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Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) dans l 'agriculture : Enjeux et Etat des lieux en Afrique de l'Ouest (Suite et fin)

by Organisations paysannes du Mali | 25 May 2005

Communication faite pour les organisations paysannes du Mali, à la rencontre de " la fibre africaine ", organisée par la coalition pour la protection du patrimoine génétique malien et le Forum pour l 'Autre Mali. Bamako, du 28 février au 5 mars 2005.

(Suite et fin)

(Voir les deux premières pages)

3. Etat des lieux

Depuis 1995, date de la mise sur le marché des premiers OGM, quatre plantes font partie des principales cultures commercialisées à l 'échelle mondiale. Il s 'agit du maïs, du coton, du soja et du colza. D 'autres plantes transgéniques existent à des échelles diverses, comme la tomate, le riz, la papaye, la pomme de terre, la fraise, …… Des travaux actuellement en cours dans des instituts internationaux de recherche agronomique basés en Afrique concernent le niébé, la patate douce, le manioc, le sorgho, le riz, ….

Les principaux OGM sont surtout produits dans le monde par cinq pays ; il s 'agit des Etats-Unis, du Canada, de l 'Argentine, du Brésil et de la Chine. En Afrique, les pays producteurs sont l 'Afrique du Sud, le Kenya et l 'Egypte. La production des OGM nécessitant beaucoup de moyens financiers et techniques, ce domaine semble surtout être réservé aux multinationales, avec les firmes Monsanto (Etats-Unis), Syngenta (Suisse), Dupont (Etats-Unis), Bayer (Allemagne).

La position des gouvernements et des consommateurs vis-à-vis des OGM varie d 'un pays à un autre. Aux Etats-Unis, ces organismes sont si bien acceptés que le gouvernement fédéral a décidé de ne pas indiquer leur présence par un étiquetage de l 'emballage des semences ou des produits. Par contre en Europe, l 'étiquetage est obligatoire pour tout produit contenant les OGM. Dans ce dernier cas, la méfiance des consommateurs est renforcée par les scandales de la vache folle et du poulet à la dioxine. Des dernières enquêtes publiées en France, il ressort que 70 à 75 % de consommateurs européens ne veulent pas consommer d 'OGM. De ce fait, pour trouver de débouchés à ces produits indésirables en Europe, l 'Afrique risque d 'être leur terrain de prédilection, sous prétexte que ce continent souffre de la faim. Or, il est bien connu que l 'Afrique produit suffisamment de nourriture pour nourrir tous ses fils, et que le problème crucial reste le transport des produits alimentaires entre des régions d 'un même pays, ou entre des pays de différentes régions, comme c 'est également le cas en Asie et en Amérique Latine. De plus, l 'Afrique dispose encore de ressources génétiques alimentaires non encore exploitées par la recherche scientifique nationale qui a du mal à financer ses activités la plupart du temps.

Il importe de rappeler qu 'avec la Convention sur la diversité biologique signée en 1992, chaque pays est souverain sur ses ressources biologiques. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette convention, les pays africains ont participé aux négociations internationales relatives aux organismes vivants modifiés (OVM, partie d 'OGM) qui ont conduit au Protocole de Carthagène sur la biosécurité, sous la houlette du représentant du gouvernement Ethiopien, Dr Tewolde. Dans le même temps, avec l 'expertise limitée de chaque pays africain en matière d 'OGM, une loi modèle de l 'OUA sur la sécurité en biotechnologie a été élaborée par des experts africains, pour permettre à chaque pays de prendre des dispositions législatives au sein de son territoire national, d 'accepter ou de refuser ces produits.

A l 'intérieur de chaque espace national, les réalités sont diverses, en particulier dans les pays de l 'Afrique de l 'Ouest. Au Bénin, en mars 2002, un moratoire de 5 ans a été décrété par le gouver-nement, en collaboration avec la société civile ; ce moratoire interdit l 'importation, la circulation et la commercialisation des OGM et dérivés dans le pays. Malheureusement, jusqu 'à ce jour, aucun décret d 'application de ce moratoire n 'a été pris, du fait, entre autres, de la pression des multinationales sur les autorités politiques du pays. Les offensives des multinationales ont été si efficaces au Burkina Faso que depuis Juillet 2003, des essais sur le coton Bt sont effectués au champ, dans des conditions de protection douteuses. Au Sénégal, des informations non officielles font également état d 'essais au champ depuis plusieurs années, et d 'introduction de maïs génétiquement modifié dans l 'alimentation. Au Mali, les pressions des multinationales et de l’USAID sont très fortes sur les autorités politiques. Des essais clandestins seraient même en cours. La Côte d 'Ivoire et le Niger semblent être favorables aux OGM, alors qu 'aucune information ne circule sur l 'introduction des OGM en Guinée, en Guinée Bissau et au Togo. Néanmoins, dans chacun de ces pays de l 'Afrique de l 'Ouest, la société civile essaie, à sa manière, de travailler à l 'information du public et d 'organiser la résistance aux OGM.

A propos des OGM dans l 'alimentation, force est de reconnaître que tous les pays de la sous-région qui reçoivent du maïs de l 'aide alimentaire des Etats-Unis, via le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l 'USAID et le Cathwell (Catholic Relief Service ou Caritas) consomment des OGM. En effet, les Etats-Unis sont les premiers producteurs et consommateurs d 'OGM dans le monde. Ils n 'étiquettent pas les semences ou les denrées contenant d 'OGM, et ils sont les premiers fournisseurs d 'aide alimentaire du PAM depuis plusieurs décennies.

Depuis 2002, le Programme des Nations Unies pour l 'Environnement (PNUE), avec l 'appui du Fonds pour l 'Environnement Mondial (FEM), a initié dans tous les pays membres de l 'UEMOA, comme dans les autres pays francophones d 'Afrique, un " Projet de développement des structures nationales de biosécurité ", avec le soutien de certaines industries et de l 'ONG Third World Network (TWN). Ce projet devrait permettre la sensibilisation du public, la mise en place d 'un cadre national de biosécurité, avec un cadre réglementaire et un comité national de biosécurité fonctionnel. Tous les pays de l 'UEMOA ont pris part aux ateliers sous-régionaux organisés dans le cadre de ce projet sur " l 'évaluation et la gestion des risques, ainsi que la sensibilisation et la participation du public " à Dakar (Sénégal) en avril 2003, et sur " le développement d 'un cadre de réglementation et de systèmes administratifs pour les structures nationales de biosécurité " à Ouagadougou (Burkina Faso) en avril 2004.

4. Conclusion

Avec les OGM, chaque citoyen, qu 'il soit paysan ou simple consommateur est placé devant ses responsabilités. Il en est de même de chaque pays. Au nom de la dignité, avec les enjeux liés à ces organismes, nous devons résister au niveau individuel, au niveau national, au niveau régional car les OGM ne connaissent pas les frontières géographiques. Ce mouvement de résistance des paysans et des consommateurs africains devrait rejoindre les mouvements similaires en cours ailleurs dans le monde, car il s 'agit d 'une question planétaire. Déjà, les paysans africains devraient tirer leçon de l 'échec de la culture du coton Bt en Inde.

C 'est pour construire ensemble cette résistance que nous avons lancé la " Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain ", depuis janvier 2004, à Grand-Bassam (Côte d 'Ivoire), à l 'initiative d 'INADES-Formation. Ensemble, nous devons être dignes, créatifs et solidaires pour résister aux OGM dans notre intérêt, dans celui des organisations paysannes, des communautés locales, des consommateurs et des générations futures en Afrique.

Author: Organisations paysannes du Mali