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LES CULTURES GENETIQUEMENT MODIFIEES EN AFRIQUE&ET LEURS CONSEQUENCES POUR LES PETITS AGRICULTEURS

by GRAIN | 15 Feb 2003

Février 2003

LES CULTURES GENETIQUEMENT MODIFIEES EN AFRIQUE…ET LEURS CONSEQUENCES POUR LES PETITS AGRICULTEURS

Le génie génétique s'est très rapidement introduit dans le secteur agricole. En moins d'une dizaine d'années depuis l'introduction commerciale de la première variété génétiquement modifiée, plus de 50millions d'hectares ont été plantés en variétés génétiquement modifiées dans le monde. Ses partisans affirment qu'en transférant un gène d'un organisme à un autre, le génie génétique peut surmonter les contraintes inhérentes aux sélections traditionnelles de plantes. Ils soutiennent que les nouvelles variétés transgéniques réduiront le recours aux pesticides et augmenteront la sécurité alimentaire dans les pays en développement – une promesse que ces pays aspirent à voir se réaliser. Et l'idée que la ?nouvelle? économie mondiale s'établira à partir du génie génétique est largement répandue, affirmant que tout pays qui restera en marge perdra sa compétitivité dans l'avenir. Ces affirmations ont pesé sur les milieux politiques en Afrique. Dans une lettre au Président américain de l'époque, Bill Clinton, le président kenyan Daniel Arap Moi écrivait : « Alors que la Révolution verte a été un succès remarquable en Asie, elle a laissé l'Afrique de côté. Aujourd'hui, la communauté internationale est à la veille d'une révolution biotechnologique que l'Afrique ne peut pas se permettre de rater ».

La Révolution Verte, la Révolution génétique …ou la Révolution des agriculteurs ?

Face à l'enthousiasme suscité par le génie génétique, il y a peu de place pour une réflexion critique. Cette nouvelle technologie est-elle appropriée aux systèmes agricoles et quelles seront ses conséquences si elle est adoptée ? L'expérience d'autres pays montre que cette ouverture au génie génétique soulève un grand nombre de questions concernant la biosécurité et plus généralement les conséquences socio-économiques. Cela requiert l'acceptation des droits de propriété intellectuelle sur les organismes vivants, la privatisation de la recherche publique, et une recherche-développement coûteuse au détriment de l'innovation issue des savoirs paysans. Que signifiera ce changement pour l'Afrique et pour les petits agriculteurs en particulier ? Qui plus est, pourquoi la nouvelle ?révolution génétique? serait-elle plus efficace que la Révolution verte qui a échoué en Afrique ?

Malgré ces limites et les risques potentiels que les cultures génétiquement modifiées peuvent entraîner, le génie génétique gagne rapidement le continent sans se préoccuper des questions de biosécurité ni des processus démocratiques. Ce dossier s'interroge sur la question de savoir qui fait pression pour l'adoption de cette technologie et qui la demande, si les variétés GM sont sûres, et cherche à établir si le paysan africain en a vraiment besoin. Il présente plusieurs études de cas qui montrent quelques-unes des variétés transgéniques utilisées pour introduire cette nouvelle technologie en Afrique. Ces exemples démontrent que, outre le fait qu'elles apportent très peu aux paysans africains, elles menacent à long terme de miner les fragiles systèmes agricoles dont dépendent ces agriculteurs.

Ce sont les multinationales des pesticides qui sont à l'origine de la pression exercée pour l'introduction du génie génétique dans l'agriculture. Elles pensent que les cultures génétiquement manipulées résoudront certaines contraintes liées aux profits et ouvriront la porte à de nouveaux marchés dont ils espèrent tirer des profits considérables. Elles ont pour cela investi massivement dans les biotechnologies agricoles, achetant les compagnies de semences et assurant le contrôle sur la recherche-développement. La plupart des gouvernements et des institutions de recherche publique en Afrique ne se sont pas opposés à ces développements. Au contraire, ils sont devenus des alliés de cette industrie, la soutenant et souvent dirigeant le mouvement pour la commercialisation des cultures GM.


Le génie génétique risque d'accentuer les problèmes engendrés par la révolution verte

Les erreurs commises par la Révolution verte se répètent à nouveau. La Révolution verte et le génie génétique s'attachent à essayer de créer la combinaison parfaite des gènes. Le problème est que la plante « parfaite » nécessite des conditions parfaites pour être un succès : ce qui est absolument impossible à réaliser pour les petits agriculteurs africains pratiquant une agriculture soumise à des contraintes écologiques et socio-économiques énormes. Cette approche sera catastrophique pour les agriculteurs : elle apportera des ravageurs et des maladies, une chute des prix sur le marché, des récoltes défaillantes, et des conséquences sur l'environnement à cause de l'utilisation des pesticides, etc. De plus, elle détourne l'attention des problèmes plus fondamentaux auxquels ont à faire face les petits agriculteurs.

Au lieu de résoudre les problèmes engendrés par la Révolution verte, le génie génétique menace de les accentuer. Les risques générés par les OGM pour l'environnement et la santé sont mal compris, et ils sont particulièrement dangereux pour l'Afrique où il y a peu de moyens pour la recherche en santé publique et pour l'application des réglementations. Les agriculteurs en Afrique, comme tous les petits agriculteurs du monde, seront affectés plus directement par les conséquences quelles qu'elles soient. Les risques socio-économiques générés par les OGM sont également très lourds. Ils augmenteront la dépendance vis-à-vis des technologies extérieures, tiendront les agriculteurs africains à l'écart de la recherche-développement, et par conséquent, exacerberont les difficultés économiques et sociales qu'ils subissent déjà.

Les agriculteurs africains n'ont pas besoin de fausses promesses des OGM

Si les gouvernements veulent s'attaquer sérieusement aux besoins des petits agriculteurs, ils doivent s'occuper des autres questions : celles de la répartition des terres et des contraintes du marché, et celles des pratiques et des technologies abordables qui fonctionnent avec des moyens locaux, comme la gestion des sols et de l'eau, les stratégies de conservation de la biodiversité, et les cultures en association. Les agriculteurs africains sont compétents et disposent des savoirs nécessaires ; ils sont responsables de la plus grande partie de l'innovation qui a réussi en Afrique. Les faibles taux de productivité qui sont souvent cités lorsqu'on parle de l'agriculture africaine sont le résultat de la pauvreté, des mouvements de la population, de la guerre, du colonialisme, et des contraintes imposées par l'environnement. Les petits agriculteurs d'Afrique n'ont pas besoin de fausses promesses du génie génétique ; ils ont besoin de mesures concrètes qui s'attaquent aux racines de la pauvreté et leur permettront de pratiquer une agriculture à la mesure de leurs possibilités.

[Extrait du dossier de Devlin KUYEK (2002), portant le même titre. Vous pouvez consulter le dossier entier ici. La version papier est disponible, en anglais au siège (Barcelone, ESPAGNE), et en français à la Représentation en Afrique francophone (Cotonou, BENIN).]


Référence pour cet article : GRAIN, 2003, Semences de la biodiversité No.12, février 2003

Lien sur internet : www.grain.org/fr/publications/note-12-fr.cfm

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Author: GRAIN
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