Bulletin de veille des supermarchés d’Asie, N° 10, mai 2018
Éditorial : Les grandes entreprises de commerce électronique se lancent dans le détail
Le commerce électronique s’étend rapidement dans la distribution et le commerce alimentaires dans toute l’Asie. L’émergence de services de livraison d’alimentation en ligne en particulier provoque d’importants changements dans les chaînes d’approvisionnement des denrées alimentaires de la ferme à l’assiette. Et pourtant, peu de pays disposent d’une règlementation couvrant la distribution alimentaire en ligne, notamment la sécurité et les risques sanitaires des aliments, ou même de règlements sur le commerce alimentaire électronique transfrontalier. Certaines des plus grosses entreprises mondiales de commerce électronique et de détail ont engagé une offensive pour prendre la main sur le commerce alimentaire en ligne et assurer son expansion, ce qui entraîne des conséquences sévères pour les systèmes alimentaires locaux, les vendeurs de rue et les petits paysans.
Voici ci-dessous une liste de cinq des plus grandes entreprises de commerce électronique ayant des activités dans le commerce alimentaire de détail en Asie. Ce sont des entreprises en ligne dont la majeure partie des activités se joue sur Internet et qui proposent toute une gamme de services de commerce électronique et de services internet high-tech.
1. Alibaba Group Holding Limited, une multinationale chinoise dont les activités principales sont le commerce électronique, l’Internet et la technologie. Elle possède et gère une grande variété d’entreprises dans le monde entier. En 2015, Alibaba a investi 1,25 milliards de dollars US pour prendre une participation dans la plateforme de distribution alimentaire en ligne chinoise Ele.me. En avril 2018, l’entreprise a dépensé encore 9,5 milliards de dollars US pour acquérir la pleine propriété de la plateforme. Alibaba a l’intention d’intégrer la plateforme Ele.me dans sa Nouvelle stratégie de commerce de détail [New Retail]. Cette stratégie s’appuie sur un investissement de 12,7 milliards de dollars US que l’entreprise a déjà réalisé au cours des deux dernières années dans des magasins de détail réels, ce que l’industrie désigne souvent comme des « points de vente physiques ». L’entreprise investit aussi dans sa propre production agricole : c’est le cas par exemple de Milk New Zealand Dairy, dont Alibaba détient 57 % des parts. Cette société basée en Nouvelle-Zélande possède 29 fermes laitières qui exportent jusqu’à 9 600 litres de litres de lait frais vers la Chine chaque semaine.
2. Amazon.com a été fondé en 1994 à Seattle, aux États-Unis. Ses activités principales sont le commerce électronique et l’informatique en nuage [cloud computing]. Amazon a commencé comme librairie en ligne, puis s’est diversifié dans la vidéo en streaming et toute une série de produits, des vêtements aux jeux vidéo et même l’alimentation. En termes de total de ventes annuelles, Amazon est le second après Alibaba. En 2017, l’entreprise a acquis le détaillant alimentaire étatsunien Whole Foods Market pour 13,4 milliards de dollars US, ce qui a énormément amélioré la présence d’Amazon en tant que détaillant physique. Depuis cette acquisition, Amazon a commencé à investir de plus en plus dans le commerce de détail alimentaire dans plusieurs pays, notamment en Inde et en Australie, où il a l’intention de se lancer dans le stockage des denrées alimentaires et leur vente en ligne.
3. JD.com, également connu sous le nom de Jingdong, est la deuxième entreprise chinoise de commerce électronique et l’un des principaux concurrents d’Alibaba. Elle est la première entreprise du monde en termes de livraison high tech et d’intelligence artificielle, via les drones, les technologies autonomes ou les robots. JD.com possède les plus grands drones civils de livraison et l’infrastructure et la capacité les plus solides du monde. En janvier 2018, JD.com a ouvert 7Fresh, le premier d’une chaîne de supermarchés high-tech à Beijing, visant les produits de première qualité pour les consommateurs chinois à revenus moyens ou élevés. Cette décision a suivi celle de son principal concurrent Alibaba de se lancer dans le monde des commerces physiques. Après une nouvelle consolidation du partenariat avec Walmart qui avait débuté en 2016, les deux entreprises veulent maintenant combiner leur réseau de dépôts de stockage et d’entrepôts frigorifiques pour raccourcir les délais de livraison aux clients.
4. Flipkart est le numéro un du commerce électronique indien. Ses fondateurs travaillaient pour Amazon avant de créer leur propre entreprise en 2007. Flipkart a lui aussi commencé en vendant des livres en ligne et a popularisé en Inde l’idée de la vente de livres en ligne. En 2015, l’entreprise a lancé un service de distribution de denrées alimentaires en ligne, mais l’initiative n’a pas marché. En 2017, Flipkart a relancé son service de distribution alimentaire en ligne sous le nom de Supermart. On sait que Walmart lorgne l’opportunité d’acquérir une participation majoritaire dans Flipkart qui est évaluée à quelque 18 milliards de dollars US, pour tenter d’accaparer le marché indien en le soustrayant à son concurrent et collègue étatsunien, Amazon. Le commerce de détail dans le secteur de l’épicerie en Inde est estimé à plus de 60 % du total du commerce de détail du pays.
5. Rakuten est une entreprise japonaise, l’une des grandes entreprises de commerce électronique. Établie en 1997, c’est le plus grand site japonais d’E-commerce et l’un des géants mondiaux en termes de valeur des ventes. L’entreprise exploite environ 70 entreprises et services, allant de la banque et des cartes de crédit à la distribution de livres en ligne. En janvier 2018, Rakuten a mis en place un partenariat stratégique avec le détaillant étatsunien Walmart pour faire concurrence à Amazon après le lancement par celui-ci du service de produits frais [Fresh produce] dans certains quartiers de Tokyo. La distribution de produits frais existe au Japon depuis des dizaines d’années, mais sa croissance stagnait par rapport à d’autres secteurs du commerce électronique.
Cette façon d’entremêler l’épicerie et les entreprises en ligne est aussi un banc d’essai pour les nouvelles technologies comme les magasins sans personnel ou le façonnage des comportements des consommateurs par l’utilisation des données et des analyses les concernant, ce qu’il est convenu d’appeler la personnalisation du client, une tendance de plus en plus répandue dans le commerce de détail.