup d’autres qui voient le jour ces derniers temps.

Maintenir la dynamique en vue de l’auto-détermination de l’Afrique – face à de formidables obstacles - est une nécessité impérieuse. L’OMC, l’UPOV et les grandes multinationales exercent d’énormes pressions sur l’Afrique pour qu’elle adopte les règles de l’OMC et qu’elle introduise les ADPIC ainsi que des systèmes agricoles à haut rendement et contrôlés par les entreprises. Des intérêts immenses sont en jeu, allant de ceux des entreprises transnationales anonymes qui imposent la biotechnologie à tout prix, à ceux des autorités gouvernementales qui récoltent déjà des avantages importants à travers des prébendes et des transactions iniques.

Toutefois, dans la période actuelle, il y a un sentiment réel de force et de renouveau, qui se reflète dans les négociations effectives de l’Afrique sur la scène internationale, ainsi que dans son analyse forte et dans ses positions conjointes sur la biodiversité. La voix de l’Afrique se fait de plus en plus ferme et forte dans la défense des valeurs d’autodétermination, du droit de contrôle sur ses propres ressources biologiques et de la nécessité de protéger les connaissances et les moyens de subsistance de ses collectivités. La dynamique qui est créée n’est pas simplement l’expression d’une voie africaine qui vient de reprendre confiance, mais aussi, un encouragement à d’autres communautés du Sud à revendiquer une justice mondiale.

Tableau 2.  Exemples de législations nationales africaines et d’initiatives à la base relatives à la biodiversité
Pays Initiatives
Cameroun

Le Cameroun a des dispositions générales pour réglementer l’accès aux ressources génétiques. Les questions relatives à la CDB, telles que le partage des avantages, les mesures d’incitation et l’intervention de la population locale dans la gestion des ressources, sont incluses dans le droit relatif aux forêts et ont également été incorporées à la Loi Cadre sur la gestion de l’environnement de 1996.

Ethiopie - Ne permet l’exportation d’aucun germoplasme local à des fins commerciales.

- A rejeté l’UPOV de 1991.

- Ne permet ni les brevets sur le vivant, ni les importations de produits génétiquement modifiés, ni les cultures et les expériences transgéniques.

- A rédigé un projet de législation sur les droits des collectivités, les droits des agriculteurs et l’accès aux ressources biologiques.

Kenya

Il y a eu des appels à légiférer pour le contrôle des importations d’OGM, avec un soutien fort des associations d’agriculteurs, pour rejeter le brevetage des formes de vie et pour affirmer l’importance de l’appropriation collective des ressources génétiques et des innovations qui y sont liées.

Malawi

Le Malawi est actuellement en train de développer une politique sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages.
Namibie

- La Biodiversity Task Force, une équipe spéciale nationale chargée de protéger la biodiversité, regroupe des ONG et le gouvernement namibien, et travaille sur un certain nombre de textes de loi relatifs à la commercialisation et à l’utilisation de la biodiversité, à la prévention des risques biotechnologiques, et à des réglementations sur l’accès aux ressources génétiques et la protection des connaissances traditionnelles.

- Un cadre relatif à la prévention des risques biotechnologiques est actuellement devant le parlement. L’Alliance agit en tant que forum de surveillance.

- La politique officielle consiste à rejeter le brevetage du matériel  vivant, ainsi que les importations et les essais de cultures transgéniques. A réexpédié du maïs sud-africain pour l’alimentation du bétail parce qu’il pourrait être contaminé par des produits transgéniques.

- A rejeté l’UPOV de 1991.

Afrique du Sud

- Mauvaise coordination entre différents départements ministériels administrant la législation relative à la biodiversité. La législation s’est développée sur une base ponctuelle, bien que l’Afrique du Sud dispose effectivement d’une Loi relative aux organismes génétiquement modifiés.

- Des ONG sont en train de contester la législation relative à la prévention des risques biotechnologiques qu’elles considèrent inadéquate.

- Ne permet pas les brevets sur les végétaux et les animaux, mais les permet sur les micro-organismes.

- A signé l’UPOV de 1991 mais ne l’a pas ratifiée.

- Est en train de reformuler la législation sur les Droits des populations autochtones.

- Premier essai sur le terrain de culture transgénique en 1990, première distribution commerciale en 1997. Culture commerciale de coton et de maïs Bt.

- Des ONG ont formé une coalition (Safeage) pour informer le public, surveiller, et contester ces développements. Une coalition en plein essor de syndicats, de partis politiques, d’ONG, d’associations des consommateurs, et d’organisations de cultivateurs est en train d’exiger un gel de cinq ans de l’utilisation et de la dissémination des cultures transgéniques, et d’autres mouvements dans d’autres pays africains qui appellent à des mesures similaires voient le jour continuellement.

Ouganda

- A la même politique que la Namibie, en refusant des brevets sur les matériels vivants, ainsi que les importations de produits génétiquement modifiés et les expériences transgéniques.

- A refusé d’adopter l’UPOV de 1991 en dépit de fortes pressions.

- A rédigé sa propre Loi relative aux variétés végétales et a refusé l’autorisation d’essais de coton Bt.

- Il y a un Forum des ONG sur la biodiversité avec une certaine représentation régionale pour promouvoir et protéger la diversité biologique et culturelle.

- Il y a des appels à renforcer la législation sur les OGM, ici aussi avec un appui fort des organisations d’agriculteurs, à rejeter les brevets sur le vivant, et à affirmer l'importance de l'appropriation collective des ressources génétiques et des innovations qui y sont associées.

Zimbabwe

- Pas de législation sur les brevets, mais les droits des sélectionneurs accordent des droits exclusifs pour une durée de 10 ans.

- Les groupes de scientifiques et de consommateurs appellent à renforcer la législation relative à l’importation de semences, de plantes et d’aliments génétiquement modifiés, et à différer l’importation de cultures et d’aliments transgéniques, en attendant une évaluation scientifique des risques.

- CAMPFIRE (Communal Areas Management Programme for Indigenous Resources – Programme de gestion des zones communautaires pour les ressources locales) mène des enquêtes sur les menaces de brevetage des connaissances autochtones sur les plantes médicinales, afin de trouver un système pour identifier les propriétés qui appartiennent au Zimbabwe.

                         

Recommandations

1. Construire sur les connaissances traditionnelles

Il faudrait renforcer et améliorer les systèmes d’alimentation et de santé fondés sur la biodiversité en Afrique. Ces systèmes reposent sur des connaissances qui, durant des générations, ont été affinées  et adaptées aux besoins et aux écosystèmes locaux. Les idées et les technologies nouvelles ou étrangères  devraient être évaluées selon leur capacité à renforcer ces systèmes fondés sur la diversité  et à améliorer leur viabilité et leur productivité. Dans ce contexte, le renforcement du contrôle des systèmes de subsistance par les collectivités devraient être la première priorité.

2. Priorité aux économies et aux moyens de subsistance locaux et régionaux

L’Afrique devrait renforcer ses économies locales et régionales en priorité, plutôt que de se concentrer sur la concurrence dans les marchés mondiaux. L’Afrique a une économie rurale qui entretient des millions de personnes vivant dans une diversité de modes de subsistance locaux et d’économies informelles. Exposer sans discernement ces systèmes et ces économies aux pressions du marché mondial et au contrôle des grandes entreprises, alors que les conditions  de départ sont si inégales, entraînera inévitablement leur destruction et un accroissement de la pauvreté et de la marginalisation.

3. Appui et mise en œuvre des positions africaines conjointes

L’unité africaine dans les négociations internationales sur un certain nombre de questions cruciales a constitué une force globale, suscité une solidarité entre pays en développement et remis en cause la domination des pays industriels. Il est très important que cette prise de position active et cette unité soient maintenues et appuyées, et que les propositions soient internalisées aux niveaux nationaux, dans la politique, la pratique et la législation. Plus particulièrement ces propositions incluent :

* La position africaine commune dans la négociation sur les ADPIC, position qui revendique un processus de réexamen complet et qui rejette les brevets sur le vivant.

* L’examen permanent des brevets sur les connaissances et les végétaux africains, et la contestation juridique de ces brevets.

* La législation type de l’OUA pour le développement des droits des collectivités et des règles d’accès à la biodiversité et de partage des avantages en la matière.

* La mise en œuvre du protocole sur la prévention des risques biotechnologiques qui prévoit des critères et des contrôles forts pour l’évaluation, les essais, l’importation et la production des OGM en Afrique.

4. Renforcement du rôle de la société civile

L’établissement de réseaux et la surveillance permanente par les organisations de la société civile sont fondamentales pour conserver et utiliser la biodiversité, et pour protéger les droits des Africains à une alimentation saine, à des soins de santé appropriés et adéquats, et à des moyens de subsistance divers et durables. Il est important que dans le domaine de la biotechnologie, les gouvernements, les ONG et les organisations d’agriculteurs continuent d’évaluer et de surveiller l’introduction de cultures transgéniques dans leurs pays. Des études d’impact environnemental et social obligatoires et la pleine divulgation de toutes les informations relatives aux disséminations et aux marchandises devraient être exigées et mises en œuvre. Il faudrait promouvoir un large débat public pour déterminer si le génie génétique est approprié pour Afrique.

5. Vers un partage significatif des avantages

L’Afrique court un grave danger de voir sa biodiversité simplement transformée en une marchandise et commercialisée entre les riches et les pauvres, entraînant l’appropriation des connaissances et des ressources. C’est l’orientation que prennent  la majeure partie des initiatives actuelles en matière de partage des avantages. Plutôt que de laisser le débat sur le partage des avantages à des transactions bilatérales entre de puissantes entreprises et des pays et  collectivités faibles, il faudrait établir des règles du jeu claires et obligatoires. Ceux qui sont sur le terrain devraient être en mesure d’insister pour la création d’emplois locaux et pour d’autres manifestations visibles des avantages, en disposant de la capacité et de l’information pour ne pas accepter moins que cela   et pour refuser tous  gestes symboliques. Ceux qui interviennent dans les accords devraient être tenus de divulguer toutes les informations et de mettre en œuvre pleinement des procédures de consentement préalable en connaissance de cause. Mais ce qui est peut-être primordial, c’est que l’on consacre davantage de ressources et d’énergie pour développer et renforcer des initiatives dirigées localement en vue de rehausser la valeur et la qualité des produits tirés de la biodiversité, tant pour leur utilisation locale que pour le commerce international. 

 

Auteur:

Rachel Wynberg, BIOWATCH (avec les contributions de Gaia/GRAIN).
BIOWATCH, PO box 69, St James, 7946, South Africa. Tél: (+27 21) 788 7677; fax: (+27 21) 788 9169; e-mail: [email protected]

Traduction assurée par Aminata Sow, avec l'assistance de Jeanne Zoundjihékpon.

 

Remerciements

Ce  document  n’aurait pas été possible sans l’aide et l’engagement immense de nombreuses  personnes. Je tiens à remercier tout particulièrement les personnes suivantes pour l’information qu’elles m’ont fournie, pour leurs conseils et leurs commentaires. 

* Tous ceux qui ont répondu au questionnaire :
Robert Lettington, African Centre for Technology Studies, Kenya;  Dr Tewolde Gebre Egziabher & Sue Edwards, Institute for Sustainable Development, Ethiopie;  Phoebe Barnard, Namibian Directorate of Environmental Affairs;  Herta Kolberg, National Plant Genetic Resources Centre of Namibia; Jean Marie Fondoun, Programme de Conservation des Ressources Génétiques, Cameroun;  Athman Mgumia, Mtandao wa Vikundi wa Wakulima,  Tanzanie;  Thomas Kentos Bakyatita, Joint Energy and Environment Projects,  Ouganda;  Paul Thérence Senghor, Institut sénégalais pour la recherche  agricole (ISRA);  Mauritius Sugar Industry Research Institute;  Doreen Mnyulwa et Julius Mugwagwa, Biotechnology Trust of Zimbabwe; Dr Abebe, Ethiopian Institute of Biodiversity Conservation and Research.
* Barbara Dinham, the Pesticide Action Network
* Robert Maybury et Charles Weiss, the International Organisation for Chemical Sciences in Development, USA.
* Dr Hans Herren et Dr Wilber Lwande, the International Centre of Insect Physiology and Ecology, Nairobi, Kenya (ICIPE)
* Sarah Laird
* Cyril Lombard, CRIAA SA-DC
* R. Guyer (Novartis)
* Tous ceux qui ont revu le texte.
* Ceux de  Gaia/GRAIN

 

Commerce mondial et Biodiversité en conflit

Global Trade and Biodiversity in Conflit (Commerce mondial et biodiversité en conflit) est une série d’exposés produits conjointement par la Fondation Gaia et Genetic Resources Action International (GRAIN). La série examine les points de conflit cruciaux entre la privatisation de la diversité biologique, qui est mue par les intérêts des entreprises, et par l’OMC et les efforts des populations pour renforcer les capacités des collectivités locales dans la gestion de la diversité biologique et culturelle, particulièrement dans les pays en développement.  

Pour un complément d’information :
GRAIN
Girona 25, pral, E-08010,
Barcelone, Espagne
Téléphone: (34-93) 301.13.81
Fax (34-93) 301.16.27
E-mail:
Website: www.grain.org

The Gaia Foundation
18 Well Walk
Hampstead, Londres
NW3 1LD, UK
Tél: (44 20) 7435.50.00
Fax: (44 20) 7431.05.51
E-mail: [email protected]

 

Notes:

[1] Banque mondiale, World Development Report, Oxford University Press, 1992.

[2] P. Heffer, Preparatory Meeting for the Establishment of an African Seed Trade Association, Lilongwe, Malawi, 8-10 avril 1999, International Seed Trade Federation, FIS, 1999, p29 ; RAFI, World Seed Conference : Shrinking Club of Industry Giants, Communiqué de presse, 3 Septembre 1999. www.rafi.org

[3]  B. Dinham, Pesticide Use in Sub-Saharan Africa, rapport non publié, Pesticide Action Network, 1999.

[4]  Ibid.

[5]  S.A. Laird, K. ten Kate, Natural Products and the Pharmaceutical Industry, The Commercial use of Biodiversity : Access to Genetic Resources and Benefit-Sharing, Earthscan, European Commission, London, 1999, pp. 34-77.

[6]  Banque Mondiale, Global Economic Prospects for Developing Countries 2000, Décembre 1999.

[7]  Corporate Council on Africa, Communiqué de presse, www.africacncl.org/press_releases.htm Consulté  le 31 mars 2000. 

[8]  Panos Institute, More Power to the World Trade Organisation ? Panos Briefings, novembre 1999.

[9]  L. Machipisa, Levelling the Playing Field, InterPress Service, 28 mars 2000.

[10]  Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), Human Development Report, PNUD Londres 1999.

[11]  Union européenne, The new ACP-EU Agreement, www.oneworld.net/euforic Consulté le  31 mars 2000.

[12]  BRIDGES Weekly Trade News Digest Volume 3(20), IATP, 24 mai 1999.

[13]  L. Main, C. Skinner, South Africa, Africa and the European Union. Negotiating an African Renaissance ? Indicator South Africa, Vol 15(2), 1998, pp. 43-50.

[14]  C. Landsberg, C. Kabemba, The US and Africa. A New Beginning ? Indicator South Africa, Vol 15(2), 1999, pp. 36-39.

[15]  S.A. Laird, K ten Kate, 1999, op. cit.

[16]   Ibid.

[17] F. Dakora, Using indigenous knowledge to increase agricultural productivity in Africa, Indigenous Knowledge and its Uses in Southern Africa, HSRC Cooperative Programme, Institute for Indigenous Theory and Practice, 1997.

[18] W. Mundaka, Farmers Rights : The Crisis Every Ugandan Farmer Needs to Know About, 8 Rural News, Integrated Rural Development Initiative, www.nic.ug/IRDI/html/rights.html

[19] GRAIN, Plant variety protection to feed Africa ? Rhetoric versus reality, GRAIN, octobre 1999.

[20] Preparatory Meeting for the Establisment of an African Seed Trade Association, op cit. pp. 22-25.

[21]  Ibid pp. 47-52.

[22]   Ibid, pp. 113-117.

[23]   M. Mlangeni, US company buys majority stake of South Africa seed producer Sensako, Business Day, 5 mars 1999. www.bday.co.za/99/0305/company/c3.htm

[24]   L. Cook, Seed Firm to Lose Staff, Business Day, 25 août 1999. www.bday.co.za/99/0825

[25] RAFI, Legal ‘Terminator’ Threatens Francophone Africas Farmers, Communiqué de presse 17 février 1999 ; E. Masood, Africa Splits Over Bar to Plant Patents, Nature, 11 mars 1999.

[26]  L’Union pour la protection of  obtentions végétales (UPOV), une Convention intergouvernementale gérée par l’Organisation mondiale des Nations-Unies pour la propriété intellectuelle. Sa première Convention des droits des sélectionneurs de variétés végétales avait été adoptée à Paris, en 1961. Depuis lors, la Convention a été amendée plusieurs fois, et deux formes de droits des sélectionneurs de variétés végétales sont maintenant d’un usage courant. La plupart des Membres de l’UPOV adhèrent à sa Convention de 1978, qui est largement interprétée par les gouvernements comme permettant aux agriculteurs de conserver et d’échanger des semences. La Convention de 1991 de l’UPOV présume, toutefois, que les agriculteurs ne peuvent pas conserver des semences à moins que les gouvernements ne permettent des exemptions spécifiques. 

[27]   F. Wambugu, Why Africa Needs Agricultural Biotech, Nature, Vol 400, 1 juillet 1999, pp. 15-16.

[28]   USDA, USDA launches biotech research project for Sub-Saharan Africa, communiqué de presse de l’USDA, 27 juillet 1999 www.gene.ch

[29]  Africa moves to strengthen biotechnology, Nature, Vol. 399, 6 mai 1999, p. 6.

[30]  ISAAA, ISAAA Launches New Intellectual  Property / Technology Transfer Initiative, Communiqué de presse, 12 novembre 1997. www.isaaa.org/newl.htm

[31]  N. Opperman, Plans for biotechnology Association for food, feed and fibre sectors, The Farmer, octobre 1999, p. 25.

[32]  H. R. Herren, Potentials and Threats of the Genetic Engineering Technology : Quest for an African Strategy at the Dawn of a new Millenium, International Centre of Insect Physiology and Ecology, 1999.

[33]  Voir par exemple, M. Mayet, Critical Review of Existing Legislative Framework for Genetic Engineering in South Africa, Biowatch South Africa, août 1999.

[34]  F. Huang et al., Inheritance of resistance to Bacillus thuringiensis toxin (Dipel ES) in the European Corn Borer, Science 284, 1999  965 ; E. L. Losey et al., Transgenic pollen harms monarch larvae, Nature Vol. 399, 1999, 214 ; T. Spears, Birds Do it Bees Do It. Nature Frustrates Efforts to Confine the Spread of GM Plants, The Ottawa Citizen, 4 janvier 2000.

[35]  A. Seiler, Impacts of Biotechnology on the Third World, 17 IPR info, IATP, 1996.

[36]  Novartis Foundation for Sustainable Development, he Socio-Political Impact of Biotechnology in Developing Countries, Novartis Foundation, 1998.

[37]  RAFI, Suicide Seeds on the Fast Track : Terminator 2 Years Later, Communiqué de presse, 25 février 2000.

[38]  N. Marshall, Searching for a Cure. Conservation of Medicinal Wildlife Resources in Eastern and Southern Africa, TRAFFIC International, Cambridge, 1998.

[39] M. M. Iwu, Handbook of African Medicinal Plant, CRC Press, 1993.

[40]  WWF, Medicinal Plants, Fact Sheet, www.panda.org/resources/factsheets/general/temp/fct_medicinal.htm Consulté le  22 mars 2000.

[41]  F. Grifo et al, The Origins of Prescription Drugs, Biodiversity and Human Health, Island Press, Washington DC, 1996.

[42]  RAFI, Biotech Industry Sweet on African Plant Proteins, RAFI Genotype, 28 septembre 1997.

[43]  RAFI, Biopiracy Update : A Global Pandemic, RAFI Communiqué, 9 septembre 1995.

[44]  Ibid.

[45]  Laird, S.A., Lisinge, E, Benefit-Sharing Case Studies : Ancistro-cladus korupensis and prunus africana, Case Studies on Benefit-Sharing Arrangements, Conference of the Parties to the Convention on Biological Diversity, 4ème Réunion. Bratislava, Slovaquie, 4-15 mai 1998.

[46]  RAFI, Biotech Industry Sweet on African Plant Proteins, op cit.

[47]  K. Leisinger, Ethical and Ecological Aspects of Industrial Property Rights in the Context of Genetic Engineering and Biotechnology, Transcription de conférence, Novartis Foundation for Sustainable Development, 1996.

www.foundation.novartis.com/genetic_engineering_biotechnology.htm

[48]  Réponses à un questionnaire administré en janvier 1999 par GAIA et GRAIN.

[49]  Foodtek, South African initiative will triple number of plants ever investigated by mankind, Communiqué de presse, 25 septembre 1998. www.foodtek-int.co.za/biocontent/pressre.htm

[50]  R. Wynberg, Benefit-Sharing in South Africa : Fact or Fiction? A paraître dans : Biodiversity and Traditional Knowledge : Equitable Partnerships in Practice. Edité par S.A. Laird.  A WF/UNESCO/Kew People and Plants Conservation Manual. Earthscan Publications, 2000.

[51]  Technical Collaboration with IOCDs Biotic Exploration Fund, document non publié, Internationa Organization for Chemical Sciences in Development. www.iocd.unam.mx/biodiver.htm

[52]  RAFI, IOCDs Biotic Exploration Fund. Developemnt Programme or Corporate Proxy ? RAFI Genotypes, 14 mars 1997.

[53]  M. Mander, Marketing of Indigenous Medicinal Plants in South Africa. A Case Study in Kwa-Zulu-Natal, Food and Agriculture Organisation, Rome, 1998. 

[54]  C. Weiss and T. Eisner, Partnerships for Value-Added through Bioprospecting, Technology in Society, Vol 20, 1998, pp. 481-498.

[55]  BRIDGES Weekly Trade News Digest Vol. 4(4), IATP, 1 février 2000.

[56]  Council of Ministers, Elements for a Positive Agenda in the New Trade Negotiations Under the WTO from an African Perspective, 70ème Session Ordinaire/5ème Session Ordinaire de la CEA, 6-10 juillet, Alger, Algérie. CM.2110 (LXX) Annexe IV.

[57]  SADC Ministers Ageed Negotiating Objectives for the Third WTO Ministerial Conference, WT/L/317, octobre 1999.

[58]  Alors que les termes existants de l’Accord sur les ADPIC donnent aux membres l’option d’exclure de la brevetabilité les végétaux, les animaux et les «procédés essentiellement biologiques», l’existence d’une option de brevet admet effectivement le brevetage des formes de vie.

[59]  Les Membres disposent de l’option d’exclure les végétaux, les animaux et les «procédés essentiellement biologiques» de la brevetabilité, mais ceci ne s’étend pas aux micro-organismes et aux procédés microbiologiques.

[60]  GRAIN, Towards a Full Review of TRIPS 27.3b : An Update, GRAIN, mars 2000.

[61]  Gaia Foundation, WTO : Seattle and Beyond, Gaia Foundation Compilation, mars 2000.

[62]  GRAIN, Towards a Full Review of TRIPS 27.3b : an Update, op. cit.

[63]  Le Groupe comprend la Chine et les pays du G-77, à l’exception du Chili, de l’Argentine et de l’Uruguay.

[64]  E. Masood, Africa seeks laws on GM food exports, Nature, Vol. 5, août 1999.

[65]  E. D. Zulu, R. M. Makano, A. Banda, National experiences and plans to implement a sui generis system of protection in Zambia, communication présentée lors de l’Atelier Régional conjoint UPOV-OMPI-OMC sur la Protection des variétés végétales au titre de l’article 27.3b de l’Accord sur les ADPIC, Nairobi, 6-7 mai 1999. 

[66]  Third World Network, Joint NGO statement of support for the African Group Proposals on Reviewing the WTO TRIPS Agreement (Article 27.3b), Third World Network, août 1999 ; SUNS, NGOs ask governments to  reject new trade round, SUNS, N°. 4505, 7 septembre 1999.

[67]  www.snafu.de/~usp/seed-ini.htm Consulté le  24 mars 2000.

Author: Rachel Wynberg, Biowatch, Afrique du Sud - avec les contributions de Gaia/GRAIN.
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  • [8] http://www.nic.ug/IRDI/html/rights.html
  • [9] http://www.bday.co.za/99/0305/company/c3.htm
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  • [12] http://www.isaaa.org/newl.htm
  • [13] http://www.panda.org/resources/factsheets/general/temp/fc_medicinal.htm
  • [14] http://www.foundation.novartis.com/genetic_engineering_biotechnology.htm
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  • [17] http://www.snafu.de/~usp/seed-ini.htm