Une nouvelle publication commune de GRAIN et WRM (Mouvement mondial pour les forêts tropicales) examine les dangers que représente pour les communautés paysannes l’un des principaux mécanismes du marché du carbone qui vont être discutés au prochain sommet des Nations Unies sur le changement climatique à Paris.
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Les gouvernements vont se retrouver au mois de décembre à Paris pour le 21è sommet sur le changement climatique. Comme les années précédentes, les propositions qui offrent une échappatoire aux pays ne voulant pas réduire suffisamment leur consommation de combustibles fossiles seront l’une des priorités majeures de la COP 21. REDD+, un mécanisme destiné à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, est l’une de ces propositions que ses partisans espèrent intégrer dans l’accord final attendu de ce sommet.
Le principe de REDD+ est que les pays, ceux du Nord principalement, fournissent le financement de mesures censées mettre un terme à la perte des forêts dans les pays tropicaux et qu’en échange, ils puissent recevoir une compensation pour les émissions soi-disant évitées grâce aux activités REDD+. Pour que ce mécanisme puisse fonctionner, des calculs complexes mais invérifiables doivent être faits afin de déterminer combien de carbone peut être stocké dans une forêt. Une fois ces chiffres convertis en équivalents d’unités de dioxyde de carbone - les crédits carbone - on peut leur attacher un prix et les échanger, et les pays peuvent alors les prendre en compte dans les promesses de réduction des émissions qu’ils doivent s’engager à respecter à l’occasion de la COP de Paris.
REDD+ est certes une proposition intéressante pour les gouvernements des pays industrialisés, mais pour les communautés paysannes, c’est l’une des propositions les plus dangereuses de la COP 21.
Une nouvelle publication de GRAIN et du World Rainforest Movement (WRM) montre pourquoi REDD+ n’est pas une solution au changement climatique qui puisse aider les paysans à réduire leurs émissions, adapter leurs pratiques agricoles à un climat en changement ou à augmenter les rendements, comme ses partisans le soutiennent. En réalité, les programmes REDD+ rendent responsables de la déforestation et des émissions des pratiques paysannes qui n’ont rien à voir avec le changement climatique. Les projets REDD+ déstabilisent également les systèmes alimentaires locaux en empêchant les pratiques agricoles traditionnelles et en restreignant l’accès des populations aux terres et aux forêts.
La plupart des activités REDD+ imposent des limites, souvent sévères, aux communautés qui veulent utiliser les forêts pour l’agriculture itinérante, la cueillette ou d’autres activés de subsistance. Des restrictions sur la chasse, la pêche, le pâturage ou l’abattage des arbres pour la construction de maisons ou de canoës sont aussi régulièrement mises en place et imposées par les promoteurs des projets REDD+, qui se font souvent aider par des gardes armés. Dans le même temps, les activités qui contribuent à une déforestation à grande échelle, comme l’abattage forestier industriel, les méga-projets d’infrastructures, l’extraction minière, les grands barrages hydro-électriques et surtout les plantations industrielles d’arbres, de palmiers à huile ou de soja, se poursuivent sans aucune restriction.
Dans cette publication, des exemples pris au Mozambique, au Nigeria, en République démocratique du Congo, à Madagascar, au Brésil, en Indonésie, au Pérou, en Ouganda ou au Kenya, illustrent cinq caractéristiques qui montrent pourquoi REDD+ est si dangereux pour les communautés paysannes : les cas présentés ci montrent 1) comment REDD+ rend les pratiques paysannes responsables de la déforestation et des émissions ; 2) comment REDD+ est rarement bénéfique aux communautés locales, mais fait le jeu des sociétés émettrices de carbone, des ONG internationales de conservation de la nature, des consultants et des pays industrialisés ; 3) comment REDD+ sape les fondements de la souveraineté alimentaire et 4) le contrôle des communautés sur leur territoire ; et 5) comment REDD+ encourage l’expansion de l’agriculture industrielle.
REDD+ n’est pas seulement une fausse solution au problème urgent et critique qu’est le changement climatique. Ce dispositif renforce le système alimentaire et agricole industriel qui est en grande partie responsable du changement climatique, prive bien des communautés et des peuples des forêts de leur territoire et sape les fondements des systèmes alimentaires et agricoles des paysans et des peuples autochtones qui peuvent refroidir la planète.
Les paysans démontrent déjà qu’il est possible de « nourrir la planète » sans produire les énormes volumes d’émissions liées à un modèle agricole industriel et tourné vers l’exportation. Le moyen le plus efficace de relever le défi et d’être en mesure de nourrir une population mondiale croissante dans une ère de changement climatique imprévisible est de rendre leurs terres aux petits agriculteurs et aux peuples autochtones.