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Manipulation d'informations à des fins inavouées : Projet régional ouest africain de biosécurité (2)

by COPAGEN | 12 Jan 2008

par la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN)

(Suite et Fin) (Cliquez ici pour voir la première partie)

Objet : Manipulation d’informations à des fins inavouées : Projet régional ouest africain (Bénin, Burkina Faso, Mali, Sénégal, Togo) de biosécurité

Aujourd’hui, il est clair que les problèmes du coton dans la sous-région n’ont rien à voir avec les semences, la productivité ou les rendements. Tout le monde sait que le coton africain est compétitif. Mais que les problèmes qu’il rencontre résident dans les subventions que les Etats-Unis et l’Europe octroient à leurs propres producteurs de coton en violation des règles de l’OMC qu’ils ont eux-mêmes contribué à mettre en place, bloquant ainsi de façon injuste la compétitivité du coton africain sur le marché international. On s’étonne que dans ces conditions, l’UEMOA, poussée par la Banque Mondiale oriente les pays de la sous-région vers une production toujours plus grande de coton.

  1. L’analyse économique et financière du projet (Annexe 9) conclut que le projet générera des ressources, notamment :
  • « des gains en efficience grâce à la régulation régionale et aux méthodologies de biosécurité » à travers une réduction de coûts à l’échelle régionale comparée à l’échelle nationale ;
  • « des gains en redevance sur l’utilisation de la technologie au niveau local » suite aux activités de renforcement des capacités en matière de négociation dans le scénario avec le programme comparé au scénario de base (sans le programme) ;
  • « des gains en matière de réduction des risques de contamination de la biodiversité régionale » qui ne peuvent être évalués par manque de données.

De notre point de vue, les hypothèses émises pour aboutir à ces conclusions sont des plus simplistes. Faire des économies en mettant ensemble les ressources grâce à des dispositions régionales est évident. Toutefois, on ne sait pas si ce système sera maintenu à la fin du projet, vu les coûts d’exploitation et d’entretien exorbitants pour les laboratoires régionaux et nationaux de référence et les autres structures que le projet contribuera à mettre en place.

Que les agriculteurs puissent négocier des prix plus abordables pour les semences OGM n’est pas possible dans la situation actuelle où l’approvisionnement en ces semences est monopolisé par quelques grandes firmes multinationales, préoccupées par la rentabilisation de leurs énormes investissements et par la maximisation de leurs profits. En fait, une seule compagnie, Monsanto, détient la technologie de semence transgénique semée sur plus de 90 % de la surface mondiale plantée aux OGM et cinq sociétés occupent quasiment 100 % du marché de semence transgénique. Le renforcement des capacités de négociation des agriculteurs est inutile quand il n’existe aucun espace de négociation.

Le fait même que le projet mettent l’accent sur la réduction du coût de la technologie pour les paysans est l’aveu que les réserves que nous émettons sont justifiées et que la précipitation vers les OGM n’aura pour conséquence que d’appauvrir davantage les agriculteurs à cause des coûts exorbitants de production déjà observés sur les champs de coton en Inde et la dépendance vis-à-vis du monopole des multinationales. En réalité, il s’agit d’une stratégie visant à prendre en otage l’agriculture africaine avec pour effet néfaste la réduction des revenus et des moyens de subsistances des agriculteurs. Cela est tout simplement inacceptable.

Alors que l’objectif global du projet par rapport à l’environnement est de « protéger la biodiversité régionale contre les risques potentiels liés à l’introduction des organismes vivants modifiés dans l’environnement », il est très curieux qu’on ne puisse pas évaluer le risque supposé réduit de la contamination de la biodiversité régionale. C’est bien la preuve que bien que les objectifs du projet aient été modifiés pour faire plaisir au public, le moteur du projet demeure le « dessein inavouée » d’introduire les OGM dans la région et au-delà. C’est tout simplement cynique !

  1. Enfin, si l’analyse économique et financière du projet était faite sur la base d’hypothèses différentes, comme par exemple les coûts d’opportunité des énormes investissements à faire dans le cadre du projet, l’inefficience économique de l’allocation des ressources de développement serait évidente.

Par ailleurs, le projet est une duplication de nombreuses initiatives dans la région avec les mêmes objectifs ou des objectifs similaires, financées surtout par l’USAID. Au nombre de ces initiatives figurent les initiatives de biosécurité et de biotechnologie du CORAF/WECARD avec financement USAID, INSAH/CILSS avec financement USAID et du projet PNUE/FEM et d’autres projets au niveau des pays pris individuellement. C’est une véritable agression contre les sociétés paysannes ouest africaines en particulier et toutes les populations en général.

Si les 24,3 millions de $US (et aussi les milliards dépensés par les multinationales à fabriquer les OGM) étaient consacrés à la création de réseaux de recherche participatifs dirigés par des agriculteurs, ils auraient pu générer des technologies plus équitables, productives et écologiquement viables. Cela aurait également pu renforcer le rôle des petits agriculteurs dans la gestion de la biodiversité agricole et l’amélioration des produits agricoles vitales pour leur subsistance. Pourquoi alors insister sur une technologie OGM coûteuse et à haut risque ?

Pour conclure :

Notons qu’il n’y a pas de doute dans notre esprit. Les véritables bénéficiaires de ce projet sont les multinationales promotrices de la biotechnologie et non les populations de l’Afrique de l’Ouest. La Banque mondiale et ses partenaires s’efforcent de « trouver des problèmes à leurs solutions » dans notre région. Comme l’a affirmé la coordinatrice actuelle du projet lors d’une réunion sur le projet au Mali, « il y a de l’argent dans ce projet et nous pouvons financer la plupart de vos initiatives. En tant que pays pauvres, nous ne pouvons pas refuser cet argent provenant des partenaires. Nous devrions avoir honte de nous attaquer à ces bailleurs de fonds qui nous donnent les moyens ». Pour répondre, nous lui disons : nos pays et notre région ne sont pas à vendre. Notre souveraineté n’est pas négociable. COPAGEN ne peut soutenir une initiative qui vise à freiner les processus de négociations nationales sur les lois de biosécurité dans nos pays. Cette initiative de l’UEMOA et de la Banque Mondiale orientera l’agriculture africaine vers l’impasse.

Sur ces faits, nous demandons au DG du FEM et aux membres du Conseil du FEM de ne pas approuver le projet.

Fait à Abidjan le 31 août 2007.

Ont soussigné
COPAGEN Burkina
COPAGEN Benin (JINUKUN)
COPAGEN Togo
COPAGEN Mali
COPAGEN Niger
COPAGEN Guinée Bissau
COPAGEN Guinée Conakry
COPAGEN Sénégal
COPAGEN Mali
COPAGEN Côte d’Ivoire (CIBIOV)

Author: COPAGEN