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Gestion de la grippe aviaire au BĂ©nin : Tapis rouge au virus H5N1 sur les cadavres de victimes innocentes (1)

by Patrice Sagbo | 30 Apr 2008

Par Patrice Sagbo, Actions pour le Développement Durable (ADéD) - Bénin

(Première partie | Suite et fin)

Introduction
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En décembre 2003, une souche virale de grippe aviaire de type A (H5N1) hautement pathogène a été identifiée dans des élevages avicoles en République de Corée et signalée à l'OIE (Organisation Mondiale de la Santé Animale). De nombreux autres foyers aviaires causés par ce virus ont été depuis identifiés dans plusieurs pays d'Asie, d’Europe et d’Afrique. Cette épizootie a été à l'origine de plusieurs centaines de morts d’hommes. (Moins de 215 cas en fin décembre 2007 depuis son avènement).

Le Bénin a confirmé la présence du virus H5N1 de la grippe aviaire dans deux foyers découverts le 4 décembre 2007 dans la Commune d’Adjarra (à une quinzaine de kilomètres de Porto-Novo) et à Akpakpa (Cotonou) dans l’enceinte de la Direction de l’Elevage. L’information a été livrée sur la chaîne télévision de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB) par le Ministre de l'Agriculture de l’Élevage et de la Pêche, Roger Dovonou.

Les résultats de tests effectués par un laboratoire italien ont confirmé le 14 décembre 2007, les soupçons des autorités béninoises.

Quelque trois cents volailles ont été abattues par la Direction de l’Élevage dès la découverte de ces cas de grippe aviaire.

Mais après, tout porte à croire que la gestion de la situation est gardée dans le secret de quelques initiés.

Il a fallu que, prise de colère, une horde de plusieurs centaines de vendeuses et vendeurs de volailles locales de Cotonou et des localités d’Adjarra, d’Avrankou, de Ouando, de Pobè, de Dangbo, d’Ifangni , de Missérété, de Vacon et de Porto-Novo, exaspérés par les arrestations et destruction tous azimuts de leurs animaux, avec toutes sortes de menaces, sortent de leurs gonds et crient leur ras-le-bol sur des chaînes de télévision locales pour que le Directeur de l’élevage vienne précipitamment donner quelques bribes d’informations sur la gestion de la crise de grippe aviaire au Bénin.

photoSources de contamination

Comme voies de transmission de la grippe aviaire, il a été dit entre autres que les oiseaux migrateurs jouent un rôle important. Mais en Afrique, cette hypothèse s’est révélée non vérifiée du moins jusqu’en 2006. Il en est de même en Europe selon l’expert ornithologue français, Patrick Triplé qui a déclaré que depuis la fin du mois d’août 2006, aucun cas de grippe aviaire n’est déclaré en Europe, principale origine des millions d’oiseaux migratoires qui viennent au Sénégal (en Afrique). Jusqu’à ce jour, aucun cas de grippe aviaire non plus n’a été détecté dans ce dernier pays. Les virus H5N1 identifiés, ne l’ont pas été sur des canards vivants, mais leurs cadavres. Les éléments de preuves que ces canards sauvages ont survécu avec le virus de l’influenza aviaire restent à prouver.

En réalité, sur le terrain, les cas de grippe aviaire connus en Afrique à ce jour sont rencontrés dans les élevages modernes ou semi modernes de volailles (dindons, poulets de chair, poules pondeuse...) importées; pourtant, ces volailles importées sont élevées (selon les normes) en confinement du début jusqu’à la fin de leur carrière, hors de tout contact avec les volailles locales. Cela n’a pas empêché de continuer à diaboliser les poulets locaux comme étant des réservoirs potentiels de virus de grippe aviaire et d’abattre des milliers de poulets locaux au grand désespoir des villageois éleveurs. Il apparaît donc clairement que les volailles locales ne sont pas en fait des vecteurs de la grippe aviaire, mais plutôt malheureusement des victimes imaginaires improvisées. Il convient alors d’ouvrir les yeux et de mieux voir, de mieux apprécier pour mieux agir dans l’intérêt de la sauvegarde de la biodiversité locale, de la paix sociale et du développement durable. Car comme le disait si bien Irène Hoffmann, responsable du service de la production animale de la FAO, «Beaucoup de pays en développement considèrent encore les espèces provenant des pays industrialisés comme étant plus productives, bien qu’ils rencontrent des difficultés à les reproduire dans des conditions environnementales souvent difficiles. Développer des ressources génétiques animales, à la ferme dans leur environnement de production est l’approche la plus efficace pour maintenir une diversité génétique et pour apporter une garantie contre de futures menaces telles que la famine, la sécheresse, et les épidémies » (FAO, ‘ Loss of domestic animal breeds alarming.’ Rome, 31 mars 2004 ».

Restriction de circulation, destruction de volailles locales, multiplication des foyers

Après la déclaration de la grippe aviaire dans les deux localités, ci-dessus indiquées, des mesures de restriction de circulation de volailles entre Porto-Novo et Cotonou ont été prises.

La restriction ne devrait pas se limiter entre Cotonou et Porto- Novo. Qu’en est-il d’une restriction de Cotonou vers les autres localités du Bénin ? Mieux, pourquoi ne peut-on pas catégoriquement interdire l’importation de volailles de l’Europe dans le pays sachant très bien que le danger, le malheur vient surtout de là ?

En cette période de grave crise et de contamination, une attitude responsable devrait consister à être plus pragmatique en prenant des mesures interdisant toute importation au Bénin de volailles d’où qu’elles viennent. Est-ce ce que voulait dire le directeur de l’élevage du Bénin en déclarant les 11 et 12 janvier 2008 sur des télévisions locales « L’expérience a montré que la plupart des pays dans lesquels la grippe aviaire est survenue au niveau de toute l’Afrique l’ont été du fait des mouvements commerciaux… le rythme de la maladie se situe au niveau de la circulation des volailles… » ? Seul le directeur de l’élevage sait ce qu’il met dans sa déclaration. Et, ne pas agir réellement dans ce sens, peut faire penser à une complicité. Ceci est d’autant plus vrai qu’en matière de commerce, toutes les manoeuvres sont utilisées pour tromper la vigilance des consommateurs. C’est le cas des réexportations de volailles importées de pays infectés vers des pays non infectés avec substitution de cartons d’emballages. C’est dire donc que le principe de liste de pays non infectés, de pays infectés ne peut plus avoir droit de cité dans cette situation de contamination généralisée. L’exemple concret pour illustrer ce qui vient d’être dit est la contamination du Nigéria par le virus H5N1. Ce virus de la grippe aviaire a fait irruption aux Pays-Bas en 2003 d’où une exploitation avicole nigériane continuait d’importer une cargaison d’œufs à couver. Mais malgré l’honnêteté des autorités néerlandaises qui ont informé leurs partenaires nigérians de la contamination de leur pays par le virus H5N1, ces derniers ont continué leurs activités d’importation d’œufs à couver dans l’hypocrisie totale au détriment des règles de l’art. L’entrée de ces œufs au Nigeria n’est soumise à aucun contrôle et les œufs ne sont enregistrés nulle part dans le but d’embrouiller toutes les pistes. Il faut faire remarquer que cet élevage appartient au ministre des Sports du Nigéria de l’époque. C’est ainsi que la maladie s’est ensuite propagée aux autres élevages industriels. (Selon le chef Olatundé Badmus, président national de l’Association avicole du Nigéria ; The Punch, Lagos, 15 février 2006). Dès cet instant, le Bénin, pays limitrophe du Nigéria aurait dû prendre des dispositions pour le contrôle strict aux frontières avec le Nigéria. Aujourd’hui, Ce ministre nigérian des sports est tranquille avec sa fortune après avoir contaminé le Nigéria et l’Afrique, pendant que les Africains continuent de pleurer leurs morts et que les acteurs de la filière avicole locale croupissent dans la misère de la ruine économique à travers l’Afrique.

Par ailleurs, en dépit de l’application entre Porto-Novo et Cotonou desdites mesures de restriction de circulation de volailles locales et la destruction massive et aveugle de ces dernières par les autorités en charge de la gestion de la grippe aviaire au Bénin, force est de constater que le virus H5N1 de la grippe aviaire progresse allègrement à une vitesse exponentielle dans les communes de l’Ouémé. Les propos de directeur de l’élevage du Bénin les 11 et 12 janvier dernier confirment d’ailleurs cet état de chose «… nous avons aujourd’hui 4 foyers de grippe aviaire dans l’Ouémé ... ». En clair, du 4 décembre 2007 au 11 janvier 2008 (ou moins), soit dans l’espace d’un mois, les foyers de grippe aviaire ont triplé dans l’Ouémé et cela n’a été révélé au public que suite à la réaction des vendeuses et vendeurs de volailles locales. De quelle efficacité peut-on juger ces mesures de restriction de circulation et de destruction de volailles ? Si ces autorités voulaient effectivement mener une lutte efficace contre cette épizootie, devraient-elles vraiment garder son évolution au secret ? Les volailles sont détruites avec des menaces ; la misère s’aggrave et le virus H5H1 se propage au vu et au su de tous. Par rapport à cette progression du virus, il ne peut en être autrement lorsque, selon les éleveurs, les destructeurs de volailles dans les villages font preuve d’un non-professionnalisme déroutant, en se promenant de concessions en concessions, avec des sacs de jute au dos remplis de volailles dont on ignore tout du statut sérologique. Ce faisant, ils se comportent comme des propagateurs actifs du virus H5N1 de la grippe aviaire et sont donc dangereux non seulement pour eux-mêmes, mais aussi et surtout pour toutes les communautés qu’ils sillonnent. Aussi les témoignages des vendeuses et vendeurs de poulets par rapport à ces destructions rappellent-ils le zèle et les exactions d’une autre triste époque «… nous n’avons jamais connu chez nous une maladie appelée grippe aviaire. Nous ne savons rien de cette maladie et on vient pointer des armes sur nos poitrines pour nous menacer et nous arracher nos cages et nos poulets que nous avons acquis avec des prêts …» Peut-on maintenant situer les responsabilités ? Mais on peut aussi avoir des réserves vis-à-vis des statistiques irréalistes forgées dans la seule intention de faire des appels de fonds extérieurs, hélas détournés à des fins autres que les destinations prévues.

A suivre…

Author: Patrice Sagbo