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Vers l'adoption dun cadre national de biosécurité au Sénégal

by ASDEC | 15 Feb 2006

(Extrait de la communication de l’ASDEC au Séminaire Régional pour le Renforcement des Capacités en matière de sécurité alimentaire et de Biotechnologies en Afrique : Nécessité d’un cadre de régulation efficace Organisé par la Représentation Afrique de l’Organisation Internationale des Consommateurs Du 15 au 18 Octobre 2005  à Accra, Ghana)


Introduction

Le Sénégal est un pays à risque réel d’envahissement d’OGM, avec :

  • l’importation de plus de 50% de ses besoins pour la  consommation nationale en céréales,
  • l’importation de plantes et de produits végétaux soumise à une légère réglementation avec le certificat phytosanitaire,
  • le vide juridique sur les questions relatives aux OGM,
  • la dépendance de l’agriculture nationale des grosses firmes semencières représentées dans le pays,
  • l’option politique prise d’intégrer les OGM dans les stratégies d’autosuffisance alimentaire.

Cet argumentaire a été développé dans le plaidoyer du Ministère de l’agriculture, lors de la Conférence Ministérielle de la CEDEAO pour le renforcement des capacités nationales, l’obtention d’équipements appropriés, la création de conditions permettant de produire des semences et d’autres produits génétiquement modifiés, à Bamako (Mali) en juin 2005.

Quel est l’état des lieux ?

Dans le cadre de la mise en œuvre du  Projet  PNUE /FEM relatif au développement des structures nationales de biosécurité, les déterminants de la création d’un cadre juridique de biosécurité au Sénégal sont :

  • les grands débats sur les questions controversées des OGM,
  • la prise de conscience des menaces que constituent les OGM pour les acteurs à la base, surtout pour les petits producteurs et les consommateurs,
  • l’obligation pour le Sénégal d’honorer ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale, par l’intégration des dispositions du Protocole de Carthagène dans sa législation nationale.

Par ailleurs, le pays importe beaucoup de maïs de l’Argentine, un des plus grands pays producteurs d’OGM. La recherche scientifique nationale compte à son actif quelques résultats qualifiés de « biotechnologies propres », avec les semences de pomme de terre et les vitro-plants de banane. Sur le plan de la réglementation, l’on observe un vide juridique qu’il urge de combler.

En ce qui concerne la mise à niveau d’information, les membres du Comité National de Biosécurité, tout comme le public sénégalais, sont à différents niveaux d’information. Il  n’y a pas, dans le pays, de système de communication spécifique au secteur de la biotechnologie. Aussi, dans le cadre de divers ateliers organisés dans le pays, des brochures et des plaquettes d’information ont été élaborées dans les principales langues nationales, pour une large diffusion auprès des différents publics visés (consommateurs, agriculteurs, secteurs privés etc..) pour leur permettre de se faire une  opinion sur  les OGM.

Présentation du projet de loi élaboré par le Comité National de Biosécurité

Le projet de loi sur la biosécurité est un texte de six titres et de deux annexes, et se résume comme suit :

  • Le champ d’application du projet de loi sur la biosécurité couvre l’utilisation en milieu confiné, la dissémination volontaire dans l’environnement, l’importation, l’exportation, le transit et la mise sur le marché d’organismes vivants modifiés à usage pharmaceutique et vétérinaire, régis par d’autres accords internationaux tels que ceux de l’Organisation Mondiale de la Santé.
  • En substance, le projet de loi dispose que l’utilisation, la mise sur le marché, la manipulation à des fins de recherche, l’importation, l’exportation, le transit d’organismes génétiquement modifiés sur le territoire national sont subordonnés à une autorisation préalable donnée en toute connaissance de cause, par une Autorité Nationale compétente, sous tutelle du Ministère en charge de l’Environnement.

Le requérant d’une de ces activités doit adresser à cet effet à l’Autorité Nationale compétente, une notification contenant le maximum d’éléments d’appréciation et dans laquelle il engage sa responsabilité, quant à l’exactitude des informations fournies dans la demande.

La procédure de prise de décision par l’Autorité Nationale compétente s’appuie sur une évaluation des risques (sanitaires, environnementaux, socio-économiques et éthiques etc.) des Organismes Vivants Modifiés (OVM), effectuée par le Comité National de biosécurité composé d’experts en biosécurité, ou de toute autre structure compétente en la matière. Cette évaluation devra être effectuée selon des méthodes scientifiquement éprouvées.

Dans sa prise de décision, l’Autorité Nationale compétente doit également tenir compte de l’avis du public auquel il sera donné les moyens de participer à la procédure de prise de décision par des moyens appropriés (médias par exemple). Un Comité Public de Biosécurité composé de représentants de toutes les couches socioprofessionnelles de la société est institué à cet effet par le projet de loi.

Le processus a été assez participatif,  même si une partie de la société civile s’est estimée écartée en fin de parcours. Ce projet de loi a été apprécié par le Centre pour le droit international du développement durable basé au Canada.

Quelques préoccupations

Quelle que soit la qualité légiste du cadre ainsi élaboré, son efficacité reste incertaine, face à la grande offensive des multinationales manifestée à travers :

  • les actions des agences de coopération bilatérale (USAID, Catholic Relief Service,…) pour accentuer la pression sur les instituts de recherche en Afrique, et de coopération multilatérale comme moyens d’introduction d’OGM sur le continent, avec l’aide alimentaire (FAO, PAM,….) ;
  • le contrôle de la recherche scientifique nationale par les multinationales semencières ;
  • le financement d’essais sur les OGM en Afrique et/ou la promesse de financement de programme de recherche ;
  • le recrutement de chercheurs africains dans les firmes ;
  • la pression sur les gouvernements africains qui de plus en plus prennent position en faveur des OGM ;
  • la conduite d’essais visibles ou cachés dans certains pays, en l’absence d’une réglementation appropriée ;
  • le financement de la mise en place de cadres réglementaires qui leurs sont favorables pour légitimer les essais déjà en cours.

Conclusion

Dans certains pays, l’élaboration de projets de règlement pour l’introduction des produits génétiquement modifiés s’est faite avant la mise en place effective du cadre national de biosécurité. Nous restons donc invariables dans notre option d’une recherche scientifique indépendante qui valorise les ressources biologiques locales, et les connaissances traditionnelles et endogènes, dans l’intérêt des petits agriculteurs et des  consommateurs africains. Manifestons donc notre opposition à toute stratégie favorisant le brevetage du vivant.

 

Author: ASDEC