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Les accords de libre-échange entre l'Amérique latine et l'Union européenne : une nouvelle forme de domination

by GRAIN | 15 Jul 2008

GRAIN

C’est une véritable épidémie d’“accords d’association” et d’“accords de coopération” que l’Union européenne (UE) est en train de négocier à travers le monde. Outre la trentaine d’accords déjà signés, l’UE négocie encore, ou est sur le point de le faire, d’autres accords avec plus de quarante pays.[1] Il faut noter l’ampleur du champ d’application de ces accords et leur nature « ouverte » et « continue ». En d’autres termes, ces accords obligent les pays signataires à des extensions régulières et à entreprendre un nombre mal défini de réformes judiciaires, administratives, économiques et sociales, qui ne visent qu’à fournir des conditions d’investissement toujours plus favorables aux entreprises européennes. Cette accumulation de changements finit par en faire des réformes constitutionnelles qui seront/sont décidées au niveau ministériel, sans que le Parlement et l’opinion publique des pays concernés aient leur mot à dire.

Depuis 1990, l’Amérique latine a été l’une des cibles préférées de l’investissement européen. De fait, c’est la destination étrangère la plus importante pour toutes les sociétés espagnoles et les bénéfices qu’elles ont retirées de cette région ont joué un rôle essentiel dans la croissance domestique. Le capital industriel s’intéresse à l’Amérique latine pour plusieurs raisons : le continent connaît une urbanisation très rapide (ce qui augmente la demande de services), l’abondance de ses ressources minérales, de son pétrole et de sa biodiversité est séduisante, et les gouvernements de la région n’ont aucune hésitation à privatiser les ressources, les écosystèmes et les entreprises du secteur public à des prix dérisoires. Les investissements européens excèdent aujourd’hui ceux des États-Unis et on en arrive à parler de nouvelle “Conquista”, les Européens s’emparant de plus en plus des secteurs des communications, de l’énergie, de l’eau, des banques, du pétrole et de la pêche. C’est grâce à la privatisation du secteur public que l’investissement a pu être si élevé.[2]

On ne peut donc guère être surpris de ce que l’Amérique latine soit également devenue une cible majeure pour l’UE quand il s’agit de conclure des accords commerciaux. Le premier accord commercial de l’UE a été signé en 2000 avec le Mexique. Un accord avec le Chili a suivi deux ans plus tard et plus récemment un traité avec la CARICOM (la Communauté du bassin des Caraïbes, actuellement composée de 15 nations). L’UE est actuellement en négociations avec l’Amérique centrale, la Communauté andine des nations et le Mercosur. Si toutes ces négociations se terminent par des accords, l’UE aura réussi à s’implanter dans tous les pays de la région, à l’exception peut-être de Cuba et du Vénézuéla. La région se trouvera incorporée dans une version élargie de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), si ce n’est qu’elle sera désormais liée à l’Union européenne plutôt qu’aux États-Unis (ce qui devait être le cas avec la ZLÉA). Le but de l’UE est d’utiliser ces accords pour compléter le processus de privatisation, de se débarrasser des restrictions limitant la propriété et l’activité européennes dans la région, d’obtenir le plein accès aux ressources naturelles et de s’assurer que les entreprises européennes pourront clairement bénéficier d’avantages par rapport aux entreprises nationales. De surcroît, toutes les concessions accordées aux entreprises européennes doivent être protégées, de façon à ne pas être affectées par les changements politiques que les peuples de la région pourraient éventuellement vouloir amener à l’avenir.

Comme avec les États-Unis, les négociations avec l’UE ont été menées dans la plupart des cas en secret, ce qui empêche le Parlement, les citoyens et les mouvement sociaux d’avoir les informations nécessaires. Il est clair que le choix du secret a pour but de prévenir le genre de mobilisation civile qui avait contribué à saboter la ZLÉA. Pour faire pression sur les pays qui ont une position plus indépendante ou qui sont plus enclins à défendre leur intérêt national, l’UE a négocié avec des blocs régionaux, annihilant parfois les regroupements précédents tels la Communauté andine des nations. Le message est clair : « Signez ou vous serez mis à l’écart ». A défaut d’une mobilisation civile forte, il est très probable que les gouvernements de la région cèderont à cette pression.

Dans l’idée d’encourager un débat public sur ces accords, nous présentons ici une analyse des conséquences et de l’ampleur de certains des accords qui ont déjà été signés. Nous analysons également les implications de certains documents publiés au cours des deux dernières années par l’Union Européenne : On y trouve clairement exposées les stratégies et les intentions qui sous-tendent les négociations.

Aspects généraux

« Il s’agit d’un programme ambitieux destiné à accélérer la contribution des politiques commerciales à la croissance et à l’emploi en Europe, à favoriser la libéralisation du commerce mondial et à venir en complément d’autres objectifs de politique extérieure de notre politique commerciale. » Global Europe: Competing in the World [3]

Il faut noter que les accords avec l’Union européenne ont une portée très vaste et qu’ils vont bien au-delà des questions strictement économiques. L’UE parle d’accords « politiques et économiques » ou d’« Accords de libre échange Plus »,[4] et a déclaré explicitement qu’elle recherche des assurances et des garanties qui soient égales ou supérieures à celles des accords de libre-échange existants, tels ceux qui ont été signés avec les États-Unis. Selon des documents officiels de l’UE, les négociations commerciales doivent être compatibles avec la Stratégie européenne de sécurité (SES), qui considère que les plus grandes menaces vis-à-vis de la sécurité européenne viennent de l’extérieur de l’Europe.[5] L’Europe exige donc que les pays du Tiers-Monde non seulement lui concèdent des avantages commerciaux, mais encore qu’ils coopèrent en matière de contrôle politique, militaire et intérieur et qu’ils se conforment entre autres aux lois antiterroristes.

Les accords déjà signés varient énormément selon les pays. Contrairement aux accords signés avec les États-Unis dont le contenu ne change que très peu, les accords signés avec l’UE varient autant dans la forme que le contenu. Cependant, certains éléments fondamentaux restent présents dans tous les accords, par exemple ceux qui garantissent à moyen terme que les conditions imposées par l’accord en question satisfont pleinement les objectifs commerciaux de l’UE.

L’une des caractéristiques essentielles des accords avec l’UE est que ceux-ci ont non seulement une portée très vaste, mais qu’ils sont destinés à être élargis. Outre des clauses spécifiques détaillées, les accords contiennent des clauses générales et ouvertes qu’on peut interpréter de diverses manières ou qui exigent d’être plus tard reformulées et élargies, mais le but est toujours de faciliter les activités des entreprises européennes. C’est ce qu’on appelle les clauses « progressives » ou « de révision » qui peuvent être incluses dans chaque chapitre (comme pour le Chili ou le Mexique) ou dans les dispositions générales (comme pour les pays des Caraïbes). L’UE n’est donc pas obligée de signer le même accord avec tous les pays : des révisions futures lui permettront d’obtenir ce qu’elle n’avait pas pu obtenir à la première signature. Quand on veut analyser les effets potentiels d’un accord avec l’UE, il est par conséquent essentiel d’examiner non seulement le texte qui est en cours de négociation, mais aussi les objectifs politiques et économiques poursuivis par l’UE.

C’est le rôle du Conseil d’association de surveiller la mise en œuvre des accords et leurs extensions périodiques. Ce Conseil est constitué de représentants du Conseil de l’Union européenne et de ministres représentant les partenaires non européens (ici les pays d’Amérique latine). Le Conseil d’association a le droit de former des comités (au niveau ministériel également) pour assurer un suivi plus détaillé, rédiger de nouveaux accords et décider les mesures de mise en œuvre. Les décisions finales prises par le Conseil sont converties par décret en règles et normes et leur mise en œuvre devient alors obligatoire. Le Conseil d’association et ses comités peuvent prendre connaissance de l’avis des parlements des pays concernés et des organisations de la société civile, mais ils n’ont aucune obligation d’en tenir compte.

En d’autres termes, les accords avec l’UE ne sont pas juste une série d’accords spécifiques : ils représentent un engagement sans limites à changer les modes de vie et les sociétés des pays concernés afin d’assurer aux entreprises européennes des garanties toujours plus solides. Les changements futurs et leur mise en application restent aux mains des gouvernements, ce qui équivaut à refuser aux parlements et aux mouvements sociaux la possibilité de rejeter ces changements, d’exercer un contrôle véritable ou tout simplement d’être partie prenante de ces changements. Tout cela veut dire que les pays renoncent à la fois au droit d’exercer leur souveraineté nationale et au droit de toute société à participer à la prise de décisions.

La partie « soft » des accords

« L’UE a intérêt, stratégiquement parlant, à développer des règles et une coopération internationales sur les politiques de concurrence, pour garantir que les firmes européennes ne soient pas pénalisées dans des pays tiers… » Global Europe: Competing in the World [6]

« Les objectifs centraux seront… de promouvoir des projets de coopération industrielle,
en particulier dans le cas de projets résultant du processus de privatisation.. »
Article 17c de l’Accord UE-Chili[7]

Les accords avec l’UE sont généralement présentés comme des accords « soft » destinés à promouvoir la coopération, plutôt qu’à protéger les intérêts économiques de l’Union européenne. Ils comprennent de nombreuses clauses de coopération dans divers domaines, tels la technologie, la science, la culture, l’éducation et le soutien au développement durable.

A y regarder de plus près cependant, une grande part de cette « coopération » se limite en fait à de vagues promesses sans engagements précis. De plus, cette « coopération » dépend de nombreuses conditions qui sont toutes destinées à renforcer la présence des entreprises européennes dans tous les domaines de la vie nationale du pays partenaire. De fait, l’usage du terme « coopération » n’est le plus souvent qu’une façon de masquer les obligations auxquelles s’engagent les partenaires signataires.

Les réductions des tarifs douaniers font ainsi partie de la « coopération en matière de douanes». Dans l’accord prévu avec l’Amérique centrale, la « coopération culturelle » est en fait un instrument qui servira à privatiser la culture. L’une des clauses explique : « Les parties essaieront de fournir une assistance technique aux États d’Amérique centrale, dans le but d’aider au développement des industries culturelles ».[8]

L’UE consacre une grande part de ses efforts à tenter de profiter au maximum des droits de propriété intellectuelle (DPI). Ce sont justement les paragraphes sur la coopération qui lui permettent de le faire. Le premier paragraphe du chapitre sur la coopération technique et scientifique de l’accord avec le Chili déclare qu’il devrait y avoir coopération «  en particulier sur les règles pour l’utilisation de la propriété intellectuelle résultant de la recherche »[9] et intègre parmi les objectifs la participation de l’industrie au développement de la science et de la technique. En d’autres termes, la coopération scientifique et technologique est un outil qui sert à la privatisation, aux brevets et autres formes de propriété intellectuelle.

L’accord avec les pays des Caraïbes contient des dispositions très similaires : la coopération est censée inclure «un soutien à la préparation des lois nationales et à la réglementation concernant la protection et la mise en application des droits de propriété intellectuelle.[Ce soutien peut inclure] entre autres la formation du personnel à l’application des DPI»[10] La « coopération » dans ce cas signifie que seront introduites de nouvelles lois sur la propriété intellectuelle et qu’il est prévu que celles-ci soient rédigées par des experts européens.

Les exemples abondent dans d’autres domaines. L’objectif principal de la « coopération dans l’exploitation minière» avec le Mexique est de « promouvoir l’exploration, l’exploitation et l’utilisation rentable des minerais ».[11] Les chapitres sur la coopération économique avec le Chili et le Mexique sont formulés de façon vague mais ils ont pour but de protéger les investisseurs. L’un des objectifs est de « développer un cadre juridique pour les parties qui favorise l’investissement ».[12] Dans le cas du Chili, le chapitre sur la coopération économique fait mention de la nécessité de «  consolider les relations économiques dans les secteurs clés comme l’hydroélectricité, le pétrole et le gaz naturel, les énergies renouvelables, les techniques d’économies d’énergie et l’électrification des zones rurales »[13] et de promouvoir « un meilleur accès aux marchés des transports urbain, aérien, maritime, ferroviaire et routier ».[14]

En général, les clauses concernant la coopération ne prévoient pas nécessairement de coopération directe ou de liens entre des états-nation ou des secteurs publics. Les différents accords font référence à plusieurs reprises à une coopération entre « des réseaux d’opérateurs économiques », c’est-à-dire à des liens entre des entités privées ou entre des états et des entités privées. Les obligations sont très déséquilibrées : jamais les accords ne fournissent la possibilité de réglementer les exigences et les conditions imposées par le secteur privé durant la « coopération », mais ils obligent les États à s’ouvrir au secteur privé. De fait, ce genre de « coopération » revient à mettre les pays d’Amérique latine à la disposition des entreprises européennes.

Le “cœur” des accords ne prête pas à ambiguité

« Chacune des parties devra prendre toutes les mesures nécessaires pour satisfaire aux règles du panel d’arbitrage »
Article 210 de l’Accord UE-Cariforum

A la différence des chapitres sur la coopération qui sont ambigus et masquent souvent les intentions réelles, les chapitres concernant la nécessité de « créer un environnement favorable aux investisseurs » sont fondés sur deux dispositions très claires : l’application des accords est obligatoire et les représailles en cas de non-application de ces accords sont permises. Si l’UE estime qu’un pays n’a pas satisfait aux termes d’un accord, elle a le droit de porter plainte contre celui-ci devant un tribunal privé dont les décisions sont contraignantes. Si le pays continue à ne pas se conformer à ce qui lui est demandé, l’UE peut prendre des mesures de représailles : elle peut par exemple, de façon unilatérale, augmenter ses tarifs douaniers ou interdire les importations provenant de ce pays.

Les accords accroissent encore les pouvoirs (accordés par l’OMC) dont disposent les entreprises transnationales d’aller en justice (là encore devant une cour privée) quand elles estiment que leurs intérêts ont été bafoués. Dans ce cas, des représailles peuvent être décidées à l’encontre des pays : leurs exportations peuvent être saisies et on peut les obliger à payer des amendes qui se chiffrent en millions de dollars. Il y avait plus de 200 procès de ce genre en cours en 2007. Le nombre total de conflits est nettement plus élevé si l’on considère que les parties parviennent souvent à un accord avant d’aller en justice. Le Chili a été condamné à des amendes de plus d’un milliard de dollars US dans les cinq dernières années.[15]

Les objectifs et les stratégies de l’UE

L’Union européenne a décidé d’intensifier ses efforts pour aider les entreprises européennes à introduire leurs marchandises et leurs services sur de nouveaux marchés…en utilisant les accords commerciaux globaux et bilatéraux de l’UE, non seulement pour ouvrir encore davantage les marchés, mais pour s’assurer que ceux-ci restent ouverts.[16]

Les documents de l’Union européenne sont éloquents. Dans European Global Europe: Competing in the world[17], la Commission européenne déclare que l’ouverture des marchés étrangers est l’un des piliers de sa compétitivité. Dans un document plus récent[18], la Commission expose en détail ses principes politiques, en particulier ceux qui sont liés à sa Stratégie d’accès aux marchés et identifie ce que l’UE considère comme les principaux obstacles au commerce. Nous examinerons ci-dessous ce qu’impliquent les définitions de l’UE. Étant donné le manque de précision et la portée des accords que l’UE a l’intention de négocier, tous ces scénarios pourraient bien devenir réalité.

1. Réduction des taxes sur les activités économiques à l’étranger, y compris les tarifs douaniers sur les importations et les exportations. L’UE pense qu’il est essentiel de réduire les taxes payées par les entreprises européennes dans les pays d’Amérique latine. Elle réclame par conséquent une réduction supplémentaire des tarifs import/export et moins de taxes sur toutes les activités des entreprises européennes (ceci inclut le pétrole et l’exploitation minière) dans les pays signataires. Elle tient particulièrement à mettre fin au prélèvement de taxes sur les exportations de matières premières. De surcroît, l’existence des clauses de « la nation la plus favorisée» et de « double taxation » (voir explications ci-dessous) pourrait signifier que les entreprises ne paient pas d’impôts sur les bénéfices acquis dans les pays d’Amérique latine.

Pour ce qui est des tarifs douaniers, l’UE a déclaré que « bien que ceux-ci aient été érodés par plusieurs cycles de négociation, des tarifs douaniers élevés posent encore problème aux exportateurs européens ». Elle cherche donc à diminuer encore les taxes à l’importation, y compris les taxes sur les produits agricoles. Mais l’UE ne s’engage absolument pas à réduire ses subventions agricoles en échange. Si ces réductions sont accordées, les produits agricoles locaux seront, graduellement ou immédiatement, en concurrence avec les produits européens subventionnés.

Ces réductions de taxes affecteraient sérieusement la capacité des entreprises nationales des pays partenaires à résister à la concurrence des produits européens sur leur propre territoire. Une autre conséquence majeure est que le revenu des taxes récupéré par le gouvernement serait lui aussi réduit, affectant l’aptitude de l’État à fournir éducation, santé, infrastructures, installations sanitaires, aide sociale, services techniques et autres. L’impact de cette évolution pourrait être extrêmement sévère pour les pays à économie faible ou peu développée. Les chiffres de l’UE indiquent que les pays de l’ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) perdraient 70% des revenus qu’ils tiraient des droits sur les importations européennes [20], ce qui représenterait une diminution moyenne d’un quart des revenus publics totaux des pays africains. L’UE suggère d’augmenter certaines autres taxes pour compenser. Au Chili, ce genre de politique a en réalité provoqué l’élimination des droits d’importation sur les produits de luxe et une augmentation des taxes sur la consommation domestique : ce qui fait qu’un Chilien qui importe une Rolls Royce ne paiera pas de taxe spécifique, mais la taxe que tous les Chiliens payent sur la nourriture, les vêtements et les médicaments, a augmenté, elle, de 5%.

2. Ouverture du pays à des flux commerciaux incontrôlés. Pour L’UE, les contrôles exercés sur les importations et les exportations sont des « procédures douanières pesantes pour l’import, l’export et le transit »[21] des marchandises. L’UE prive ces pays de la possibilité de réguler ou même d’influencer leur commerce international, d’encourager certain processus économiques ou de protéger leur propre population.

Dans les accords entre l’Amérique latine et les États-Unis, l’interdiction de contrôler le commerce comprenait l’interdiction spécifique de réguler le flux des produits alimentaires (seul le Nicaragua avait en l’occurrence demandé une exception). Il n’y a aucune garantie que l’UE n’exigera pas la même chose quand il s’agira d’interpréter ou d’élargir les accords. Ce genre de clause empêche les pays de bloquer les exportations de produits alimentaires de base, même quand leur population est en train de mourir de faim ou de se débattre dans une crise alimentaire.

L’UE tente également de réduire les règles relatives au transit des marchandises. Les pays signataires peuvent ainsi être utilisés comme plate-forme pour exporter vers d’autres pays. Pour l’Amérique centrale, cela pourrait par exemple signifier l’obligation d’autoriser l’entrée des marchandises dans un seul et unique port de la région qui servirait de base à leur distribution dans les autres pays d’Amérique centrale.

Outre la liberté totale de circulation pour leurs marchandises, les entreprises européennes réclament un statut juridique national, qui leur permettrait de multiplier les possibilités d’utiliser les pays signataires comme plate-formes pour l’exportation. Non seulement les entreprises européennes deviendraient des concurrents puissants sur les marchés nationaux, mais elles concurrenceraient les exportations de ces pays vers d’autres marchés.

3. Modification des standards de qualité et des normes techniques. L’UE considère les normes de qualité et les normes techniques comme des « obstacles » possibles au commerce et a introduit diverses clauses qui ont pour but d’éliminer ces obstacles au cas par cas. L’UE veut diminuer petit à petit le droit de chaque pays de rédiger et de faire appliquer les normes relatives à la qualité, la sécurité et la sûreté des importations, des exportations et de toutes les activités économiques des sociétés européennes à l’intérieur de ses frontières.

Cette élimination se fera durant les futurs cycles de négociations destinées à “réviser” l’accord et c’est bien évidemment le négociateur le plus fort qui l’emportera. Tout d’abord l’UE essaiera de façon sélective de réduire les procédures de mise en application et les exigences de qualité sur les produits entrant un autre pays, ce qui facilitera clairement l’importation de produits qui ont été rejetés dans l’UE. Le Brésil a récemment été obligé d’accepter des pneus d’occasion, après soumission de l’affaire par l’UE aux tribunaux internationaux. Dans le même temps, les entreprises privées européennes restent libres, à tout moment, d’imposer toutes sortes de restrictions, surtout quand il s’agit d’importations vers l’Europe.

4. Simplification et restriction de l’usage des mesures sanitaires et phytosanitaires. Ces mesures servent, à l’entrée des marchandises dans un pays, à protéger la santé des personnes, des plantes et des animaux et le développement agricole en général. Elles s’appliquent en particulier à l’alimentation, aux médicaments et aux intrants agrochimiques et penchent déjà nettement en faveur de l’agrobusiness et des compagnies pharmaceutiques. Cependant, elles comptent encore parmi les quelques barrières qui permettent de limiter l’usage et l’importation de produits chimiques, de médicaments et d’aliments dangereux ou de mauvaise qualité.

L’UE ne se cache pas de vouloir modifier ou éliminer ces mesures. Elle l’a déjà fait avec d’autres standards de qualité et elle se servira sans doute des mêmes procédés. Ce sont les arguments qui sont déjà utilisés par les États-Unis pour empêcher les pays de restreindre ou de contrôler l’entrée des organismes génétiquement modifiés. Dans le cas présent, cela veut dire que les pays d’Amérique latine ne pourraient interdire l’entrée de bétail que quand il est clairement prouvé que celui-ci est atteint de la « maladie de la vache folle » (ESB) mais qu’ils ne pourraient pas refuser les animaux potentiellement infectés, comme le voudrait le principe de précaution. L’Europe exerce une telle pression pour réduire les contrôles sur ses exportations que l’Argentine ne fait plus de vérifications sanitaires sur les produits animaux importés d’Europe, malgré les risques que cela peut représenter pour sa propre activité économique qui se chiffre en centaines de millions de dollars.[22]

5. Accès sans restrictions aux matières premières, en particulier aux ressources minières. L’UE considère comme inacceptable que les pays imposent des « restrictions pour accéder aux matières premières, des pratiques d’exportation particulièrement restrictives, par exemple des taxes à l’exportation qui augmentent les prix des produits tels que….les produits minéraux et les produits métalliques les plus importants ».[23] En d’autres termes, elle veut avoir accès sans aucune restriction aux ressources naturelles des pays signataires des accords commerciaux. Ceci comprend l’accès à la biodiversité et l’ouverture totale des eaux territoriales aux bateaux de pêche européens.

L’objectif de clauses de ce genre est d’établir qu’il n’est possible d’imposer aux entreprises européennes des restrictions sur l’exploitation et l’exportation de ressources naturelles que si ces restrictions touchent en même temps la consommation nationale ou l’exploitation par des entreprises nationales.

Actuellement les cultures vivrières sont considérées comme des matières premières pour la production de carburant. Si l’UE atteint son objectif, les pays pourraient avoir à faire face à de sérieux problèmes s’il essaient de réguler le flux de nourriture, à moins qu’ils n’acceptent de restreindre aussi la consommation de leur propre population. Dans la crise alimentaire actuelle, on a du mal à imaginer qu’on puisse en arriver là, mais ce n’est pas impossible. Les conséquences d’une telle situation seraient dramatiques.

6. Durcissement du régime des droits de propriété intellectuelle. L’UE a déclaré explicitement qu’elle veut obtenir la « protection maximale » pour les droits de propriété intellectuelle et des sanctions pénales conséquentes contre ceux qui ne se plient pas aux nouvelles lois. Les implications sont graves, car les lois sur la propriété intellectuelle fonctionnent sur le principe que tout accusé est coupable tant qu’il n’a pas été reconnu innocent. Le pire est que les accords avec l’UE ont réussi à intégrer le principe qui permet d’intenter un procès à quelqu’un, au prétexte qu’il n’a pas l’intention de respecter les droits sur la propriété intellectuelle.

Pour ce qui est des plantes et semences, l’UE exige l’adhésion à la Convention UPOV de 1991(Convention internationale pour la protection des obtentions végétales), une forme d’appropriation très similaire à un brevet. L’UE exige des brevets pour les médicaments et les produits biologiques et biotechnologiques, y compris ceux qui sont dérivés des savoirs traditionnels. Elle ne requière pas explicitement de brevets pour les plantes et les animaux, mais elle ne les interdit ni ne les identifie comme des exceptions. Selon les normes européennes (que l’UE a l’intention d’imposer dans la région à travers ses Accords d’association), les plantes, les animaux et les micro-organismes sont des produits biotechnologiques brevetables. Les plantes et les semences pourraient donc se trouver doublement privatisées : par l’UPOV et par les brevets.

7. Ouverture de tous les secteurs de l’économie et de tous les domaines de la vie nationale aux investisseurs européens. La version la plus radicale permettrait la privatisation directe ou indirecte de toutes les entreprises publiques et des services d’État, dont l’armée et les forces de police. C’est déjà une pratique courante avec les États-Unis. Tout d’abord, les entreprises européennes auraient accès aux ressources minières et aux autres ressources naturelles, à l’eau, aux transports, aux communications, à l’électricité, la santé, l’éducation, aux fonds de pension, aux banques, à la gestion des parcs nationaux, des ports et des aéroports. Si les États privatisent leurs services par « externalisation », les entreprises européennes auront le droit de répondre aux appels d’offre. Les clauses de la révision garantissent une ouverture toujours plus grande. Il ne sera pas possible d’imposer des limites à la propriété étrangère. Les entreprises européennes pourraient obtenir le monopole du contrôle des secteurs de base des économies de l’Amérique latine.

De surcroît, les entreprises européennes auront droit au « traitement national », c’est-à-dire qu’il ne sera pas possible de faire bénéficier les entreprises publiques et privées du pays d’un traitement préférentiel. Au mieux les entreprises européennes jouiront des mêmes conditions que les entreprises nationales. Toutefois les clauses de « nation la plus favorisée » donnent aux Européens certains privilèges, comme la réduction des taxes, voire l’exemption pure et simple, des bénéfices garantis et la liberté totale de retirer des capitaux du pays.

8. Obligation des gouvernements de faire un appel d’offres international pour toute passation de marchés publics. Les marchés publics sont un marché important, politiquement et économiquement parlant : selon certains documents émanant de l’UE, ils valent entre 10 et 15  % du PIB d’un pays. Ces contrats d’État garantissent la livraison de marchandises aux hôpitaux, aux écoles, à l’armée, à la police, aux ministères et au parlement. Ils représentent aussi une garantie de stabilité pour les petites, moyennes et grandes entreprises locales.

Soumettre, comme l’exigent les accords, les marchés publics à des appels d’offres internationaux, signifie que les gouvernements devront peut-être confier la construction des routes et des écoles à des entreprises européennes, acheter les cahiers, les crayons, les manuels de classe, les chaussures des soldats, les uniformes et la nourriture pour les hôpitaux à des entreprises européennes. Les gouvernements doivent choisir les prestataires et les sources d’approvisionnement sur la base des seuls critères économiques ; ils doivent s’abstenir d’utiliser leurs pouvoirs pour promouvoir certaines politiques par le biais des dépenses publiques. Les entreprises transnationales pourront mettre en cause les exigences de qualité.

9. Fin programmée des politiques et programmes de soutien des activités économiques et des produits nationaux. Ceci est encore une autre façon de porter atteinte à la capacité des États et des gouvernements à protéger l’activité économique nationale et les secteurs les plus faibles, tels que l’agriculture indigène et paysanne. En utilisant un langage ambigu et subjectif, les accords créent des conditions qui permettent de remettre en cause toutes les politiques de développement qui pourraient être adoptées par les gouvernements : les subventions, l’assistance technique, les prêts à taux réduit, etc. Les pays signataires pourraient être traduits en justice pour avoir mis en œuvre certaines politiques de développement et la seule façon pour eux d’éviter cela serait d’éliminer progressivement ces politiques de développement. En pratique, il sera impossible aux pays d’adopter des mesures de défense commerciale, c’est-à-dire des mesures qui empêcheraient l’entrée des marchandises mettant en danger l’activité économique du pays. La définition de ces mesures pour l’OMC et dans les accords est ambiguë et peu spécifique et toute mesure protectrice prise par un pays pourra faire l’objet d’une action en justice.

L’UE propose que les pays non européens réduisent les mesures de protection au maximum et s’est très activement engagée à éliminer toute politique ou mécanisme de ce genre. Entre juin 2007 et avril 2008, l’UE a fait annuler plus de onze mesures de protection dans dix pays différents.

L’UE elle-même débourse des millions d’euros en subventions, qui vont en particulier aux agriculteurs. Quoique ces subventions fassent l’objet d’un contentieux international, la puissance économique de l’UE est suffisante pour perpétuer ces avantages.

Les coûts cachés

« Il est prévu que les coûts d’ajustement structurel dans les pays de l’ACP soient/seront importants… » extrait d’une étude commanditée par l’UE et menée par des experts dans des universités françaises et italiennes.[24]

On s’est très peu penché sur l’impact financier des accords de libre-échange sur les fonds publics. L’application des accords provoque non seulement une baisse des revenus fiscaux, mais représente également des coûts extrêmement élevés pour la mise en œuvre des diverses réformes et des nouveaux services exigés par les accords. Le Chili a déjà dépensé plus d’un milliard de dollars US pour réformer son système judiciaire, comme l’exigeaient les États-Unis, soit plus de 2% du budget total du pays depuis 2005.[25] Le Mexique devra dépenser encore bien plus : Des millions de dollars ont déjà été dépensés pour les réformes administratives demandées par l’UE, en particulier la simplification des procédures à suivre pour les investisseurs étrangers et d’autres procédures permettant de respecter les clauses de « transparence ». Tout cela n’est en fait qu’une manière d’obliger le Mexique à informer à tout moment les états et investisseurs européens de la moindre mesure, réglementation ou décision qu’il a adoptées ou qu’il est sur le point d’adopter et qui pourraient affecter les intérêts européens.

Le coût politique est également considérable. La réforme du système judiciaire mexicain a servi à introduire une durée de détention des suspects allant jusqu’à 80 jours, sous prétexte de lutter contre le crime organisé.[26] Les pays membres du CARICOM ont été obligés d’accepter la République dominicaine dans leur organisation, lui accordant par là les mêmes privilèges qu’à l’UE (et vice-versa), alors que leurs entreprises allaient avoir à souffrir bien davantage de la concurrence dominicaine. Comme l’accord leur impose d’agir de concert sur tout ce qui touche à sa mise en œuvre de l’accord, ils sont contraints de faire pression les uns sur les autres en cas de différend avec l’Europe. En conclusion, les peuples des Caraïbes ont moins de possibilités de participer aux décisions et moins de contrôle démocratique sur ces dernières; ils ont aussi un plus grand risque de devoir faire face à des conflits régionaux.[27]

Tout cela va augmenter l’activité économique, c’est sûr…

«  Si l’on exclut le cuivre, le pétrole et le gaz naturel, la balance commerciale pendant les années considérées montre un déficit plutôt qu’un excédent. » Rapport du service des Relations économiques du ministère des Affaires étrangères du Chili.[28]

Le plus grand mythe attaché aux accords de libre-échange est qu’ils sont source de bénéfices économiques. Le Chili a signé des accords de libre-échange avec plus de cinquante pays. Selon une étude gouvernementale publiée en avril 2008[29], l’excédent commercial du Chili est passé d’un peu moins de 2 milliards de dollars US en 1999 (un an avant la signature de l’Accord de libre-échange avec les États-Unis et trois ans avant l’accord avec l’UE) à presque 24 milliards en 2007. Cependant, ces chiffres masquent le fait que l’excédent commercial provient presque exclusivement de l’augmentation incontrôlée des exportations minières qui se montent à plus de 30 milliards de dollars US. Si l’on enlève l’industrie minière, le gaz et le pétrole, cet excédent se transforme en fait en un déficit de 10 milliards de dollars, qui touche particulièrement les produits industriels. Il faut aussi noter que les entreprises européennes touchent chaque année un revenu de 30 milliards de dollars US de leurs filiales, filiales qui pourraient toutes, sans exception, être entre les mains d’entreprises publiques ou privées chiliennes, dans les domaines de l’électricité, des communications, des fonds de pension et des assurances santé.[30]

Le Chili a en outre perdu le contrôle de nombreuses ressources : Ce sont des entreprises étrangères qui sont responsables de 70% des exportations minières chiliennes. Ces entreprises rapatrient tous les bénéfices et organisent leurs comptes de façon à profiter au maximum de leurs privilèges et à éviter de payer des impôts. En signant l’accord, le Chili a été obligé d’accepter l’accélération de l’exploitation de ses ressources minières. Le Chili n’en retire pas de bénéfices, puisque ceux-ci ne restent pas dans le pays, mais doit supporter tous les effets secondaires (pollution accrue, rareté de l’eau, entre autres) provoqués par l’intensification de l’exploitation minière.

Au Mexique, les dommages économiques sont encore plus évidents. Ainsi, le déficit commercial global a augmenté d’un peu plus de 9 milliards de dollars US en 2002, date à laquelle le pays a signé un accord avec l’Europe, pour atteindre près de 19 milliards en 2006. Le secteur bancaire fournit un bon exemple de ce qui s’est passé : En 2005, trois banques européennes (Santander, BBAA et HSBC) qui contrôlent la moitié du secteur bancaire mexicain ont amélioré leurs bénéfices de plus de 30%. Une grande part de ces bénéfices provenait de taux d’intérêt et de tarifs élevés. Durant les six premiers mois de 2006, BBVA à lui seul a fait plus d’un milliard de dollars US de bénéfices au Mexique, soit plus que les résultats combinés de la banque en Espagne et au Portugal.[31]

Conclusion

“Les accords de libre-échange sont des instruments de colonisation et de domination”
Réponse du Président Evo Morales à la requête des présidents Alan García et Álvaro Uribe d’accélérer les négociations entre l’UE et la Communauté andine des nations[32]

Comme l’Accord de libre-échange avec les États-Unis et les autres « traités commerciaux de nouvelle génération », les « accords de coopération » et les accords d’association » avec l’UE vont beaucoup plus loin que de simples accords commerciaux. Ils affectent la vie de tous et laissent les pays signataires à la merci des intérêts des transnationales, contournent les législations nationales et même les constitutions, ainsi que les accords régionaux. Les accords avec l’UE sont tout aussi ambitieux, voire peut-être même plus ambitieux, que la ZLÉA et les ALE négociés avec les États-Unis. Ils sont aussi plus ambigus, mais leur seul but est de s’assurer que les pays européens pourront maximiser leurs bénéfices dans les années à venir. Il est par conséquent absolument essentiel que la société réagisse.

Un sommet parallèle à celui de l’Union européenne et des gouvernements d’Amérique latine, mené par un grand nombre de mouvements sociaux et d’organisations civiles, s’est tenu en avril 2008 à Lima. Les organisations ont été très claires : « Nous rejetons les accords d’association proposés par l’Union européenne et soutenus par certains gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes, parce qu’ils n’ont pour but que d’intensifier et de perpétuer le système actuel de domination qui a causé tant de mal à nos peuples.”[33] Le partage de l’information concernant ce domaine est crucial : il faut que dans chaque pays les citoyens puissent exercer leur droit de décider de leur propre avenir. La mobilisation sociale a joué un rôle décisif dans l’arrêt de la ZLÉA. Seule la mobilisation pourra mettre un terme aux accords avec l’UE.


Informations complémentaires :
 
http://www.bilaterals.org fournit régulièrement des informations sur les négociations en cours, les accords proposés, leur impact, etc.

http://www.fightingftas.org analyse l’impact de certains accords et présente les luttes et les mouvements de résistance dans plusieurs pays.

“Implications of the EC–Cariforum EPA” by Norman Girvan (http://www.normangirvan.info/implications-of-the-cariforum-ec-epa-norman-girvan/): Analyse détaillée de l’Accord UE-Pays des Caraïbes et République dominicaine.

“Introducción al ALCA” (http://www.grain.org/briefings/?id=158 and http://www.grain.org/seedling/?id=229) and “The disease of the day: acute treatyitis” (http://www.grain.org/briefings/?id=183) by GRAIN. Explique de façon plus détaillée les garanties fournies aux transnationales. Quoique faisant référence aux accords passés avec les États-Unis, ces garanties se retrouvent, encore élargies, dans les accords avec l’UE.


Références :

[1] Voir la liste des accords déjà signés (avec accès au texte intégral et une liste des négociations en cours) sur : http://ec.europa.eu/trade/issues/bilateral/index_en.htm

[2] ECLAC, Foreign Investment in Latin America and the Caribbean 2001, United Nations, Chile, May 2002. http://www.eclac.cl/ cgi-bin/getProd.asp?xml=/publicaciones/xml/9/ 10869/P10869.xml&xsl=/ ddpe/tpl-i/p9f.xsl&base=/tpl/imprimir.xsl

[3] Commission of the European Communities, Staff Working Document 52006SC1230, Global Europe: Competing in the World, a Contribition to the EU’s Growth and Jobs Strategy, annex, Brussels, 4 December 2006. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=celex:52006SC1230:en:html

[4] El Comercio supplement, Ecuador, 9 May 2008.

[5]The Council of the European Union, European Security Strategy, A Secure Europe in a Better World – the European Security Strategy, Approved by the European Council. Brussels, 12 December 2003. http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=266&lang=en

[6] European Commission, External Trade, Global Europe – Competing in the World, Brussels, 4 October 2006. http://trade.ec.europa.eu/doclib/html/130376.htm

[7] Inter-American Development Bank, Acuerdo por el que se establece una Asociación entre la Comunidad Europea y sus Estados Miembros, por una parte, y la República de Chile, por la otra (in Spanish). http://www.direcon.cl/ documentos/tlc%20ue/texto%20completo%20acuerdo%20chile%20ue.pdf

[8] Proposed text for EU–Central America Agreement, Chapter 8, Article 4, on cultural co-operation.

[9] EU–Chile Agreement, Article 36.1.

[10] EU–CARIFORUM Agreement, Article 164.2.

[11] EU–Mexico Agreement, Article 22a.

[12] EU–Chile Agreement, Article 21b.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] World Trade Organisation, The Disputes. http://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/dispu_by_country_e.htm, and the International Centre for Settlement of Investment Disputes, http://icsid.worldbank.org/icsid/FrontServlet

[16] External Trade Explained. The Market Access Partnership – removing obstacles to doing business outside the EU. December 2007. http://trade.ec.europa.eu/doclib/html/137742.htm

[17] European Commission, Global Europe: Competing in the World: a contribution to the EU’s growth and jobs strategy. http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/october/tradoc_130376.pdf

[18] Commission of the European Communities, Global Europe: A Stronger Partnership to Deliver Market Access for European Exporters, Brussels 18 April 2007.

[19] Communication from the Commission to the European Parliament, the Council, the European Economic and Social Committee and the Committee of Regions, Global Europe: A Stronger Partnership to Deliver Market Access for European Exporters, 2007,183 final.

[20] L. Fontagne, C. Mitaritonna and D. Laborde, An Impact Study of the EU–ACP Economic Partnership Agreements (EPAs) in the six ACP regions, Commission of the European Union, Directorate General for Trade, Paris, January2008.

[21] Commission of the European Communities, Global Europe: A Stronger Partnership to Deliver Market Access for European Exporters, Brussels 18 April 2007. COM (2007) 183 final.

[22] European Commission, Strengthened Market Access Strategy delivers results for eu exporters, 27 May 2008. http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2008/february/tradoc_137786.pdf

[23] Commission of the European Communities, Global Europe: A Stronger Partnership to Deliver Market Access for European Exporters, Brussels 18 April 2007. COM (2007) 183 final.

[24] European Commission, An Impact Study of the eu–acp Economic Partnership Agreements (epas) in the Six acp Regions, March 2008. http://ec.europa.eu/trade/whatwedo/trade_analysis/st_acp_epa_en.htm

[25] Government of Chile, Reforma Procesal Penal, Inversión, http://www.minjusticia.cl/rpp/inversion.php

[26] EFE, “Según Human Rights Watch, la reforma judicial de México violaría los derechos humanos”, quoted in The Santa Fe New Mexican newspaper, 14 March 2008. http://www.santafenewmexican.com/ La%20Voz/031408-problemas-sistema-judicial

[27] Norman Girvan, Implications of the Cariform–EC EPA, http://www.normangirvan.info/wp-content/uploads/2008/01/girvanimplicationsepa10jan.pdf.

[28] Government of Chile, Foreign Ministry, Trade balance 1999–2007 (in Spanish), April 2008. http://cms.chileinfo.com/ documentos/ saldos_balanza_comercial_2007_ver_2.pdf

[29] Ibid.

[30] Chiffres de GRAIN fondés sur les rapports annuels des entreprises européennes.

[31] Rodolfo Aguirre Reveles and Manuel Pérez Rocha L., The EU–Mexico Free Trade Agreement Seven Years on: a Warning to the Global South, debate paper, Alternative Regionalisms, June 2007. http://www.tni.org/reports/altreg/eumexicofta.pdf

[32] ADN Mundo, Evo Morales: “Los TLC son instrumentos de colonización y dominio”, bilaterals.org, 16 May 2008. http://www.bilaterals.org/article.php3?id_article=12123&var_recherche=ue+can&lang=es

[33] Enlazando Alternativas 3: Declaración de la Cumbre de los Pueblos, bilaterals.org, 19 May 2008. http://www.bilaterals.org/article.php3?id_article=12144&lang=es
 

Author: GRAIN
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  • [11] http://www.eclac.cl/
  • [12] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=celex:52006SC1230:en:html
  • [13] http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=266&lang=en
  • [14] http://trade.ec.europa.eu/doclib/html/130376.htm
  • [15] http://www.direcon.cl/documentos/tlc%20ue/texto%20completo%20acuerdo%20chile%20ue.pdf
  • [16] http://www.direcon.cl/
  • [17] http://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/dispu_by_country_e.htm
  • [18] http://icsid.worldbank.org/ICSID/FrontServlet
  • [19] http://icsid.worldbank.org/icsid/FrontServlet
  • [20] http://trade.ec.europa.eu/doclib/html/137742.htm
  • [21] http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/october/tradoc_130376.pdf
  • [22] http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2008/february/tradoc_137786.pdf
  • [23] http://ec.europa.eu/trade/whatwedo/trade_analysis/st_acp_epa_en.htm
  • [24] http://www.minjusticia.cl/rpp/inversion.php
  • [25] http://www.santafenewmexican.com/La%20Voz/031408-problemas-sistema-judicial
  • [26] http://www.santafenewmexican.com/
  • [27] http://www.normangirvan.info/wp-content/uploads/2008/01/girvanimplicationsepa10jan.pdf
  • [28] http://cms.chileinfo.com/documentos/saldos_balanza_comercial_2007_ver_2.pdf
  • [29] http://cms.chileinfo.com/
  • [30] http://www.tni.org/reports/altreg/eumexicofta.pdf
  • [31] http://www.bilaterals.org/article.php3?id_article=12123&var_recherche=UE+CAN&lang=es
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  • [33] http://www.bilaterals.org/article.php3?id_article=12144&lang=es