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Le moratoire du Bénin sur les OGM, deux ans déjà !

by GRAIN | 5 Mar 2004

Le moratoire du Bénin sur les OGM, deux ans déjà !

Le 06 mars 2002, le Conseil des Ministres a adopté un moratoire de 5 ans sur les importations, la commercialisation et la circulation des OGM. Le processus ayant conduit au moratoire est peu connu. Deux ans après cette décision historique, il y a lieu de se demander ce qui a été fait.

 

1. Rappel  : Description du processus ayant conduit au moratoire

1.1 Actions des ONG

Il est de notoriété publique que le Bénin et les pays d'Afrique francophone en général, associent très peu le public à leurs prises de décision. Or, dans le cadre de la mise en Âœuvre de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) et surtout du protocole de Cartagena, la société civile a un rôle important à jouer, notamment pour la diffusion de l'information et la sensibilisation du public. En effet, l'article 13 de la CDB et l'article 23 du Protocole de Cartagena sur la bio sécurité sont consacrés à l'éducation, la sensibilisation, la participation du public et la prise des décisions relatives à la gestion des risques liés à la biodiversité.

Après la ratification de la CDB par le Bénin en 1994, des ONG travaillant dans le domaine de la biodiversité ont progressivement pris l'habitude de travailler avec le MEHU pour la mise en Âœuvre de cette convention aux niveaux national, régional et international. En mars 1998, au cours de la réunion préparatoire des pays membres de la CEDEAO à la quatrième Conférence des Parties à la CBD (COP4), à Abidjan (Côte-d'Ivoire), les scientifiques, les ONG et les délégués gouvernementaux ont longuement débattu des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), et des risques qui y sont associés. L'une des recommandations de cette rencontre financée par l'Union Européenne était relative à la biosécurité en Afrique de l'Ouest. Les participants béninois à cette rencontre avaient pris l'engagement de poursuivre le débat au niveau national.

En juin 1999, à la suite de la réunion organisée par Misereor en Allemagne, deux participants Béninois ont décidé d'entreprendre des actions en vue d'informer les populations béninoises sur les risques liés aux OGM. Cette décision a été soutenue par l'atelier organisé en novembre de la même année par Agriculture Paysanne et Modernisation (APM) et BEDE au Cameroun.

Mais c'est en mai 2000, au cours du cinquième atelier international de Pesticides Action Network (PAN) qu'une demi-douzaine de participants béninois s'est engagée à être plus active, avec le programme ? Growing Diversity ? (Promouvoir la diversité biologique) et l'Organisation Béninoise pour la Promotion de l'Agriculture Biologique (OBEPAB). C'est alors que l'Organisation des Femmes pour la gestion de l'Environnement, de l'énergie, et la promotion du Développement Intégré (OFEDI), en collaboration avec le Projet « Promouvoir la diversité biologique », a organisé le 15 février 2001, la première conférence publique sur les OGM au Centre Culturel Français (CCF) de Cotonou. Cette rencontre fortement médiatisée a eu un large écho au sein des décideurs politiques, des scientifiques, des ONG et des Organisations Paysannes du Pays.

 

1.2 Actions du gouvernement

Le Ministère de l'Environnement, de l'Urbanisme et de l'Habitat, point focal de la biosécurité et de la Convention sur la diversité biologique, représente le gouvernement pour les questions relatives aux OGM au plan international. A ce titre, il participe aux négociations internationales relatives à la CBD et au protocole sur la biosécurité.

Mais force est de reconnaître qu'au plan national, les importateurs ou utilisateurs potentiels des OGM au Bénin ne dépendent pas de ce Ministère. Ils dépendent du Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche, du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, du Ministère chargé du Commerce et du Ministère de la Santé Publique. L'on se pose alors la question de savoir si les décisions prises au nom du Bénin au niveau international par le MEHU sont portées à la connaissance des responsables de ces différents Ministères ?

De son côté, le Ministère chargé de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche, suit les débats au plan international. Aussi, le Laboratoire de Défense des Cultures de l'Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB) intéressé par les OGM, a-t-il organisé les 03 et 04 septembre 2001, à Cotonou, un atelier national sur les risques liés à l'utilisation en agriculture d'organismes génétiquement modifiés. Notons que cette rencontre a été organisée conformément aux instructions du Conseil des Ministres en ses séances des 04 janvier et 11 juillet 2001, suite aux préoccupations relatives aux OGM portées à sa connaissance par le Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche.

Les participants à l'atelier étant divisés en deux camps diamétralement opposés, "pour les OGM ? et  ?contre les OGM " dans l'agriculture au Bénin, il est apparu clairement que l'atelier ne pouvait pas trancher. Tenant compte du fait que très peu d'informations circulent sur les OGM au Bénin, et que les risques liés à ces organismes sont mal connus et mal maîtrisés, la voix de la sagesse trouvée par l'atelier a été de recommander au gouvernement un moratoire de cinq (5) ans sur l'importation, la commercialisation et la circulation des OGM au Bénin. Ce laps de temps devrait être mis à profit pour combler les lacunes ci-dessus citées. C'est ainsi que le 06 mars 2002, le Conseil des Ministres a effectivement pris ses responsabilités en décrétant ce moratoire de 5 ans.

De ce fait, sur sa propre initiative, et sur proposition de ses services techniques, le Gouvernement a pris une décision historique relative à l'utilisation durable des ressources génétiques du Bénin, dans l'intérêt des agriculteurs et des communautés locales du pays.

 

2. Texte du Moratoire

Relevé des décisions administratives N° 10/SGG/REL, adoptées par le Conseil des Ministres en sa séance du mercredi 06 mars 2002, tenue sous la présidence de Monsieur Mathieu KEREKOU, Président de la République, Chef de l'Etat, Chef du Gouvernement.

Ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche

Communication N°321/02

Compte rendu de l'organisation à Cotonou, les 03 et 04 septembre 2001, de l'atelier national de réflexion et d'information sur les risques liés à l'utilisation en agriculture d'organismes génétiquement modifiés (OGM).

Approuvé avec recommandations .

Un moratoire de 05 (cinq) ans est décrété par le gouvernement sur l'importation, la commercialisation et toute utilisation de produits d'OGM ou dérivés au Bénin.

Il est demandé :

1. au Ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche :

•  de mettre sur pied un comité national de biosécurité en collaboration avec le Ministre de la Santé Publique, le Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et le Ministre de l'Environnement, de l'Habitat et de l'Urbanisme ;

•  en collaboration avec le Ministre de la Santé Publique, le Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, d'instruire les services compétents pour initier sans délais une enquête nationale sur la présence d'organisme génétiquement modifiés (OGM) et de produits OGM au Bénin ;

d'organiser des tables rondes télévisées et radiodiffusées et un battage médiatique soutenu devant permettre à l'opinion publique d'être largement informée sur les OGM et d'exiger l'étiquetage de produits pour renseigner les consommateurs sur leur teneur en produits OGM.

2. au Ministre de l'Environnement, de l'habitat et de l'Urbanisme et au Ministre chargé des Relations avec les Institutions, la Société Civile et les Béninois de l'Extérieur , de faire ratifier par l'Assemblée nationale le protocole de Carthagène, sur les risques biotechniques signé par le Bénin.

SGG/Lambert IDJIDINA POUR EXTRAIT CONFORME , Cotonou, le 29 avril 2002

3. Gestion actuelle du Moratoire

Il est curieux de constater que le gouvernement qui a décidé de décréter le moratoire de 5 ans a pendant 2 ans, fait très peu de choses pour le faire connaître comme l'indique le texte du moratoire. De plus, les chercheurs des Instituts Internationaux installés au Bénin, et les multinationales font semblant d'ignorer l'existence de ce moratoire. En dehors des conférences qu'ils organisent, ils font également pression sur les autorités politiques compétentes du pays pour qu'elles donnent leur accord pour l'introduction des OGM malgré l'existence du moratoire. Dans le cadre de la mise en Âœuvre du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique, l'Etat béninois (MEHU) a bénéficié du financement du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) pour "l'élaboration du plan d'actions pour la biosécurité au Bénin?. Malheureusement, très peu d'information circule sur ce projet.

Les ONG de leur côté, organisent des ateliers, des conférences et mènent des actions permettant de faire connaître les OGM, ainsi que le moratoire aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Mais, sans nul doute, une action continue ne peut être menée que grâce à une mobilisation permanente du public, des organisations paysannes, des communautés locales, et à une action citoyenne digne de ce nom, dans l'intérêt des générations actuelles et futures, avec des ONG et des associations de consommateurs engagées, pour une utilisation durable des ressources génétiques du Bénin et d'Afrique.

 

Author: GRAIN