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Declaration de la Vallée des Mille Collines

by GRAIN | 5 Apr 2002

Note d'information

Avril 2002

GRAIN

en PDF et MS Word


DECLARATION DE LA VALLEE DES MILLE COLLINES

 Du 1er au 8 mars 2002, les ONG Seed Trust, The Valley Trust et Biowatch dÂ’Afrique du Sud, ont organisé avec lÂ’Institut de Développement Durable (Ethiopie), GAIA et GRAIN (ONG Internationales), un atelier africain regroupant les pays dÂ’Afrique orientale et australe, quelques pays dÂ’autres régions dÂ’Afrique, dÂ’Europe, dÂ’Asie et dÂ’Amérique. Les participants venaient pour la plupart des ONG et de quelques structures étatiques impliquées dans des activités agricoles, relatives aux droits des communautés locales. Cette rencontre visait trois objectifs :

  • avoir une compréhension commune des opportunités et défis relatifs aux droits des communautés locales en Afrique,
  • développer une stratégie commune pour le respect des droits des communautés locales à tous les niveaux, local, national, sous-régional et régional,
  • développer une stratégie pour aborder les facteurs qui portent préjudice à ces droits.

A la fin de la rencontre, la déclaration suivante a été adoptée :

 

Nous, participants à la conférence sur les droits des communautés locales, tenue du 1er au 8 mars 2002 à la Valley Trust 1000 Hills (Vallée des mille collines), Kwa Zulu Natal (Afrique du Sud), venus dÂ’Afrique, dÂ’Asie, dÂ’Amérique latine, dÂ’Amérique du Nord et dÂ’Europe, après avoir discuté des droits des communautés locales, déclarons que :  

  1.  Les Etres humains font partie intégrante de la communauté du vivant. Le bien-être de lÂ’Homme provient de la santé de cette communauté dont il est aussi tributaire. Par conséquent, nous devons veiller à ce que lÂ’action humaine ne détruise pas le tissu de relations mutuellement valorisantes qui fondent la communauté terrestre.
  2. LÂ’espèce humaine étant sociale, lÂ’Homme ne peut vivre en solitaire. Nous pensons donc que les communautés locales jouent un rôle capital dans la survie de lÂ’espèce humaine, et quÂ’elles créent et utilisent les connaissances en partenariat avec dÂ’autres formes de vie, dans le but de satisfaire les besoins fondamentaux de la société à savoir, se nourrir, se soigner, se vêtir et se loger.
  3. Le système industriel nous a aliéné du reste de la communauté terrestre et, de plus en plus, privatise les ressources biologiques, foncières et hydriques. Du fait de cette privatisation, les communautés rurales ainsi que leur base de ressources naturelles subissent la destruction.
  4. Nombreuses sont les communautés locales qui ont maintenu une relation intime avec les écosystèmes dont elles dépendent, et qui sont en liaison intemporelle avec toute forme de vie. Alors, il convient que la communauté locale soit le meilleur gestionnaire de la terre, de lÂ’eau et de la biodiversité. La privatisation et le soi-disant libre échange  détruisent cette liaison. En laissant libre cours à la destruction de nos communautés locales, nous vouons dÂ’autres organismes vivants à une extinction rapide et appauvrissons davantage les communautés locales.
  5. Le plus puissant outil de destruction réside dans la protection par un brevet de lÂ’organisme vivant. La Convention sur la Diversité Biologique reconnaît les droits des communautés locales et leur rôle dans la création de la biodiversité agricole, à partir de la biodiversité sauvage. Pourtant, des sociétés font breveter des organismes vivants et, de plus en plus, contrôlent les systèmes de production agricoles. Nous condamnons cet acte comme une violence perpétrée, aussi bien contre les Etres humains quÂ’à lÂ’encontre dÂ’autres organismes vivants.
  6. Les droits des communautés locales sont sous la menace de la manipulation génétique des cultures, une technique dangereuse liée au contrôle exercé par les entreprises et à la dépendance des intrants extérieurs, et qui fragilise les systèmes agricoles régénérateurs ainsi que lÂ’utilisation durable de la biodiversité.
  7. Le Monde a adopté les dispositions du Protocole de Carthagène sur la biosécurité et le principe de précaution. Le génie génétique engendre des effets néfastes. Aussi, exprimons-nous notre préoccupation face à la pollution de notre alimentation et de lÂ’agriculture par cette technologie, et par la manière dont lÂ’industrie de la biotechnologie poursuit fatalement ses intérêts au détriment du bien public. Au Mexique, cette situation conduisit à un aventurisme désastreux : la diversité très précieuse de maïs, fruit de milliers dÂ’années dÂ’efforts déployés par les communautés locales, fut polluée par des gènes produits de façon accidentelle par le maïs génétiquement manipulé dont une partie fut même rejetée pour la consommation humaine. La base alimentaire des communautés mondiales doit être protégée contre un tel aventurisme.  Nous lançons un appel à tous les Etats afin quÂ’ils fournissent cette protection.
  8. Les communautés locales ont le droit inaliénable et la responsabilité dÂ’entretenir, de gérer, dÂ’échanger et dÂ’améliorer davantage la biodiversité, fondement même de leurs moyens dÂ’existence, et ce dans leur avantage propre et au profit des écosystèmes et des générations à venir. Telle est la base des droits communautaires qui ne saurait dépendre de tout autre droit, ni de toute autre responsabilité ; elle englobe le droit à la vie, la nourriture, la terre, lÂ’eau, un environnement sain et une source de revenus décente.
  9. Les droits des communautés sur la biodiversité et les connaissances locales sont de nature collective et ne peuvent donc être privatisés ou personnalisés. Les systèmes actuels des droits de propriété intellectuelle appliqués à la biodiversité et aux connaissances traditionnelles sont privés et monopolistes, donc incompatibles avec les droits communautaires.
  10. Dans ce contexte, la démarche de lÂ’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) visant à mettre au point des mécanismes pour la protection des connaissances traditionnelles est hautement inadaptée. LÂ’OMPI devrait plutôt sÂ’employer à juguler la bio-piraterie générée par les brevets sur la biodiversité, et non à définir les droits des communautés, tâche qui devrait revenir aux communautés elles-mêmes.
  11. LÂ’accès à lÂ’eau est un droit naturel et fondamental qui ne doit être considéré comme une denrée à commercialiser pour des profits. Les populations doivent bénéficier du droit à la liberté de la soif et avoir un accès suffisant à lÂ’eau potable pour satisfaire leurs besoins.
  12. Nous lançons un appel à la communauté mondiale afin quÂ’elle exhorte les gouvernements à reconnaître les droits des communautés à la terre, lÂ’eau et la biodiversité, à leur offrir une protection générale et à initier pour celle-ci, des cadres tenus par la loi.
  13. Au fil des millénaires, les communautés ont développé des pratiques durables de collecte, de production et de partage de la nourriture, sur la base de la coopération et du partenariat, afin de satisfaire leurs besoins alimentaires. LÂ’élan actuel en faveur de la privatisation des systèmes de production et de distribution alimentaires est une menace à la coopération au sein des communautés, compromet leur aptitude à satisfaire leurs besoins alimentaires par des moyens culturellement appropriés et équitables et ainsi, détruit leur droit souverain à la sécurité alimentaire.
  14. La législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et pour des règles dÂ’accès aux ressources biologiques, adoptée par le Sommet des Chefs dÂ’Etats et de Gouvernement de lÂ’OUA tenu en mai 1998 à Ouagadougou, fut lÂ’objet dÂ’une nouvelle adoption au Sommet de Lusaka en juillet 2001. Elle représente la position africaine sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs  et pour les règles dÂ’accès aux ressources biologiques.  Nous approuvons  cette position et lançons un vibrant appel à tous les Gouvernements africains, afin quÂ’ils prennent des mesures pour la mise en Âœuvre de cette législation au niveau national.
  15. En conséquence, nous exhortons la communauté internationale, dans son ensemble, à soutenir la mise en Âœuvre de la  législation modèle africaine pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs et pour des règles dÂ’accès aux ressources biologiques, et à sÂ’abstenir de toute activité ou politique de nature à compromettre, directement ou indirectement, son adoption et sa mise en Âœuvre par les pays africains.

 

Fait le 7 mars 2002.

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GRAIN - Action Internationale pour les Ressources Génétiques

en Afrique Francophone

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Author: GRAIN
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