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Inde : Une deuxième révolution verte n’est pas la solution

by GRAIN | 15 Jul 2011

par Living Farms et GRAIN

Le gouvernement indien a décidé d’allouer 86,3 millions de dollars US à la promotion d’une révolution verte dans les États de l’Est de l’Inde. Voilà une somme considérable pour ressusciter un fantôme. Mais ce n’est pas seulement l’importance de la somme qui gênait les activistes, les scientifiques et les groupes de consommateurs, lors du récent atelier de réflexion d’Odisha. C’est le mépris affiché par le gouvernement envers les alternatives existantes et les ravages déjà provoqués dans le pays par la première révolution verte.

La révolution verte entreprise en Inde par le passé s’est révélée non durable, dangereuse pour l’environnement, non viable économiquement et une menace pour l’existence des producteurs à petite échelle ou marginaux et des métayers. Elle a laissé d’irréparables dégâts sociaux-culturels, environnementaux, sanitaires et économiques dans les communautés paysannes et chez les consommateurs, » ont écrit les participants à l’atelier dans leur déclaration ; celle-ci a été approuvée par les représentants d’Odisha, du Bengal-Occidental, de Chattisgarh, du Bihar, de l’Uttar Pradesh, du Madhya Pradesh, de l’Andhra Pradesh, de Kerala et de Delhi.

Parmi ceux qui ont signé la déclaration aux côtés des paysans et des activistes, on trouve le Professeur Manhar Adil, conseiller auprès du ministre de l’Agriculture de Chattisgarh, M. Vijay Kumar, secrétaire-adjoint à l’office du Développement rural du gouvernement indien, le Professeur T K Bose, membre de l’ancienne Commission nationale de l’Agriculture du Bengale-Occidental et le Dr VS Vijayan, ex-président du Bureau de la biodiversité de l’État de Kerala. Ces représentants du gouvernement s’accordent à dire que « la révolution verte n’a que des implications négatives pour la région de l’Est et les propositions actuelles n’ont rien de réjouissant. »

L’argument principal utilisé par le gouvernement de l’Union pour réintroduire la révolution verte est que la première mise en oeuvre, dans les années soixante, a été limitée à 10% du pays, et qu’il est donc grand temps de couvrir davantage de terrain. En même temps, le gouvernement considère les États de l’Est comme « arriérés en agriculture » et prétend que le modèle de la révolution verte est le seul moyen d’aider à leur développement. Les ambitions gouvernementales sont résumées dans le programme “Strategic Plans for Green Revolution in Odisha”, qui préconise la sélection et l’adoption de variétés hybrides adéquates, une augmentation de l’usage d’engrais et de la mécanisation, et la promotion d’une agriculture dédiée à l’exportation. Cette région Est de l’Inde peut en fait devenir le terrain d’une seconde révolution verte, non seulement pour l’Inde, mais pour toute l’Asie du Sud. En effet, le Premier ministre indien a récemment annoncé le lancement au Bihar d’un Institut Borlaug pour l’Asie du Sud, précisément avec cet objectif en vue.

La promotion du riz hybride est un élément central dans cette seconde révolution verte. En juillet, le ministre de l’Agriculture de l’Inde, Sharad Pawar, a annoncé la formation d’une force opérationnelle au niveau central pour favoriser l’expansion des variétés de riz hybride dans le pays. Cette force aura pour tâche de trouver des partenariats public-privé pour la production, l’approvisionnement et la commercialisation des semences. M.Pawar a aussi déclaré de façon très claire que l’objectif était « d’adopter le modèle chinois de production de riz hybride » et qu’une équipe de son ministère s’est déjà rendue en Chine dans cette perspective.

Le “modèle chinois” fait référence à la décision politique prise par la Chine dans les années 1980 de se tourner de façon massive vers le riz hybride et de dégager tous les moyens nécessaires pour soutenir l’expansion et la culture de ce riz. Au cours d’un atelier sponsorisé par le gouvernement à Kolkata (Calcutta), le ministre de l’Agriculture a révélé comment il entend parvenir à ce but : “ La production des semences de riz hybride devra être planifiée et réalisée avec la collaboration active des universités agricoles des États et des entreprises semencières des secteurs public et privé, pour subvenir aux besoins des agriculteurs. »

Les agriculteurs des États de l’Est cependant, savent parfaitement à quoi s’en tenir avec le riz hybride. « L’expérience que nous avons du riz hybride dans toute l’Asie montre que c’est une technologie défectueuse qui est de plus en plus rejetée par les paysans et les consommateurs. Il est à noter que la promotion du riz hybride ignore la biodiversité existante dans la région. Le choix du riz hybride ne risque pas d’apporter une réponse aux problèmes des agriculteurs. Et le riz GM non plus » ont ils clairement affirmé dans la déclaration ci-dessus.

Pour Natbar Sarangi, un agriculteur d’Odisha qui cultive 342 variétés traditionnelles de riz, il est hors de question d’utiliser du riz hybride. “Si j’utilise du riz hybride, je deviendrai complètement dépendant du marché et des semenciers, et je ne veux pas. Et parce qu’il me faudra utiliser des produits chimiques, cela polluera mon eau et mon riz, et ce n’est pas acceptable. »

Le gouvernement indien semble avoir oublié que même si la révolution verte n’a pas été officiellement introduite dans les États de l’Est, elle y a toutefois fait des incursions et « laissé des conséquences négatives bien documentées, en enfonçant, entre autres, bien des paysans dans la spirale de la dette et en provoquant des suicides, » ont fait remarquer les participants à l’atelier d’Odisha. Dans le même temps, l’Inde de l’Est dispose encore « d’une inestimable diversité génétique de plantes que les paysans ont développées au cours des siècles pour les adapter aux diverses conditions de culture et à leurs préférences et c’est un héritage qui est menacé par la promotion des semences et des technologies de la révolution verte. »

Il n’existe aucune raison valable de ressusciter le fantôme de la révolution verte. Il est grandement préférable de soutenir les systèmes de subsistance mis en place par les paysans de l’Inde de l’Est avec leurs propres semences.

Author: GRAIN