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Les organisations paysannes du Mali ont pris leurs responsabilités sur la question des OGM

by Ibrahima COULIBALY (Président de la CNOP) | 15 Dec 2004

Ibrahima COULIBALY (Président de la CNOP)

Les organisations paysannes du MALI manifestent leur opposition à l'introduction des OGM au MALI depuis près de trois ans déjà. Deux mois après le déclenchement d'une campagne vigoureuse de communication sur la problématique des OGM au MALI et dix jours après une importante conférence de presse réalisée par la CNOP (Coordination nationale des organisations paysannes du MALI) conférence de presse couverte par les plus grands medias nationaux et étrangers, le gouvernement du MALI dont l'inclination pour une introduction rapide des OGM dans le pays était affirmée depuis la rencontre de Ouagadougou avec l'USAID et les multinationales décidait, à travers un communiqué publié à l'issue du conseil des ministres du Mercredi 06 Octobre 2004:

Le protocole de Cartagena adopté le 29 janvier 2000 à Montréal est un instrument additionnel à la convention sur la diversité biologique adopté en mai 1992 à Nairobi. Il est relatif à la prévention des risques biotechnologiques, c'est-à-dire les risques liés à la mise au point, à la manipulation, au transport, à l'utilisation, au transfert et à la libération des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne. La biotechnologie se définit comme un ensemble de techniques qui produisent par manipulation de nouveaux organismes vivants. Elle s'adresse à l'homme, à l'animal et aux végétaux. Ces organismes vivants modifiés, bien que pouvant constituer des progrès dans bien des domaines, font courir des risques pour la diversité biologique et pour la santé humaine. C'est pourquoi, le protocole de Cartagena fait obligation aux Etats de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir ou réduire les risques. A cet effet, notre pays a élaboré un cadre de biosécurité national. L'état des lieux fait ressortir la faiblesse des capacités nationales dans le domaine de la biotechnologie et de la biosécurité. Aussi, il sera mis en oeuvre un ensemble de mesures aux plans institutionnel, de la réglementation, de l'évaluation et de la gestion des risques, de l'information du public, en vue de protéger la biodiversité locale, particulièrement en ce qui concerne les produits agricoles. A titre de précaution, des mesures seront prises en vue de surseoir à l'introduction des organismes vivants modifiés dans le système national de production agricole, en attendant la mise en place effective du cadre national de biosécurité.

A travers toutes les actions de sensibilisation et d'information qu'ils ont organisées dans le pays profond et au niveau national, les organisations paysannes (OP) réunies au sein de la CNOP, leur cadre de concertation ont insisté sur le fait que la question des OGM fait appel à la notion de responsabilité personnelle de chaque acteur, chacun devra faire ses choix et les assumer jusqu'au bout ; c'est-à-dire jusqu'à la réparation quand il y aura des dommages graves d'ici quelques années sur la biodiversité et la santé des consommateurs. Les OP rappellent que le mal développement de l'Afrique trouve sa source dans la façon avec laquelle certains dirigeants ont pris des décisions qui hypothéquèrent l'avenir des nations toute entières. Aujourd'hui encore, les ravages de l'ajustement structurel perdurent, et on n’a pas encore situé les responsabilités, les programmes de libéralisation et de privatisation tous azimut des différents services, y compris l'eau et l’électricité, continuent de faire des dégâts importants, notamment le blocage du processus d'industrialisation du pays, et on ne sait pas comment rattraper les choses.

Nos produits agricoles, en particulier le coton, continuent à être dévalorisés sur le marché mondial, malgré les règles de l'OMC qui théoriquement doivent réguler le commerce international et donner les mêmes chances à tous. Non seulement on ne se pose pas les bonnes questions sur ces différentes situations, mais aussi ce sont les vrais responsables de ces problèmes que sont les USA en grande partie, l'Europe dans une certaine mesure, et les institutions financières internationales (banque mondiale et FMI) qui continuent à nous maintenir dans une impuissance révoltante. Les négociations commerciales multilatérales sont devenues le théâtre de toutes les injustices et les OP pensent que ce n'est pas le moment de s'ouvrir plus sur des questions vitales comme la biosécurité, en acceptant le principe du brevet sur vivant, par l'introduction des OGM dans notre pays. Les USA, le plus gros exportateur de coton au monde est le pays qui subventionne le plus, et continue à torpiller le prix du coton sur le marché mondial, et comme solution au problème des pays pauvres cultivateurs de coton, propose de diversifier les économies et surtout de cultiver les OGM que vendent leurs multinationales.
Comble d'aberration, ils ont trouvé oreille attentive chez beaucoup de décideurs dans les pays pauvres producteurs de coton. En outre, les multinationales promotrices des OGM sont parvenues à créer une compétition factice entre le MALI et le Burkina Faso, deux pays parmi les plus pauvres du monde, pour la place de premier producteur de coton en Afrique (celui des deux qui ne ferait pas les OGM, en particulier le MALI perdrait sa place au profit du second qui a introduit les OGM). Comment comprendre qu'en payant des royalties aux multinationales, ces pays pauvres continueront à construire une économie nationale?

Pour aller toujours dans la logique des pressions sur les pays africains pour adopter les OGM, une rencontre soutenue par le gouvernement américain à travers l'USAID est prévue à Bamako en 2005. Soin est pris entre temps de faire l'amalgame entre biotechnologies et OGM brevetés par les multinationales. Dans le même temps, la Banque Mondiale reste reine sur les choix stratégiques du pays ; elle s'est faite championne de la lutte contre la pauvreté, mais elle continue à l'aggraver de plus belle ; pour preuve, les producteurs de coton du MALI ont négocié un prix avant semis de 210 F CFA le Kilo pour la campagne 2004 de coton, contre 200F CFA l'année dernière ; informée de cette situation, la Banque mondiale menace de couper les vivres à l'Etat malien, si ce prix n'est pas renégocié à
200FCFA.

Les OP affirment qu'elles ne sont plus prêtes à demeurer les dindons de la farce grossière du mal développement ; cependant la CNOP salue la décision responsable du gouvernement malien de surseoir à toute introduction d'OGM dans la précipitation, et de mettre un cadre de
biosécurité fiable en place.

La CNOP affirme qu'elle est consciente des pressions et des menaces des pays qui vendent les OGM sur un Etat africain pauvre et désarmé, et qu'elle soutiendra vigoureusement le gouvernement du MALI, tant que celui-ci posera des actes responsables et de haute portée qui
préservent les intérêts des masses laborieuses que sont les paysans.

Par souci de vigilance, la CNOP décide de faire appel à une expertise et une assistance juridique propre aux OP dans le cadre du processus d'élaboration et de mise en oeuvre du cadre national de biosécurité.

Bamako, le 20 Octobre 2004

Author: Ibrahima COULIBALY (Président de la CNOP)