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Atelier OGM au Burkina Faso - déclaration, samedi 13 - 16 avril 2004

by GRAIN | 15 Apr 2004

Atelier OGM au Burkina Faso - déclaration, samedi 13 - 16 avril 2004

Journées d'information et de sensibilisation sur la problématique des OGM et des droits des communautés locales au Burkina Faso

Déclaration liminaire à la conférence de presse du 16 avril 2004

Disponible en anglais ici

A lÂ’initiative de lÂ’INADES-Formation, du Cadre de Concertation en Agro-Ecologie et de la Fédération Nationale des Organisations Paysannes (FENOP) sÂ’est déroulé au Pacific Hotel, un atelier dÂ’information et de sensibilisation sur la problématique des Organismes Génétiquement Modifiés et les droits des communautés locales au Burkina Faso. LÂ’atelier a regroupé une quarantaine de participants issus des ONG, associations et organisations paysannes. Outre la participation des organisateurs, lÂ’atelier a bénéficié de lÂ’appui financier de GRAIN et dÂ’ACCORD. En préambule à cet atelier, une table ronde a été organisée à lÂ’Assemblée Nationale afin dÂ’informer les députés.

Cet atelier visait à informer et sensibiliser sur les enjeux des organismes génétiquement modifiés, organismes créés en laboratoire. Pour atteindre cet objectif, dÂ’éminentes personnalités spécialisées en génétique telles Dr. Robert Ali Brac de la Perrière (BEDE / InfÂ’OGM), Pr. Jeanne Zoundjihékpon (GRAIN Bénin), M. Soumayila Bance (Ministère de lÂ’Environnement et du Cadre de Vie), M. Bougnounou Ouétian (chercheur à la retraite), M. Jérémie Ouedraogo (INERA), M. Devlin Kuyek (GRAIN Canada), Mme Anne Chetaille (GRET), M. Christophe Noisette (InfÂ’OGM) et M. Souleyman Coulibaly (GIPD/FAO), ont été invitées à communiquer sur les points suivants :

  • les OGM, définition, avantages et risques,
  • La Convention sur la Bio-diversité et le Protocole de Cartagena,
  • les enjeux du vivant pour lÂ’agriculture burkinabé et africaine,
  • la loi modèle de lÂ’Union Africaine sur la biosécurité,
  • les expérimentations dÂ’OGM.
Les débats et échanges à lÂ’issu de ces communications ont été fort enrichissants. Les participants ont réellement compris les enjeux des OGM et se sont surtout interrogés sur les essais en champ dÂ’OGM au Burkina Faso.

En effet, le Burkina Faso est malheureusement le premier dÂ’Afrique de lÂ’Ouest à avoir autorisé en 2003 des essais en champ de coton transgénique appartenant aux firmes Monsanto (coton Bt) et Syngenta (coton VIP). Ces essais ne risquent-ils pas de sÂ’étendre aux autres pays de la sous-région et donc dÂ’être tristement exemplaires. Les participants sÂ’inquiètent du fait que cette introduction ait eu lieu sans que la population soit informée des conséquences des plantes transgéniques et sans cadre législatif préalable sur la biosécurité. Or, les OGM provoquent de part le monde un vaste débat et la question de leur innocuité tant environnementale que sanitaire est loin dÂ’être résolue.

Précisons cependant que cet essai ne signifie pas que le Burkina Faso a autorisé les cultures commerciales dÂ’OGM. Cette décision nÂ’est pas encore prise.

Heureusement, à lÂ’heure actuelle, des directives instaurant un cadre législatif de biosécurité sont dÂ’ores et déjà élaborées et en cours de validation par le gouvernement. Les participants souhaitent que la société civile participe activement à leur discussion et leur adoption.

Autres instruments juridiques qui a retenu lÂ’attention des participants, cÂ’est la ratification par le Burkina Faso de la Convention sur la Diversité Biologique en 1993 et du Protocole sur la Biosécurité, en 2003. Ces deux traités internationaux visent dÂ’une part à protéger les ressources biologiques et dÂ’autres part à prévenir les risques environnementaux et sanitaires liés au commerce des OGM. Précisons que ces textes - qui limitent le champ de la marchandisation des ressources génétiques - sont donc des contre pouvoirs à dÂ’autres traités, comme ceux de lÂ’OMC et de lÂ’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). En Afrique, lÂ’Accord de Bangui révisé sur la protection des obtentions végétales, ratifié par le Burkina en juin 2001, ne prend pas en compte les droits des agriculteurs et des communautés locales et impose un système de privatisation du vivant. Comment alors gérer ces contradictions entre dÂ’une part une logique de précaution et, dÂ’autre part, une logique libérale ? Ce sont là des questionnements que les participants se sont posés auxquels des réponses doivent être trouvées.

A propos de lÂ’expérimentation du coton Bt, les participants ont exprimé leur crainte concernant dÂ’une part les impacts socio-économiques et dÂ’autre part, les impacts environnementaux.

Concernant les impacts socio-économiques, notons que la variété expérimentée est une variété américaine et que le transgène Bt, inséré dans le coton testé, est breveté. En conséquence, même si ce transgène était inséré dans une variété burkinabé, les agriculteurs ne pourraient pas cultiver cette variété sans payer des royalties à la firme détentrice du brevet. La mésaventure de Percy Schmeiser, producteur canadien de colza et sélectionneur qui a vu son champ contaminé par le pollen transgénique de ces voisins, illustre lÂ’inquiétude des participants. Ce dernier, au lieu dÂ’être indemnisé pour cette contamination, a été attaqué devant la justice par la firme détentrice du brevet et condamné à payer des droits de propriété intellectuelle à Monsanto. Les brevets qui instaurent une stérilité juridique sont une arme pour mieux assujettir les paysans aux entreprises de lÂ’agro-chimie.

Quant à la question des rendements, un film, réalisé en Inde, montre que les agriculteurs ayant cultivé, pendant la campagne 2002, du coton transgénique Bt, produit par Monsanto (Bollgard) nÂ’ont pas été satisfaits : les variétés conventionnelles produiraient plus de capsules (95 capsules par plant pour les variétés conventionnelles et 50 pour les variétés Bt), les capsules des variétés conventionnelles seraient plus grosses, et, enfin, les variétés conventionnelles auraient aussi une meilleure qualité de coton fibre, ce qui leur confère un meilleur prix sur le marché. Le désarroi des agriculteurs indiens était complet dÂ’autant que le prix de semences transgéniques est plus élevé. GRAIN précise que le prix pour la variété de coton génétiquement modifié quÂ’on expérimente au Burkina Faso dépasse les 50 000 Francs CFA par hectare, tandis que actuellement les producteurs de coton de lÂ’Afrique de lÂ’Ouest dépensent en moyenne 37 000 Francs CFA pour les pesticides et les semences conventionnelles sont gratuites. Il paraît alors évident que le coton Bt ne permet pas de lutter contre la pauvreté.

De plus, quand bien même ce coton pourrait donner des résultats en matière de gestion des ravageurs et en dehors des risques, la question de lÂ’appropriation de la technique doit être posée. Le fait dÂ’expérimenter au Burkina du coton américain ne permet pas de réaliser de véritable transfert de la technologie de la transgénèse, complexe et coûteuse.

A propos des risques environnementaux, une crainte récurrente exprimée par les participants est la possibilité que le coton transgénique ne contamine les plantes apparentées, nombreuses dans cette région. Si les variétés locales ou sauvages acquièrent les gènes modifiés, elles pourraient devenir des "super mauvaises herbes", ingérables et envahissantes. Autre conséquence de cette pollution : la fin prévisible de lÂ’agriculture biologique, ce type dÂ’agriculture refusant catégoriquement lÂ’utilisation des OGM. Enfin, étant donné que les insectes et le vent nÂ’ont pas de frontière, la pollution génétique et les échanges de semences peuvent dépasser le cadre national et sÂ’étendre aux pays voisins, dÂ’où la nécessité et lÂ’urgence de mettre en place un cadre commun de biosécurité. La loi modèle de lÂ’Union Africaine peut aider à harmoniser les législations nationales. Les participants encouragent vivement les gouvernements à adopter cette loi modèle sur la biosécurité.

Les participants ont aussi tenu à préciser que la culture dÂ’une variété Bt, qui produit un insecticide, ne signifie pas que lÂ’agriculteur nÂ’utilisera plus dÂ’insecticide. Le coton Bt cible certains ravageurs, mais non pas tous.

Existe-t-il une alternative aux pesticides et au génie génétique ?

Les participants ont pris connaissance de méthodes agricoles différentes permettant de lutter contre les ravageurs de façon écologique notamment en utilisant la lutte intégrée, ... Parmi les autres solutions avancées, il a été proposé de revaloriser le patrimoine génétique et agricole propre à lÂ’Afrique de lÂ’Ouest. En effet, la faune et la flore africaine sont extrêmement riches et permettraient si la recherche publique sÂ’y intéressait, de lutter contre la malnutrition et assurer la sécurité alimentaire. Mais il a été rappelé que ce patrimoine est actuellement en voie de privatisation par des entreprises occidentales, comme en témoigne le cas de lÂ’Igname jaune (Dioscorea dumetorum) breveté par lÂ’entreprise Sharma Pharmaceuticals. Ce brevet (n°US 5019580) sÂ’applique à lÂ’utilisation de la dioscorétine pour le traitement du diabète. Comment créer des droits collectifs sur ce patrimoine ? Comment véritablement assurer le partage des bénéfices liés à son utilisation ?

Au final, les travaux ont débouché sur un plan dÂ’action. Les participants se sont engagés à informer un large public, par différents moyens (émission de radio, rédaction dÂ’articles, production de matériel pédagogique, etc...) ; à mener des actions de plaidoyer auprès des instances dirigeantes ; à contribuer à la construction dÂ’un réseau au niveau national et régional afin de mieux partager les expériences et lÂ’information ; à contribuer à promouvoir des technologies alternatives. Enfin, un groupe de réflexion a été créé (CCAE, FENOP, CPF, Ligue des Consommateurs, RECIP/ONG, association Mugnu) lequel travaillera avec Social Alerte Burkina qui a déjà engagé des actions de sensibilisation.

Au niveau politique, les participants appellent le Burkina à voter rapidement un moratoire sur lÂ’utilisation et la commercialisation des Orgamismes Génétiquement Modifiés afin de se donner le temps dÂ’informer le public et de mesurer tous les risques liés aux OGM.

Ouagadougou, vendredi 16 avril 2004 Les participants

Author: GRAIN