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Semences paysannes fondement de la souveraineté alimentaire en Afrique de l'Ouest (2)

by Anne Berson | 30 Mar 2008
en Afrique de l’Ouest

Par Anne Berson, BEDE, Juin 2007

(Suite et fin) (Première partie)

L’uniformisation des lois de biosécurité en Afrique de l’Ouest n’est rien d’autre qu’une course pour faciliter la dissémination des variétés GM brevetées !

aEn plus de ces législations sur les semences, les institutions financières internationales et de coopération ne lésinent pas pour appuyer les Etats d’Afrique de l’Ouest à adopter un cadre de biosécurité. L’objectif est de faciliter la diffusion des biotechnologies modernes, les PGM [7]. Fin 2007, la CEDEAO a validé le plan d’actions quinquennal pour « le développement de l’application de la biotechnologie afin d’améliorer la productivité agricole et de stimuler la compétitivité […] », comme si la culture des PGM était la solution aux maux des paysans africains! Le CORAF [8] et l’Institut du Sahel, rattaché au CILSS [9] proposent également leurs projets. Détail non négligeable, ces institutions sous-régionales sont principalement financées par l’USAID, qui n’est autre que la coopération bilatérale du premier pays cultivant les PGM au monde : les USA. En parallèle, la Banque Mondiale, l’USAID, SwissDevelopment Corporation, le gouvernement français et CropLife, une association des principales entreprises de l’agrochimie, investissent 24,3 millions d’US$ sur 5 ans pour harmoniser les cadres nationaux de biosécurité dans un projet coordonné par l’UEMOA [10]. Les premiers pays visés sont le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal où l’introduction du coton Bt est un enjeu brûlant. Pourquoi passer par l’UEMOA alors qu’il existe déjà d’autres projets au niveau de la sous-région ? Le processus d’uniformisation serait espéré plus rapide considérant l’expérience d’harmonisation législative dans l’UEMOA où s’applique d’autre part le principe de subsidiarité. C'est-à-dire qu’une législation mise au point au niveau régional s’impose aux Etats membres. L’objectif étant clairement d’étendre les cadres issus de ce programme facilitant la dissémination des PGM aux autres pays de la sous région. Dans tous ces programmes législatifs, il n’est à aucun moment question des variétés locales, des droits des paysans sur leurs semences. Pourtant l’autonomie semencière est un élément fondamental de la souveraineté alimentaire.

Innovations semencières pour une souveraineté alimentaire à échelle locale.

En Afrique de l’Ouest, il existe des expériences positives de reconquête des droits sur les semences. Au Sénégal par exemple, des paysans regroupés au sein de l’ASPSP [11] cherchent à retrouver leurs variétés locales. A travers l’organisation de bourses d’échanges à l'échelle nationale ou locale, des paysans, personnes ressources inventorient les variétés, leurs caractéristiques (précocités, goût, sol…). L’idée de ce répertoire est de favoriser l’échange entre paysans, de diffuser l’information mais également de faire reconnaître au niveau national et même sous-régional cette biodiversité cultivée à valeur agronomique, culturelle et spirituelle. Au terme de son travail l’ASPSP compte bien développer un plaidoyer pour que les décideurs réalisent enfin l’existence de ce patrimoine et puissent le prendre en compte dans leurs décisions pour sauvegarder aux producteurs leur autonomie semencière. Ou encore, au Mali, dans la région de Mopti une caravane de la biodiversité a permis d’informer les paysans et les politiques locaux des enjeux de la biodiversité agricole.

Bamako 2007 « Privatisation des semences, quels enjeux pour l’Afrique de l’Ouest ? », un atelier pour informer et échanger avec des initiatives venues des autres continents. En plus d’informer des membres d’organisations paysannes ouest africaines sur les enjeux de la privatisation des semences, l’atelier de Bamako [12] de février 2007, offrait un espace pour échanger sur les expériences et innovations paysannes. Des communautés rurales d’autres continents étaient venues partager leurs histoires et inspirer les paysans africains afin qu’ils avancent dans la voie de l’autonomie semencière. Les témoignages étaient pour certains un déclic, pour d’autres un élément supplémentaire pour réfléchir à des instruments collectifs pour les semences paysannes comme les registres de variétés et les banques communautaires de semences, les outils de droits collectifs ou encore la sélection paysanne participative. A l’issue de l’atelier de Bamako, les participants déclaraient « Nous paysans, éleveurs nomades et représentants de la société civile et des mouvements sociaux et environnementaux de 17 pays, principalement d’Afrique de l’Ouest, avec des représentants d’Afrique du Nord, d’Amérique du Sud et d’Europe […] déclarons : soutenir l’utilisation des semences paysannes pour la souveraineté alimentaire […] faire obstacle à la privatisation des semences et à la biopiraterie […] interdire les OGM sur le sol d’Afrique […] favoriser les échanges entre paysans et les innovations paysannes […] [13] ».

Un Espace Citoyen d’Interpellation Démocratique sur les OGM

En février 2006, s’est tenu à Sikasso un jury citoyen sur les OGM avec la collaboration de l’Assemblé régionale. Il regroupait 45 productrices et producteurs venu écouter 14 témoins experts de différents continents qui pouvaient expliquer de manière neutre ce que sont les OGM ou encore témoigner en leur faveur ou défaveur. C'est ainsi que les producteurs organisés en quatre commissions (Gros producteurs, moyens producteurs, petits producteurs et groupe des femmes) ont vu défiler pendant 5 jours deux représentants de la fondation Syngenta et Novartis au Mali, le directeur technique de Monsanto, un expert de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, plusieurs chercheurs africains, des membres de la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique –COPAGEN-, des paysans d’Inde, d’Afrique du Sud, de France et bien d’autres. Plusieurs personnes composaient le Comité d’Observateurs présidé par un responsable du Centre d’expertises politiques et institutionnelles en Afrique -CEPIA. L’événement a largement était couvert par la presse. En fin de processus, les quatre commissions de productrices et producteurs ont exposé leurs recommandations détaillées, refusant sur des bases éthiques, techniques, économiques l’introduction des OGM au Mali, préférant l’orientation d’une agriculture paysanne centrée sur les produits locaux et la valorisation des variétés locales. Les recommandations pouvaient alors se résumer au slogan lancé par les femmes « Oui à la semence traditionnelle graine ! Non aux OGM ! » « Nous ne voulons pas du tout d’OGM au Mali » dont devront tenir compte les décideurs dans l’élaboration de politiques relatives à la biosécurité.1 Cette expérience démocratique innovante est en cours de restitution. Elle est notamment illustrée par un film : « Sénékelaouka Kuma » paroles de paysans1. A nous européens d’en prendre de la graine !


7 - Plante Génétiquement Modifiée
8 - Centre Ouest-Africain pour la Recherche et le développement Agricole
9 - Comité Inter-Etats pour le Lutte contre la Sécheresse au Sahel
10 - Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
11 - Association Sénégalaise des Producteurs de Semences Paysannes
12 - Organisé, du 17 au 21 février, par la CNOP -Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali-,l’association BEDE, et l’IIED (Institut International pour l’Environnement et le Développement).
13 - Télécharger la déclaration « Semences Paysannes, fondement de la souveraineté alimentaire en Afrique » complète sur le site http://www.bede-asso.org

Author: Anne Berson
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  • [1] http://www.bede-asso.org