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Le sens profond de l’économie verte : approfondissement de la crise climatique et environnementale

by GRAIN, Alianza Biodiversidad, WRM et ATALC | 2 Aug 2012

Cet article tente de découvrir ce qui se cache derrière les propositions de l’« économie verte ». Il constitue le chapitre d’introduction du Compendium de l’économie verte qui a été rédigé sur la base d’une position commune pour RIO+20 et a fait l’objet d’une publication collective en espagnol par GRAIN, Alianza Biodiversidad, World Rainforest Movement (WRM) et les Amis de la Terre Amérique latine et Caraïbes (ATALC).

Nous vivons des temps difficiles. L’humanité de même que la planète sont submergées dans une trame de crises diverses qui semblent s’aggraver ou s’enraciner de plus en plus. La crise climatique se greffe à une crise environnementale plus générale, et conséquemment à la crise économique toutes deux s’aggravent. En même temps, ceux qui détiennent le pouvoir de déterminer de possibles cours d’action nationale et internationale se montrent incapables d’identifier des solutions réelles. Les négociations internationales tournent autour de fausses promesses de solutions, enclavées dans une atmosphère complaisante et auto trompeuse nous rappelant l’habit de l’empereur : nous avons devant nous la preuve nue que les crises sont graves lorsqu’elles sont menées à l’extrême. Cependant, les applaudissements ne se font entendre que pour un manteau de solutions qui ne sont pas réelles.

Contrairement à ce qui se passait il y a 10 ans, plus personne ne peut déclarer une absence de preuves ou de connaissances au sujet de la crise climatique et de la crise environnementale. Des milliers d’organisations, d’activistes et de scientifiques se sont dévoués et ont investi des efforts de tout genre pour créer une conscience auprès de la société et des autorités. L’évidence scientifique et pratique est si accablante que toute tentative de les ignorer se bat en retraite. Par moments, il est difficile de se rappeler qu’il n’y a pas très longtemps nous formions un monde où tous les gouvernements et entrepreneurs refusaient de reconnaître la crise climatique ou, en termes plus généraux, la crise environnementale. Pendant que le réchauffement et la détérioration avançaient de façon fulminante, les gouvernements agissaient peu ou pas et les entreprises souhaitaient qu’on agisse encore moins. Néanmoins, une conscience au sujet du problème a tranquillement pris naissance. Aujourd’hui, les appels lancés pour que l’on prenne soin de notre planète se font entendre partout, de l’ampoule à économie d’énergie dans chaque foyer jusqu’aux immeubles corporatifs non polluants. Nous sommes entourés d’exemples sur la façon de nous responsabiliser pour la crise et d’aider à la résoudre.

Nous estimons que le réchauffement global deviendra possiblement une de ces forces tectoniques qui, tout comme la globalisation ou le vieillissement des populations, changera graduellement et puissamment le paysage économique dans lequel nos clients opèrent... 1
Dr John Llewellyn, Senior Economic Policy Advisor, Lehman Brothers2

La croissance de la population et le développement économique exercent de plus en plus diverses pressions sur l’environnement global. Le changement climatique est le plus important parmi ces pressions...
Rapport de Goldman Sachs du 21 mai 2009
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Avons-nous finalement réussi à éveiller une conscience auprès des peuples, gouvernements et entrepreneurs? En partie, il est clair que oui; et en même temps, il est clair que non. L’information que nous avons socialisée et l’expérience quotidienne ont fait en sorte que des secteurs extrêmement larges savent à présent que les systèmes climatiques et écologiques ont été profondément et gravement altérés. C’est pour cette raison que seul un agenda idéologique ayant une tendance dogmatique extrême pourrait se permettre de nier le fait que nous faisons face à une crise climatique et environnementale aux proportions incalculables. Par contre, tout indiquerait que les gouvernements et entrepreneurs n’auraient pas décidé de reconnaître ce qui est évident parce qu’ils ont enfin vu la lumière, mais plutôt parce qu’ils ont finalement réussi à concevoir ou entrevoir des façons de faire beaucoup d’argent avec cette crise qui affecte la subsistance de la planète.

Tous les grands acteurs des finances globales4, de même qu’un nombre croissant de fonds d’investissement dans le changement climatique – autant publiques que privés – avec l’appui de la Banque Mondiale, le FMI et les banques régionales de développement ont élaboré des documents qui soulignent à maintes reprises les grandes opportunités d’affaires qui ont surgi des altérations du climat et des écosystèmes. Ajoutons à cela le labeur de « cheerleaders » mené par les gouvernements et organismes des Nations Unies, spécialement le PNUE, mais aussi le FAO et UNCTAD.

Nous croyons qu’il existe d’excellentes rentabilités pour ceux qui investiront dans les entreprises se bénéficiant des efforts de mitigation et d’adaptation au changement climatique. Affronter le changement climatique sera probablement le plus important objet d’investissement à niveau global dans les 20 prochaines années.
Robin Stoakley, Directeur de Schroders Climate Change Fund.
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Investissez dans le future – avec les produits soutenables de la Deutsche Bank. Lorsque nous examinons l’économie globale, l’ampleur des opportunités d’affaires dans le secteur du changement climatique devient évidente. Les entreprises et les investisseurs s’aperçoivent rapidement que le changement climatique n’est pas purement un thème social, politique ou moral, mais qu’il touche aussi l économie et les affaires.
Deutschebank
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Je crois avec ferveur que si nous reformulons les arguments en faveur d’agir sur les changements climatiques, nous éloignant du langage des menaces et des châtiments et en utilisant des termes positifs, en termes d’obtention de profits, nous pouvons avoir un impact beaucoup plus important.
David Cameron – premier ministre du Royaume-Uni
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Ce nouveau possible secteur d’affaires a été dénommé « économie verte ». De passer à renfermer presque exclusivement les activités en lien avec la génération d’énergie à partir de sources autres que le pétrole, aujourd’hui le concept est employé de façon plus large, permettant d’inclure a) la commercialisation de tous les biens que nous offre la Nature (l’eau, la biodiversité et la terre, et même l’air, la beauté scénique, la recharge des rivières et des lacs, la régularité climatique et tout processus naturel pour lequel on puisse inventer un moyen de le vendre) et b) toutes les activités économiques qui naissent des initiatives servant prétendument à mitiger le changement climatique et la détérioration environnementale, afin de s’adapter à eux ou afin de répondre à ses effets, spécialement les effets nocifs. Les agences telles que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) de même que plusieurs gouvernements utilisent dans leurs documents une définition incluant des considérations de durabilité, de combat contre la pauvreté, d’équité et d’inclusion. Cependant, ces définitions s’effondrent lorsque l’on voit des exemples concrets d’implémentation et spécialement lorsqu’on lit des documents qu’ils adressent aux investisseurs du monde entier. Tout compte fait, se sont les investisseurs qui donnent la véritable forme à l’économie verte.

Les chiffres sont encore vagues. Les études et les documents corporatifs et gouvernementaux assurent à plusieurs reprises qu’il existe de grandes occasions pour s’enrichir (dans l’ordre des billions de dollars), mais ils n’expliquent pas leurs calculs à long terme et ne donnent pas de précisions sur les chiffres généraux. Dans le meilleur des cas, ils discutent sur les cas existants qui sont actuellement considérés comme étant un succès. Même ainsi, les possibilités de faire des profits sembleraient être capitales. Morgan Stanley, une des seules entités à avoir donné des chiffres concrets, a indiqué en 2007 que le secteur des « énergies propres » pourrait générer des recettes de l’ordre des billions de dollars à lui seul pour l’an 20308. Présentement, le marché du carbone à lui seul mobilise mondialement autour de 180 mille millions de dollars par année9. Le marché total des biens et services « à faible intensité carbonique » (qui n’inclue qu’une partie des services d’adaptation) surpasserait actuellement les 5.5 billions de dollars annuels (plus de 7 % du produit interne brut global) et il grandit à une vitesse foudroyante10. Ce chiffre demeure insignifiant devant l’ampleur de la privatisation la nature dans son ensemble. Le chiffre qui avait été émis au début par un des promoteurs pionniers de l’économie verte considère que si tout ce qui nous est offert par la nature se transforme en marchandise, le commerce qui en découlerait serait équivalent à quelques deux fois le produit brut mondial, dans le plus conservateur des calculs11,12.

Cependant, les calcules et les perspectives brillantes de l’avenir des « investissements verts » importent peu, puisque l’économie verte continue d’être, jusqu’à ce moment, un pari spéculatif. Personne ne sait exactement combien de richesse pourra être accumulée, qui l’accumulera, de quelle façon elle sera accumulée, ni exactement dans quel domaine. Ce caractère spéculatif est ce qui permet de comprendre plusieurs des caractéristiques actuelles des « entrepreneuriats verts » et spécialement ce qui se produit avec les négociations internationales autour du changement climatique et de l’environnement. Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est comment les grands capitaux cherchent à créer des conditions servant à mobiliser toutes les pièces nécessaires, indépendamment de leur importance, pour ainsi garantir efficacement la transformation de l’économie verte en un méga commerce. Pour ce faire, il faut des mains libres. Toute obligation ou engagement inaliénable peut devenir une nuisance. C’est ainsi que nous comprenons l’apparent paradoxe : juste au moment où nous semblons être tous d’accord, non seulement sur l’existence du problème, mais encore sur sa gravité et son urgence, les peu nombreux engagements pour agir à ce sujet s’effondrent (on pourrait presque dire par consensus gouvernemental - entrepreneurial).

Ce n’est pas une conspiration. C’est le sens de l’occasion

L’expérience historique nous indique que les gouvernements et les puissants secteurs sociaux ont rarement planifié ou prévu leur future avec certitude. Souvent, les avatars mondains ont été aussi surpris que le reste des mortels. Ce qui distingue les grands hommes de l’économie capitaliste, c’est leur capacité indéniable et sans égale de profiter du moment quand celui-ci se voit prometteur et d’expurger les dangers quand ceux-ci sont aux aguets. Y a-t-il eu une réunion entrepreneuriale ayant décidé, il y a 50 ans, sur la mise au point de l’ingénierie génétique? Rien de semblable. Elle est née de scientifiques qui, possiblement, en savaient très peu sur l’économie et la politique. Néanmoins, une fois que son potentiel économique et de contrôle s’est déployé, les grandes corporations se sont accaparées d’elle jusqu’à la contrôler et la subordonner à des niveaux jamais vus. Quelqu’un avait-il prévu le caractère subversif d’internet? Certainement pas les stratèges militaires qui l’ont impulsé. Une fois que le danger s’est fait évident, les autorités civiles et militaires, de concert avec le lobby entrepreneurial, ont incité sa répression à des extrêmes qui n’avaient été observés que dans les films de science-fiction.

Avec le changement climatique, il est arrivé quelque chose de similaire. Personne ne l’a planifié, personne ne l’a prévu, personne ne l’a voulu. Maintenant que c’est ici, nous ne passerons pas à côté des opportunités de faire de bonnes affaires.

L’économie de la destruction

Quels sont les paris que font aujourd’hui les grandes corporations avec l’appui de la majorité des gouvernements devant ce futur incertain, mais prometteur?

Le premier, évidemment, c’est qu’on ne peut pas détruire les affaires actuelles s’il y a des possibilités d’en tirer parti et s’il y en d’autres encore plus alléchantes. Par conséquent, si les affaires actuelles ont besoin de brûler du pétrole, détruire l’environnement ou continuer à émettre des gaz à effets de serre à partir de n’importe quelle source, n’arrêtons pas la destruction. Donnons-lui ou prétendons lui donner un cours contrôlable. Et si c’est une bonne affaire que de compenser pour les dommages ou remédier ses effets, pourquoi ne pas détruire un peu plus pour que l’on ait toujours à réparer ou à remédier? C’est ainsi que l’on entre dans l’ère de la destruction programmée, la sœur brute de l’obsolescence programmée. C’est pour cela qu’il n’est pas surprenant que les propositions d’économie verte soient intimement liées aux fausses solutions à la crise climatique et environnementale, tout comme l’absurde discussion proposant de nous fixer comme « objectif » un réchauffement de la planète de 2°, 3° ou 4 °C.

La logique de la destruction fait partie de la logique de la logique plus large sur la pénurie, processus de base de l’économie capitaliste qui consiste à transformer les biens non contrôlés par le marché en biens rares, pour ainsi les transformer en marchandise. Le tout s’évalue selon la pénurie des biens. Plus les biens sont rares, plus nous serons prêts à payer pour eux. Devant un dépouillement total, on ne parle plus de la disposition à payer, mais bien de l’obligation de le faire. Si tous ceux qui ont besoin d’un morceau de terre pour le cultiver ou pour y vivre avaient accès à elle, personne n’aurait besoin d’acheter ou de louer des terres. La terre est devenue une marchandise au moment où des peuples entiers ont été expulsés de celle-ci, soit au moyen d’encerclements, de commissions et d’exploitation agricole, d’accaparements, etc. Si nous pouvions tous produire nos propres aliments, personne ne paierait pour eux. Si nous avions tous accès à l’eau, personne ne se verrait obligé de payer pour elle. L’encaissement devient possible au moment où les gens se concentrent dans les villes, lorsque les sources d’eau diminuent ou se détériorent, lorsqu’elles sont contaminées ou lorsqu’on les fait paraître contaminées (par exemple, pour vendre de l’eau en bouteille) ou quand on construit des barrages un peu partout.

La destruction programmée est uniquement une façon de produire de la pénurie. Ça n’a rien de nouveau et ça va bien au-delà de l’économie verte. Pour que la main d’œuvre salariée soit lucrative, le capitalisme a dû détruire les styles de vie qui offraient des systèmes sociaux différents à lui dans le monde entier. Il l’a fait en jouant la carte des promesses de la modernité et même en ayant recours aux balles des guerres impériales. Pour transformer les semences en un grand commerce, on a impulsé la destruction des systèmes traditionnels de protection, d’amélioration, de jouissance, d’échange et de production des semences, éliminant ainsi la capacité de milliers d’hommes et de femmes de la campagne de produire leur semence. Cette destruction continue d’être pratiquée. Il n’y a pas d’autres formes de comprendre l’absurdité d’interdire la vente et l’échange de semences locales en Europe et ce pourquoi on cherche à imposer cette norme dans le monde entier, comme partie intégrante des lois sur la propriété intellectuelle.

Cependant, les écosystèmes et le climat s’interconnectent avec tous, et nous semblons tous avoir accès à eux. De quelle façon deviennent-ils « rares » pour ainsi les transformer en sources de commerces? En premier lieu, en suivant la voie très connue de la privatisation. Le menu est varié : accaparement des terres, privatisation de parques nationaux, privatisation de la mer (sous le pseudonyme des concessions), privatisation du sous-sol (pour l’industrie minière, l’eau et le pétrole), le brevetage de gènes et d’êtres vivants, la création de systèmes de paiement pour les éléments tels que l’air, la pluie, etc. Chacun de ces processus signifie que les peuples et les communautés ayant des modes de vie dépendant des écosystèmes affectés n’auront pas accès aux éléments fondamentaux pour leur alimentation, leur logement et la survivance de leurs formes de coexistence, d’agriculture, de création culturelle, de jouissance esthétique, etc.

En deuxième lieu, pourquoi ne pas explorer la possibilité de détériorer un peu plus? Si les forêts devenaient encore plus rares et fragiles, ne serions-nous pas encore plus prêts à payer cher pour sauvegarder les forêts existantes ou pour un programme d’assainissement capable de les restaurer? Si la détérioration climatique et environnementale fait en sorte que nos aliments se font rares, les grandes corporations du commerce agricole ne multiplieront-elles pas leurs gains, comme l’avait si bien démontré la crise en 2008? Du moment que la planète contient des paysages ayant été largement dévastés, nous pouvons être sûrs que les Parques nationales et les zones de réserve seront une affaire en or; non seulement pour les fonctions écologiques qu’ils pourront exercer, mais encore pour leur lien avec le tourisme ou simplement pour l’accès à la beauté. Si l’on ne nous a pas encore chargé pour l’air que nous respirons, c’est parce qu’il y a suffisamment d’air respirable pour pouvoir respirer sans avoir à demander l’autorisation à qui que ce soit. Toutefois, transposez-vous dans une situation de rareté d’air respirable et il ne sera pas difficile de vous imaginer en train de faire la file pour acheter des bombonnes d’air pur.

Imaginons-nous alors dans un monde où les conditions climatiques sont une menace permanente. Nous serons systématiquement en mesure de visualiser une industrie prospère qui commercialise des conditions artificielles servant à faire face aux effets du climat. Mentionnons notamment les médicaments pour les nouvelles maladies, les espaces situés en hauteur pour éviter les inondations, les refuges contre les tempêtes, les systèmes de stabilisation des températures, les promoteurs de pluie, etc. Notez qu’on ne mentionne pas que des conditions domestiques ou locales, mais aussi des espaces aussi larges comme ceux que la géo ingénierie propose de couvrir. Derrière chacune de ces propositions absurdes d’ingénierie pour contrôler le climat ou refroidir la planète, se cache une entreprise en devenir ou en expansion.

Toutefois, bien que la santé humaine souffre des changements climatiques, les compagnies médicales peuvent améliorer leur situation financière comme résultat de l’augmentation de la demande pour ses produits.
Dr John Llewellyn
, Lehman Brothers13

Les menaces physiques, telles que les sècheresses accrues, une plus grande fréquence et intensité des tempêtes, de même qu’une tendance générale vers des hivers plus chauds, lanceront à la hausse les gains des fournisseurs d’eau et des compagnies d’assurances qui verront leurs primes augmenter.
Climate Change Corp. Climate News for Business
14
 

Accaparer ce qui reste

La destruction a, bien sûr, des limites. Quelque part, à un certain niveau ou condition, que nous méconnaissons toujours, il y aura une limite où le mal fonctionnement du climat ou de l’ensemble des écosystèmes cessera d’être une bonne affaire et deviendra un problème incontournable, même pour les grands propriétaires du grand capital et pour le fonctionnement des affaires. C’est pour cela qu’il est nécessaire de compter avec des stratégies complémentaires.

Une première voie qui se projette possiblement parmi les plus importantes dans le futur est celle de contrôler, s’approprier et accaparer physiquement des espaces de réserve où la nature ou une partie de celle-ci pourra prétendument continuer à fonctionner adéquatement, ou à défaut s’approprier des espaces qui contiennent des ressources clé permettant de pallier les effets de la crise et faire beaucoup d’argent en vendant de tels palliatifs. C’est ici le deuxième rôle que joue la privatisation. Voilà la logique derrière l’accaparement des terres, par exemple. À mesure que l’agriculture devient plus difficile, il sera de plus en plus avantageux, au niveau des affaires, de posséder ou contrôler des terres cultivables à court ou à long terme. On retrouve des raisons et des logiques similaires derrière la course aux nouvelles concessions de pêche en eaux froides, ou encore la fièvre de la privatisation des Parques nationales et des réserves naturelles, ou de l’achat de vastes étendues de terres à végétation naturelle, soit dans des zones de forêts tropicales ou dans l’extrême sud de l’Amérique du Sud.

Dans la logique d’expansion des affaires, le contrôle physique de grandes étendues joue un autre rôle important : empêcher que les populations, spécialement les populations rurales, continuent d’exercer la vocation d’évasion des mécanismes de la dépendance. Quatre-vingt-cinq pourcent des familles paysannes et indigènes dans le monde ont accès à moins de deux hectares de terre15. Toutefois, ils se débrouillent pour ne pas disparaître, pour maintenir le plus possible « la légèreté » et les formes d’évasion des marchés. Malgré tous les cerceaux légaux, techniques, politiques et propagandistes associés à l’agriculture paysanne et indigène, les relations avec le marché avancent de façon irrégulière et les résistances surgissent et resurgissent dans différentes circonstances. La leçon apprise par les grandes entreprises et entités financières semble être que tant et aussi longtemps qu’ils auront leurs propres ressources, les peuples de la campagne pourront toujours s’infecter à nouveau du virus de l’autonomie. La réponse, encore une fois : le dépouillement total.

Que ce soit sous forme de blindage face à la détérioration environnementale ou sous forme de désarmement des mécanismes d’évasion et de résistance ou qu’il s’agisse simplement d’une bonne affaire, le contrôle physique des espaces est devenu un outil stratégique pour les capitaux. De plus, celui-ci va inéluctablement de la pair avec des processus d’expulsion des familles, des communautés et des peuples de leurs localités, terres et territoires. Ce sont des processus que nous observons de plus en plus fréquemment. Si l’expulsion et la possession se font « tranquillement » ou si elle exige des mesures de guerre ouverte, cela dépendra en grande partie de l’existence des gouvernements qui coopèrent avec les investisseurs et répriment les possibles hordes.

Un peu de sucre pour faciliter les choses

Du point de vue des affaires, la guerre ou le mécontentement peuvent être inévitables, mais aussi franchement inconvénients. Par conséquent, avant d’appliquer le garrot, il est convenable de montrer la carotte. Pour les territoires indigènes et paysans qui couvrant à ce jour une importante superficie et qui contiennent des biens naturels les mieux conservés, la carotte préférée pour le moment est celle de la vente des services environnementaux et ses dérivés, spécialement REDD et REDD Plus. Tel que mentionné par d’innombrables organisations sociales, la stratégie REDD/services environnementaux est un mécanisme qui, d’une part, permet à de nombreuses entreprises parmi les plus polluantes et destructives de la planète de continuer à contaminer et de générer des profits à partir de cette destruction. D’autre part, elle crée les conditions nécessaires à l’expropriation lente des espaces et territoires qui sont sous la responsabilité des paysans et des peuples indigènes. Il s’agit d’une première phase. Ce qui est exproprié, c’est la capacité des familles, communautés et peuples de déterminer librement les formes de gestion, de jouissance et de protection de leurs espaces et de leurs biens communs. Brandissant l’excuse de conclure des marchés sérieux, ils s’imposent par l’entremise de contrats ou de plans de gestion ordonnés par les autorités qui déterminent de façon externe et qui limitent les sources d’alimentation et de subsistance. Ils altèrent les systèmes de coexistence, détruisent ou affaiblissent les organisations, et ce, en échange de revenus monétaires minimes qui ne résoudent pas le problème de fond et même qui exacerbent les tensions crées. Les exemples qui deviennent connus de tous montrent des communautés qui s’endettent, qui se dispersent ou qui se brisent, ce qui bien souvent se traduit en abandon, migration, division des terres communales, acceptation de contrats de location à long terme. Puis finalement, c’est la vente des terres ou leur remise parce qu’ils se sont vus obligés de les utiliser comme gage hypothécaire. Bien souvent, la carotte n’arrive pas à empêcher le mécontentement. Par contre, elle permet que ce dernier apparaisse une fois que les communautés impliquées ne sont plus en conditions de réagir ou de résister.

Mains libres pour les uns, boulets pour le reste

La logique de la pénurie et de la destruction favorise les possibilités d’affaires, mais elle n’apporte pas de clarté aux calculs à long terme. Au contraire, elle les rend encore plus incertains. Que peut-on détruire et combien sans causer une débâcle qui puisse aussi affecter les affaires? Jusqu’où peut-on s’assurer que les souffrances qu’amènera sans doute la crise climatique ne mènent pas à des mécontentements sociaux qui altèrent tout? Qu’arriverait-il si les processus d’expulsion et d’exclusion provoquaient des explosions sociales? L’incertitude économique, l’incertitude physique, l’incertitude biologique et l’incertitude sociale s’additionnent et s’exacerbent les unes aux autres.

De façon générale, le changement climatique pourrait mener au mécontentement politique et peut-être même à la guerre. L’eau deviendra une ressource de plus en plus rare dans certains coins du monde, tandis que dans d’autres, la hausse des niveaux de la mer pourrait causer des migrations massives susceptibles de provoquer des tensions internationales.
London Climate Change Partnership: Finance Sub-Group. 2006
.16

Que devons-nous faire devant l’incertitude? Ce qui ne nous est pas dit, mais qui se trouve en arrière-plan, c’est qu’à présent les capitaux cherchent à créer une dualité légale : liberté totale pour les capitaux, de plus en plus de restrictions pour les peuples. Il serait certes très mal vu de faire de telles affirmations. Or, les entités entrepreneuriales, financières et gouvernementales nous parlent de liberté, de modernisation, de discipline, de transparence, de responsabilité sociale entrepreneuriale, d’autorégulation, d’accessibilité aux occasions, de la lutte contre le piratage, d’encourager l’investissement, de créer un environnement sécuritaire, mais concrètement elles négocient des législations, des règles, des normes, des statuts, des critères et des standards qui obstruent sans scrupule en vue d’empêcher les peuples, les communautés, les organisations et les individus d’exercer leurs droits fondamentaux, de maintenir un certain degré d’indépendance devant le capital et de poursuivre la justice. Au même moment, ils libèrent le chemin aux corporations pour que ceux-ci puissent avoir une plus grande marge de manœuvre17.

Il est important qu’il y ait absence de règles pour les corporations, premièrement pour qu’elles puissent continuer à accumuler des profits. Ça l’est aussi pour minimiser les coûts et les risques du capital devant la crise climatique et environnementale; spécialement ce qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de « risques légaux et règlementaires », tout comme les « risques de litige ». Les premiers font principalement référence à de nouvelles exigences les obligeant à adopter des technologies ou des procédés plus dispendieux que se qui s’utilise actuellement. Les deuxièmes font référence à la possibilité d’affronter des poursuites judiciaires les obligeant à débourser des millions ou à effectuer les changements technologiques antérieurement mentionnés.

À moyen et à long terme, l’absence de règles (ou du moins la grande marge de manœuvre proportionnée par les traités de libre-échange et autres traités internationaux, de même que les diverses modifications constitutionnelles et juridiques) est possiblement plus importante puisqu’elle donne libre cours à l’exploration, à la prise de position et à la prise de possession d’un domaine qui se montre jusqu’à présent incertain et inconnu. Quand le terrain de jeu demeure ambigu, ce que les grands capitaux demandent, et ce que bien des gouvernements se hâtent à leur concéder, c’est carte blanche leur permettant d’expérimenter, de spéculer ici et là pour arriver à avoir une idée plus précise de la localité de la richesse extractible, afin de prendre possession postérieurement si les affaires fonctionnent. Les grands capitaux ont besoin, du moins pour l’instant, d’un « tout est permis », d’un laisser-faire planétaire et extrême; et pour ce, ils comptent avec la coopération de la majorité des gouvernements et organismes internationaux.

Papa État fait son entrée sur scène

Même en appliquant les diverses stratégies, l’avenir demeure rempli d’incertitudes. Quelle serait la meilleure façon d’acquérir le contrôle? Qu’arriverait-il si elle s’avérait trop coûteuse? Qu’arrive-t-il si on choisit les espaces erronés? Et si l’investissement requis s’avère trop élevé? Et si les profits tardent à se pointer? Et si la population va à l’encontre et que l’on perd l’investissement?

Les questions sont trop nombreuses pour investir de façon sécuritaire. C’est pour cette raison que l’investissement privé dans les nouveaux mécanismes de marché (par exemple REDD) s’est effectué avec précaution et souvent de façon marginale. Ce que les entités privées d’investissement ont fait, c’est d’utiliser principalement l’argent d’autrui pour expérimenter.

C’est alors qu’entrent sur scène les « associations publiques-privées ». On recherche en elles la complémentation parfaite : Les États courront le risque et les entreprises courront collecter les profits. Tel que nous l’avons vu dans plusieurs autres processus de concentration de richesse, les États seront appelés à investir tant et aussi longtemps qu’il faudra courir de grands risques, que les processus importants de recherche et de développement soient nécessaires ou que les coûts et les besoins d’investissement de base soient trop élevés. Ce seront les entreprises privées qui exécuteront le travail qui aura été payé par les investissements de l’État et elles encaisseront à des taux qui leur seront convenables. Ce sont des centaines de projets de recherche, de construction d’infrastructure, de création de systèmes d’assurances, de créations de systèmes de contrôle des consommateurs, et autres qui ont été mis sur pied avec l’argent de l’État. Si un État quelconque n’a pas d’argent, la Banque Mondiale et d’autres agences sont disponibles pour assurer l’endettement18. Par contre, la présence de l’État n’est pas de longue durée. Une fois que les conditions deviennent plus claires et propices, on réalise le transfert des bonnes opportunités d’affaires au secteur privé. Si de telles occasions semblent peu prometteuses, ce seront les États qui s’occuperont de défrayer les coûts.

Une autre limitation, c’est que les bénéfices attendus, même lorsqu’ils seront commercialisables (comme dans le cas du ravitaillement de l’eau ou du traitement des déchets) peuvent tarder avant de se matérialiser. Avec des coûts élevés, ceci pourrait dissuader l’investissement privé, ce qui indiquerait que le rôle des gouvernements et des fonds publics est crucial.
TEEB – The Economics of Ecosystems and Biodiversity for National and International Policy Makers 2009.
19

 

L’accès à de nouvelles sources de financement : sous les accords internationaux sur le changement climatique, il y aura d’autant plus de financement public destiné aux efforts d’adaptation dans les communautés vulnérables des pays en voie de développement. Ainsi, les gouvernements chercheront les partenaires du secteur patronal qui pourront offrir les biens et services nécessaires. Une réponse effective au changement climatique requière non seulement du financement pour le développement de technologies à faible intensité carbonique, mais elle peut également aboutir au financement pour la recherche et le développement de produits et services liés aux besoins fondamentaux d’adaptation. Les entreprises locales et globales agissant rapidement devant le développement de capacités expertes liées à l’adaptation au changement climatique et aux solutions de l’économie verte auront un avantage compétitif pour saisir les opportunités de se faire embaucher par des partenaires gouvernementaux.
Adapting for a Green Economy: Companies, Communities
and Climate Change.
A Caring for Climate Report
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Les fonds de retraite sont une autre source d’argent provenant d’autrui et servant à faire des investissements dans son propre intérêt. Les entités financières et les mécanismes d’investissement prennent l’argent des pensions de retraite et les investissent avec des profits assurés à travers les coûts d’administration. Si les investissements génèrent des profits, les entités d’investissement gagnent. Si les investissements échouent, ce sont les travailleurs qui perdent. Il s’agit d’un mécanisme qui est utilisé de manière significative dans l’accaparement de terres, mais il est également considéré comme étant le plus prospère des fonds d’investissement dans les « entreprises vertes21. »

Récupérer le vert espérance

Nous sommes confrontés à des temps difficiles. Les agressions de l’économie verte ont cessé d’être une menace théorique et prennent un ton tragique, et ce pour plusieurs communautés rurales. On voit de plus en plus de formes de pression, de désinformation ou de tromperie, de chantage et d’intimidation utilisés dans le but d’empêcher les familles et les communautés impliquées d’avoir la possibilité de s’informer adéquatement, de réfléchir individuellement ou collectivement, de faire usage de mécanismes collectifs de libération, décision et mobilisation; ou de les empêcher de restituer la signature de contrats nuisibles et abusifs. Devant cela, les tâches urgentes sont nombreuses, mais l’on réitère à plusieurs reprises le besoin de fortifier la capacité de voir au-delà de la propagande, de la désinformation et des mensonges afin de récupérer les mécanismes de réflexion et de décision collective permettant de résister et désarticuler les agressions.

Nous sommes confrontés à des temps difficiles. Cependant, nous faisons partie d’un nombre croissant de gens, d’organisations, de communautés et de peuples qui prennent conscience du fait qu’une expansion du marché ne peut réparer ce qu’il a exploité et détruit. Nous faisons partie d’une majorité de gens qui ont entre leurs mains l’expérience et la disposition pour fortifier ou mettre en œuvre les réelles solutions, des formes de vie dignes qui ne dépendent ni de la consommation, ni des gains effrénés, aux systèmes locaux d’agriculture et d’alimentation basés sur la souveraineté des peuples et sur la permanence des peuples indigènes et paysans dans les espaces ruraux. Nombreux sont les types d’organisations et de mobilisations qui développent aujourd’hui des actions pour le concrétiser et pour faire comprendre aux autorités que la mobilisation ne cessera pas avant d’avoir implémenté de réelles solutions.

Nous sommes sans doute confrontés à des temps difficiles, mais si nous avons compris, tout comme les peuples ruraux, que notre labeur est celui d’entreprendre une lutte sans date limite et de récupérer la santé de la planète entière, le temps se tourne à notre faveur.

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2 Goldman Sachs. Change is coming: A framework for climate change – a defining issue of the 21st century. http://www.goldmansachs.com/our-thinking/environment-and-energy/change-is-coming.html

3 Goldman Sachs. Change is coming: A framework for climate change – a defining issue of the 21st century. http://www.goldmansachs.com/our-thinking/environment-and-energy/change-is-coming.html

4 Les 10 plus grandes entités financières à niveau global - Bank of America, Barclays Capital, BNP Paribas, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Morgan Stanley, Nomura Securities, UBS, Wells Fargo Securities- ont publié sur leur sites web des documentes portant sur les potentialités de l’économie verte.

8 Énergie propre: Opportunités soutenables. 25 Octobre, 2007. http://www.morganstanley.com/views/perspectives/print/0fbc1272-41a0-11de-a1b3-c771ef8db296.html

9 Point Carbon. Volume of carbon traded in 2011 grew 19%, bucking downturn. 11 Jan 2012 http://www.pointcarbon.com/aboutus/pressroom/pressreleases/1.1714530

10 Low carbon environmental goods and services. Report for 2009/2010.Report commisioned by the Department of Business, Innovation and Skills. Julio 2011. http://www.bis.gov.uk/assets/biscore/business-sectors/docs/l/11-992x-low-carbon-and-environmental-goods-and-services-2009-10

11 Robert Constanza et al. The value of the world’s ecosystem services and natural capital. Nature , Vol 387, 15 mayo 1997.

12 Le produit brut global est estimé aujourd’hui entre 60 et 70 billions de dollars. Voir les données remises par la Banque Mondiale http://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD/countries

15 Oksana Nagayets. SMALL FARMS: CURRENT STATUS AND KEY TRENDS Prepared for the Future of Small Farms Research Workshop, Wye College, June 26–29, 2005. www.smallholdercoalition.org/files/Small-farms-current-status-and-key-trends.pdf

16 Adapting to climate change: Business as Usual? Rapport publié par la mairie de Londres, http://www.london.gov.uk/lccp/publications/docs/business-as-usual.pdf

17 À titre d’exemple, le Groupe de la Banque Mondiale (conformé par la Banque Mondiale, la Corporation Financière Internationale et l’Agence Multilatérale pour les Garanties à l’Investissement -MIGA en anglais) développent un secteur de travail dénommé “climat entreprenarial” voué à faciliter l’établissement et le fonctionnement corporatif dans le monde entier. Ils ont publié un manuel intitulé “Comment réformer les permis de commerce” (“How to reform business licenses”) et ils le décrivent comme un manuel servant à mener à terme les réformes légales “style guillotine”. Parmi le type de permis aux exigeances “guillotinables”, on retrouve les permis miniers. https://www.wbginvestmentclimate.org/advisory-services/ . Dans une seconde publication, les mêmes entités informent qu’entre 2008 et 2011, leurs programmes ont été les seuls à développer dans le monde entier 641 réformes d’élimination de conditions légales “innécessaires” ou “injustifiées” pour l’activité de commerce. https://www.wbginvestmentclimate.org/uploads/2011%20FIAS%20AR_FINAL.pdf. Quelques pages plus loin, la Banque Mondiale justifie l’instauration de nouvelles lois de propriété intellectuelle qui “empêchent les agriculteurs de garder des semances à variété protégée, de les partager avec leurs voisins ou d’effectuer des ventes informelles de semance.” http://siteresources.worldbank.org/INTARD/Resources/IPR_ESW.pdf

18 Voyez, à titre d’exemple, le site web de la Banque Mondiale. En cherchant des prêts associés au changement climatique, http://www.worldbank.org/projects/search?lang=en&searchTerm=climate%20change, plus de 80% des derniers 200 prêts approuvés ont été accordés aux entités estatales de tous les niveaux. Voyez aussi la liste des différents fonds http://www.climatefundsupdate.org/global-trends/global-finance-architecture

19 http://www.google.com/url Le sens profond de l’économie verte : approfondissement de la crise climatique et environnementale; un chemin menant vers de meilleures affaires

20 Informe redactado por el Pacto Mundial y el Programa de Medio Ambiente de Nacionaes Unidas, Oxfam y World Resources Institute : www.unglobalcompact.org/docs/issues_doc/Environment/climate/C4C_Report_Adapting_for_Green_Economy.pdf

 

Author: GRAIN, Alianza Biodiversidad, WRM et ATALC
Links in this article:
  • [1] http://www.lehman.com/press/pdf_2007/TheBusinessOfClimateChange.pdf
  • [2] http://www.goldmansachs.com/our-thinking/environment-and-energy/change-is-coming.html
  • [3] http://www.schroders.com/staticfiles/Schroders/Market%20Strategy%20And%20News/PR/Press%20Releases/Climate-change-launch-May2007.pdfn
  • [4] http://www.db.com/italia/en/content/1357.html
  • [5] http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/nov/28/david-cameron-climate-change-cancun
  • [6] http://www.morganstanley.com/views/perspectives/print/0fbc1272-41a0-11de-a1b3-c771ef8db296.html
  • [7] http://www.pointcarbon.com/aboutus/pressroom/pressreleases/1.1714530
  • [8] http://www.bis.gov.uk/assets/biscore/business-sectors/docs/l/11-992x-low-carbon-and-environmental-goods-and-services-2009-10
  • [9] http://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD/countries
  • [10] http://www.climatechangecorp.com/content.asp?ContentID=4852
  • [11] http://www.smallholdercoalition.org/files/Small-farms-current-status-and-key-trends.pdf
  • [12] http://www.london.gov.uk/lccp/publications/docs/business-as-usual.pdf
  • [13] https://www.wbginvestmentclimate.org/advisory-services/
  • [14] https://www.wbginvestmentclimate.org/uploads/2011%20FIAS%20AR_FINAL.pdf
  • [15] http://siteresources.worldbank.org/INTARD/Resources/IPR_ESW.pdf
  • [16] http://www.worldbank.org/projects/search?lang=en&searchTerm=climate%20change
  • [17] http://www.climatefundsupdate.org/global-trends/global-finance-architecture
  • [18] http://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&ved=0CIcBEBYwAw&url=http%3A%2F%2Fwww.unep.org%2Fpdf%2FTEEB_D1_Summary.pdf&ei=C_mqT6zkEtTlggeZ94WJCA&usg=AFQjCNFvPqcGhjA4_OOMHdwtnEYqSgH1NA&sig2=qJxJXHzVCyPT4bLThhSFUw
  • [19] http://www.google.com/url
  • [20] http://www.unglobalcompact.org/docs/issues_doc/Environment/climate/C4C_Report_Adapting_for_Green_Economy.pdf
  • [21] http://www.altenergystocks.com/archives/2010/11/alternative_energy_and_climate_change_mutual_funds_part_ii.html
  • [22] http://www.iigcc.org/