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Les graines de lin canadiennes contaminées sont interdites en Europe

by Lucy Sharratt* | 14 Dec 2010

En septembre 2009, les agriculteurs canadiens ont appris avec stupéfaction que leur exportations de graines de lin avaient été contaminées par des graines génétiquement modifiées (GM). Cela ne pouvait pas plus mal tomber : Juste au moment où la récolte débutait, certaines entreprises en Europe ont commencé à détecter une contamination par des graines de lin GM et le marché européen a été fermé aux graines de lin canadiennes. Il n’est pas rare que certaines plantes soient contaminées par leur équivalent GM, mais en l’occurrence, cette contamination était totalement imprévisible, puisque la vente de graines de lin GM est interdite au Canada depuis 2001.

Les graines de lin sont utilisées en alimentation, entre autres dans les produits de boulangerie et le musli, et également dans les aliments pour animaux. Le 8 septembre, une entreprise de céréales allemande a signalé la contamination par l’intermédiaire du Système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux de la Commission européenne (RASFF). Les notifications de contamination se sont multipliées dans les semaines suivantes, et à la mi-Novembre, le Japon était le 35è pays à avoir détecté des graines de lin contaminées ou à avoir pu établir que des produits contenant des graines contaminées avaient été distribués. Le Canada et les États-Unis sont les seuls pays au monde qui ont autorisé la culture et la consommation de graines de lin GM.

Il y a huit ans les agriculteurs canadiens eux-mêmes se sont battus pour faire retirer les graines de lin GM du marché, conscients que leurs ventes en Europe - l’Europe représente en effet 60 % des exportations canadiennes de graines de lin -  seraient ruinées en cas de contamination GM. La situation au Canada est compliquée par le fait que les graines de lin GM se sont pas en fait interdites sur le marché intérieur.

Comme il n’existe pas au Canada de mécanisme qui permette aux agriculteurs de faire retirer une plante GM de la liste autorisée ou de l’enlever du marché pour raisons économiques, les agriculteurs ont dû trouver un autre moyen de faire barrage aux graines de lin GM. La graine de lin est l’une des plantes qui au Canada nécessite que la variété soit enregistrée avant que les semences ne soient commercialisées. Ainsi en 2001, les agriculteurs ont tenté,  et obtenu, le désenregistrement des graines de lin GM. À l’époque, quarante semailles étaient en train de multiplier 200 000 boisseaux de graines GM , en prévision de la demande. Étant donné que ces semences ne pouvaient plus être vendues légalement, les autorités donnèrent l’ordre d’écraser toutes les graines. Malgré leurs efforts, huit ans plus tard, les pires craintes des agriculteurs se sont réalisées. « C’est le cauchemar absolu pour les producteurs de graines de lin et c’est pour cette raison que nous avions tellement travaillé pour faire retirer les graines de lin GM », déplore Terry Boehm, producteur de graines de lin et président de l’Union nationale des fermiers du Canada.

La graine de lin GM, tolérante aux résidus d’herbicides dans le sol, fut développée dans les années 1990 par Alan McHughen, un scientifique partisan de l’industrie et qui a suscité de nombreuses controverses. Il travaillait alors  pour le Centre de développement des cultures (CDC) de l’Université du Saskatchewan. McHughen nomma sa graine de lin GM “le triffide du CDC”, une référence au roman de John Wyndham intitulé Le jour des triffides, qui met en scène de terrifiantes plantes carnivores cultivées pour la production d’huile. Cette graine a été développée avec de l’argent public au moyen de financements du gouvernement de la province au CDC, mais manifestement sans mandat de la part des agriculteurs. Cependant, le CDC a arrêté ses recherches en génie génétique après la controverse sur la graine de lin, dont l’un des épisodes fut la bataille publique menée par les agriculteurs contre l’habitude qu’avait McHughen de distribuer des sachets de graines de lin GM au cours de présentations publiques.
Le Canada est le plus gros producteur et exportateur mondial de graines de lin qui représentent l’une des cinq grandes cultures de rente, avec le blé, l’orge, l’avoine et le canola. Le prix de la graine de lin avait déjà chuté de 32 % avant même que la contamination GM n’ait été confirmée. Les agriculteurs ne connaissent pas encore l’étendue de la contamination ni son origine. Il est probable toutefois, comme dans tous les cas de contamination, que ce sont les agriculteurs qui devront supporter le coût de la remise en état. Les agriculteurs canadiens sont maintenant obligés d’envoyer leurs graines de lin pour les faire tester. Chaque test leur coûte 105 dollars canadiens (100 dollars US).

L’industrie continue de considérer la politique européenne de tolérance zéro, et non la contamination elle-même, comme le problème. L’industrie et le gouvernement exploitent l’incident de la contamination pour faire à nouveau pression et réclamer la fin de la tolérance zéro. Le gouvernement  reste silencieux sur la contamination sur le sol canadien, ne voulant pas attirer l’attention sur la question. Mais en février 2010, un projet de loi doit faire l’objet d’un débat par le Parlement canadien : ce projet rendrait obligatoire d’évaluer les dommages économiques à l’exportation, avant  de pouvoir vendre des graines GM au Canada.                                                


La contamination par des graines de lin GM a atteint les pays suivants : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, la Corée du Sud, la Croatie, le Danemark, l’Égypte, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, , la Grèce, la Hongrie, l’Ile Maurice, l’Irlande,  l’Islande, l’Italie, le Japon, la Lettonie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, , la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, Singapour, la Slovaquie, la Slovénie, Sri Lanka, la Suède, la Suisse, la Thaïlande.

Pour en savoir plus sur Alan McHughen : http://www.spinprofiles.org/index.php/Alan_McHughen

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* Lucy Sharratt est la coordinatrice du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (RCAB/CBAN), une coalition de campagne regroupant 17 groupes d’agriculteurs, de développement international, d’écologistes et de citoyens. (http://www.cban.ca)

Author: Lucy Sharratt*
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