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L'accaparement des terres par les fonds de pension et les institutions financières doit cesser

by | 29 Jun 2012

L'accaparement des terres par les fonds de pension et les institutions financières doit cesser

Sous la pression des prix alimentaires croissants, de la demande accrue en agrocarburants, en matériaux bruts et en bétail nourri au grain, ainsi qu’en raison de la faible profitabilité des marchés financiers en déroute; le nombre d’entreprises, de gouvernements et d’institutions financières privées et publiques qui s'engagent dans l'accaparement massif des terres dans les pays du Sud est en forte croissance, menaçant ainsi les moyens de subsistance et la souveraineté alimentaire d'innombrables communautés. Des millions d'hectares de terres ont été loués ou achetés au cours des dernières années, principalement pour produire des aliments ou du carburant destinés au marché international. Par conséquent, les paysans, éleveurs, pêcheurs et autres résidents ruraux sont dépossédés des moyens dont ils ont besoin pour se nourrir eux et leur communauté, que soit à la suite d’une promesse d'embauche, ou même parfois sous la menace d’un fusil. L'accaparement des terres entraîne également des changements dans l'utilisation des sols et de l'eau, qui causent alors des destructions écologiques et une augmentation des émissions liées aux changements climatiques.

Les fonds d'investissement, l'industrie agricole et les fonds souverains “investissent” de plus en plus dans les terres pour diversifier leur portefeuille de placement (dans un contexte de risque accru sur les marchés) et pour profiter des prix croissants des terres et des marchandises.[1] L'accaparement des terres est aussi financé indirectement lorsque les banques offrent des facilités de crédit aux entreprises responsables ou lorsque des fonds spéculatifs ou des sociétés de capital-investissement achètent des parts de sociétés étrangères qui contrôlent des terres.[2] Même les gouvernements sont impliqués, par l’intermédiaire des institutions financières de développement à but lucratif qu'ils contrôlent.

Il est estimé que les fonds de pension sont, à l'heure actuelle, les plus grands “investisseurs” institutionnels dans les terres cultivables à l'échelle mondiale.[3] Pourtant, l'argent qui est utilisé provient des plans d'épargne-retraite des travailleurs et travailleuses. Cela signifie donc que des salariés et des citoyens peuvent être impliqués dans des violations massives des droits de l’homme des communautés agricoles; y compris les droits à l'alimentation, à l’accès à la terre, à l'eau et à un niveau de vie suffisant, ainsi que les droits culturels et le droit à l'autodétermination, et ce, en violation du droit international.

C’est pourquoi, les soussignées organisations de la société civile et associations notifient à ces fonds de pension et autres institutions financières publiques ou privées, ainsi qu'aux États qui sont en position de les réguler.[4] Les droits humains cités ci-dessus engageant ainsi les obligations extraterritoriales de ces États d'assurer, de toute urgence, que ces fonds et institutions:

  • cessent toute spéculation sur les terres et tout autre investissement dommageable pour la chaîne alimentaire globale, y compris les transactions foncières et la participation financière dans l'industrie agricole, dans les cas où l'accaparement des terres ne peut pas être exclus ex ante, ainsi que les investissements dans des produits financiers complexes fondés sur des dérivés de biens alimentaires ou des terres agricoles;
  • divulguent publiquement tous les renseignements concernant le financement direct ou indirect des acquisitions de terres et autres transactions qui peuvent comporter une dimension d'accaparement des terres. Une telle divulgation doit reposer sur une analyse sérieuse de l'ensemble de la chaîne d'investissement, que les services financiers en question soit ou non officiellement affectés à l'acquisition foncière. Cela est nécessaire pour briser la culture du secret qui entoure une grande partie des ces transactions et pour permettre à toutes les parties concernées et aux groupes d'intérêt public d'entreprendre les actions nécessaires;
  • soient soumis à une évaluation préalable, obligatoire et indépendante des effets possibles des investissements et produits sur les droits/d’utilisation de la terre, les moyens d'existence, l'environnement ainsi que l'application progressive du droit à une alimentation suffisante. Ces évaluations doivent faire en sorte que les gestionnaires de fonds et autre institutions financières prouvent obligatoirement et en tout temps qu'ils n'ont aucun intérêt particulier dans des sociétés ou des opérations qui concernent l'accaparement des terres.

[1]  Il est nécessaire de questionner la notion que leurs intérêts financiers dans les terres agricoles ne seraient que des « placements ». La Banque mondiale estime que 80 % des grandes acquisitions territoriales dans le monde annoncées au cours des dernières années ne sont pas en production (http://go.worldbank.org/OAV3EK4F00). Des rapports universitaires exposent des activités de maximisation de la rente dans plusieurs cas. (http://www.future-agricultures.org/papers-and-presentations/doc_download/1324-hubert-cochet-and-michel-merlet-). Des sociétés de financement par capitaux et plusieurs fonds spécialisés dans les terres agricoles opèrent souvent sur la base d'un retour élevé sur investissement en cinq ans. Des groupes de la société civile de plusieurs pays africains rapportent qu'au cours des dernières années de nombreuses transactions se sont avérées purement spéculatives. Les investisseurs fonciers eux-mêmes ne cachent pas qu'ils peuvent faire des profits faciles simplement en louant ou revendant les terres (http://farmlandgrab.org/post/view/20165). Il est essentiel de déterminer comment, où et par qui ces investissements sont dirigés, puisqu'ils peuvent s'avérer dommageables. De plus en plus de données démontrent que la partie la plus vitale des investissements en agriculture sont faits par les familles paysannes elles-mêmes, et c'est ce type d'investissement qui doit être soutenu (http://www.ukfg.org.uk/pics/Yaounde_Agricultural_Investment_Farmers_Workshop_Synthesis_Report-EN_1.pdf).

[2] Merian Research and CRBM: The Vultures of Land Grabbing, 2010 (http://www.pambazuka.org/en/category/land/68535).

[3] Sur les 100 milliards de dollars US que les fonds de pension investissent dans les marchandises, il est estimé que de 5 à 15 milliards sont dirigés vers les acquisitions territoriales. Il est prévu que ces investissements dans la marchandise et les terres agricoles doubleront d'ici 2015. GRAIN: Pension Funds: Key Players in the Global Farmland Grab, juin 2011(http://www.grain.org/article/entries/4287-pension-funds-key-players-in-the-global-farmland-grab).

[4] Ces points sont les revendications initiales de la société civile et seront amendés au fur et à mesure que de nouvelles preuves seront révélées. Cette déclaration fait suite à la Rencontre stratégique de la société civile sur le financement de l'accaparement des terres, qui a eu lieu à Bruxelles en mars 2012, et représente la première étape d'un plan d'urgence en cours de définition.

SIGNATURES
Action Solidarite Tiers Monde
ActionAid International (Europe)
Africa Groups of Sweden
Anywaa Survival Organisation (ASO)
ARC
Attac Austria
Attac France
Biofuelwatch, UK
Both Ends
Bread for all
Brot für die Welt
Carbon Trade Watch International
CIDSE
CNCD 11.11.11
Collectif pour la Défense des Terres Malgaches - TANY
Compassion in World Farming
Dorset Small Producers Network
ECA Watch Austria
Ecologistas En Acción
Etika
European Network on Debt and Development
FIAN International
Food & Water Europe
Food Ethics Council
Foundation on Future Farming
Framtids-jorden, Future Earth
Friends of the Earth (England, Wales and Northern Ireland)
Friends of the Earth Austria (Global 2000)
Friends of the Earth Denmark (NOAH)
Friends of the Earth Europe
Friends of the Earth Finland (Maan Ystävät)
Friends of the Earth International
Friends of the Earth Netherlands (Milieu-Defensie)
Friends of the Earth Sweden (Jordens Vänner)
Friends of the Landless Finland
Global Responsibility
Global Witness
GRAIN
Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP)
International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM)
Koordinierungsstelle der Österreich-ischen Bischofskonferenz für internationale Entwicklung und Mission
La Confédération paysanne
Lok Sanjh Foundation
Mani Tese (Italy)
Öko + Fair ernährt mehr! (Weltladen-Dachverband and Naturland)
Oxfam International
Pacific-Network Germany
Platform Aarde Boer Consument
Re:Common [formerly, Campagna per la riforma della Banca Mondiale]
Rettet den Regenwald (Germany)
Rosa Luxemburg Foundation Brussels
Salva la Selva (Spain)
Save Our Seeds
Slow Food
Solidarité
Solidarity Sweden-Latin America
Südwind
Terra Nuova
The Gaia Foundation
The Grassroots Foundation
The Kenya Debt Relief Network (KENDREN)
The National Farmers Union (Canada)
UK Food Group
World Economy, Ecology & Development (WEED)
Xarxa de l'Observatori del Deute en la Globalització (ODG-Debtwatch)

le 26 juin 2012

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Links in this article:
  • [1] http://go.worldbank.org/OAV3EK4F00
  • [2] http://www.future-agricultures.org/papers-and-presentations/doc_download/1324-hubert-cochet-and-michel-merlet-
  • [3] http://farmlandgrab.org/post/view/20165
  • [4] http://www.ukfg.org.uk/pics/Yaounde_Agricultural_Investment_Farmers_Workshop_Synthesis_Report-EN_1.pdf
  • [5] http://www.pambazuka.org/en/category/land/68535
  • [6] http://www.grain.org/article/entries/4287-pension-funds-key-players-in-the-global-farmland-grab